2. Un pilotage de la politique immobilière universitaire qui ne peut être exclusivement local

Divers interlocuteurs de la mission, notamment l'actuel directeur de l'enseignement supérieur ainsi qu'un ancien responsable de la DATAR, ont souligné la nécessité de remédier à un certain éparpillement des sites universitaires, certes encouragé, avec quelque légitimité par les collectivités territoriales, mais aussi défendu par les responsables universitaires.

a) La nécessité d'une démarche patrimoniale de niveau régional

La mission d'information estime nécessaire que les établissements, via leurs contrats quadriennaux passés avec l'État puissent formuler leurs projets de formation et de recherche, en y associant leurs partenaires économiques, notamment en matière de recherche, mais aussi leurs partenaires étrangers, toute recherche étant désormais européenne ou mondiale.

Cet objectif passe sans doute par la définition d'une politique de site incluant un fort partenariat régional et impliquant une démarche contractuelle associant les universités, les collectivités territoriales et l'État dans un véritable projet partenarial : l'implantation dans l'espace universitaire de grands plateaux technologiques à l'échelle d'une thématique participe de cet objectif et nécessite d'associer tous les acteurs à la conduite d'un projet de formation et de recherche, en s'inscrivant dans un développement durable d'activités économiques au plan local, en relation avec l'État.

b) Une nécessaire prise en compte de la dimension européenne

Toute démarche partenariale régionale en matière universitaire et de recherche doit désormais s'inscrire dans le cadre « d'euro-régions » : à titre d'exemple, un grand projet universitaire de formation et de recherche pourrait être développé dans une grande région « universitaire » du sud-est, dont les établissements seraient alors en mesure de concurrencer les grands sites universitaires du « versant latin » de notre pays ; une même logique pourrait conduire à envisager un rapprochement du potentiel universitaire et de recherche des deux régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, afin de répondre au pôle universitaire constitué autour de Barcelone.

La prise en compte de cette dimension européenne permettrait d'éviter que les capacités de formation et de recherche, qui sont évidemment conditionnées par l'immobilier, dépendent à l'excès des initiatives, et du financement des collectivités territoriales et privilégient trop largement le local au détriment d'une dynamique internationale.

Selon le directeur de l'enseignement supérieur, une politique universitaire de site au plan régional est inévitable, sauf à assister dans les quinze ans à venir à l'effacement de nos universités du concert international : le maintien de cinq universités sur un même site atomisé, qui n'est pas une situation exceptionnelle, n'est plus aujourd'hui concevable.

On citera à cet égard l'exemple de la région PACA, où la coexistence des académies de Nice et d'Aix-Marseille conduit à avoir deux schémas académiques des formations spécifiques, qui pourraient être fondus dans un schéma « supra ordonnant » unique autorisant une meilleure visibilité régionale, mais aussi internationale des formations et de la recherche.

On rappellera que la région PACA, qui pèse déjà d'un grand poids universitaire au niveau européen, comme d'ailleurs les régions Rhône-Alpes et Aquitaine, a d'ores et déjà développé une coopération scientifique avec des universités étrangères.

Force est de constater que les projets purement hexagonaux de proximité seront de plus en plus menacés dans l'avenir car la référence en matière de recherche universitaire est aujourd'hui plus européenne et internationale que commandée par de prétendues cultures d'établissement : la culture des chercheurs est désormais internationale et indépendante de leur université.

Compte tenu de l'exiguïté du cadre national, de la mobilité aujourd'hui internationale des enseignants-chercheurs, notre pays doit développer de grands laboratoires de recherche tournés vers l'extérieur, au delà d'une compétition stérile purement nationale entre les grands centres universitaires régionaux.

c) Vers une coordination plus satisfaisante

Si les plans U2000 et U3M ont considérablement modifié la donne en matière de politique immobilière universitaire, on peut regretter un manque de coordination interministérielle dans leur mise en oeuvre, les préfets ayant souvent relayé les positions de leur département, ainsi qu'une coordination régionale et interrégionale insuffisante, alors que celle-ci aurait pu être assurée par les préfets de région.

Dans la pratique, le recteur dans le domaine du bâti universitaire est loin d'être toujours le « patron », même s'il est chargé de la coordination du schéma académique des formations ; des contradictions peuvent apparaître au plan inter-départemental du fait parfois de la position de faiblesse de l'État, ou de son représentant, lorsque les collectivités territoriales s'engagent dans le contrat de plan : si le dispositif académique est trop faible pour exercer la maîtrise d'ouvrage, comme on l'a vu dans la mise en oeuvre d'U2000, la collectivité territoriale est tentée de prendre le relais.

Il importe donc de trouver le meilleur niveau régional, ou interrégional, pour assurer une gestion patrimoniale satisfaisante.

Dans cette perspective, il serait nécessaire d'élaborer une carte des sites universitaires prenant en compte les situations locales et les contraintes de la concurrence entre établissements, ce qui impliquerait de définir au niveau interministériel des schémas directeurs associant notamment les directions régionales de l'équipement, les conseils régionaux, les conseils généraux et les villes ; ceci permettrait de dépasser la politique certes volontariste et légitime des collectivités, développée ces dernières années, qui s'est traduite sans doute par une délocalisation excessive des sites universitaires et la mise en place de pseudopodes d'universités de plein exercice.

Enfin, et alors que les besoins universitaires « territoriaux » sont aujourd'hui pour l'essentiel satisfaits, il conviendrait sans doute de définir un nouvel établissement public d'enseignement supérieur et de recherche, intégrant toutes des composantes de l'enseignement supérieur.

d) La nécessité d'un projet patrimonial intra et inter-universitaire

Compte tenu du lien existant entre patrimoine universitaire et contenu des formations, toute nouvelle construction devrait s'appuyer sur un projet patrimonial intra et inter-universitaire dépassant les seuls projets d'établissement qui sont décidés en l'absence de tout schéma directeur et sans qu'une réflexion ait été engagée sur leur utilité collective.

Dans cette perspective, si les universités sont compétentes, compte tenu de leur autonomie, pour définir leur projet scientifique et ont vocation à préserver leurs laboratoires de recherche, qui sont d'ailleurs de plus en plus partagés entre établissements, elles devraient cependant pouvoir disposer d'un dispositif d'expertise d'État, en particulier dans leurs relations avec les collectivités territoriales.

e) Contre le tropisme scissiparitaire : un regroupement souhaitable des disciplines et des sites universitaires

Le niveau de notre potentiel universitaire et de recherche est hypothéqué par un manque d'organisation et de cohérence au niveau des sites, qui restent insuffisamment identifiables, notamment de l'étranger.

Le développement de grandes « places universitaires » comportant des liens organiques entre établissements apparaît ainsi souhaitable, la compétition stérile constatée trop souvent entre établissements, par exemple entre les trois universités d'Aix-Marseille n'ayant pas de justification : il pourrait également être envisagé une organisation transversale pour certains premiers cycles qui pourraient déboucher sur une spécialisation disciplinaire dans tel ou tel établissement.

De même, on conçoit mal qu'une « vieille » université comme celle de Clermont-Ferrand, qui se caractérise par une véritable culture locale, ne soit pas dans l'avenir « accrochée » au grand pôle universitaire lyonnais.

Pour sa part, Paris souffre en dépit de ses 150 000 étudiants, d'une compétition locale inter-universitaire développée entre des universités qui sont loin d'avoir un niveau international, alors que la véritable concurrence, notamment pour la recherche scientifique, se situe désormais entre Paris et Londres.

Afin de freiner le tropisme scissiparitaire des universités parisiennes, il conviendrait donc d'encourager un regroupement par grandes thématiques disciplinaires, ce qui suppose une certaine mutualisation des espaces universitaires, par exemple entre Paris V, Paris VI et Paris VII.

Plus généralement, s'agissant de la situation universitaire francilienne, qui constitue un problème en soi, comme il sera vu plus loin, compte tenu de son potentiel de recherche et de l'importance de sa population étudiante, il serait souhaitable de développer une cohérence entre Paris intra et extra muros , en faisant de la région Île-de-France un modèle international : un tel objectif suppose sans doute un redécoupage de la Sorbonne, des regroupements disciplinaires thématiques, qui n'ont pas été retenus par les ambitieuses opérations de réhabilitation et de restructuration en cours et la définition de projets universitaires communs afin que les universités parisiennes soient en mesure de supporter la comparaison avec leurs homologues de Londres, Oxford, Munich, Bologne ou Barcelone...

Dans le même sens, si l'équilibre est aujourd'hui satisfaisant sur le plan de la recherche entre Paris et la province, il conviendrait sans doute de densifier celle-ci dans la région francilienne, notamment en confortant le plateau de Saclay et de la développer dans les universités nouvelles franciliennes où, à l'exception d'Evry, elle a été négligée, comme d'ailleurs sur un plan plus général, dans les IUT.

Dans cette perspective, il apparaît nécessaire de développer en Ile-de-France de grandes dominantes thématiques dans des champs disciplinaires voisins : la création d'un grand pôle génomique autour des sciences du vivant, associé à la chimie fine, participerait d'un tel objectif.

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