M. Dominique BAUDIS, président du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA)

Seuls 13 % des Français ont entendu parler de la télévision numérique terrestre et savent ce dont il s'agit. Ce constat, tiré du sondage CSA sur « les Français et les nouvelles télévisions », nous donne une idée du chemin qui reste à parcourir.

Le projet de la télévision numérique terrestre représente pourtant un grand projet d'intérêt général et national.

Au-delà du progrès technologique qu'elle représente, la mise en oeuvre de la télévision numérique de terre est portée par une volonté politique qui propose à nos concitoyens qui ne reçoivent aujourd'hui que les chaînes de télévision hertzienne, une offre renouvelée, soit 3 fois plus de programmes. La TNT constitue donc un véritable enjeu de société, à la fois politique, économique, culturel, mais aussi de création.

Le CSA a reçu du législateur mission de mettre en oeuvre la TNT, dans le cadre de la loi du 1 er août 2000. A partir de là, nous devions donc opérer un certain nombre de choix stratégiques afin de mener à bien cet ambitieux projet.

Au cours des derniers mois le travail a déjà été largement entamé. Sur ce dossier, deux obstacles majeurs susceptibles d'entraver la TNT ont été mis à jour. Le premier concernait les opérateurs privés, avec le plafond des 49 % du capital d'une chaîne détenus par un seul actionnaire, le deuxième concernait le financement de la télévision publique et la nécessité d'une dotation financière pour qu'elle puisse se déployer sur la télévision numérique terrestre. Au printemps, ces obstacles, dont certains disaient que plusieurs années seraient nécessaires pour qu'ils soient levés, étaient écartés.

Au cours du premier semestre, nous avons surtout travaillé à la planification des fréquences. Cette première étape nous a permis de publier notre appel à candidatures le 24 juillet dernier. Le Conseil tenait à ce que ce premier appel aux candidatures puisse être discuté par des opérateurs actuels ou potentiels. C'est pourquoi nous avons jugé bon de le rendre accessible en installant un prototype sur Internet.

Nous avons par ailleurs été consultés à plusieurs reprises par le pouvoir réglementaire pour l'élaboration des décrets.

Ce premier appel aux candidatures lancé, nous avons pu établir un calendrier qui va se dérouler de la manière suivante : en supposant que le dernier décret du Gouvernement, relatif à l'obligation de reprise par les distributeurs de services câblés des chaînes en clair de télévision numérique terrestre, soit publié cette semaine, comme l'a annoncé Madame la ministre, la clôture de l'appel à candidatures interviendrait vraisemblablement le 23 mars 2002.

Les quatre mois suivants seront ensuite consacrés à l'ouverture des dossiers, à la vérification de leur recevabilité, à l'audition des candidats dans le cadre d'une procédure d'audition publique, selon la volonté du législateur.

Le choix des opérateurs devrait donc intervenir dans la deuxième quinzaine de juillet, selon les critères que je rappelle ici :

- la capacité de répondre aux attentes d'un large public ;

- la nécessité d'assurer une véritable concurrence et la diversité des opérateurs ;

- la sauvegarde du pluralisme ;

- l'expérience acquise par les candidats ;

- les engagements en matière de production et de diffusion d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques ;

- les engagements relatifs à la couverture du territoire ;

- la cohérence des propositions en matière de regroupement et de choix des distributeurs ;

- le financement et les perspectives d'exploitation du service.

Nous avons déjà procédé à un certain nombre de choix stratégiques dans la mise en oeuvre de cette volonté politique. Il s'agit principalement de deux choix d'équilibre : un équilibre gratuit-payant, 15 chaînes en clair, 15 chaînes payantes -sans que ces chiffres soient pour autant définitifs- et par ailleurs un équilibre public-privé sur le clair : sur une quinzaine de chaînes en clair on pourra dénombrer 8 chaînes à caractère public et 7 ou 8 chaînes privées.

Par ailleurs nous avons procédé à un choix technique qui a aussi des conséquences stratégiques : nous avons opté pour la création de 33 services de télévision, ce qui signifie qu'il y aura 3 multiplex à 5 services et 3 multiplex à 6 services. En effet, nous nous sommes placés délibérément en dessous des capacités techniques de la télévision numérique terrestre après avoir tiré les leçons de l'exemple britannique où certains multiplex ont été saturés.

Nous avons également procédé au choix stratégique du local. Notre pays souffre d'un manque de télévisions locales. La possibilité d'éditer de nouveaux services va permettre de soigner cette infirmité. Nous avons donc réservé 3 services de télévision au local et à l'associatif par zone couverte. C'est là une des clés du succès de la TNT, notamment grâce à l'émergence de nouveaux projets originaux et innovants qui prendront place à côté des projets déjà existants. Le développement de ce nouveau paysage audiovisuel exigera bien sûr un important travail de réflexion et de décision concernant le financement de la télévision locale et notamment la possibilité, pour ces télévisions particulières, d'avoir au moins accès au secteur interdit de la distribution.

J'aimerais d'ailleurs à ce sujet attirer votre attention sur la brièveté des délais qui nous sont impartis : d'ici la fin de l'année qui vient de commencer, nous aurons lancé l'appel à candidatures pour le local. Je ne crois pas que les forces vives locales en aient pleinement conscience. Il faut attirer leur attention sur la nécessité de ne pas laisser passer cette échéance.

La télévision numérique terrestre n'est pas seulement une révolution technologique, c'est avant tout l'expression d'une volonté politique au coeur de laquelle le citoyen a une place centrale. L'activité de régulation, qui incombe au CSA, consiste à faire respecter un ensemble de règles en tant qu'elles sont l'expression d'un consensus social sur le cadre dans lequel notre pays et nos concitoyens souhaitent voir se déployer l'activité audiovisuelle.

Depuis quelques années, nous avions le sentiment que la télévision était en train d'échapper au régulateur. Avec la télévision numérique terrestre, dans le cadre de laquelle un éditeur de service ne pourra émettre qu'avec l'autorisation du CSA, la société, et donc nos concitoyens retrouvent prise sur l'audiovisuel. Avec le projet de la télévision numérique de terre, nous réintroduisons la règle, garantie de la liberté.

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