B. L'HÉBERGEMENT TRADITIONNEL FAIT DÉFAUT

1. Un manque de places en hébergement paradoxalement conjugué à une sous-utilisation des structures

La PJJ a progressivement abandonné le créneau de l'hébergement en foyer, qui constituait pourtant une de ses missions prioritaires 105 ( * ) . En 1996, seulement un agent sur trois (846 éducateurs sur près de 3.000) travaillait dans les 34 foyers d'action éducative du secteur public encore existant . Les capacités d'hébergement du secteur public, qui étaient de 3.190 places en 1977, sont tombées à 1.392 en 1995, soit une baisse de 56 %.

Le postulat selon lequel le mineur devrait prioritairement être pris en charge dans son milieu naturel, et placé en hébergement uniquement en dernier ressort, a sans doute conduit la PJJ à un déséquilibre trop important des prises en charge au détriment de l'hébergement. Dans 28 départements, la fonction hébergement (tous types d'hébergement confondus) n'est pas assurée au sein du secteur public.

Afin de combler ce retard d'équipement, une politique volontariste d'acquisition paraît nécessaire. Or, force est de constater la modestie du bilan de la politique d'équipement de la PJJ. De 1995 à 1997, la PJJ n'a créé que 31 places d'hébergement collectif, et 60 de 1998 à 2000. De nombreuses opérations programmées sont en sommeil en raison de difficultés dans la recherche de sites appropriés.

Dans le même temps, il faut constater que les structures d'hébergement traditionnel de la PJJ sont sous-utilisées, le taux d'occupation moyen atteignant 66 % 106 ( * ) . Des personnels d'accompagnement se trouvent donc en surnombre, faisant défaut en revanche là où existent des besoins.

La commission d'enquête souhaite que soient facilités les échanges entre les différents services de la PJJ, notamment d'un département à l'autre, afin que les foyers trop sollicités puissent orienter des jeunes vers des structures sous-occupées. Actuellement, de tels échanges se pratiquent ; ils ont notamment pour avantage d'éloigner un mineur difficile qui aura mis en échec plusieurs foyers sur le département. Mais ils reposent sur les relations informelles entre les directeurs départementaux, et non sur une pratique institutionnalisée. La commission estime souhaitable de développer ces échanges entre départements, en garantissant que le magistrat sera régulièrement informé de l'évolution de la situation du mineur, comme il doit l'être pour tous les mineurs placés dans le ressort du tribunal pour enfants où il exerce.

Comme le soulignait M. Alain Bruel, ancien président du tribunal pour enfants de Paris : « L'accroissement des moyens éducatifs ne doit pas être exclusivement consacré aux structures d'accueil à court terme. L'effort accompli par la PJJ depuis quelques années pour faire face aux prises en charge les plus urgentes par le moyen des centres de placement immédiat et des unités à encadrement éducatif renforcé s'est traduit par une désorganisation administrative . Il devrait maintenant se concentrer sur les prises en charge à moyen et long terme, moins spectaculaires mais plus sérieuses , sous peine de voir des résultats péniblement acquis en quelques semaines invalidés par l'absence de prise en charge ultérieure, comme c'est le cas actuellement. »

La commission d'enquête souhaite le développement des capacités d'accueil dans les structures d'hébergement du secteur public, c'est-à-dire en direction des mineurs délinquants. S'il est nécessaire de diversifier au maximum les solutions d'hébergement, les lieux de vie doivent néanmoins être habilités et contrôlés.

* 105 Rapport du Conseil économique et social de 1998 sur le système de protection de l'enfance : « Les formules d'hébergement, quelles que soient leurs modalités (placement familial, internats scolaires, foyers, unités à encadrement éducatif renforcé...), sont en nombre trop limité et pas toujours bien réparties sur le territoire. Toutes formes confondues, environ 5.000 mineurs ont bénéficié en 1996 d'une mesure de placement fondée sur l'ordonnance de 1945 [...]. Or, les possibilités d'accueil dans les structures gérées par la PJJ, qui ont vocation à accueillir les cas lourds, sont très faibles en hébergement complet (600 à 800 places). [...] En tout état de cause, le choix du juge, quand il n'est pas simplement guidé par l'urgence, relève davantage de l'offre disponible que de l'adaptation au profil du mineur concerné ».

Auditionné par la commission, M. Alain Bauer faisait le même constat : « Pour 170.000 mineurs délinquants et 150.000 mineurs en danger, les services sociaux, les magistrats, ne disposent que d'un peu plus de 1.100 places, et encore n'en est-on pas sûr ! »

* 106 Le taux d'occupation moyen de l'hébergement individualisé en 1999 est de 74 % et de 61 % pour les centres de jour.

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