2. Une hiérarchie parfois inerte

L'administration de l'Education nationale fait parfois preuve d'une coupable inertie.

Il existe toujours ça et là, même si la doctrine officielle du ministère est à la transparence, la volonté de masquer les difficultés. Les actes de délinquance sont mieux signalés. En revanche, des cas problématiques peuvent traverser l'institution scolaire durant plusieurs années sans qu'une inspection d'académie ne réagisse. Deux cas exposés à la commission lors d'une visite dans une école de Vaulx-en-Velin stigmatisent cette impuissance. Il a fallu en effet plus de trois ans, une tentative de meurtre et une tentative de suicide pour que l'inspection académique réagisse et trouve, avec la PJJ, une solution de placement adéquat pour le mineur en cause .

Cette attitude est éminemment coupable puisqu'elle nuit à une prise en charge précoce des cas les plus difficiles. Par une intervention diversifiée et très en amont, prenant en compte le milieu familial ainsi que les difficultés psychologiques et scolaires de l'enfant, les chances de succès en termes de prévention des comportements déviants sont bien évidemment multipliées. L'école doit être à la pointe du dépistage précoce, mission qu'elle est aujourd'hui souvent incapable d'assumer .

Doit être également regretté le peu de capacité des inspections d'académie à trouver des solutions pour les élèves les plus en difficultés. Sans doute leurs capacités d'intervention, dans un cadre très centralisé, sont-elles encore trop limitées. Néanmoins, certaines réponses laissent perplexes. Si dans certains cas, le reclassement d'un élève expulsé dans un autre établissement peut se révéler positif, dans beaucoup d'autres cas, il relève d'une gestion de la « patate chaude » . On déplace les problèmes beaucoup plus qu'on ne les résout. Un jeune élève psychotique a ainsi été confié à une classe pour enfants handicapés (CLIS - classe d'intégration scolaire), entraînant un grand désordre dans cette structure et plusieurs plaintes de parents. Ce placement, fait « à défaut d'établissement » , souligne dramatiquement la pauvreté des réponses apportées par l'institution.

Un nouveau travers constaté par l'ensemble des acteurs concernés par les questions de délinquance est une tendance à transférer sur d'autres la gestion de la sanction. Alors que longtemps les structures du second degré ont revendiqué un privilège d'extraterritorialité vis-à-vis des institutions judiciaires et policières, à l'instar de l'Université, les signalements à la justice se multiplient aujourd'hui. Ce défaut est admis par le directeur de l'enseignement scolaire 47 ( * ) lui même qui précise « qu'à la loi du silence s'est substitué l'excès inverse. Je l'ai constaté sur le terrain. Il est plutôt sain d'avoir eu une période pendant laquelle les Parquets étaient encombrés » (sic).

Il reste que ce phénomène pose une difficulté aux juridictions confrontées à une multitude de saisines pour des faits relevant en réalité de la discipline scolaire, et qui sont dès lors classés sans suite. Ces incidents, s'ils n'ont pas donné lieu à une sanction interne, restent en définitive, après ce classement, impunis.

L'organisation de la « justice scolaire » interroge par elle-même. Les statistiques de l'Education nationale indiquent que seulement un tiers des trafics de stupéfiants et des atteintes sexuelles sont signalés à la justice. Concernant les vols, 4 % sont signalés à la justice. Il est compréhensible que les petits larcins trouvent une sanction dans l'établissement. Pourtant 40 % d'entre eux ne font l'objet d'aucune suite interne. Il apparaît donc que beaucoup d'infractions restent impunies, nourrissant le sentiment d'impunité du délinquant, jusqu'à un déferrement tardif à la justice. L'objectif de sanctions systématiques et graduées au sein des établissements et du rétablissement de la discipline n'est pas rempli à l'Education nationale. La règle « la justice ou rien » n'est pas efficace .

Un dernier point doit être rappelé. Les articles D. 552-4 et 552-6 du code de la sécurité sociale disposent que l'autorité compétente pour constater et avertir la caisse d'allocations familiales des cas d'absentéisme scolaire est l'inspecteur d'académie. Tant l'ampleur du phénomène que le chiffre des saisines annoncées par la CNAF montrent qu'une vigilance accrue doit être exigée de leur part en ce domaine .

* 47 Audition de M. Jean-Paul de Gaudemar, 20 mars 2002.

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