2. Délinquance et usage de drogues

De multiples enquêtes montrent que les consommateurs de drogue, au sens large du terme, sont plus fréquemment auteurs d'actes de délinquance.

L'enquête épidémiologique précitée menée par Mmes Marie Choquet et Sylvie Ledoux souligne que les conduites violentes vont de pair avec :

- la consommation d'alcool : parmi les jeunes violents, 21 % ont une consommation régulière d'alcool (contre 7 % des « non-violents »). 36 % des racketteurs ont un tel niveau de consommation ;

- la consommation de tabac : parmi les violents, 22 % fument quotidiennement (contre 11 % des « non-violents »). Le tabagisme concerne 32 % des racketteurs ;

- la consommation de drogue : parmi les violents, 16 % ont consommé au moins dix fois une drogue illicite (contre 5 % pour les « non-violents »). 23 % des racketteurs sont des consommateurs réguliers de drogue.

De même, une enquête commandée par le ministère de la justice 26 ( * ) auprès de jeunes de 14 à 21 ans pris en charge par les services de la protection judiciaire de la jeunesse révèle un lien entre conduites délictueuses et consommation de produits psychotropes. 70 % de ces jeunes ont consommé de l'alcool. A 18 ans, 49 % peuvent être considérés comme des consommateurs réguliers. S'agissant du cannabis, 60 % des jeunes en ont pris durant leur vie.

L'enquête précitée de M. Sébastian Roché confirme également que la consommation de cannabis ou d'alcool est associée à la délinquance, et ce quel que soit le milieu social. Ainsi, lorsqu'ils consomment du cannabis, les enfants de cadre ou de professions intermédiaires sont plus souvent fraudeurs dans les bus (87,5 % contre 64 % des non-consommateurs) et plus souvent impliqués dans les trafics (25 % contre 5 %). Ils sont également plus souvent amenés à se bagarrer (29 % contre 11 %) et à porter une arme (20 % contre 5 %) ou même à commettre des dégradations graves comme incendier une voiture ou un bâtiment (13,5 % contre 4,5%).

Les experts médicaux entendus par la commission d'enquête ont souligné la dangerosité de cette drogue.

Ainsi, M. Jean-Luc Saladin, médecin, a rappelé qu'une étude de l'INSERM sur les effets du cannabis montrait que le risque de psychose en cas de consommation de cette drogue était multiplié par 4. Il a récusé le terme de drogue « douce » pour caractériser le cannabis et l'a défini comme une drogue « lente » en raison de la durée que met le corps pour l'éliminer.

De même, M. Renaud Trouvé, pharmocologue, a insisté sur la dangerosité du cannabis, beaucoup plus concentré que dans les années 1960 et qui perturbe le fonctionnement de la mémoire, entraîne des troubles spatio-temporels et augmente les risques d'infarctus du myocarde, sans parler de son effet cancérigène. Il s'est en conséquence fermement opposé à sa légalisation sous peine de voir le nombre de consommateurs encore augmenter alors qu'il est déjà fort préoccupant : en 10 ans, il aurait doublé pour atteindre 5 millions d'usagers. 35 % des jeunes Français de 16 ans en auraient consommé contre 16 % des jeunes au niveau européen.

Au cours de ses visites, la commission a été plusieurs fois interpellée à propos du débat sur la légalisation du cannabis. Des éducateurs du centre de placement immédiat de Collonges-au-Mont d'Or ont en particulier fait observer que le débat sur la légalisation du cannabis leur faisait perdre toute crédibilité lorsqu'ils s'opposaient aux jeunes sur cette question. Ils ont également souligné que les jeunes devenaient ingérables lorsqu'ils étaient sous l'emprise continuelle de psychotropes.

Au terme de ses travaux, la commission estime que ceux qui minimisent les effets nocifs du cannabis, voire en prônent la légalisation ou la dépénalisation, ont une attitude irresponsable. Elle considère que la justice devrait recourir plus fréquemment à la mesure d'injonction thérapeutique, qui permet une prise en charge médicale des personnes dépendantes et souhaite un renforcement des campagnes d'information à destination des jeunes sur les effets des drogues.

* 26 Marie Choquet : enquête sur les jeunes pris en charge par les services de la protection judiciaire de la jeunesse, 1998.

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