2. Dynamiser le tourisme lié au vin

Le développement du tourisme vitivinicole est également une voie qui devrait être explorée en France. Le groupe de travail en a eu très tôt l'intuition, en particulier lors de son déplacement en Afrique du Sud. Pour analyser la situation de cette activité en France, votre rapporteur a adressé un questionnaire aux chambres d'agriculture et aux services de l'Etat de l'ensemble des régions vitivinicoles. Les réponses reçues ont permis de nourrir les développements qui suivent.

De manière paradoxale, alors que la France est la première destination touristique mondiale et le premier producteur mondial de vin , l'« oenotourisme » y est peu développé . Cette situation s'explique sans doute par le poids d'une tradition viticole ancienne, qui rechigne à voir dans le vin un produit de loisir.

En France, l'évocation du tourisme viticole conduit souvent à citer l'Alsace, qui s'est montrée précurseur grâce à une route des vins de 170 kilomètres, traversant tout le vignoble et contribuant au développement du tourisme vert dans cette région.

L'oenotourisme est également présent dans le Bordelais, mais avec un positionnement haut-de-gamme. Fondé sur la réputation des grands noms (Margaux, Yquem), il s'est traduit par l'ouverture d'un certain nombre de châteaux, dont une grosse part de la clientèle est constitué par des groupes dans le cadre de circuits organisés. Il est loin de dynamiser l'ensemble du vignoble et reste peu accessible au grand public.

Dans les autres vignobles, le tourisme du vin prend surtout la forme de « l'accueil au caveau », et de la mise en place de routes des vins plus ou moins bien structurées. Des régions viticoles sont vraiment en retard, à l'image de Midi-Pyrénées ou d'une grande partie du Languedoc-Roussillon. D'autres, comme la Bourgogne, se reposent sur un patrimoine viticole de renom sans vraiment chercher à le dynamiser. Parfois, les initiatives professionnelles sont réelles, comme dans le Beaujolais ou la Vallée du Rhône et couronnées de succès, comme celui que connaissent les vignerons des Corbières.

Il convient d'ajouter l'existence d'événements viticoles, à l'image des ventes de vin aux Hospices de Beaune, et l'apparition de nouveaux produits touristiques de luxe, comme le centre de vinothérapie, installé dans le domaine Smith Haut Lafitte en Bordelais, qui propose des soins dans ou à base de vin.

Cependant, l'offre française reste encore insuffisante au regard des perspectives qu'elle est susceptible d'ouvrir à l'ensemble des vignobles. Elle souffre notamment :

- d'un manque d'hébergements marchands dans le vignoble ;

- de la différence de culture qui existe entre le monde viticole et le monde touristique , conduisant à un manque de collaboration entre les deux types d'acteurs ;

- de la concentration des professionnels du tourisme sur les régions viticoles à forte notoriété ;

- de l'éclatement des initiatives , qui n'apparaissent pas toujours fédérées par une démarche commune identifiable de l'extérieur ;

- de l'insuffisante médiatisation des possibilités de pratiquer le tourisme vitivinicole, qui reste de ce fait essentiellement un tourisme de cueillette, nourri par les clients de passage ;

- de la qualité irrégulière de la signalétique et du manque de documentation proposée sur les lieux d'accueil.

A l'inverse, le tourisme vitivinicole est très présent dans les nouveaux pays viticoles

Dans ces pays, qui sont souvent d'importantes destinations touristiques au plan mondial, les circuits proposés incluent très souvent un séjour dans la région viticole. La visite d'une bodega est un passage obligé d'un séjour dans la région de Mendoza en Argentine.

Le cas de l'Afrique du Sud mérite également d'être évoqué. Un tiers des touristes se rendant dans la province de région de Western Cape autour du Cap visitent une cave. La plupart des circuits organisés dans cette région incluent la découverte de la péninsule par la route des vins

Comme le souligne une des réponses au questionnaire envoyé par votre rapporteur, « le produit touristique vin n'est jamais commercialisé seul mais fait partie d'un package » qui le relie à d'autres centres d'intérêt, telle que la découverte de la région par un train touristique ou la randonnée en vélo.

Ce tourisme repose sur l'existence de véritables complexes associant visite, dégustation de vin, restauration, hébergement, activités culturelles voire mise à disposition d'espaces pour organiser des congrès ou des réunions privées . C'est ce type de prestations que propose, par exemple, l'exploitation viticole « Morgenhof » de Mme Anne Cointreau-Huchon où la délégation sénatoriale a été reçue lors de son déplacement en Afrique du Sud.

Votre rapporteur souhaite, à cet égard, restituer sa propre expérience du tourisme viticole en Afrique du Sud.

Le développement de l'oenotourisme présente de nombreux avantages

Tout d'abord, il offre un premier débouché, appréciable pour les petites productions qui intéressent moyennement les metteurs en marché de l'aval. En Alsace, la vente directe assurerait 23 % de la commercialisation totale du vin.

Il permet également de fidéliser la clientèle qui, par la suite, commandera volontiers du vin qu'elle a découvert en vacances.

Pour les viticulteurs qui s'insèrent dans une démarche collective, il contribue à réduire les dépenses individuelles de communication et de marketing , qui sont assurées par la signalisation et la communication du réseau, ce qui génère des économies d'échelle.

Le tourisme viticole est ainsi un moyen de différenciation des vignobles qui constitue une alternative à la communication massive exigée par la pression concurrentielle sur le marché mondial des vins.

Par ailleurs, il est bénéfique à l'ensemble de la profession, dans la mesure où il permet un contact direct du monde viticole avec les consommateurs , auxquels il est ainsi donné « d'apprendre le vin ».

Il est porteur d'une dynamique positive dans la mesure où il favorise le développement économique local : il partage sa clientèle avec les commerces, les structures d'hébergement et de restauration et favorise l'installation d'infrastructures publiques et privées. En outre, il renforce l'identité culturelle et l'image de marque d'une région .

Enfin, dans certains régions confrontées durant la saison estivale à une forte augmentation de la population sur leur littoral (Languedoc- Roussillon, Charente-Maritime, Gironde), le tourisme viticole peut être un moyen d'attirer les touristes à l'intérieur et donc de rééquilibrer les flux de vacanciers.

Il convient de souligner que ce développement correspond à une réelle attente de la part des touristes.

Selon un enquête réalisée en 2001 par l'Agence française d'ingénierie touristique (AFIT), le caractère viticole d'une région figure en bonne place parmi les critères de choix d'une destination touristique. Sur 1 000 personnes interrogées, 20 % ont choisi au moins une fois leur destination pour ses possibilités vitivinicoles, 25 % ont fait un détour pour passer dans une région viti-vinicole et 40 % sont allés au moins une fois dans une cave.

En outre, 88 % des oeonotouristes se déclarent acheteurs de vin.

Le développement du tourisme viticole en France est une chance qu'il faut saisir. Cela suppose toutefois que soient respectées un certain nombre de conditions.

Il est, en premier lieu, souhaitable que ce tourisme ne se fonde pas exclusivement sur le vignoble, mais soit relié à un patrimoine culturel existant , qui peut être historique, à l'image des châteaux en Val de Loire, ou gastronomique pour des régions comme la Bourgogne ou l'Armagnac.

Il convient également d'offrir des prestations annexes -sportives, culturelles, de loisir ou commerciales-, en partenariat avec d'autres acteurs locaux, dans la mesure où le touriste ne vient jamais uniquement pour le vin.

Il est également nécessaire de proposer de vrais « produits » commerciaux , prêts à l'emploi, allant des itinéraires types disponibles dans les offices de tourisme à des circuits complets, incluant la visite d'une ou plusieurs caves, d'un site touristique, une halte dans un restaurant et une prestation d'hébergement. Si les tours opérateurs créent des produits sur mesure pour les groupes, le créneau des courts séjours, pour lequel la demande s'est développée avec la réduction du temps de travail, est encore insuffisamment exploité.

Mettre en place une offre complète et structurée à partir du concept de tourisme viticole ne peut relever des seuls viticulteurs, ce qui doit pas les priver de prendre des initiatives. La démarche engagée depuis une dizaine d'années par le syndicat de cru Corbières mérite d'être citée. Elle a conduit à la mise en place d'une route des vins, à la création d'une association dénommée « Tourisme vigneron en Corbières Méditerranée », au dépôt d'une marque commerciale « Tourisme de terroir », qui est utilisée pour labelliser les vignerons impliqués et leurs différents partenaires -hébergeurs, restaurateurs, gestionnaires de sites- et à la commercialisation de produits touristiques.

S'agissant des mesures qui relèvent plus particulièrement de la profession, il est nécessaire d'offrir un accueil de qualité : propreté des lieux, horaires d'ouverture garantis, fourniture de documentation. Il convient, à cet égard, de généraliser les chartes d'accueil, par lesquelles les viticulteurs s'engagent, lorsqu'ils participent à une démarche collective du type route des vins, à respecter un certain nombre de critères de qualité, répondant aux attentes des clients.

Une signalétique simple, harmonisée et continue doit être mise en place en vue d'indiquer les vignobles et les caves ouvertes au public.

Une des réponses au questionnaire envoyé par votre rapporteur insistait sur la nécessité de donner une dimension ludique aux visites, afin d'intéresser les plus jeunes et de ne pas donner au vin l'image « d'un produit réservé à la vieille génération ».

Enfin, quand la profession en a collectivement les moyens, il peut être intéressant de dynamiser le vignoble par des équipements tel qu'une maison du vin, une pinothèque ou un centre audiovisuel sur le monde viticole . A titre d'exemple, le syndicat des Bordeaux a ouvert récemment à la Maison des Bordeaux à Beychac-et-Caillau, une exposition intitulée « Planète Bordeaux ».

Des aménagements plus modestes peuvent être tout aussi efficaces. Une autre réponse au questionnaire de votre rapporteur citait l'exemple du sentier viticole mis en place à Vauxrenard en Beaujolais, qui offre aux touristes un parcours de près de trois kilomètres dans les vignes, agrémenté de panneaux pédagogiques et se prêtant à des visites commentées.

Il convient d'indiquer que les démarches engagées en matière de tourisme viticole peuvent bénéficier, sous certains conditions, de financements au titre de la politique européenne de développement rural. Le groupe de travail suggère, à cet égard, que le soutien financier commun de l'Union européenne, de l'Etat et des collectivités locales à ces initiatives, soit mis en oeuvre dans le cadre des contrats de plan Etat-Régions. t

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