2. Une Europe dont la dépendance a été sous-estimée

a) Une interdépendance qui dépasse les relations commerciales

La croissance américaine a, certes, profité à ce pays, mais elle a également dynamisé la croissance mondiale.

Son impact a été variable chez les pays tiers ; très fort sur les pays émergents d'Asie et d'Amérique, il a été également significatif pour les pays européens.

Pourtant, sur le fondement de la polarisation des échanges commerciaux des économies européennes sur l'Europe même, et de leur relative fermeture à l'égard du reste du monde, certains ont pu faire état d'une forme de « benign neglect » de l'Europe envers les évolutions des économies extérieures.

Ainsi, l'impact d'un ralentissement de la croissance américaine atteignant 1 point de PIB a-t-il pu être estimé à seulement 0,25 point de PIB en moins pour l'économie européenne.

Ces estimations suscitent chez votre rapporteur un certain scepticisme. Elles lui paraissent sous-estimer les effets de la globalisation économique.

Il faut d'abord relever qu'elles ne semblent pas en parfaite cohérence avec des estimations plus récentes, réalisées à l'occasion du ralentissement actuel de l'économie américaine. Ainsi, le rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 2002 table sur un impact plus élevé. Un repli de 0,6 point du PIB américain s'y traduit par une croissance européenne amputée de 0,35 point de PIB.

En outre, ces évaluations sont basées sur des enchaînements exclusivement commerciaux qui sont, dans un monde de plus en plus interdépendant, loin de rendre compte de l'imbrication des économies entre elles.

Une composante de l'économie contemporaine apparaît essentielle à votre rapporteur. L'accumulation des déficits extérieurs américains au cours des années 90 a eu pour contrepartie celle des créances du reste du monde sur l'économie américaine.

1. En milliards de dollars.

Dans ces conditions, il est naturel que les créanciers des Etats-Unis soient particulièrement attentifs à l'évolution de la valeur de leurs actifs. Toute perspective de dévalorisation de ces actifs engendre naturellement des modifications de comportements économiques, allant bien au-delà de ce que la considération des seuls échanges commerciaux laisserait supposer.

b) Une Europe suspendue aux décisions américaines de politique économique

L'un des enseignements majeurs de la période en cours est qu'alors que les Etats-Unis sont en mesure de mettre en oeuvre une riposte économique à l'affaiblissement de la croissance (sans préjuger de ses effets), tel n'est pas le cas en Europe.

Tout se passe comme si l'Europe était suspendue à l'efficacité des politiques économiques décidées aux Etats-Unis.

Votre rapporteur attribue cette situation à deux causes principales.

Sur le front de la politique budgétaire, les marges de manoeuvre des gouvernements européens sont faibles.

Sans doute est-il exact que le solde des administrations publiques s'est amélioré dans la zone euro. Il est passé de - 4,9 points à - 0,3 point de PIB entre 1992 et 2000. Toutefois, deux considérations permettent de prendre la mesure de cette performance. Il faut d'abord souligner combien ce redressement des comptes publics a été moins net qu'aux Etats-Unis. Ceux-ci sont passés d'un déficit de 5,9 points de PIB en 1992 à un excédent de 2,2 points huit ans plus tard. La zone euro a amélioré ses comptes publics deux fois moins que les Etats-Unis .

En outre, l'amélioration des comptes publics dans la zone euro a été extrêmement dispersée . Certains « petits pays » se sont considérablement relevés. Mais, les grandes économies de la zone, l'Allemagne et, malheureusement, la France, ont insuffisamment rétabli leurs comptes. Or, ce sont ces pays qui, le cas échéant, pourraient avoir un effet d'entraînement s'ils étaient en état de conduire des politiques budgétaires contracycliques.

Votre rapporteur en conclut que les deux « poids lourds » économiques de la zone euro, l'Allemagne et la France, n'ont pas fait preuve d'une responsabilité suffisante qui, dans la phase d'expansion récente, aurait dû les conduire à mieux préparer l'avenir.

Sur le front de la politique monétaire , si votre rapporteur est de ceux qui estiment que les « politiques » doivent s'efforcer d'une certaine retenue dans leurs commentaires sur les orientations de la Banque centrale européenne (BCE), force est de constater que celle-ci est, dans la période en cours, intervenue moins massivement que la Fed américaine et avec retard.

A ce stade, votre rapporteur n'en tire pas d'autre conclusion que celle d'un constat d'une fonction de réaction de la BCE moins capable, à tort ou à raison, d'assouplir, de son propre mouvement, les conditions monétaires que son « homologue » américaine .

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