D. L'ÉDUCATION RENFORCÉE : L'AVENIR DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE ?

Deux dispositifs distincts ont marqué la PJJ dans les dernières années, bouleversant la culture professionnelle de certains de ses personnels. Il s'agit des centres éducatifs renforcés (CER) et des centres de placement immédiat (CPI).

Après des difficultés d'installation, il semble que les CER aient trouvé un « rythme de croisière » et un positionnement reconnu.

1. Historique des UEER

La loi du 14 novembre 1996 dite « Pacte de relance pour la Ville » a créé, à titre expérimental, et pour les mineurs délinquants les plus difficiles, des unités à encadrement éducatif renforcé (UEER) présentées comme le chaînon manquant entre le foyer d'hébergement classique et la prison.

Les UEER offrent une prise en charge éducative individualisée, continue, en rupture avec le mode de vie habituel des mineurs accueillis, dans une structure de cinq mineurs pour cinq éducateurs.

Le cabinet d'ingénierie sociale CIRESE, chargé d'une évaluation des premières UEER en 1997, a distingué trois modèles de projets éducatifs :

- les « lieux de vie » visant à reconstruire affectivement et à restaurer physiquement des jeunes très mal en point dans un environnement éducatif proche du cadre familial ;

- l'immersion dans des conditions de vie difficiles (en mer, en haute montagne, dans le désert...) qui mobilise l'énergie des jeunes ;

- la confrontation à des défis sportifs qui visent à développer une pratique du risque maîtrisé, mais susceptibles de verser dans la surenchère et de réactiver la problématique de « la loi du plus fort ».

De septembre 1996 à septembre 1997, 17 UEER ont été ouvertes (dont 7 dans le secteur public) et ont accueilli 167 jeunes, mais quatre unités avaient suspendu leur activité en 1998.

Un rapport des Inspections générales de l'administration, des Affaires sociales et des services judiciaires sur les UEER, remis en 1998, a mis en évidence les difficultés d'installation de ces unités contestées et leur coût assez élevé 113 ( * ) .

Les inspections observaient que le nombre de mineurs accueillis était dérisoire au regard des besoins supposés : la capacité d'accueil fin décembre 1997 était de 20 places dans le secteur public et 45 dans le secteur habilité.

Or, non seulement les UEER n'étaient pas débordées de demandes de placement, mais encore elles peinaient à faire le plein de leurs places. La principale cause avancée était la réticence de certains magistrats à utiliser les UEER : « c'est la définition même d'une politique publique qui est en cause et c'est l'articulation de cette politique publique avec les décisions d'une juridiction indépendante qui est ici en question 114 ( * ) ».

En revanche, les inspections constataient que le profil des jeunes accueillis correspondait bien à la vocation affichée des UEER : particulièrement déstructurés, cumulant les carences de toutes sortes, pour la plupart récidivistes notoires, et parfois estimés violents ou dangereux, ces jeunes avaient antérieurement mis à mal les foyers où ils n'avaient fait que passer. La réflexion sur la nature des profils des jeunes accueillis simultanément (mixité, âge, compatibilité des profils, cas des jeunes délinquants toxicomanes...) était jugée prioritaire.

* 113 En effet, en raison d'investissements réalisés par voie d'acquisition, le coût annuel moyen d'une place en UEER s'est élevé pour la première année à environ 305.000 francs, ce qui correspond à un prix de journée de 1.700 francs par mineur (en comptant le nombre de journées effectives).

* 114 A cet égard, la commission d'enquête s'étonne que la note de la direction de la PJJ en direction des magistrats, expliquant la politique retenue en matière de CER et de CPI, n'ait été diffusée que le 13 janvier 2000, alors même que les inspections générales et le CIRESE avaient, dès 1998, attiré l'attention sur la méconnaissance de ces centres par les magistrats.

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