CONCLUSION

En ne faisant référence qu'à la mystique d'une famille légitime, avec des seules filiations légitimes, des mariages indissolubles, des femmes soumises à leur mari et des mères inféodées aux pères, notre droit civil avait adopté des principes et édicté des règles appropriées. Or, on observe dans l'histoire des familles de profondes ruptures par rapport aux situations que le code civil régissait. Les bouleversements induits par les modes de vie d'aujourd'hui, changements de vie, de pays, de profession, de rythmes et de moeurs, abandon des traditions et souvent absence de culture commune avec le partenaire -on n'ose dire le conjoint- font que les familles -ou ce qu'il en reste- sont de moins en moins le lieu de transmission d'une culture. Faute d'en avoir le goût, les moyens, voire le désir, nos contemporains ignorent de plus en plus fréquemment leurs origines, les lieux d'établissement de leurs ancêtres quand ce n'est pas le nom de leurs grands-parents ou arrière-grands-parents.

Dès lors que la situation des personnes s'éloigne de plus en plus de ces schémas -qu'on le regrette ou non- il revient au législateur d'adopter de nouvelles dispositions qui permettent à nos contemporains de vivre en conformité avec leurs pratiques et leurs aspirations. L'attribution du nom comme d'autres régimes juridiques ne saurait valablement rester en dehors de cette évolution. C'est pourquoi son rapporteur a invité la Délégation à suggérer d'adopter la présente proposition de loi au bénéfice de certaines recommandations, dont la nécessité lui est apparue à la suite des auditions auxquelles il a procédé ou auxquelles il a assisté à la commission des Lois, le 20 juin 2001.

La première de ces recommandations concerne le mode de transmission de droit commun et incline pour un régime inspiré du mode de dévolution du nom actuellement en vigueur en Espagne, à savoir la transmission automatique du nom du père et de la mère. Toutefois, si des parents, pour des raisons qui leurs sont propres -et sans qu'ils aient à justifier leur choix- souhaitent ne transmettre qu'un nom -celui de la mère ou celui du père- ils devront alors faire une déclaration ad hoc auprès des services de l'état civil.

La deuxième concerne l'égalité de traitement entre les enfants naturels et les enfants légitimes. Pour que les règles de dévolution soient rigoureusement les mêmes, il convient de prévoir qu'en cas de reconnaissance ultérieure, un enfant mineur puisse accoler le nom de son deuxième parent à côté de celui qu'il a reçu en premier.

La troisième est relative au règlement des conflits pouvant survenir à la deuxième génération. La loi devra organiser un mode de règlement entre les familles, par exemple le choix de l'ordre alphabétique ou la transmission des seuls premiers noms.

La quatrième concerne le maintien des effets et de l'option de la loi du 23 décembre 1985 qui permet de choisir un nom d'usage à côté de celui qui a été transmis par les parents selon le régime actuel. Cette faculté ouverte, il y a plus de quinze ans, doit pouvoir rester à la disposition des personnes dans l'esprit d'une plus grande liberté  et d'une certaine souplesse dans le régime de port des noms.

La cinquième s'attache à préconiser une réforme du régime des changements de nom. Actuellement, la procédure est particulièrement lourde puisqu'elle suppose l'examen puis la prise d'un décret par le Conseil d'Etat. En outre, les requérants doivent soumettre à l'appui de leur demande des motifs -nom ridicule ou infamant, nom à consonance étrangère- soumis à l'appréciation discrétionnaire du juge. Dès lors que le principe de l'indisponibilité du nom n'est plus en vigueur, il convient de revoir le régime de changement de nom dans un sens plus libéral. Un allègement des procédures, par exemple une demande adressée au Procureur de la République par l'intermédiaire du service de l'état civil dans un cadre juridique défini concernant les motifs, constituerait une avancée certaine des libertés individuelles.

L'ultime recommandation tient dans la modification de l'intitulé de la proposition de loi en substituant le « nom de famille » à celui de « nom patronymique, » par trop connoté et emblématique d'une référence philologique de dévolution unilatéralement masculine du nom.

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