CHAPITRE PREMIER :

LA NÉCESSITÉ  DE REDONNER VIE AUX CENTRES

COMMERCIAUX DANS LES QUARTIERS

I. LE CONSTAT PRÉCOCE D'UNE SITUATION DU COMMERCE DÉGRADÉE DANS LES QUARTIERS SENSIBLES

A titre préliminaire, il convient de souligner la profonde méconnaissance de la situation du commerce et de l'artisanat dans les zones urbaines sensibles. Si l'EPARECA a indiqué ne pas être en mesure de répondre aux questions de vos rapporteurs spéciaux lui demandant de présenter « un état précis de la situation du commerce et de l'artisanat dans les quartiers prioritaires des contrats de ville », il est bien le seul à disposer de quelques éléments issus de son expérience.

La Direction au Commerce et à l'Artisanat et aux Services (DECAS) du ministère de l'économie et des finances et la Direction Interministérielle à la Ville (DIV) n'ont mené aucune étude d'ampleur sur la situation du commerce dans les banlieues, alors qu'elles ont la responsabilité de mener la politique de l'État dans ce domaine. Chargées par le législateur, dans le cadre du pacte de relance pour la ville, de la mise en place et de la tutelle de l'EPARECA, ces deux directions ne disposent d'aucun panorama clair. Il leur est impossible d'indiquer le nombre de sites potentiellement concernés par l'action de l'EPARECA. Lors de la définition d'une nouvelle politique publique, la réalisation d'un audit chiffré devrait pourtant être un préalable indispensable.

Seul un travail statistique d'exploration provisoire des établissements implantés au 1 er janvier 1999 dans 90 % des ZUS (677 sur 751) effectué par l'INSEE est disponible. Il reste assez fruste.

Les principaux résultats indiquent un total de 49.071 établissements (champ ICS) 7 ( * ) qui se répartissent ainsi :

-commerce : 26.351

-services aux particuliers : 11.190

-éducation, santé, action sociale : 11.530

Nombre d'établissements implantés en ZUS au 1 er janvier 1999

Source : Insee

Les effectifs salariés représentent un total de 105.099 emplois (champ ICS) se répartissant ainsi :

-commerce : 72.801

-services aux particuliers : 20.059

-éducation, santé, action sociale 12.239

Nombre d'emplois en ZUS au 1 er janvier 1999

Source : Insee

A. UN CONSTAT ÉTABLI DÈS LE PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE

Notre collègue Gérard Larcher, rapporteur au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, notait en 1996 dans son rapport que « dans les quartiers en difficulté, les commerces sont bien souvent contraints de cesser leur activité, sous l'effet certes de l'évolution des modes de consommation mais aussi d'un urbanisme inadapté et d'une organisation défectueuse ».

Un des meilleurs indicateurs pour évaluer les difficultés des centres commerciaux est celui du taux de vacance des cellules commerciales.

Sur 93 sites ayant fait l'objet d'un dossier de saisine auprès de l'EPARECA, seuls 10 n'avaient aucune boutique vacante. 7 avaient un taux de vacance supérieur à 50 %. En général, les centres en difficulté sont des centres dont la vacance concerne une forte minorité de boutiques.

Selon le rapport sur les zones franches urbaines de juillet 2001 remis au Parlement, le nombre de commerces a connu dans ces zones de janvier 1997 à décembre 1999 une plus faible progression que celui des autres entreprises (augmentation de 27 %, contre 82 % en moyenne).

Selon le Crédoc (centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) 8 ( * ) , seuls les deux tiers des zones urbaines sensibles disposent d'un équipement commercial 9 ( * ) , la plupart des centres créés lors de la construction des quartiers d'habitat social ayant vu leur activité décliner, voire disparaître. En outre, la plupart des zones concernées n'ont pas de supermarché.

Les habitants des quartiers d'habitat social effectuent donc leurs principaux achats en dehors de leur quartier, dans lequel ils ne réalisent que leurs courses d'appoint.

Il existe donc dans certaines zones urbaines sensibles de véritables « friches commerciales » , qui contribuent à accentuer l'image sinistrée de ces quartiers.

Cette situation s'explique par plusieurs facteurs. On peut distinguer ceux qui concernent la demande de ceux concernant l'offre. Dans un premier temps, le principal problème a été celui de la demande, les centres se révélant généralement peu à peu surdimensionnés. Cependant, le principal problème aujourd'hui semble être celui de l'insuffisance de l'offre, qui ne parvient même pas à satisfaire la demande.

1. Une demande qui a décliné depuis les années 1970

Créés pour la plupart dans les années soixante et soixante-dix, les centres commerciaux des zones urbaines sensibles se sont généralement révélés surdimensionnés.

a) Le faible niveau de vie des résidents, un facteur qui ne semble pas essentiel

Il convient tout d'abord de souligner que le faible niveau de vie des résidents ne semble pas constituer une explication essentielle.

Certes, selon le CREDOC, les dépenses des ménages vivant en HLM sont inférieures de 30 % au budget de consommation des autres foyers résidant en milieu urbain 10 ( * ) . Certains postes de dépenses sont particulièrement concernés, comme l'indique le graphique ci-après.

Consommation annuelle moyenne

(en euros)

Source : CREDOC

Il convient cependant de souligner que ce phénomène concerne peu les dépenses de santé (- 17 %), le logement (- 13 %) et, surtout, les dépenses alimentaires (- 11 %) :

Consommation annuelle moyenne

(en euros)

Source : CREDOC

Les commerces que l'on souhaite implanter dans des zones urbaines sensibles étant essentiellement des commerces d'alimentation - en particulier, c'est un magasin alimentaire, supérette ou supermarché, qui est chargé de jouer le rôle de « locomotive » du centre -, le niveau de vie modeste des personnes vivant dans ces zones ne peut, en lui-même, que jouer un faible rôle dans la désertion de celles-ci par les commerces.

Les commerces alimentaires de ces quartiers présentent certaines particularités. Le « hard-discount », proposant presque exclusivement des produits vendus au plus bas prix, grâce à des coûts de commercialisation aussi réduits que possible (ce qui concerne des enseignes comme Aldi, Lidl, Leader Price ou Ed), y joue un rôle important. Près d'un supermarché sur quatre est dans ces quartiers, selon l'EPARECA, un magasin de hard discount. L'enquête du CREDOC précise que 36 % des résidents HLM fréquentent au moins une fois par mois un magasin de hard discount contre 26 % pour le reste de la population.

Il existe en outre fréquemment des commerces dits « ethniques », proposant des produits destinés à une communauté particulière (comme des boucheries halal ou casher ou des coiffeurs spécialisés dans la coiffure africaine) 11 ( * ) .

* 7 Le champ ICS regroupe l'industrie, la construction, le commerce et les services.

* 8 Bruno MARESCA, Laurent POUQUET, « Le commerce dans les cités - Un potentiel qui requiert du volontarisme et de l'innovation », Consommation et modes de vie, n° 144, 30 juin 2000.

* 9 Une étude plus ancienne de la DGCCRF (Direction Générale de la Consommation et de la répression des Fraudes) portant sur les structures commerciales de 1157 quartiers défavorisés dans 75 départements relevait en 1994 que 56 % de ces quartiers étaient sans commerce.

* 10 La poursuite de l'accession à la propriété a occasionné le départ des familles les plus aisées sans qu'elles soient remplacées par les mêmes catégories sociales.

* 11 Une enquête réalisée par la Chambre de Commerce et d'Industrie des Hauts-de-Seine en 1999 fait ressortir que 60 % des commerces dans les zones sensibles depuis 5 ans ont été créés ou repris par des exploitants de culture étrangère.

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