AUDITIONS

AUDITIONS PUBLIQUES

DE LA COMMISSION DES LOIS DU SÉNAT

SUR LA JURISPRUDENCE « PERRUCHE »

MARDI 18 DÉCEMBRE 2001

Présidence de M. René Garrec,
président de la commission des Lois

M. René GARREC, président de la commission des Lois - Mesdames et messieurs, chers collègues, la commission des Lois a pris l'initiative de ces auditions à propos de la jurisprudence Perruche avec la volonté de mieux en évaluer les conséquences et de réfléchir à une éventuelle intervention législative. Le problème est extrêmement compliqué et nous nous posons tous de très nombreuses questions.

Je remercie donc les intervenants d'être présents pour nous éclairer en la matière.

Le débat du 13 décembre à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi Mattéi a montré la difficulté d'une telle intervention. Le Gouvernement, qui en est manifestement conscient, a semblé considérer que le projet de loi sur les droits des malades pourrait en être l'occasion. Son examen par le Sénat est prévue le 22 Janvier prochain.

En ce qui concerne la commission des lois, le rapporteur pour avis sur les droits des malades est le sénateur Pierre Fauchon. En effet, contrairement aux propositions de lois sur la jurisprudence Perruche, renvoyées au fond à la commission des Lois, ce projet relève de la compétence au fond de la commission des affaires sociales. Je me réjouis particulièrement de la voir bien représentée aujourd'hui, notamment par son président, M. Nicolas About, que j'ai plaisir à saluer, et par l'un de ses rapporteurs M. Francis Giraud venu en réponse à l'invitation que nous avons lancée à l'ensemble des commissions.

Je voudrais également remercier tous nos collègues qui sont autour de cette table et, dans la salle, tous ceux qui sont venus montrer l'importance qu'ils attachent à ces questions.

Les auditions que nous tenons aujourd'hui devraient, sans prétendre à l'exhaustivité, nous permettre de bien prendre conscience des difficultés rencontrées par les handicapés, leurs familles, les médecins et les magistrats qui ont à trancher.

Nous entendrons des avis divergents sur un problème qu'il est difficile d'appréhender sans passion et sur lequel il s'agit pourtant de tenir des propos respectueux de chacun.

Nous commencerons avec deux professeurs de droit, puis nous entendrons l'avocat général à la Cour de cassation ayant requis dans l'affaire Perruche, les magistrats du siège ayant préféré ne pas commenter leur décision-sagesse judiciaire que nous respectons.

Nous poursuivrons avec trois associations représentant les handicapés et leurs familles.

Enfin, nous conclurons avec un professeur de médecine, président du Comité consultatif national d'éthique.

La parole est à Mme Labrusse-Riou pour un bref exposé d'une dizaine de minutes afin de permettre aux membres présents de poser leurs questions à Mme le professeur.

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU,

professeur de droit privé à l'Université de Paris I

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Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - Je vous remercie de l'honneur que vous me faites en m'invitant à exposer une question aussi délicate. J'ai rarement rencontré à propos de questions juridiques dont les enjeux dépassent la seule technique juridique, un problème aussi difficile sur tous les plans : technique, théorique et pratique. Toujours est-il que la jurisprudence -que j'appellerai NP pour Nicolas Perruche ou X- qui a donné lieu à plusieurs arrêts de la Cour de cassation divise profondément les juristes, et au-delà, le corps social. Ceux qui approuvent cette jurisprudence ne sont pas directement concernés par l'éventualité d'interventions législatives visant à la corriger ; ceux qui la critiquent sont confrontés au devoir de suggérer les moyens d'une juste réformation.

Après avoir pris connaissance de la plupart des commentaires qui ont été écrits dans des sens souvent divergents sur cette jurisprudence, il me semble indispensable de réfléchir aux moyens de sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons. Il serait souhaitable de trouver les moyens juridiques de tenir ensemble la responsabilité médicale pour faute dans la surveillance de la grossesse, et donc le principe d'un droit à réparation, en raison des charges matérielles et morales que représente le malheur de naître handicapé et le détachement de cette responsabilité -même s'il s'agit exclusivement du préjudice des parents- de la question de l'avortement.

Après avoir rappelé brièvement les principales raisons tenant à la motivation des arrêts pour lesquelles je persiste, malgré bien des hésitations, à critiquer cette jurisprudence, je tenterai d'exposer quelques pistes de réflexion susceptibles de nous permettre de sortir de cette opposition, désormais stérile, entre les partisans et les opposants à la jurisprudence N.P.

Je laisserai de côté nombre d'arguments concernant les critiques que la jurisprudence me paraît mériter -M. l'avocat général Sainte-Rose vous en exposera plus longuement les motifs- étant précisé que ces critiques concernent des arrêts et non pas l'institution de la Cour de cassation qui n'a nullement failli à sa mission dans ces affaires. Je me limiterai aux deux raisons principales qui tiennent à la structure même des décisions, compte tenu de leurs conséquences juridiques directes.

La première raison qui m'amène à ne pas adhérer aux solutions de la Cour de cassation concerne exclusivement et essentiellement le droit à réparation de l'enfant exercé en son nom par représentation ou éventuellement par lui-même. En revanche, il me semble que le préjudice des parents mérite d'être pris en considération pour les raisons que je vais indiquer. Cette critique porte sur la motivation des arrêts de la Cour de cassation, c'est-à-dire sur le lien intrinsèque et martelé par les arrêts postérieurs à l'arrêt NP, entre l'interruption médicale de grossesse et le droit à réparation de l'enfant.

Je ne suis pas hostile à la législation adoptée en 1975 concernant la non punissabilité, dans les circonstances que la loi détermine, de l'interruption de grossesse, même si je considère qu'en ce qui concerne l'interruption médicale de grossesse, la pratique peut être qualifiée d'eugénique, quand bien même on récuse cette expression.

Par conséquent, ma critique n'est pas inspirée par l'hostilité de principe à l'égard de l'interruption médicale de grossesse.

Je n'ai jamais réussi à comprendre, dans les espèces tranchées par la Cour de cassation, que l'on ait pu raisonnablement dissocier -fût-ce intellectuellement- le handicap et la vie de l'enfant pour admettre une causalité entre la faute médicale dans le diagnostic ou l'information de la mère et le handicap. Pour empêcher ce handicap dans ces espèces, il aurait fallu attenter à la vie. Mais puisque cette atteinte à la vie de l'enfant est licite dans les conditions que la loi détermine, encore faut-il décider si l'enfant lui-même, représenté par ses parents, peut invoquer le fait de ne pas avoir pu être avorté pour obtenir réparation de son seul handicap.

Le débat se concentre alors précisément sur l'interprétation de la loi relative à l'interruption de grossesse et sur les intérêts qu'elle protège principalement compte tenu du fait qu'elle règle un conflit d'intérêts dont on ne peut pas ne pas tenir compte.

Je considère que la loi sur l'interruption de grossesse, telle qu'elle est, protège d'abord et exclusivement l'intérêt de la mère qui dispose légalement d'une liberté qui lui est personnelle et qui s'exerce dans les conditions légales.

Subsidiairement, mais non sans réserve, l'interruption médicale de grossesse protège aussi l'intérêt de la société. C'est une autre question, dont l'incidence en l'espèce n'est pas mince, compte tenu des charges que représentent d'un point de vue social les handicapés au regard du devoir de solidarité envers eux. Il en résulte que le préjudice de la mère et par ricochet, du père, devient un préjudice réparable et que la causalité est admissible pour fonder l'action des parents qui, privés de la possibilité de décider d'une interruption de grossesse, doivent assumer la charge exorbitante de l'entretien d'un enfant gravement handicapé.

En revanche, la créance personnelle de l'enfant lui-même peut-elle être fondée sur l'intérêt de la mère dans l'exercice d'une liberté qui lui est personnelle, à ce qu'il soit mis fin à ses jours avant même de naître ?

Je persiste à penser que la lésion de l'intérêt de la mère justifiant son propre préjudice d'avoir mis au monde un enfant handicapé ne peut pas équivaloir à la lésion de l'intérêt de l'enfant à ne pas naître handicapé. La loi sur l'interruption volontaire de grossesse n'autorise pas une telle extrapolation à l'enfant des intérêts de la mère qu'elle protège, à mon sens, explicitement, mais exclusivement.

Derrière les affirmations des arrêts de la Cour de cassation qui ne visent explicitement que la seule réparation du handicap, se profile toujours plus ou moins une sorte de perte de chance de n'avoir pas été supprimé. On peut éviter cette expression dans les motifs des arrêts au plan formel. La réalité n'en est pas moins présente et constitue un affront pour ceux d'entre nous auxquels on dit, par la voie du droit, que la réparation de leur handicap est fondée sur le fait que leur mère n'a pas été en mesure de les empêcher de naître.

La deuxième raison de critiquer l'arrêt concerne l'évaluation du préjudice de l'enfant lié au fait qu'il n'a pas pu être décidé d'une interruption de grossesse.

L'évaluation du préjudice, voire même pour certains auteurs, l'existence même du préjudice, est liée au fait que, dans ces espèces, il n'y a pas altération d'un état antérieur qui aurait été endommagé, par la faute médicale.

Par conséquent, puisque ce préjudice ne correspond pas à l'altération d'un état antérieur -car il est lié à la nature et n'est pas matériellement causé par l'acte médical- son évaluation suppose que l'on pose un standard théorique de normalité des êtres humains par référence auquel le préjudice du handicap sera apprécié. Or, un tel standard n'existe pas, mais puisqu'il faut bien l'inventer pour les besoins de l'évaluation, il sera forcément arbitraire et ne peut pas avoir de frontière objective, faute de pouvoir se référer à un état corporel antérieur réel que l'acte dommageable aurait détérioré.

Les juges sont confrontés à la nécessité d'inventer une sorte de critère de normalité, ce qui me paraît être non seulement impossible - la science ne peut définir que les situations pathologiques et non la normalité-, mais illégitime au regard de principes fondamentaux concernant l'égalité ou la dignité humaine.

On pourrait ajouter, sur le terrain du préjudice, que dans les arrêts rendus le 13 juillet 2001, la Cour de cassation a visiblement cherché à limiter l'étendue du droit à réparation aux seuls cas où une interruption médicale de grossesse aurait été justifiée. Le rôle des experts dans un tel cas me paraît extrêmement difficile, non seulement parce qu'il faut apprécier a posteriori une situation pour laquelle ils ne peuvent être sollicités qu'a priori, ce qui se heurte à de multiples difficultés, mais plus encore parce que l'avis des experts sur ce point déterminerait, non pas l'appréciation de la légalité de l'acte médical -ce qui est leur rôle et ce qui est normal- mais la jouissance du droit à réparation, ce qui ferait du dire expertal la condition même de la jouissance d'un droit civil ; cela me paraît, là encore, peu conforme à un juste rapport de la science et du droit et cela consacre indirectement une discrimination de nature biologique entre les individus.

On pourrait développer d'autres arguments de critique, notamment liés aux conséquences possibles ou prévisibles du droit à réparation de l'enfant lui-même sur lesquels je n'ai pas le temps de m'étendre pour l'instant.

Si l'on critique, il faut savoir ce que l'on propose à la place. Il ne suffit pas de critiquer et d'attendre ce que les tribunaux vont décider dans l'élaboration d'une jurisprudence qui peut prendre plusieurs années en laissant les choses se régler au cas par cas avec des allers-retours. Comme nous sommes en présence de propositions d'interventions législatives, il faut bien envisager ce qu'elles pourraient être.

Deux terrains sur lesquels l'intervention législative peut avoir lieu peuvent être liés, mais peuvent et doivent rester distincts compte tenu de leurs fondements respectifs. C'est d'abord le terrain sur lequel les questions ont été tranchées, celui du droit de la responsabilité civile. C'est aussi le terrain du droit social qui est indépendant mais qui peut avoir des relations avec la réparation civile, comme l'attestent nombre de formes d'indemnisation qui articulent les deux systèmes.

Je m'en tiendrai au droit civil. Il faut se demander si la proposition déposée par M. le député Mattéi, qui tend à couper court à l'indemnisation du préjudice de l'enfant, répond à l'objectif et aux critiques que je viens d'adresser.

Telle qu'elle est libellée en l'état, la proposition vise à rendre irrecevables des actions tendant à l'indemnisation « du fait de sa naissance ». Or, la Cour de cassation a concentré son effort sur la dissociation du handicap et de la naissance. Elle n'a eu de cesse d'affirmer qu'elle fonde le droit à réparation sur le handicap comme si celui-ci était indépendant de la naissance. Par ailleurs, elle voit un lien de causalité direct entre le handicap de l'enfant et les fautes médicales, en ce qui concerne les prescriptions, les diagnostics, les interprétations de diagnostics ou les fautes dans l'information de la mère.

En conséquence, affirmer dans la loi que l'indemnisation du fait de la naissance est irrecevable de la part de l'enfant ne déjoue pas les fictions de la jurisprudence qui pourrait se maintenir en l'état si la Cour de cassation l'estime justifiée.

Par ailleurs, le champ d'application de cette proposition de loi me paraît trop indéterminé et par là même, couvrir des hypothèses qui ne correspondent pas à celles de la jurisprudence NP.

Il faut donc savoir quels sont les faits que l'on vise. Veut-on, -ce serait l'objet d'un débat législatif- si l'on déclare irrecevable les actions en indemnisation du fait de la naissance, interdire aussi et briser la jurisprudence qui commence à admettre la réparation du préjudice de l'enfant issu d'un viol ou d'un inceste ?

Veut-on interdire l'action de l'enfant qui serait né à l'issue d'une procréation médicalement assistée réalisée au mépris des règles de sécurité sanitaire concernant la sélection des donneurs de gamètes, des gamètes elles-mêmes, des embryons alors que dans un tel cas, la causalité matérielle serait directe ?

Veut-on interdire l'action en réparation de l'enfant dont le handicap résulte de blessures causées volontairement ou involontairement pendant la grossesse, mais qui serait né quand même avec un handicap du fait de ses blessures antérieures ? Il y a certainement d'autres hypothèses.

Ce n'est pas cela que la proposition de loi semble viser, mais c'est ce qui pourrait être inclus dans son champ d'application si elle était adoptée comme telle.

Si le législateur veut se limiter à rendre irrecevables les actions sur lesquelles la Cour de cassation a statué, il faudrait dire que l'enfant n'est pas fondé à se plaindre de n'avoir pas été avorté. Mais il me paraîtrait pour le moins inconvenant de dire cela dans la loi. Mais il serait possible de dire dans le code de la santé publique, au titre de l'interruption de grossesse, que celle-ci ne peut pas être invoquée au soutien d'une demande de l'enfant. Il s'agirait de trouver la formule adéquate pour signifier que la loi ne protège que l'intérêt de la mère et non celui de l'enfant. Pour se maintenir, la jurisprudence devrait alors soit trouver une autre motivation, soit renoncer à l'action de l'enfant.

Mais il y a plus. S'agissant du préjudice des parents dont la réparation doit s'imposer, il convient de lui trouver le fondement juridique qui permette l'affectation des sommes aux besoins de leur enfant. Je suivrai en cela une suggestion faite par M. le Doyen Carbonnier qui estime que le fondement de l'action des parents pourrait se trouver dans leur devoir d'assurer l'entretien et l'éducation de l'enfant, mais aussi de préparer son avenir, conformément à l'article 213 du code civil.

Pour ceux des parents pour lesquels cette obligation d'entretien et de préparation de l'avenir paraît exorbitante compte tenu de la gravité du handicap de leur enfant, le droit à réparation en vue d'assurer l'avenir de l'enfant doit être ouvert, et la réparation peut l'être largement, selon les divers chefs de préjudices liés à l'entretien de l'enfant. Or, l'avenir d'un enfant, c'est long ; cela dure jusqu'à la mort. L'affectation des dommages et intérêts dans l'intérêt de l'enfant est alors une pure question technique qui ne me paraît pas poser de difficulté insurmontable et qui permet d'envisager l'hypothèse de la mort des parents ou de l'abandon de l'enfant par ses parents.

Le second problème concerne la discrimination entre les parents, selon qu'ils ont voulu ou non, qu'ils ont pu ou non interrompre la grossesse. Cette discrimination me paraît devoir être effacée. Il serait possible de l'envisager en disposant dans le code de la santé publique, au titre du diagnostic prénatal, que si une faute médicale a été commise à l'occasion de la surveillance de la grossesse et si un enfant gravement handicapé est né, les parents de ce dernier peuvent obtenir réparation du préjudice qu'ils subissent en raison du handicap de l'enfant, dans l'exécution des obligations prescrites par l'article 213 du code civil et cela sans avoir à rechercher si l'IMG aurait été justifiée.

Certes, la causalité resterait dans ce cas très largement indéterminée, mais elle ne le serait pas moins que dans la jurisprudence NP. En revanche, la sanction des fautes et la réparation resteraient liées sans avoir à passer par l'intermédiaire de l'interruption médicale de grossesse qui devrait -à mon sens- rester une question à part et ne pas interférer avec la responsabilité civile liée au handicap.

Les médecins trouveront qu'une telle responsabilité est lourde. Il convient alors de prendre en considération aussi les problèmes qu'ils affrontent dans le maniement de leur technique. On pourrait imaginer, pour compenser la charge que représente pour les médecins la responsabilité de la non-détection d'un handicap grave, de limiter cette responsabilité mais en agissant sur la faute. Dans toutes les espèces, la faute n'était pas discutée, mais elle pourrait l'être et le sera certainement à l'avenir.

D'un point de vue législatif, pour prendre en considération l'incertitude des diagnostics, les limites de ceux-ci en ce qui concerne la révélation des handicaps, la responsabilité des médecins pourrait n'être retenue que pour faute grave, faute qualifiée. Il resterait aux tribunaux à apprécier ce qu'est la gravité de la faute dans un tel cas, qu'il s'agisse d'une faute grave dans la prescription ou dans l'interprétation des diagnostics compte tenu du caractère aléatoire et des incertitudes qui grèvent la connaissance de l'état d'un enfant conçu.

De même, le devoir d'information de la mère qui pèse normalement sur le médecin au titre du consentement éclairé -et que la jurisprudence récente a considérablement alourdi- pourrait être limité par rapport à ce qu'il est dans le droit commun de la responsabilité médicale. Il pourrait par exemple ne pas porter sur les risques exceptionnels, comme c'est le cas aujourd'hui dans la jurisprudence de la Cour de cassation. On pourrait peut-être mesurer du côté de la faute l'étendue de la responsabilité afin d'adapter l'appréciation de la faute à la spécificité des modalités scientifiques ou techniques de surveillance des grossesses et de l'état du foetus.

D'autres questions pourraient évidemment être posées. Conviendrait-il par exemple de préciser les critères de l'interruption médicale de grossesse de manière plus précise et moins impressionniste qu'ils ne le sont dans la loi afin d'assumer de manière plus franche la question de l'eugénisme, pratique que ces interruptions médicales de grossesse rendent licite ?

La licéité ou l'illicéité des pratiques doit être appréciée du côté de leurs auteurs et nullement du côté des patients -les parents ne sont évidemment pas coupables d'une pratique eugénique et ce n'est pas parce qu'ils peuvent y consentir que la pratique cesse d'être eugénique. La qualification doit être appréciée au regard de critères objectifs et du point de vue des auteurs de la pratique. La licéité de cet eugénisme-là pourrait être reconnue à la condition d'être légalement cantonnée et contrôlée. Au moins, nous aurions plus de franchise et moins d'hypocrisie sur cette question actuelle

Enfin, pour écarter ou limiter le droit d'agir en justice pour la réparation des dommages -ce qui est une initiative grave- il faut de puissants motifs, et les propositions qui tendent à cette fin ont le mérite d'ouvrir le débat nécessaire sur les justifications fondamentales d'une restriction, d'un cantonnement de la responsabilité. Ce motif ne peut résider que dans les principes constitutionnels de dignité et d'égalité des personnes.

Or, justement, la dignité est en cause et l'on s'est disputé à son propos. Elle est vue de façon complètement différente selon que l'on approuve ou que l'on rejette l'arrêt de la Cour de cassation. De ce fait, puisqu'il y a débat sur la signification concrète, dans un cas concret, du principe de dignité, c'est un moment opportun pour que le débat législatif sur la portée du principe puisse avoir lieu afin que le législateur choisisse d'admettre ou de ne pas admettre les actions de l'enfant au regard de ce principe même si toutes ces pistes de réflexion pourraient aussi bien se développer sur un terrain purement jurisprudentiel.

Bien sûr, on pourrait agir aussi sur le terrain du droit social relatif au handicap. C'est une question qui ne peut être totalement distincte de l'action législative sur le terrain civil. Ces deux domaines peuvent être distincts, compte tenu du fondement différent de la responsabilité civile et de la prise en charge, au titre de la solidarité nationale, des personnes les plus fragilisées. Cela n'exclut ni l'un ni l'autre mais il me paraît dangereux de confondre les deux terrains comme un certain discours médical le fait. Il consiste à affirmer qu'il y aurait une non-responsabilité du médecin au motif que la question relève de la solidarité nationale. On ne peut pas se décharger de ses fautes et invoquer la solidarité nationale. Il y a là une confusion des plans qui, au moins dans le discours, me paraît dangereuse. On ne peut pas, au nom de la solidarité nationale, exclure la sanction des fautes en la matière.

Cela étant, il convient de s'interroger sur la nécessité d'articuler les deux systèmes comme c'est le cas en matière d'indemnisation des accidents de la circulation routière. Ce sont là des questions techniques difficiles et importantes. Les problèmes de cumul ou non cumul des deux systèmes, notamment le problème du non cumul , sont extrêmement difficiles. Je n'irai pas plus loin sur ce terrain qui appelle une réflexion aprofondie que je n'ai pas menée. Je vous remercie.

M. René GARREC, président - Nous vous remercions d'avoir ouvert le débat aussi largement. Je demande à nos collègues de poser des questions précises et brèves.

M. Pierre FAUCHON, rapporteur - Je n'ai pas de question particulière à poser. Je remercie Mme le professeur d'avoir consacré une bonne partie de son exposé à explorer les voies de solutions possibles. Je ne dirai pas que cela nous est plus utile car tout nous est très utile. Mais c'était un point important et je la remercie de ses réflexions dans cette direction qui nous seront très utiles pour nos réflexions ultérieures.

M. Nicolas ABOUT, président de la commission des Affaires sociales - Je voudrais remercier Mme le professeur. L'exposé qu'elle vient de faire mérite d'être revu calmement et en détail.

Je suis quelque peu perturbé par tout ce que l'on peut entendre et lire. J'ai le sentiment que face à un foetus présentant une anomalie, trois cas se présentent :

- soit, l'anomalie ayant été détectée, on décide l'interruption volontaire de la grossesse,

- soit la mère considère qu'elle doit conserver l'enfant parce que c'est son choix, car la vie vaut d'être vécue,

- soit l'anomalie n'a pas été détectée et l'enfant va naître avec son handicap.

Dans le cas où l'interruption s'est produite, plus de "problème"! Dans le deuxième cas où la mère a décidé, au travers de l'article 213 du code civil, la société sera peut-être tentée de rétorquer aux parents qu'ils avaient été prévenus et qu'ils doivent assumer le fait d'avoir décidé de garder l'enfant. Vous avez démontré toute la difficulté de l'article 213 car pourvoir à l'éducation des enfants et préparer leur avenir est bien compliqué.

Dans le troisième cas, le handicap n'a pas été détecté et l'enfant va vivre. On cherche alors qui doit indemniser. Y a-t-il eu faute ? Si c'est le cas, il faut indemniser, et il faut que ce soit le médecin. S'il n'y a pas eu faute, il faut que ce soit la société. Je crains qu'il ne reste qu'un seul cas où personne ne se demandera qui doit indemniser : celui où la mère aura décidé de garder l'enfant. C'est quand même le comble ! Il n'y aura pas eu faute thérapeutique, il n'y aura pas eu carence, mais il y a un vrai problème. Je souhaiterais entendre les juristes me dire qui doit prendre en charge le handicap.

Vous avez terminé par cela, et c'est peut-être cela ma question : il ne faut surtout pas, au nom de la solidarité nationale, faire abstraction de la sanction de la faute. Oui, mais la faute doit être sanctionnée à sa hauteur ; elle n'est pas responsable du handicap, mais d'une absence de chance de pouvoir avorter. C'est une chose qu'il faudra quantifier, ce qui est très difficile.

En tant que président de la commission des affaires sociales, je pose cette question : qu'est-ce que l'Etat, qu'est-ce que notre justice réserve aux enfants porteurs de handicap pour leur permettre de vivre dans une société avec les mêmes chances ? C'est cela que j'attends de tous les niveaux de la justice de mon pays. J'attends que l'on détermine les droits d'un handicapé.

Parce que j'ai le sentiment que l'on ne sait pas répondre à la vie d'un handicapé en lui apportant les mêmes choses qu'à tout être humain, on se retourne pour essayer de trouver un fautif : soit la mère n'a pas avorté, soit le médecin lui a fait perdre une chance d'avorter.

Je suis perturbé par le problème posé et aussi par l'exposé.

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - J'ai dû mal me faire comprendre. Mon souci est de trouver le moyen de ne pas discriminer le droit des parents à réparation selon qu'ils ont voulu ou non, qu'ils ont pu ou non exercer leur choix quant à l'IVG ou l'IMG. Je voudrais déconnecter ce problème du lien avec l'interruption de grossesse pour des raisons d'égalité. Pour compenser la charge d'entretien par la responsabilité civile, s'il y a faute, je passerais volontiers sur une conception lâche de la causalité. D'ailleurs la Cour de cassation nous y a habitués. En revanche, dans les hypothèses où il n'y a pas de faute, on peut se poser la question de savoir si l'indemnisation peut se couler dans l'aléa thérapeutique, mais je ne suis pas sûre qu'il s'agisse d'un aléa thérapeutique, au moins tel qu'il est entendu dans le projet de loi en cours de discussion.

C'est encore une autre question et nous n'avons pas la possibilité de les traiter toutes. Permettez-moi de vous dire que je partage votre perturbation depuis longtemps.

M. Jacques LARCHÉ - Le fondement de l'arrêt Perruche est la théorie du tiers au contrat. L'enfant est un tiers au contrat qui est passé entre la mère et le médecin. Or, le tiers au contrat mal exécuté a droit à réparation. C'est un principe constant.

Deuxième remarque, nous avons fait évoluer le droit à l'IVG. Il n'y a plus d'obligation d'invocation de la détresse. C'est un droit, quel qu'en soit le motif. Il doit être exercé en pleine connaissance de cause. Si une femme informée prend la responsabilité de laisser naître un enfant handicapé, quelle est la situation de l'enfant qui naît à l'égard de sa mère ? Va-t-il invoquer la faute de la mère ? Il en a le droit.

Je ne parle pas de façon légère. Je me suis renseigné auprès de confrères américains et à l'ambassade des Etats-Unis auprès d'un juriste compétent. Vous savez dans quelle mesure le droit américain, surtout dans le domaine médical, vient teinter notre comportement juridique en la matière. Des actions sont engagées aux Etats-Unis sur ce fondement. Des femmes n'ont pas avorté, l'enfant est né et, à l'âge de 10, 15 ou 20 ans, l'enfant se retourne contre sa mère en arguant ne pas avoir demandé à vivre. Il dit à ses parents qu'ils sont responsables et il demande à être indemnisé de leur fait.

C'est la suite de l'arrêt Perruche .

M. René GARREC, président - J'en avais une analyse différente. L'avortement est un droit, ce qui induit une liberté de choix. Le fait qu'il y ait un tiers au contrat est une dérive de la première réflexion.

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - Le fondement juridique de la Cour de cassation est incontestable au plan technique. Il est clair que dans d'autres domaines où il y a des fautes en matière d'information, à la suite d'expertises par exemple, on peut réparer toutes les conséquences qui en résultent. En l'occurrence, il ne s'agit pas de l'expertise du sol fragile au moment de la construction d'un immeuble ; on est en présence d'une vie humaine et d'un être humain qui est là. Peut-être pourrait-on ne pas raisonner de la même manière lorsqu'il s'agit de la vie humaine dont on suppose pour la réparation du handicap qu'elle aurait pu ou dû ne pas exister.

On a fustigé la crainte de ceux qui ont montré que l'on peut dériver vers une action de l'enfant contre sa mère. Comme cela correspond à une question que tout individu peut se poser, c'est un risque. C'est un risque réel même s'il y a des moyens juridiques et moraux de paralyser cette action.

Si l'on veut protéger la liberté effective de la mère en matière d'interruption de grossesse, il ne faut pas dire que l'interruption de grossesse protège l'intérêt de l'enfant. L'enfant est purement et simplement sacrifié, il ne peut pas se prévaloir de la loi sur l'interruption de grossesse. Pour éviter cette dérive presque inévitable, il me semble qu'il faudrait dire explicitement que la loi sur l'avortement est fondée sur le seul et exclusif intérêt de la mère et même que son droit ou sa liberté n'est pas susceptible d'abus. Quand bien même il y a un lien intrinsèque entre la mère et l'enfant, c'est une question de fait : la loi, elle, ne protège pas l'intérêt de l'enfant, l'enfant n'est pas fondé à se prévaloir de la violation d'un contrat l'ayant empêché, non pas de naître, mais d'être avorté.

Je propose donc qu'il soit dit dans le code de la santé publique que la loi sur l'IVG ne peut pas être invoquée au soutien d'une demande de l'enfant.

M. Jean CHERIOUX - Si je comprends bien, pour l'enfant, le fait d'être handicapé est un plus grand préjudice que celui de ne pas vivre. On est en pleine déraison. Enfin, je n'ai pas l'intention de porter une appréciation autre que celle-là. On est quand même en pleine déraison par définition. On peut se demander à partir de quand on a un handicap. Un handicap léger ou pas léger peut-il être comparé au fait de vivre ou de ne pas vivre ?

Je m'inquiète d'une extension de cette notion. Lorsqu'il y a, non plus naissance -c'est la législation sur l'avortement-, mais sauvetage à la suite de l'intervention d'un médecin qui sauve le malade, quitte à le laisser handicapé, aura-t-on là aussi un préjudice ? Le médecin aura intérêt à laisser mourir son patient ! Si la vie n'est pas sacrée, elle ne l'est pas non plus pour le mourant. Si le fait de devenir handicapé est plus grave pour l'intéressé que d'être mort, ou va-t-on ? Cette question ne se posera-t-elle pas un jour ?

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT - Ne pensez-vous pas qu'en la matière, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation ? Ne doit-on pas prendre son temps pour légiférer si on doit le faire ?

N'est-ce pas un postulat de dire -comme j'ai cru le comprendre dans vos propos- que l'IVG n'est faite que pour donner une liberté personnelle à la mère ? Cela me paraît un postulat. Il peut y avoir de nombreuses raisons qui amènent à l'IVG, non pas pour la mère, mais pour de multiples autres raisons, et notamment pour l'enfant parce que l'on n'a pas les moyens de l'élever convenablement.

Vous dites que le standard théorique de l'être humain n'existe pas. J'ai l'impression que tout le monde sait ce qu'est un enfant normal : avoir deux bras, deux jambes, par exemple. Je ne comprends pas votre propos sur l'absence de standard théorique de l'être humain. La normalité existe tout de même !

Connaissez-vous en droit civil un exemple où, dans le droit de la responsabilité, on a fait une différence entre les fautes suivant qu'elles sont graves ou qu'elles ne le sont pas ? Il y a faute ou pas. A part en droit social et la faute inexcusable en matière d'accident du travail, je ne connais pas de faute grave ou de faute pas grave. Il a été proposé l'autre jour à l'Assemblée nationale de retenir la responsabilité en cas de faute grave. Je ne vois pas pourquoi. Ou il y a faute, ou il n'y a pas faute. Avez-vous des exemples à communiquer où l'on a fait une différence entre les fautes en la matière.

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - C'est une question d'appréciation de la faute. Le médecin qui sauve une personne en la laissant avec un handicap lié à son intervention, c'est une question d'appréciation de la faute, ou à défaut, d'aléa thérapeutique.

M. Jean CHERIOUX - Et si l'on ne peut pas faire autrement ?

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - On ne peut pas considérer que c'est fautif et il n'y aura pas indemnisation parce qu'il manquera l'élément essentiel qu'est la faute.

M. Jean CHERIOUX - Mais il y a préjudice !

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - Il y a un préjudice, mais tous les préjudices ne sont pas justiciables d'une réparation selon le droit civil. Si l'on considère que tous les préjudices sont justiciables d'une réparation, il ne faut pas rechercher la réparation du côté de la responsabilité civile. La responsabilité civile implique une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux. Je me suis située essentiellement dans le domaine de la responsabilité civile, terrain sur lequel la Cour de cassation a été amenée à statuer, responsabilité contractuelle envers la mère mais délictuelle pour l'action de l'enfant. Or, techniquement, la famille n'est pas la même dans les deux cas car la première dépend des obligations propres à chaque contrat.

M. Jean CHERIOUX - On peut quand même s'interroger.

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - La question est tellement difficile que ce n'est pas dans la hâte que l'on peut légiférer. Il faut examiner toutes les possibilités. Je lance quelques pistes qui correspondent à ce qui est mon sentiment. J'espère arriver à sortir de l'impasse avec ces suggestions qui émanent essentiellement de M. le doyen Carbonnier. Il faut regarder les choses en face et ne pas se dissimuler derrière des anathèmes et des idéologies. Il a fallu très longtemps pour faire une loi d'indemnisation des accidents de la circulation routière. Il y a eu des débats, des controverses et des allers-retours de la jurisprudence! Cela prend du temps. Je pense qu'il faut se mettre sérieusement au travail. Pour ceux qui critiquent cette jurisprudence, il faut s'engager dans un travail qui est loin d'être terminé. Une législation hâtive risquerait de passer à côté des problèmes.

Il ne faut pas croire non plus que la législation va régler tous les problèmes. Il y aura toujours des situations qui échapperont.

Enfin, vous évoquiez le fait de caractériser les fautes. Cela est possible dès lors que seule l'action contractuelle des parents est admise. Je crois que selon la nature des contrats, on peut le décider. Le législateur a quand même suffisamment de souveraineté pour décider qu'en raison de la spécificité de certains contrats, de la nature des prestations qui doivent être délivrées et des obligations, la faute peut être caractérisée comme grave. Je suggère cela parce que je pense qu'une responsabilité envers les parents doit être affirmée, indépendamment de l'accès à l'interruption médicale de grossesse et qu'il convient d'éviter que les juges n'indemnisent trop facilement la faute du handicap s'il est grave.

Je vois bien que les médecins sont assez mécontents. Il faut tenir compte aussi de leurs propres difficultés. Certes, ils ont mis à la disposition du public beaucoup de techniques dont l'utilité, et même la légitimité, ne sont pas forcément évidente. Il faut bien voir qu'ils sont cependant dans des situations de grande difficulté.

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT - Je voulais seulement savoir s'il y en a déjà eu.

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - En droit civil ? Il y a des hypothèses de faute grave en droit du travail. Le contrat de travail a son origine dans le droit civil. De même, la gravité de la faute peut justifier la résiliation unilatérale des contrats.

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT - Non, c'est dans la loi.

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - On peut caractériser la faute en matière contractuelle, en tous cas, on peut préciser les obligations particulières à chaque contrat.

M. René GARREC, président - Le rapporteur de la commission des Affaires sociales souhaite prendre la parole.

M. Francis GIRAUD, rapporteur de la commission des Affaires sociales - Je suis médecin et j'ai pratiqué les consultations diagnostiques prénatales pendant une quinzaine d'années. Vous avez évoqué l'interruption médicale de grossesse. Vous avez prononcé le mot d'eugénisme. Ce n'est pas là la question puisque le but de ces consultations et de la conclusion est de faire une sélection.

Mes questions se placent au plan du droit. Quelle est la valeur de l'accord de la mère pour faire une interruption de grossesse ? Où commence la normalité au plan juridique ? Comment définit-on les malformations mineures et majeures en termes médicaux ? Les médecins sont confrontés à la décision de la mère. Que va répondre le droit quand des décisions pourront faire l'objet de plaintes devant les tribunaux ?

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - Bien sûr, il y a des standards sociaux de normalité qui évoluent. La question est de savoir si ces standards sociaux doivent être aussi des standards juridiques, c'est-à-dire des critères de jugement en droit. Tout standard en matière de normalité implique la discrimination vis-à-vis de ceux qui ne répondent pas à la norme, si cette norme est juridique. La loi détermine un standard de référence de maladie, d'une affection d'une particulière gravité, incurable en l'état du diagnostic. Il y a donc une indication sur le seuil de légitimité, de légalité de l'interruption médicale de grossesse, par rapport à un état pathologique et non en définissant positivement la normalité. Mais il ne faudrait pas que cela devienne le critère de l'indemnisation de l'enfant lui-même.

Par ailleurs, les textes législatifs et réglementaires récents ont précisé la procédure, ont amélioré l'encadrement de la prise de décision, étant entendu que les comités d'experts sont appelés à donner un avis. Ce n'est pas une décision, mais un tel avis a quand même une forte connotation normative dans la mesure où c'est au regard de cet avis que l'on va juger si l'IMG est licite ou illicite. C'est quand même loin d'être purement consultatif.

Nombre de médecins disent qu'ils sont dans l'embarras le plus considérable vis-à-vis des critères d'après lesquels ils vont donner leur avis. Ces critères seront-ils sociaux, exclusivement médicaux ? On peut choisir de laisser les choses en l'état, c'est-à-dire de laisser l'interprétation de la loi à la pratique médicale qui va prendre ce problème de définition des handicaps en charge. On peut aussi penser qu'il conviendrait de mieux préciser les cas afin de donner un peu plus de sécurité dans les décisions et de limiter le risque eugénique. Je n'ai pas de position a priori au regard de la politique législative à adopter sur ce point particulier.

M. Francis GIRAUD, rapporteur de la commission des Affaires sociales - Vous avez dit que l'on ne pourrait pas délibérer dans la hâte. Pour vous, quel est le terme d'une délibération ? Quelques semaines, quelques mois ?

Mme Catherine LABRUSSE-RIOU - Je ne suis pas en position de vous répondre car cela concerne le législateur.

M. LE PRÉSIDENT - C'est une très bonne question.

Madame le professeur, je vous remercie pour la qualité de votre intervention.

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