III. QUELS MOYENS POUR UNE NOUVELLE AMBITION ?

Les nouvelles ambitions dans le domaine de l'aide au développement peuvent-elles s'appuyer sur des moyens adaptés ? Telle est, sans doute, l'une des principales interrogations soulevées par la réforme.

La politique de coopération repose traditionnellement sur différents instruments financiers mis en oeuvre par l'ancien secrétariat d'Etat à la coopération, le ministère de l'économie et des finances et l'Agence française de développement mais aussi, et c'est là un trait propre à la France, sur une importante assistance technique humaine. Les premiers ont été rénovés mais les moyens financiers globaux consacrés à l'aide au développement enregistrent une baisse indéniable depuis plusieurs années ; la seconde a singulièrement été, dans un premier temps du moins, largement ignorée par la réforme.

A. LE DÉCLIN DE L'EFFORT EN FAVEUR DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT MALGRÉ LA RÉNOVATION DES INSTRUMENTS FINANCIERS

1. La contraction des moyens financiers consacrés par la France à l'aide au développement

L'aide publique au développement, au sens où la définit l'OCDE, correspond aux fonds des organismes publics, y compris les collectivités locales ou régionales, versés aux pays et territoires figurant sur une liste établie par le Comité d'aide au développement. Elle a vocation à favoriser le développement économique et améliorer les conditions de vie, et à des conditions financières libérales (dans le cas des prêts, l'élément don doit être d'au moins 25 %).

Evolution de l'aide publique au développement 1990-2000

(versements nets en millions de francs) TOM inclus

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Versements

39 178

41 660

43 788

44 818

47 004

42 139

38 119

36 808

33 872

35 257

29 390

31 343

32 755

% du PNB

0,60

0,62

0,63

0,63

0,64

0,55

0,48

0,45

0,40

0,38

0,31

0,33

0,34

(Source : Direction duTrésor)

Deux constats s'imposent :

En premier lieu, la France demeure encore l'un des principaux bailleurs de fonds ; son aide en valeur absolue la classait au troisième rang des 22 pays membres du CAD et en valeur relative -rapportée au PNB- au 1 er rang des pays du G7.

Cependant -et c'est le deuxième constat- la contribution de notre pays n'a cessé de se réduire au cours de la dernière décennie, au risque de mettre fin à l' « exception française ». Ainsi, de 1993 à 1999, l'aide publique a perdu 13 milliards de francs en prix courant, soit une réduction de 40 % en prix constant. Après avoir représenté à son point le plus élevé 0,64 % du PIB en 1994 -il s'agissait alors, il est vrai, d'un pic exceptionnel, correspondant aux mesures financières apportées en contrepartie de la dévaluation-, l'aide française a atteint son niveau le plus bas en 1999 à 0,38 %. Elle a amorcé depuis lors un léger redressement . Quoi qu'il en soit, la France apparaît désormais très éloignée de l'objectif « idéal » souvent réitéré dans les enceintes internationales de consacrer 0,7 % du PNB à l'aide publique au développement 4 ( * ) .

Parallèlement, la composition de l'aide s'est profondément modifiée : l' aide-projet tend désormais à présenter un caractère résiduel, alors que l' aide macroéconomique sous forme d'allégement de la dette et d'appui à l'ajustement structurel occupe une part prépondérante. Cette tendance s'accusera encore en raison de la mise en oeuvre du renforcement de l'initiative « pays pauvres très endettés » (PPTE). Notre pays est, en effet, avec le Japon, l'un des deux plus importants créanciers de l'ensemble des pays éligibles à l'initiative PPTE (en raison notamment du poids de ses créances sur la Côte d'Ivoire et le Cameroun).

Lancée au sommet du G7 de Lyon en 1996, l'initiative « pays pauvres très endettés » a pour objectif de rétablir la solvabilité des pays bénéficiaires en annulant, par des mesures exceptionnelles, la part de la dette extérieure dépassant un niveau considéré comme « soutenable » au regard de leurs perspectives de croissance économique. En juin 2001, 23 pays avaient atteint le « point de décision » qui permet de bénéficier d'allégements intérimaires du service de la dette.

Une triple préoccupation doit être rappelée :

- d'une part, comme les bailleurs de fonds s'y sont engagés, l'effort consenti en matière de dette ne doit pas avoir pour contrepartie une réduction de l'aide-projet ; ce principe d' « additionnalité » vaut en particulier pour notre pays dont l'effort au titre des allégements et annulations de dette dépasse 10 milliards d'euros.

- D'autre part, les ressources dégagées par les allégements de dette doivent, conformément aux conditions fixées par les créanciers, financer des dépenses de caractère social . L'affectation de ces ressources devra faire l'objet d'un contrôle approfondi de la part des bailleurs. Les procédures d'annulation devraient en particulier avoir pour condition l'engagement des Eats bénéficiaires de garantir le versement des prestations sociales -en particulier les retraites- à leurs ressortissants mais aussi à nos compatriotes qui ont régulièrement cotisé.

- Enfin, si le principe de nouveaux prêts, même concessionnels, était exclu pour les pays bénéficiant de mesures d'allégement de dettes, les flux financiers en direction de certains pays -Côte d'Ivoire, Cameroun, Congo...- bénéficiaires traditionnels de prêts souverains risqueraient de se tarir.

* 4 Cet objectif figurait pour la première fois dans la résolution 2026 de l'Assemblée générale des Nations Unies du 24 décembre 1970 sur la stratégie internationale pour le développement.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page