IV. LES JURISTES NÉGOCIENT DES DATES NON NÉGOCIABLES ET VIDENT DE LEUR PORTÉE LES PRINCIPES GRÂCE À DES CLAUSES ÉCHAPPATOIRES

La convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 a créé un organe appelé « la conférence des Parties » pour prendre les décisions nécessaires à l'application de la convention.

De ce fait, l'adoption, lors de la troisième Conférence des Parties, en 1997, du protocole de Kyoto n'a pas entraîné la création d'un système institutionnel propre , puisque celui de la convention-cadre est utilisé. Mais la conférence des Parties ne disposant ni d'une réelle capacité de contrôle, ni d'un pouvoir de sanction, l'application du protocole de Kyoto a d'abord été laissée à la bonne volonté des États .

Comment dès lors assurer le respect des engagements pris, sachant, de plus, qu'il est difficile d'évaluer les émissions de gaz à effet de serre ?

En principe, les parties doivent transmettre, chaque année, un inventaire de leurs émissions de gaz à effet de serre et remettre, à intervalles réguliers, une communication nationale décrivant l'ensemble des mesures prises par chaque pays.

Toutefois, l'évaluation porte sur les émissions exprimées en dioxyde de carbone, et non sur celles de chacun des six gaz à effet de serre. Or, il a été exposé plus haut que cette facilité de comptabilisation s'effectue au détriment de la précision scientifique. En effet, les durées de vie de gaz à effet de serre dans l'atmosphère sont évaluées avec une grande marge d'incertitude et la coexistence de plusieurs gaz dans l'atmosphère, et donc leur interaction, est, de ce fait, gommée .

A. DES BASES FLUCTUANTES

Pour établir des comparaisons, l'objectif de réduction est apprécié en comparant les quotas des émissions prévues entre 2008 et 2012 et le niveau des émissions en 1990 ou au cours d'une année ou d'une période de référence historique autre que 1990 pour les pays cités à l'annexe I, c'est-à-dire les pays en transition vers une économie de marché (62 ( * )) , comme, par exemple, la Fédération de Russie et l'Ukraine (63 ( * )) ...

Il doit donc être souligné que le choix du niveau de référence est parfaitement arbitraire , et que, faute d'une évaluation indépendante et commune à l'ensemble des États signataires, à supposer qu'elle soit techniquement possible, les évaluations du respect des engagements pris par les États risquent de demeurer difficiles.

Les négociateurs du protocole avaient bien conscience de ces limites, puisque ce texte insiste, à plusieurs reprises, sur la nécessité de communiquer des données comparables, transparentes et vérifiables .

Votre Rapporteur s'inquiète toutefois du fait que le protocole ait pu être signé et ratifié par nombre d'États, dont la France, sans que le préalable sur la solidité des données ait été levé.

Que se passera-t-il en cas de non respect des engagements pris ? Si les émissions ont été inférieures aux quotas attribués, les pays concernés pourront reporter sur les périodes d'engagement ultérieures les droits d'émissions non utilisés mais aucun mécanisme ne permet de sanctionner un État qui aurait dépassé son quota . Il n'est pas même prévu d'évaluer si le dépassement a été précédé, ou non, d'une sous-consommation antérieure. Depuis 1997, les parties négocient toujours pour imaginer des mesures de sanction allant de simples recommandations à l'imposition de pénalités financières. L'Union européenne a proposé d'établir un système global de contrôle de conformité sous l'autorité d'un observatoire indépendant .

Quoi qu'il en soit, le protocole de Kyoto doit entrer en vigueur lorsqu'il aura été ratifié par 55 États au moins, parmi lesquels des pays développés de l'Annexe I représentant au moins 55 % du volume des émissions totales de dioxyde de carbone des États de l'Annexe I.

Plus de quatre ans après la signature du protocole, le seuil des 55 États est encore loin d'être atteint, tandis que les négociations se poursuivent sur les modalités de fonctionnement des mécanismes de flexibilité et sur l'organisation de dispositifs de contrôle et de sanction. La sixième conférence des Parties tenue à La Haye en novembre 2000 n'a pas permis d'avancer. Au contraire, les États-Unis d'Amérique ont suscité de nouvelles difficultés en posant le problème de l'évaluation des puits de carbone dans leur pays.

Lors de la ratification du protocole de Kyoto par le Sénat français, au mois de mai 2000 (64 ( * )) , le contraste entre l'importance des enjeux liés à l'intensification de l'effet de serre et la faiblesse des dispositions du protocole comme l'attitude ambiguë des États-Unis d'Amérique ont été mis en évidence. Un doute sérieux demeure sur l'application réelle des dispositions de ce protocole .

* (62) Protocole de Kyoto, article 3, paragraphes 5 et 7.

* (63) Les pays en transition vers une économie de marché sont : la Bulgarie, la Croatie, l'Estonie, la Fédération de Russie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République Tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et l'Ukraine.

* (64)Rapport du sénateur Xavier PINTAT au nom de la Commission des Affaires étrangères de la défense et des forces armées (N° 355, 1999-2000).

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