E. LES ÉCONOMISTES

La création de permis d'émissions de gaz à effet de serre a été introduite dans le protocole de Kyoto à la demande des États-Unis d'Amérique qui ont souhaité que ces permis puissent être échangés en s'inspirant de l'expérience menée chez eux à compter de 1977 puis, à partir de 1990, à propos de l'émission de dioxyde de soufre (SO 2 ) (Clean Air Act).

A cette époque, les États-Unis d'Amérique ont créé un marché national de permis à émettre du dioxyde de soufre entre les centrales thermiques sur le fondement d'un plafond national. Ce système, devenu contraignant en 1995, avait pour objectif d'atteindre en vingt ans une réduction de 40 % des émissions de SO 2 par rapport à 1980. Ce programme devait être étendu en 2000 à toutes les centrales thermiques dotées dès lors d'un quota d'émissions. Bien accepté par les acteurs économiques, ce système a débouché sur de nombreux échanges de permis .

Mais, il est à noter que ce marché repose sur des méthodes performantes de mesure des émissions , et qu'existe un ensemble de sanctions et de pénalités en cas de défaillance. Enfin, et ce n'est pas la moindre différence avec les permis d'émissions de gaz carbonique prévus par le protocole de Kyoto, la répartition initiale des permis d'émission de SO 2 entre les compagnies électriques américaines n'a pas à remédier aux distorsions de concurrence ni aux disparités de situation rencontrées au niveau international pour les permis d'émission de CO 2 .

Pour expliquer le recours aux permis négociables dans le protocole de Kyoto, M. Jean-Charles HOURCADE (59 ( * )) note que, même si le système de l'écotaxe est meilleur, il a été écarté par les États-Unis d'Amérique dès le sommet de Rio en 1992, le mot d'ordre du Président des États-Unis d'Amérique, George BUSH, étant alors « no new tax ». A partir du moment où les pays riches (OCDE et pays de l'Est) s'étaient engagés à Kyoto sur un quota, la création d'un marché de permis négociables est apparu comme un moyen de faire entrer en vigueur un système de quotas .

M. Jean-Charles HOURCADE note également que le plafonnement des échanges de permis a été refusé par les États-Unis d'Amérique et que le vrai problème provient des excédents de la Russie et de l'Ukraine dans la mesure où ces pays peuvent vendre des réductions fictives , l'année de référence étant l'année 1990. Il ajoute que le problème est analogue à celui de la prise en compte de puits naturels de carbone comme les forêts.

Cet auteur rappelle, pour resituer les permis négociables dans l'ensemble des mécanismes du protocole de Kyoto, que les mécanismes de développement propre permettant aux pays développés d'acquérir des permis d'émissions supplémentaires en échange d'investissement dans des technologies propres dans les pays du Sud, n'avaient été , aux dires même de leur inventeur, M. Raoul ESTRADA, Président de la conférence, qu'un pis aller qu'il n'aimait pas mais qui avait permis l'approbation de l'ensemble du protocole.

De plus, M. Jean-Charles HOURCADE insiste sur l'insuffisance du système de contrôle et de sanction du protocole puisqu'un pays dépassant son quota d'émission doit simplement le signaler et non payer une taxe ou une pénalité et, par la suite, ses dépassements sont reportés d'année en année.

C'est pourquoi, M. Jean-Charles HOURCADE préconise la prise en charge de l'application du protocole de Kyoto au plus haut niveau de gouvernement et l'instauration de véritables relations entre la connaissance scientifique, les politiques et les médias .

* (59) Directeur du Centre International de Recherches sur l'Environnement et le Développement (CIRED), il a été membre de la délégation française aux négociations internationales de Kyoto en 1997, de La Haye en 2000 et de Bonn en 2001, et a également coordonné des recherches internationales socio-économiques pour le GIEC et l'ONU pour les rapports de 1995 et 2001.

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