M. René SAAL, directeur général de Carat-Expert
Dans le
débat sur la télévision numérique terrestre, la
question de la capacité du marché publicitaire à financer
sur la durée les chaînes gratuites est centrale.
Bien sûr, si on se réfère à 2001, les conditions de
réussite sont loin d'être établies.
Néanmoins, le ralentissement du marché publicitaire en 2001 est
passager et ne peut être considéré comme base de travail
pour se projeter dans le futur.
La publicité à la télévision en France est en effet
largement sous-investie comparativement aux autres pays européens.
Par ailleurs, l'augmentation de l'offre audiovisuelle a toujours eu pour
conséquence d'augmenter la consommation globale de
télévision. Il y a, de plus, une forte corrélation entre
la consommation de télévision et l'âge, or la population
française vieillit : tendanciellement, l'audience de la
télévision va donc être plutôt favorisée dans
les années qui viennent.
A cela s'ajoute le fait qu'il y a toujours eu, dans le passé,
corrélation entre augmentation de l'offre publicitaire, notamment sur la
télévision, et augmentation des investissements publicitaires sur
l'ensemble des médias.
Le sous-investissement publicitaire en France vient pour beaucoup du fait que
la télévision y est un média très
centralisé. Les campagnes de publicité y sont en
général nationales et les annonceurs ne procèdent pas
à des sur-investissements régionaux ou locaux, comme cela peut se
faire dans d'autres média -presse quotidienne, radio, affichage- ou dans
d'autres pays européens. On se moque en général de savoir
s'il existe en télévision des disparités de consommation
de la télévision du Nord au Sud ou de l'Est à l'Ouest.
L'existence de chaînes régionales ou locales pourrait ouvrir un
nouveau marché publicitaire comme il en existe dans la plupart des pays
européens, constitué à la fois d'annonceurs nationaux qui
corrigeraient leurs plans médias pour tenir compte des disparités
géographiques et d'annonceurs plus petits pour lesquels le coût
d'accès à la télévision est aujourd'hui prohibitif
parce que national.
Le problème est de savoir comment faire des chaînes
régionales qui aient un niveau d'audience suffisant pour amorcer la
pompe, au sein d'une offre audiovisuelle de plus en plus riche.
Pour revenir à la question de départ, la viabilité des
chaînes gratuites de la TNT va dépendre évidemment de la
nature de l'offre qui va être retenue par le CSA. Les 4 à
6 places qui restent à attribuer doivent être
constituées de chaînes complémentaires. Il faut en effet
que le téléspectateur ait une perception de la synergie entre les
différentes chaînes qui vont constituer cette offre.
Par ailleurs il est évident que des efforts marketing devront être
faits pour convaincre les téléspectateurs de
l'intérêt de louer ou d'acheter un décodeur. En ce domaine,
les coûts marketing vont être extrêmement importants et
seront la condition
sine qua non
du succès.
Bien sûr, le fait d'avoir déjà une « marque »
fera gagner énormément de temps, et donc d'argent.
En conclusion, les places qui restent à attribuer sur la TNT gratuite
sont peu nombreuses, les inconnues encore nombreuses, le challenge
risqué. Néanmoins en cas de succès, les candidats retenus
deviendront les principaux acteurs de la télévision de demain.