c) Un bilan nuancé de notre action

L'évaluation de notre politique de coopération avec Madagascar inspire à vos rapporteurs cinq observations principales :

• Premier constat : une mise en oeuvre satisfaisante de la réforme de la coopération même si les limites de cette dernière se manifestent sur le terrain.

La mise en oeuvre de la réforme de la coopération, dans ses aspects institutionnels, a été conduite de manière satisfaisante à Madagascar. Le service de coopération et d'action culturelle aujourd'hui dirigé par un haut fonctionnaire issu de l'ancien secrétariat d'Etat à la coopération avait été confié précédemment à une diplomate dont l'action a recueilli les suffrages des assistants techniques. Il n'en reste pas moins que la politique d'aide au développement menée par la France sur la Grande île soulève certaines interrogations -écho, à l'échelon local des difficultés plus générales présentées par la réforme.

En premier lieu, les priorités de notre coopération n'apparaissent pas clairement.

Par ailleurs, l'assistance technique s'interroge sur son avenir. Malgré une forte implication dans les missions dont ils sont investis, les coopérants rencontrés sur place ont fait état d'un malaise certain lié à une reconnaissance insuffisante des actions menées sur le terrain de la part de l'administration centrale et aux incertitudes profondes sur le déroulement de leur carrière. Malgré la grande diversité de leur formation et des tâches qui leur sont confiées, nombre d'entre eux se sentent beaucoup plus proches, par leur culture comme par leur expérience professionnelle de leurs collègues de l'AFD que des diplomates. Beaucoup jugent également que l'Agence, par sa souplesse de gestion comme par les perspectives de carrière qu'elle offre, constituerait un cadre de rattachement plus approprié que le Quai d'Orsay.

Enfin, la cohérence entre les nouvelles orientations de la réforme et les moyens financiers nécessaires apparaît souvent problématique : ainsi la prise en charge par l'AFD des infrastructures dans les domaines de la santé et de l'éducation ne s'est accompagnée d'aucune dotation supplémentaire.

• Deuxième constat : des progrès réels pour mieux articuler l'action des différents bailleurs de fonds, mais un lien encore insuffisant entre la coopération française et les investisseurs privés.

Vos rapporteurs ont pu observer en général un véritable effort pour mieux coordonner l'action des bailleurs de fonds internationaux même s'il subsiste certaines différences d'approche. La proximité entre la délégation de l'Union européenne et l'assistance technique française mérite à cet égard d'être soulignée. Il doit plus cependant à la qualité des liens personnels qu'à la mise en oeuvre d'un cadre formel de concertation. A ce titre, il n'est pas sans présenter certaines fragilités.

Vos rapporteurs ont pu en revanche relever que les liens entre la coopération et les investisseurs français devaient encore se développer. Nos entreprises représentent en effet un puissant relais pour le développement de Madagascar. Sans doute apparaît-il nécessaire de mieux conjuguer les forces de l'action publique et du secteur privé. La préparation de la Commission mixte a d'ailleurs permis d'associer les opérateurs privés français à l'élaboration des orientations de la coopération française à Madagascar mais cette orientation doit se poursuivre dans la durée. Le déplacement de notre délégation a d'ailleurs été l'occasion à plusieurs reprises -et notamment à Tamatave- d'un dialogue entre investisseurs et assistants techniques qui a permis de dissiper certains malentendus de part et d'autre. Il serait opportun de poser les bases d'une concertation permanente.

• Troisième constat : assurer une plus forte visibilité à l'aide française.

Les interventions de la coopération française apparaissent trop peu valorisées. Quant aux opérations conjointes, la part souvent déterminante qu'y a pris la France n'apparaît que très rarement. Cette faible visibilité, vos rapporteurs ont pu le constater, contraste avec la publicité dont l'Union européenne sait entourer une opération. Si l'identification de la participation française dans une opération multilatérale peut soulever quelques difficultés, une meilleure reconnaissance des projets bilatéraux devrait être plus systématiquement recherchée.

Quatrième constat : un mode d'action en mutation.

Les différents projets visités par vos rapporteurs présentent plusieurs caractères communs : ce ne sont pas des réalisations spectaculaires mais des opérations très proches du terrain, conduites dans la durée, dont les résultats ne seront perceptibles que progressivement. La page des « éléphants blancs » -ces grandes infrastructures dont les coûts de fonctionnement apparaissent rapidement prohibitifs- paraît donc tournée. Laissant le financement des grandes infrastructures telles que la construction de routes aux bailleurs de fonds dotés d'importants moyens comme l'Union européenne, la coopération française cherche à privilégier les actions de long terme au plus près des besoins des populations. Cette évolution, qui tire les leçons de plusieurs décennies de coopération, s'appuie sur une meilleure connaissance des obstacles au développement. Elle ouvre une nouvelle voie pour notre coopération qui mérite d'être encouragée. Moins spectaculaire dans ses réalisations, elle n'en reste pas moins exigeante par l'encadrement humain qu'elle requiert et la constance dans l'effort qu'elle exige. Maintien de la présence humaine et continuité de la mobilisation financière apparaissent ainsi comme la double priorité d'une coopération rénovée.

La réflexion sur les nouvelles modalités d'aide devrait du reste être engagée à l'échelle de l'ensemble des bailleurs. Aujourd'hui, les capacités de gestion de l'aide internationale par les autorités malgaches paraissent en voie de saturation . L'annulation de la dette dans le cadre de l'initiative PPTE et les nouvelles conditionnalités prises par la communauté internationale -transfert des économies dégagées par les annulations de dette sur les dépenses sociales- ne peuvent qu'aiguiser ces difficultés.

Par ailleurs, au regard des montants mis en oeuvre, le bilan de l'aide apparaît pour le moins insuffisant. Il est donc indispensable de s'interroger sur les conditions de mieux dépenser les moyens disponibles. Il semble que le chantier d'une aide rénovée n'en soit encore qu'aux prémices. Notre pays, par la part qu'il a prise dans l'aide et l'évolution qu'il a su lui imprimer, a un rôle essentiel à jouer dans cette prise de conscience internationale.

• Cinquième constat : les risques d'un partenariat exclusif.

Les interlocuteurs malgaches de votre délégation ont confirmé au plus haut niveau, leur satisfaction dans la coopération française. Parmi les partenaires de la Grande île, notre pays est celui qui a apporté le soutien le plus fort et le plus fidèle. Les Malgaches en sont conscients et nous en savent gré. Ils ne s'illusionnent guère sur les quelques ouvertures américaines dont la portée apparaît jusqu'à présent limitée. Le tête à tête n'est toutefois pas sans présenter certains risques : les difficultés du dialogue sont rapidement mises au débit de l'ancienne puissance coloniale. Par ailleurs, les difficultés économiques auxquelles Madagascar se trouve en prise dépassent les capacités d'action de la France. Aussi notre pays, également conscient des limites de ses moyens financiers, a-t-il mieux pris la mesure de l'intérêt d'impliquer davantage d'autres pays dans l'aide au développement à Madagascar. Moins exclusif, le dialogue peut reposer sur des bases sans doute plus sereines. Telle est sans doute l'une des conditions de la rénovation d'une relation encore marquée par la logique de l'assistanat.

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