1. La rénovation controversée du campus de Jussieu : de la Halle aux vins au bateau ivre
Retranché derrière ses grilles et ses douves,
coupé de la ville, mais non de son agitation sporadique, le campus de
Jussieu fait aujourd'hui l'objet de toutes les critiques.
Sa rénovation, et donc sa mise en sécurité
préalable, décidées en 1996 dans des conditions où
les intérêt particuliers et corporatifs ont sans doute
été privilégiés par rapport à
l'intérêt général, et à celui des
contribuables, notamment sous la pression des enseignants-chercheurs
concernés, n'emportent pas l'adhésion, en particulier compte tenu
de l'intérêt architectural controversé de ses
bâtiments, qui impose cependant de lourdes et coûteuses contraintes
en matière de réhabilitation.
Enfin, et surtout, l'absence de lisibilité de l'objectif annoncé,
le coût total considérable et difficilement prévisible des
opérations de désamiantage, de mise en sécurité et
de réhabilitation d'un campus, qui abrite certes la première
université scientifique française, mais moins de
20 000 étudiants, ne peuvent qu'alimenter une
perplexité légitime.
Etait-il raisonnable de préserver une telle survivance architecturale
des années 60 ? Méritait-elle d'être
réhabilitée, même avec une plus grande ouverture sur la
ville ? La raison ne commandait-elle pas de raser cet ensemble
38(
*
)
, de le reconstruire sur place ou
d'implanter un nouveau site universitaire ailleurs, après valorisation
d'un foncier rare et cher, alors que la Ville de Paris dispose d'espaces
disponibles au nord de la capitale et que l'Ile-de-France était
prête à accueillir toute délocalisation avec les meilleures
conditions d'accès ?
Force est de constater que diverses logiques se sont croisées pour
aboutir au « sauvetage » de Jussieu dans des conditions
où l'improvisation semble souvent l'avoir emporté sur la
raison : celle d'un monde universitaire attaché à ses
particularismes, à sa culture disciplinaire propre et aussi à ses
habitudes ; celle de la Ville et de la région, trop longtemps
indifférentes au sort des universités parisiennes ; celle
des établissements concernés et rivaux incapables de conduire une
opération technique aussi complexe de mise en sécurité et
de réhabilitation ; celle de la nébuleuse des architectes
« paillettes » d'ailleurs partagés sur
l'intérêt du bâti existant ; celle de l'État,
bien en peine de reloger en totalité sur une courte période une
telle masse d'étudiants, d'enseignants-chercheurs, de personnels
techniques et de laboratoires ; celle des experts, des tribunaux, de la
préfecture de police, saisis des problèmes de
sécurité par le comité anti-amiante...
a) La genèse du campus de Jussieu : la symphonie inachevée d'Albert
(1) Une architecture « spatiale et cinétique » pour un campus « hyper urbain »
En 1962,
pour éviter le triplement du «
pesant
immeuble
»
39(
*
)
de
Cassan construit dans les années 50, qui barre encore aujourd'hui les
bords de Seine, le ministre André Malraux impose un jeune architecte
auteur de deux constructions métalliques remarquées (l'immeuble
du 85 rue Jouffroy et la tour de la rue Croulebarbe) :
Édouard Albert, théoricien de l'architecture spatiale et
cinétique, familier du monde artistique de l'époque, est ainsi
chargé de donner un caractère plus ambitieux au projet
40(
*
)
et de proposer une architecture
d'avant-garde à la plus grande université scientifique
européenne, située au coeur du V
e
arrondissement.
En octobre 1962, il établit un premier plan-masse qui se distingue par
sa «
légèreté et sa
fluidité
».
Le plan définitif, présenté en mars 1963, fait
apparaître un imposant quadrilatère de 275 mètres sur
333 ; 400 000 m² de planchers se répartissent dans
des corps de bâtiments sur pilotis déterminant l'espace de
22 cours -dont la cour d'honneur avec sa tour centrale dite Zamanski-
selon la forme d'un Gril inspiré, d'après les observateurs les
plus indulgents, de l'exemple de l'Escurial...
Les barres en « L » avaient pour objet de répondre
autant à des contraintes fonctionnelles qu'à des
impératifs de rapidité de réalisation : la
construction s'appuie sur 64 tours cylindriques de béton et
constitue un bâtiment soumis à «
un jeu
d'articulations et de soulèvements
» qui dégage une
vaste esplanade ouverte et suspendue au-dessus de la ville, rythmé par
«
une ossature tubulaire associée à d'imposantes
poutres-gondoles qui renforcent l'idée
d'apesanteur
» ; les couples de fenêtres, qui
coulissent verticalement «
enrichissent par leur mouvement
aléatoire le rythme de la structure
»...
(2) Une naissance difficile, une construction rapide et un arrêt prématuré du chantier
Devant
la mission, l'architecte Jean Nouvel
41(
*
)
, qui a été chargé
en septembre 2000 de la rénovation et du
réaménagement de Jussieu, a rappelé que le campus avait
été construit en urgence, sur la Halle au Vins, en tenant compte
du maintien des chais et des exigences des « pinardiers »,
et dans des conditions techniques particulièrement difficiles.
Son concepteur, selon lui injustement méconnu et sous-estimé a
ainsi eu recours à un système inédit de fondation
adapté à un sous-sol fragile, traversé en particulier par
la Bièvre, consistant à implanter des cylindres autoportants tous
les 40 mètres à partir desquels a été
édifié en deux ans un véritable meccano, qui n'a jamais
été terminé.
Sa mort prématurée ne lui a pas permis, en particulier, de mener
à bien son projet de tour à étages décalés,
inspiré du «
modèle de l'oiseau de
Braque
» et ses ambitions architecturales ont été
noyées dans un consortium d'architectes qui a été à
l'origine des deux grandes barres dites de Cassan, jugées cinquante ans
plus tard «
brutales, simplistes, corbuséennes et
banlieusardes
», par leur confrère Jean Nouvel.
La disparition soudaine d'Edouard Albert, le 17 janvier 1968, a
laissé le chantier entre les mains de son équipe, qui trop
rapidement a jeté l'éponge.
Les grandes dates « architecturales » de Jussieu
1959, 4
février.
La propriété des immeubles de la Halle aux
vins pour la faculté des sciences est transférée à
l'Etat.
1962.
André Malraux désigne l'architecte Édouard
Albert.
1963, mars.
Le plan définitif du campus est adopté.
1964, 17 février.
Le chantier de Jussieu démarre.
1968, 17 janvier.
Mort d'Albert : la construction se poursuit avec
peu d'égards par rapport au projet initial.
1971.
Le chantier s'interrompt.
1975 à 1979.
La création d'un collectif intersyndical, qui
dénonce la présence d'amiante en 1974, est à l'origine de
premiers travaux de protection.
1982.
Le plan d'achèvement qui prévoyait la
création d'une bibliothèque est annulé par le concours de
l'Institut du monde arabe (Ima).
1991-1992.
Le concours pour la bibliothèque de Jussieu est
remporté par Jean Nouvel et Rem Koolhaas.
1994.
Le comité anti-amiante de Jussieu est créé.
1995.
Un rapport remis en novembre conclut à la
nécessité d'une opération massive de déflocage.
1996.
La consultation pour la mise en sécurité et la
réhabilitation du campus lancée par les services immobiliers de
l'académie de Paris (Scap) est remportée par Guy Autran,
Vladimir Mitrofanoff et le BET Technip.
Libération
demande le classement de Jussieu au titre des
Monuments historiques.
Déclaration du Président de la République le 14
juillet : «
avant la fin de l'année, il n'y aura plus
d'étudiants à Jussieu, parce qu'il y a un risque ».
Le conseil d'administration de Paris VII approuve en novembre le projet de
déménagement de l'établissement sur la ZAC Paris Rive
gauche.
1997.
L'EPA Jussieu est créé.
1998.
Une expertise officielle effectuée en 1997 sur la tenue au
feu du bâtiment, pour le compte de l'académie de Paris, est rendue
publique.
Une mission de maîtrise d'oeuvre pour une première tranche de
travaux (huit barres) est lancée par l'équipe Autran-Mitrofanoff
(livraison du premier bâtiment à l'été 2001).
2000.
Après des négociations avec la Ville de Paris, le
transfert de l'université Paris-VII vers un nouveau site dans la Zac
Rive-Gauche est inscrit au contrat de plan.
2000, juillet.
Une consultation sur l'aménagement du site est
lancée par l'EPA Jussieu. Jean Nouvel est retenu au mois de
septembre.
2001, septembre.
Le schéma directeur d'aménagement de Jean
Nouvel est déposé.
2002, juillet :
Jean Nouvel est auditionné par la mission
d'information du Sénat chargée d'étudier le patrimoine
universitaire.
2002, décembre.
Le projet Nouvel est
« écarté ».
(3) Un campus « clochardisé » au fil des années
Lors de
son déplacement
42(
*
)
sur
le site, le 15 janvier 2003, la mission en formation plénière a
constaté que l'état actuel de désolation du
bâtiment, affligé de constructions parasites, avait eu raison du
parti original de transparence et de légèreté du projet
d'origine : l'abandon du chantier, conjugué à la
négligence à l'égard des oeuvres d'art
43(
*
)
installées dans les cours, peut
expliquer que Jussieu fasse aujourd'hui l'objet d'une
«
détestation commune
» à la plupart
des bâtiments de cette époque.
Le manque d'entretien, les graffiti, les tags, y compris sur les
bâtiments récemment rénovés, et l'amiante ont
achevé de faire d'une « mégastructure »
considérée par certains parmi les plus remarquables de sa
génération, au même titre que le Centre Georges-Pompidou,
la cible de toutes les critiques :
« une forteresse sans
âme en plein Paris où les étudiants en sureffectifs sont
embastillés derrière des douves
», qui sont
aujourd'hui transformées en autant de déchetteries, comme a pu le
constater la mission.
Sans qu'il soit nécessaire d'évoquer longuement les multiples
occupations sans titre recensées sur le campus, et portées
à la connaissance de la mission (caves utilisées par certains
chercheurs installés de longue date à Jussieu comme garde-meuble
personnel, bureaux ou laboratoires constituant autant de dortoirs, lieux de
prière clandestins, trafics de toute nature, vagabonds élisant
domicile dans les salles de cours, surtout dans les années 60...),
et même si la situation a été quelque peu reprise en main
à la fin des années 80, notamment par la présidente de
Paris VII de l'époque, force est de constater que les
caractéristiques architecturales et la dimension du campus autorisent
toutes les intrusions et toutes les dérives.
Comme à l'époque du Paris d'Abélard, Jussieu a tout de la
cour des miracles...
Compte tenu de sa conception et de ses dimensions, et en dépit de ses
grilles et de ses douves, Jussieu n'a d'un château-fort que
l'apparence : en l'absence de tout hall d'entrée
sécurisé, on y entre comme dans un moulin...
Le campus a été ainsi régulièrement le point de
ralliement de la plupart des grandes manifestations étudiantes des
décennies et des années récentes, grossies souvent
d'éléments extérieurs dépourvus de tout lien avec
le monde universitaire. On a indiqué à la mission que chacune de
ces grandes manifestations, qui ne relèvent en rien de la traditionnelle
agitation étudiante, entraînait en moyenne 2 à 4 millions
de francs de dégâts, avec intrusion dans les locaux et se
traduisaient parfois par des incendies nécessitant la venue de pompiers
obligés de déloger au préalable les perturbateurs.
On notera à cet égard que le campus ne dispose pas d'un
responsable unique de la sécurité, qui aurait rang sur les
présidents des deux universités et sur le directeur de l'IPG.
Au total, la mission considère que l'ouverture de l'université
sur la ville, ne signifie pas université ouverte à tous les
vents, en dépit de l'effet venturi caractéristique de la dalle,
ce qui suppose que les projets architecturaux privilégient les besoins
universitaires en prenant en compte leurs contraintes et que les
universités disposent des moyens de fonctionnement nécessaires
pour répondre à une gestion sélective et rigoureuse de
leurs espaces.
La réussite du futur campus « dans la ville » de
Paris VII est à ce prix...
(4) Une sécurité scientifique non assurée
Outre
les problèmes généraux de sécurité qui
viennent d'être évoqués, la mission rappellera qu'une
grande université scientifique doit nécessairement faire l'objet
d'une protection particulière, compte tenu notamment du coût
très élevé des équipements utilisés pour ses
activités de recherche, et aussi des dangers que présentent ces
activités. Elle ne peut que constater que le campus de Jussieu est loin
de répondre actuellement à ces impératifs, notamment pour
ses laboratoires non encore rénovés.
Comme toute université scientifique, Jussieu comporte en effet nombre de
laboratoires sensibles qui stockent, sans précaution
particulière, d'innombrables produits chimiques potentiellement
dangereux, des produits transgéniques, des bonbonnes de gaz, voire des
matières fissiles, présentant une radioactivité non
négligeable, utilisées dans le passé pour son
accélérateur de particules
44(
*
)
et surtout par les laboratoires de
chimie et de biologie.
La sécurisation de tels équipements constitue donc une
nécessité, ce qui implique un accès sélectif
badgé aux laboratoires et des moyens de gardiennage d'autant plus
importants que l'utilisation des locaux et les expériences en cours ne
sont pas en phase avec les rythmes de la journée, de la semaine et de
l'année universitaire, ainsi qu'avec ceux des personnels IATOS.
La fréquence des incendies officiellement recensés sur le campus
et également constatés par les riverains de la rue Jussieu,
au-delà de ceux résultant des manifestations
évoquées plus haut, comme les menaces potentielles qui
pèsent sur certains produits utilisés pour les activités
de recherche, ne peuvent que justifier un renforcement de la
sécurité scientifique à Jussieu.
(5) Des coûts de fonctionnement anormalement élevés
Du fait
de sa conception architecturale, et de ses dimensions, les coûts de
fonctionnement du campus de Jussieu seraient, selon des informations
communiquées à la mission, très supérieurs à
ceux d'une université standard.
Alors que Jussieu est alimenté par le chauffage urbain, la plupart des
locaux, non isolés sur le plan thermique, dont les fenêtres
souvent détériorées sont exposées à l'effet
venturi bien connu de la dalle, doivent utiliser un chauffage électrique
d'appoint, qui est pour partie à l'origine de la consommation
d'électricité « phénoménale »
du campus.
Le coût de fonctionnement de la tour administrative, dont la
moitié seulement de la superficie
45(
*
)
est utilisée, et occupée
par 600 personnes, serait également considérable en raison des
normes de sécurité qui s'appliquent aux immeubles de grande
hauteur (IGH), lesquels nécessitent la présence permanente d'une
équipe de pompiers et une maintenance coûteuse des ascenseurs.
En dépit d'un surencadrement administratif et technique, la mission a pu
constater le manque d'entretien du campus, le chantier en cours ne contribuant
naturellement pas à améliorer cette situation. On lui a
indiqué que les vitres des bâtiments n'avaient jamais
été nettoyées depuis plus de trente ans, sauf à
l'occasion de l'opération de ravalement qui a été
décidée en 1992 par le ministère de l'éducation
nationale de l'époque.
Afin d'y voir plus clair, profiter pleinement de la vue exceptionnelle offerte
sur Paris et surtout constater l'état d'avancement du chantier, les
membres de la mission lors de leur déplacement sur site, ont dû
ainsi se hisser sur la terrasse de la tour administrative surplombant le bureau
du Président de Paris VI...
En outre, d'après les informations qui lui ont été
communiquées, 30 % des surfaces utilisables à Jussieu
seraient mal utilisées. En l'absence de tout système de gestion
du patrimoine universitaire parisien, permettant d'établir une
cartographie des locaux et une répartition des activités et des
personnels, il est toutefois difficile de mesurer précisément la
gabegie en surfaces du campus.
Ces observations conduisent la mission à s'interroger sur les
coûts et les contraintes de gestion des sites universitaires
dispersés, inadaptés et monumentaux : au-delà d'une
superficie de 200 000 m
2
, cette gestion apparaît
particulièrement difficile, notamment pour assurer la
sécurité d'espaces publics de grande dimension.
b) Les modalités d'un sauvetage
(1) La mise en sécurité préalable : un démarrage en fait laborieux
Lors de
son audition par la mission, le président de l'établissement
public administratif de Jussieu, lui-même universitaire
46(
*
)
, a rappelé que la
création de l'EPCJ, décidée en 1997 pour
«
régler un problème politique devenu
ingérable
», avait été officiellement
justifiée par la complexité des opérations de
rénovation et de désamiantage du campus, qui accueille les deux
universités de Paris VI (Pierre et Marie Curie), Paris VII
(Denis Diderot), ainsi que l'Institut de physique du Globe, qui a le statut de
grand établissement
47(
*
)
:
Lors de son déplacement sur le campus, la mission a pu constater
l'importance des surfaces affectées à la recherche notamment en
troisième cycle pour les filières scientifiques dures et
expérimentales, par rapport à celles d'enseignement (deux
tiers-un tiers), même si les opérations de mise en
sécurité ont conduit en priorité à
déménager les laboratoires de recherche, plutôt que les
locaux d'enseignement.
L'ensemble du campus présente des problèmes de
sécurité, notamment dans sa partie amiantée qui constitue
les deux tiers de la superficie. L'opération de désamiantage a
d'abord été expérimentée, comme il a
été vu, sur une seule barre,
représentant 5 000 m
2
et a été
menée avec toute la prudence requise sur un campus qui accueillait
toujours étudiants et personnels.
D'après les informations communiquées à la mission, cette
opération complexe a consisté d'abord à confiner le
bâtiment par l'intérieur avant de mettre celui-ci en
dépression contrôlée ; il a fallu ensuite mettre en
place un réseau de distribution d'air avant d'engager la phase de
démantèlement des faux-plafonds, des hauts des cloisons et de
créer un circuit d'évacuation des déchets. Le
déménagement du campus suppose un démontage des
laboratoires, effectué avec les enseignants-chercheurs et aussi un
dépoussiérage préalable
48(
*
)
qui entraîne, par exemple, un
doublement du coût et un triplement du temps de
déménagement d'une bibliothèque.
Devant la mission, M. Michel Delamar, ancien président de
Paris VII, a indiqué que le chantier de désamiantage avait
démarré laborieusement et sans plan d'ensemble, en s'attaquant
d'abord aux bâtiments non affectés à des activités
expérimentales. Le déménagement de Paris VII,
prévu pour la fin 2005, a été, selon lui,
décidé dans une certaine improvisation, alors que cette
opération aurait justifié une réflexion approfondie sur
l'intégration de l'université dans la capitale.
L'ancien président de Paris VII a également estimé que les
premiers bâtiments rénovés à Jussieu
n'étaient pas adaptés à des activités
expérimentales et que leurs capacités seraient sans doute
excédentaires pour les seuls étudiants de Paris VI
appelés à rester sur le campus. Il a par ailleurs souligné
la médiocrité de la rénovation déjà
engagée, celle-ci se limitant à l'installation de minces cloisons
de plâtre, de portes blindées et d'ascenseurs mis aux normes de
sécurité.
Son successeur, M. Benoît Eurin, s'est également interrogé
devant la mission sur la justification d'une «
rénovation
hasardeuse
» du campus et sur le coût de location des
locaux tampons. Il a évoqué les nuisances liées au
chantier de désamiantage (bruit, pollution, protection assurée
vaille que vaille par des bâches, des grillages et des filets) qui
perturbent considérablement les conditions de vie et de travail des
chercheurs, des étudiants et des personnels, voire des pensionnaires des
animaleries transgéniques
49(
*
)
.
(2) Les avatars de l'opération de désamiantage
La
mission rappellera que la présence d'amiante à Jussieu a
été dénoncée dès 1974 par un collectif
intersyndical et que les premiers travaux de protection ont été
engagés entre 1975 et 1979. Constitué en 1994, le comité
anti-amiante de Jussieu présente un rapport en novembre 1995 concluant
à la nécessité d'une opération massive de
déflocage. En 1996, une consultation est lancée par les services
immobiliers de l'académie de Paris et remportée par les
architectes Guy Autran, Vladimir Mitrofanoff et le BET Technip. En 1998, une
expertise officielle effectuée sur la tenue au feu du bâtiment
pour le compte de l'académie de Paris est rendue publique ; une
mission de maîtrise d'oeuvre est lancée pour une première
tranche de travaux portant sur huit barres par l'équipe
Autran-Mitrofanoff.
Plus récemment, le comité anti-amiante de Jussieu dans une lettre
ouverte au Président de la République constate le
13 juillet
2002, cinq ans après la mise en place de l'EPA, que seuls 2,5 % de
la surface à traiter ont été désamiantés,
mis aux normes de sécurité et livrés aux
universités et que des travaux n'ont été engagés
que sur 17,5 % des surfaces
. Le comité estime que
«
l'extrême lenteur des travaux s'explique non par
l'existence de problèmes techniques, mais par l'absence de
volonté politique qui a fait passer les impératifs de
santé publique et de sécurité derrière toutes les
autres considérations possibles, en particulier
immobilières
». Le comité rappelle que le nombre de
maladies professionnelles liées à la présence d'amiante
à Jussieu est passé de 9 à 95 entre l'automne 1994 et mai
2002 et que sur ces 95 cas, on dénombre 8 cas de cancer.
Interrogé à ce sujet par la mission, le président de
l'EPCJ a indiqué qu'une enquête avait été
menée auprès des personnels des services techniques et qu'une
cinquantaine de malades présentaient des plaques pleurales. Il a
cependant estimé que la pollution liée aux opérations de
désamiantage était très faible et a stigmatisé les
pratiques traditionnelles des enseignants-chercheurs qui consistent à
intervenir eux-mêmes sur les gaines, afin notamment de « tirer
des réseaux électriques ».
En avril 2002, une commission de sécurité a été
diligentée par la préfecture de police pour faire le point sur
les multiples risques liés à l'exploitation des locaux de
Jussieu, tandis qu'une perquisition visait les sièges des
universités de Paris VI et Paris VII dans le cadre de l'information
judiciaire ouverte pour blessures involontaires par imprudence,
négligence et manquement à une obligation de
sécurité, suite aux plaintes déposées en 1996 et en
1997 par plusieurs victimes de l'amiante.
(3) Un désamiantage qui doit s'accompagner d'une prévention du risque incendie
Outre la
présence d'amiante, le campus de Jussieu se caractérise par
l'instabilité de ses structures métalliques en cas d'incendie, la
ventilation insuffisante des parkings souterrains
50(
*
)
et l'état de dégradation
du réseau électrique. Autant de dysfonctionnements et de vices de
construction qui, en plus de la nécessaire poursuite du chantier de
désamiantage, seraient susceptibles de conduire à la fermeture
entière ou partielle du site : alors que cette situation est connue
depuis 1997, seuls des travaux de cloisonnement, de
« désenfumage » des escaliers, et de mise en
conformité des systèmes d'alarme ont été
réalisés.
Les rapports d'experts, commandés par le ministère auprès
des cabinets Technip Seri Construction, Gleeds International et Casso, ont
pourtant livré des conclusions inquiétantes sur l'état
général des bâtiments : alors que la
réglementation actuelle précise que les établissements
recevant du public doivent résister au moins 1 h 30 aux
flammes, de nombreux éléments métalliques de Jussieu
atteindraient rapidement leur point de rupture. C'est le cas notamment des
sections d'acier qui soutiennent les dalles de béton et des poteaux
extérieurs : «
les calculs
théoriques »
, précise le rapport de Technip,
«
montrent que les sections d'acier en étage sont limites
et ne répondent pas aux critères de stabilité au
feu
» ; les observations sur les planchers béton sont
similaires
51(
*
)
.
Le cabinet Technip indique que «
la durée de
résistance d'un poteau dans le cas d'un incendie extérieur est
inférieure à 1 h 30
». Si un
incendie se déclarait au troisième étage, la
température critique d'effondrement, soit 520°, serait
atteinte en moins d'une heure. En cas de sinistre, les étudiants et les
personnels ne disposeraient que d'un temps limité pour évacuer
entièrement le campus
52(
*
)
.
Les rapports insistent également sur l'état inquiétant des
installations électriques et de la ventilation. Les transformateurs qui
ne sont plus fabriqués depuis plus de vingt ans,
«
sont d'une technologie complètement
dépassée
» selon Technip, qui précise que
«
leur exploitation ne correspond plus au mode actuel et que la
présence d'huile dans leurs cellules représente un risque non
négligeable d'incendie
».
Le local des groupes électrogènes, un lieu
«
classé à risque important
ne dispose pas de
gaines permettant l'évacuation des fumées par les
pompiers
». Pour les équipements haute tension, les
experts s'inquiètent particulièrement «
de la
présence quasi générale de transformateurs isolés
à l'Askarel -un liquide de refroidissement aujourd'hui proscrit- qui
présentent un haut danger latent d'explosion ou d'incendie pour les
personnes et l'environnement
».
Les ventilateurs du parc de stationnement de 900 places situé
sous le campus, selon Technip, «
ne présentent pas de tenue
au feu et ne peuvent participer à un éventuel désenfumage
que dans la limite de leur résistance et de leur puissance, soit une
évacuation de 300 m
3
/h alors que la
législation actuelle impose un débit
de 600 m
3
/h
».
Le président du comité anti-amiante indique que ces
problèmes sont bien connus et qu'il «
faudrait encore
ajouter la présence de nombreux laboratoires sensibles et d'innombrables
produits chimiques potentiellement dangereux stockés sans protection
particulière dans les bâtiments. Jussieu est la somme incroyable
d'accumulations successives de risques et de négligences
».
La mission rappellera que les premières opérations de mise en
sécurité ont consisté à démonter les
façades, à sabler les poteaux extérieurs des parois
donnant sur la rue Jussieu et à les enduire de peinture
intumescente
53(
*
)
. Les
façades donnant sur les patios intérieurs et vers le campus ont
été avancées et les poteaux porteurs, situés
désormais à l'intérieur, ont été
encoffrés de plâtre pour garantir une stabilité au feu
égale au moins à une heure et demie.
Dans les étages, les murs de briques
54(
*
)
ont été remplacés
par des cloisons plus légères, des rails étant
installés sur les plafonds pour y faire passer les câbles
électriques.
(4) Une rénovation apparemment « légère »
Après avoir, lors de son déplacement sur site,
visité des barres rénovées ou en cours de
rénovation, la mission a pu constater la qualité des travaux de
rénovation qui l'a laissée perplexe sur l'espérance de vie
des aménagements effectués.
Elle s'interroge notamment sur l'efficacité des portes blindées,
dont les chambranles reposent sur de minces cloisons intérieures de
plâtre, qui ont remplacé, pour des raisons de poids, les anciens
murs de briques.
Elle a également constaté que les paillasses à hauteur
d'appui des salles rénovées de travaux pratiques,
également pour des raisons de poids et de coût, n'étaient
plus, comme jadis, en maçonnerie carrelée mais en
aggloméré stratifié et ne comportaient pas d'alimentation
en gaz, pourtant indispensable pour mener à bien certaines
expériences. Ce souci d'économie de l'EPCJ conduira
nécessairement les enseignants-chercheurs à utiliser des
bouteilles de gaz, voire des camping-gaz dont le stockage ne contribuera sans
doute pas à améliorer la sécurité du campus.
Elle a également noté la fragilité des revêtements
muraux des couloirs et des espaces collectifs réservés aux
étudiants, aux couleurs certes pimpantes, mais qui auraient sans doute
plus leur place dans des chambres de jeunes enfants que dans des lieux de
passage empruntés par de robustes jeunes gens.
Elle a en revanche regretté que les élégants bancs de
détente destinés aux étudiants, déjà
installés devant les façades vitrées de certains espaces
communs rénovés, comme d'ailleurs les banques de guichets
construites sur mesure, soient condamnés à être
démolis sur injonction de la commission de sécurité au
seul motif que ces équipements sont en bois, et à être
remplacés par des structures métalliques. La mission
n'épiloguera pas sur le coût de ces gaspillages...
Elle a également remarqué la déclivité vertigineuse
d'un petit amphithéâtre rénové, qui risque
d'alimenter les statistiques des étudiants accidentés
recensés par l'Observatoire de la sécurité...
Enfin, elle n'a pas été en mesure de vérifier que le local
qui abrite les gros ordinateurs des informaticiens était convenablement
sécurisé derrière des cloisons solides.
(5) Le coût des délocalisations temporaires
La
mission rappellera que le coût du relogement dans des locaux tampons
représentait environ le tiers de l'enveloppe arrêtée fin
1998 pour le désamiantage et la mise en sécurité de
Jussieu.
L'ancien président de Paris VII-Denis Diderot lui a indiqué
que la recherche et l'aménagement des locaux de transition, avant
déménagement sur la Rive gauche, impliquaient en termes de
fonctionnement et d'équipement des surcoûts importants, de l'ordre
de 51 millions de francs par an : le coût de la mise en
place d'un gardiennage permanent sur le site Montréal-Javelot dans le
13
e
arrondissement est par exemple de 3 millions de
francs par an.
D'après les informations fournies par l'université
Denis Diderot, le surcoût lié aux délocalisations
représentait pour 2000 et 2001, hors coûts induits,
6,8 millions de francs, et devrait s'élever en moyenne
à 5,55 millions de francs pour chacune des années
suivantes.
Ce surcoût couvre les dépenses de fonctionnement des
« locaux-tampons » (2 millions de francs pour les
4 000 m
2
du site Chevaleret en 2000 et 2001,
4,7 millions de francs pour les 5 000 m
2
du site
Montréal-Javelot en 2002, 579 000 F en 2000 et 2001 pour
les 1 600 m
2
du site Saint-Lazare) ainsi que les travaux
engagés pour les redéploiements internes sur 3
000 m
2
de la barre 65-66 de Jussieu affectée
à Paris VII (plus de 85 000 F en 2000 et 2001) et sur
les 1 700 m
2
de la Maison de la pédagogie
(94 000 F en 2000 et 2001).
En conséquence, Paris VII a demandé un complément de
dotation de 6,8 millions de francs en 2001 et devrait solliciter une
dotation exceptionnelle de 5,6 millions de francs par an jusqu'à
son installation dans ses locaux définitifs de la Rive gauche.
La mission citera enfin le constat sévère effectué par
l'inspection générale dans un rapport de mars 2002, relatif
à l'analyse des surcoûts occasionnés par l'utilisation des
locaux-tiroirs et qui a trait aux réserves financières de
l'EPCJ : si «
sur le court terme, l'établissement
public a des disponibilités financières qui lui permettent de
couvrir plus de charges, la situation est toute autre sur le long terme puisque
le retard des travaux a pour conséquence des charges non prévues
initialement (en particulier en terme de location de locaux tampons) et il est
impossible dans ces conditions de faire des prévisions
sérieuses ».
c) Un sauvetage légitime ?
(1) La pression de la démographie étudiante : un argument discutable
Sur un
plan général, le recteur-chancelier de l'académie de Paris
a indiqué à la mission que l'évolution de la
démographie étudiante à Paris se traduisait, notamment
depuis deux ans, par une stabilité à taux constant de
poursuite d'études.
Cette évolution spécifique par rapport à la tendance
à la baisse constatée au plan national, et aussi contraire aux
prévisions de la DATAR prises en compte dans la préparation
du contrat de plan État-région Île-de-France, s'explique
par l'attractivité historique des universités parisiennes et par
le caractère « étoilé » du
réseau des transports franciliens : on constate à cet
égard que l'IUT de l'avenue de Versailles, grâce au RER, recrute
bon nombre de ses étudiants dans l'académie éponyme, et
que le succès des universités nouvelles franciliennes -en termes
d'effectifs accueillis- s'explique notamment par le réseau des
transports franciliens.
Comme les grands centres universitaires de province à forte et ancienne
tradition universitaire, les établissements parisiens sont
épargnés par la baisse de la démographie étudiante
et concurrencent les universités plus récentes et plus fragiles
de la grande couronne parisienne, et même du grand bassin parisien.
Cette réalité a été confirmée devant la
mission par le président de Paris VI qui s'est
félicité d'un «
brassage social
intelligent
» en premier cycle, notant que la moitié de
ses étudiants en DEUG étaient originaires des départements
de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, et fréquemment issus de la
seconde génération de l'immigration.
La mission rappellera à cet égard que l'académie de Paris
comptait en 2001-2002, 193 500 étudiants,
contre 87 800 dans l'académie de Versailles et moins
de 80 000 dans l'académie de Créteil, mais surtout
que Paris VI, qui est la seule université appelée à rester
sur le campus ne rassemble que moins de 20 000 étudiants sur
site...
55(
*
)
(2) La pression des universitaires de Paris VI
Comme
toute communauté humaine, celle des universitaires, notamment les plus
chevronnés, aspire légitimement à persévérer
dans l'être, et de préférence sans changer ses habitudes...
La mission rappellera, pour mémoire, les très vives
réactions qui s'étaient déjà manifestées
à la fin des années 50 lorsqu'il s'était agi de
déplacer de quelques centaines de mètres la faculté des
sciences de l'époque, de la Sorbonne jusqu'à la
Halle aux vins.
Elle évoquera, à titre d'anecdote significative, en s'appuyant
sur la propre expérience universitaire de son président, les
conditions de travail archaïques offertes par les anciens laboratoires de
chimie organique de la Sorbonne -dignes des « paillasses
56(
*
)
» des
époux Curie- et pourtant les réticences des
enseignants-chercheurs de l'époque à abandonner ces locaux hors
d'âge...
Devant la mission, le président de Paris VI a souligné le
caractère exceptionnel du site de Jussieu, au coeur du Quartier Latin et
le haut niveau de la recherche pratiquée dans
quelques 160 laboratoires : selon lui,
«
l'âme de Jussieu résulte d'un compromis historique
entre un certain élitisme universitaire et l'ouverture au plus grand
nombre
» et un consensus s'est dégagé pour
maintenir Paris VI sur le site de Jussieu «
afin
d'éviter une dispersion de son potentiel scientifique
».
Il a également fait observer que Paris VI et Paris VII, qui
n'ont pas les mêmes caractéristiques disciplinaires, partageaient
des laboratoires mixtes et souhaité que son université dispose
des moyens de son ambition, «
sauf à casser son potentiel
de recherche
», qui représenterait 15 % du
potentiel national : ceci suppose notamment de nouvelles surfaces de vie
étudiante pour les étudiants qui sont actuellement
entassés dans des conditions
«
scandaleuses
», des locaux affectés aux
enseignants et l'aménagement d'une maison de la science.
Bref, Paris VI appelait de ses voeux un déménagement de
Paris VII qui lui permettrait d'être au large à Jussieu.
(3) « La science à Paris » : la survie de la recherche française ?
Devant
la mission, le recteur-chancelier de l'académie de Paris a
rappelé que Paris VI, en dépit de faiblesses bien connues,
faisait l'objet d'une évaluation internationale flatteuse sur le plan
scientifique. Il a cependant estimé que le maintien de son potentiel de
recherche supposait une rénovation de ses locaux et un
développement de ses capacités d'accueil, sauf à
être de plus en plus concurrencé par les grandes
universités scientifiques de province.
Pour sa part, le président de Paris VI - Pierre et Marie
Curie a longuement exposé à la mission que son université
était la plus importante d'Europe dans le domaine scientifique,
notamment en raison de son activité de recherche qui est orientée
autour de quatre pôles (génome, modélisation et
ingénierie, espace et environnement, matières et nouveaux
matériaux) et qu'elle était la première université
mondiale pour les mathématiques. Elle regroupe par ailleurs le tiers des
formations médicales parisiennes qui sont implantées sur de
nombreux sites hospitalo-universitaires, souvent très
dégradés en raison, selon lui, de l'inertie de
l'AP-Hôpitaux de Paris et des autorités de tutelle.
Premier complexe scientifique et médical en France, Paris VI
rassemblerait ainsi, selon les données fournies à la mission,
4 000 chercheurs et enseignants-chercheurs,
2 000 personnels IATOS et 30 000 étudiants
57(
*
)
, dont 10 000 en
troisième cycle.
L'importance de l'UPMC-« La science à Paris », est
confirmée par la plaquette déclinant le contrat
d'établissement 2001-2004, et qui a été transmise par son
président à la mission lors de la dernière rentrée
universitaire.
En préambule de ce document, le président Béréziat
indique que son université «
a élaboré un
contrat de développement, à la fois scientifique et
pédagogique, dont la cohérence doit lui permettre d'assurer ses
missions avec une plus grande efficacité.
Être une grande
université européenne passe évidemment par le
nécessité de disposer d'un campus et de moyens qui soient
à la hauteur de ses ambitions et de sa réputation
. Il lui
faut aussi valoriser l'activité de ses 170 unités de
recherche, être ouverts sur le monde économique et social et
renforcer ses coopérations internationales
».
La mission observe cependant que le document transmis passe sous silence
l'état dégradé du bâti immobilier de Jussieu, qui
impose des conditions de travail très contraignantes aux
étudiants et aux chercheurs et qui ne pourrait au mieux être
sécurisé, voire réhabilité dans sa totalité,
que dans une décennie ; cette brochure consacre également
plusieurs pages au volet « social et culturel-vie
étudiante », qui est aujourd'hui très insuffisant,
faute de moyens et de surfaces disponibles.
Dans une seconde brochure, émanant de l'UPMC-« La science
à Paris », datée du 22 octobre 2002, et elle aussi
adressée au président de la mission, M. Gilbert
Béréziat évoque, dans un deuxième temps,
« l'évolution des locaux de l'UPMC » et son souci
d'accélérer la rénovation du campus de Jussieu.
Il y indique que la programmation du secteur ouest, permettant de re-localiser
la totalité de l'informatique, des mathématiques et de la
physique, a été «
compliquée par les
injonctions de la Préfecture de police consécutives aux multiples
recours déposés au tribunal administratif
» :
la mise en chantier de la tour administrative en 2003 nécessite
ainsi la recherche d'environ 8 000 m² de locaux transitoires
supplémentaires qui sont aujourd'hui réservés (l'immeuble
Réseau ferré de France destiné à Paris VII et
un immeuble situé dans la cité Voltaire dans le XI
e
arrondissement, pour Paris VI).
Alors que la programmation du secteur ouest concerne 18 barres, l'EPCJ
avait prévu, dans un premier temps, de n'en mettre que 13 en
chantier : l'UPMC a demandé l'inclusion de deux barres
supplémentaires, la mise en chantier devant se réaliser de
décembre 2002 à janvier 2004 et la réoccupation
de ce secteur intervenir à la rentrée 2005 et
s'étaler sur deux ans, soit un calendrier modifié par rapport
à celui prévu au début de l'opération ; les
unités de recherche d'informatique et de mathématiques, qui sont
les premières à avoir été
délocalisées, devraient ainsi revenir en totalité à
Jussieu au début de la livraison du secteur ouest.
Dans la même brochure, le président de Paris VI
précise que le budget initial de l'opération est de
4,8 milliards de francs (732 millions d'euros
58(
*
)
) et ajoute qu'«
un tel
investissement nécessite qu'il soit aussi pensé par rapport au
schéma général d'urbanisme »
; il
indique avoir demandé au maire de Paris de prendre en compte les
recommandations proposées par l'architecte Jean Nouvel
59(
*
)
, dans les prochaines
délibérations du conseil de Paris, concernant le plan local
d'urbanisme ; soulignant qu'une «
partie de ce
financement »
est utilisée pour payer les loyers et les
aménagements des nouveaux locaux transitoires (Ivry, immeubles RFF et
Voltaire), il note qu'«
il nous faudra donc obtenir de nouveaux
arbitrages au prochain contrat de plan
», ajoutant que les
«
ressources générées par le placement des
fonds gérés par l'EPA ont, quant à elles, permis
d'effectuer les travaux de sécurité d'urgence imposés par
la Préfecture de police
».
Sur ce dernier point, et après avoir souligné les nouvelles
prétentions budgétaires du Président de Paris VI, la
mission tient à rappeler que la loi de finances pour 2003 a inscrit
21 millions d'euros en AP au chantier de Jussieu, mais apparemment, aucun
crédit de paiement pour la mise en sécurité, prolongeant
de manière radicale un mouvement de baisse engagé depuis
plusieurs années : 88 millions d'euros en 2000, 46 en
2001, 22,9 en 2002. Cette évolution logique s'explique par les
retards constatés dans le déroulement du programme de
désamiantage, et qui se traduisent au plan budgétaire par
d'importants reports de CP ; les crédits de paiement alloués
en 2001 et 2002 ont en effet contribué à l'augmentation
du fonds de roulement de l'EPCJ, qui représentait 124 millions
d'euros fin 2001, soit quatre fois les dépenses des
opérations entreprises au cours de l'année, et à abonder
ses réserves financières, qui ont dégagé
en 2001 plus de 5 millions d'euros de produits financiers, ce qui est
substantiel et correspond à une rentabilité supérieure
à 4 %.
Le montant de ce fonds de roulement est ainsi supérieur au montant
cumulé du reliquat des dépenses d'opérations
engagées début 2001, mais non mandatées
(33 millions d'euros) et au montant des engagements prévus
en 2002 (72 millions d'euros).
Comme le relève avec raison la commission des finances du Sénat
dans son rapport budgétaire pour 2003, l'octroi de crédits
de paiement à l'EPCJ en 2001, au prix d'un endettement accru de
l'État, était
« absurde »,
puisque ces
crédits ont en fait abondé les réserves financières
de l'établissement public, «
dont on peut espérer
qu'elles sont investies dans des titres sûrs, en particulier des titres
de dette publique
» ; de même, l'octroi de CP
supplémentaires en 2002 était parfaitement
« inutile »
dès lors que le fonds de
roulement de l'EPCJ était supérieur au montant cumulé du
reliquat des dépenses d'opérations engagées mais non
mandatées : compte tenu du décalage croissant entre les
engagements et les mandatements, le fonds de roulement de l'EPCJ pourrait
encore dépasser 100 millions d'euros à la
fin 2002
60(
*
)
.
Il convient toutefois de noter que la fraction du fonds de roulement
mobilisable est limitée au regard du coût total du programme, qui
avait été estimé à 0,58 milliard d'euros
en 1999, et qui a été réévalué à
0,68 milliard d'euros en 2002 ; compte tenu des CP
déjà alloués entre 1997 et 2003
(0,24 milliard d'euros), l'achèvement du projet prévu
en 2009 suppose d'y consacrer entre 2004 et 2009 au moins
80 millions d'euros supplémentaires chaque année.
d) La réhabilitation du campus : le projet Nouvel
Outre la sécurisation du campus, qui devrait en principe s'effectuer barres après barres jusqu'à la fin de la décennie, le recteur-chancelier de l'académie de Paris a indiqué à la mission que le maintien d'une université « présentable » sur le site de Jussieu conduisait nécessairement à aller au-delà d'un simple traitement de la sécurité, en recherchant une amélioration de la vie étudiante et une véritable insertion du « quadrilatère » dans la ville, via notamment le Muséum. Comme l'a indiqué l'architecte Jean Nouvel devant la mission, le système des douves et des grilles a aujourd'hui vécu.
(1) Les orientations du projet Nouvel : l'ouverture sur la ville dans le respect de l'oeuvre initiale d'Albert
L'architecte Jean Nouvel a été chargé
d'une
étude portant sur la définition des principales orientations
d'architecture et d'urbanisme susceptibles d'être appliquées par
les équipes de maîtrise d'oeuvre successivement chargées de
la rénovation du campus.
La mission se décomposait en trois éléments :
- un schéma général d'aménagement du campus ;
- des propositions pour la prise en compte de nouvelles
fonctionnalités sur le campus ;
- l'élaboration de cahiers des charges architecturaux.
Ce marché d'étude avait été attribué dans le
cadre d'un appel d'offres restreint, et non d'un concours d'architecte au sens
habituel du terme (avis d'appel à la concurrence qui avait recueilli
sept candidatures, puis remise de trois offres).
Le marché avait été notifié en novembre 2000 et le
rendu effectué en octobre 2001.
Les principales orientations du plan « Atelier Jean
Nouvel » peuvent être résumées ainsi qu'il
suit :
-
Traiter les dysfonctionnements actuels du campus
Le socle, c'est-à-dire la partie située sous la dalle de
l'université, abrite actuellement des salles de cours, des locaux
techniques, de stockage et des laboratoires. Ces locaux ne disposent que de peu
de fenêtres et cette absence d'ouvertures entraîne un manque de
lumière naturelle.
Les propositions de l'étude de Jean Nouvel étaient les
suivantes :
. rendre ces locaux viables en travaillant sur la luminosité des
salles. Les patios (espaces situés actuellement entre quatre barres au
niveau Jussieu) seraient creusés sur un étage. Ils se
trouveraient donc à un niveau inférieur par rapport à la
dalle, c'est-à-dire au niveau du rez-de-chausée. Les parois des
salles périphériques aux patios pourraient ainsi être
pourvues de vitres, ce qui favoriserait la lumière du jour. Les patios
deviendraient des cours intérieures plantées où
circuleraient les usagers du campus ;
. mettre en place un écran de protection contre le vent,
doublé de végétaux sur toute la périphérie
de la dalle ;
. installer des constructions légères sous les barres pour
animer la dalle (sandwicherie, librairie...), qui ont vocation à faire
obstacle supplémentaire contre le vent.
-
Moderniser le campus et le rendre accueillant pour la vie
universitaire, en parachevant le gril
Les propositions de l'étude étaient les suivantes :
. construire des barres supplémentaires, avec comme ambition de
créer, non pas des espaces fermés sur eux-mêmes, mais
ouverts vers l'extérieur (rue Cuvier) ;
. installer des logements étudiants dans ces nouveaux
bâtiments et regrouper les salles de cours de 1
re
année. Ceci permettrait une intégration plus aisée des
nouveaux étudiants ;
. rassembler les espaces de vie étudiante autour d'un jardin
(gymnase, restaurant universitaire, activités syndicales,
mutuelles...) ;
. regrouper les bibliothèques d'enseignement, actuellement
séparées par discipline et éparpillées sur le
campus en une grande bibliothèque. Celle-ci serait implantée dans
la barre de Cassan en front de Seine, surplombant ainsi à la fois le
jardin et la Seine ;
. abriter une « maison de la recherche » dans les
nouveaux bâtiments. Ce lieu permettrait d'organiser des colloques, des
conférences et d'accueillir des chercheurs étrangers ou des
visiteurs.
-
Assurer la continuité du campus avec l'environnement
Les propositions Nouvel peuvent être ainsi résumées :
. créer un lien avec le Jardin des Plantes en aménageant un
parc en gradins entre le gril et les barres de Cassan. Les constructions en
rez-de-chaussée des barres de Cassan (en front de Seine et le long de la
rue Cuvier) seraient par ailleurs supprimées, ce qui engendrerait un
bâtiment sur pilotis nécessitant la construction d'écrans
anti-bruit. La « coulée verte » ainsi
créée offrirait une perspective depuis l'esplanade de l'Institut
du Monde Arabe jusqu'au Jardin des Plantes ;
. créer un lien vers la Seine grâce à des passerelles
surplombant les voies de circulation quai St Bernard. Cela permettrait
d'accéder facilement aux quais qui peuvent offrir un espace de loisirs
et de détente supplémentaire aux étudiants ;
. prolonger la périphérie du socle vers la rue des
Fossés-St-Bernard. Actuellement, cette rue n'offre qu'un seul trottoir
commerçant, l'autre étant fermé par une façade
quasi aveugle du campus. Cette proposition permettrait d'animer la rue de
« façon bilatérale ». De nouvelles
façades vitrées et plus ouvertes pourraient accueillir diverses
activités tournées vers le public (antenne pour l'accueil des
étudiants, antenne des scolarités, éventuellement
activités commerciales...).
Un dispositif similaire pourrait être implanté rue Jussieu.
-
Respecter l'architecture d'Edouard Albert
Le mode de traitement de la stabilité au feu prévoit de conserver
les façades existantes des barres du gril (poteaux extérieurs,
allèges de type marbre sous les fenêtres et maintien des
fenêtres coulissantes) sans utiliser de peintures intumescentes ni
avancer les façades d'origine. Des poteaux supplémentaires
seraient mis en place derrière chaque façade pour supporter la
structure et seraient protégés du feu par des carreaux de
plâtre.
L'étude élaborée par l'agence prend donc en compte les
bâtiments d'Albert comme une «
leçon
d'architecture
» et propose de les conserver en répondant
aux normes de sécurité incendie. Techniquement possible, la
réfection des anciens châssis coulissants devait être
soumise à des arbitrages financiers et «
prémunirait
pourtant de l'exécrable relecture du travail d'Albert déjà
tenté par l'équipe Autran-Mitrofanoff » sur une des
barres du campus qui défigurerait à jamais son
architecture
61(
*
)
».
Cette démarche supposerait même une mesure de protection au titre
des monuments historiques, pour empêcher toute transformation du site et
préserver la réalisation initiale d'Edouard Albert.
A cet égard, la mission a pu constater lors de sa visite que la
première rénovation, qui aurait été
réalisée sans permis de construire, avait consisté
à avancer la façade devant les poteaux métalliques
préalablement traités, ce qui constituait pour la rue de Valois,
une atteinte intolérable au projet architectural d'Albert : ces
modifications auraient suscité un débat houleux entre l'EPCJ et
la direction de l'architecture et du patrimoine.
La rénovation des autres barres devrait en revanche s'effectuer en
conservant, conformément au projet d'Albert, le principe de poteaux de
soutien extérieurs aux façades espacés de 150 cm,
chacun d'entre eux étant cependant doublé à
l'intérieur, selon les préconisations du cabinet Technip afin de
minimiser la fragilisation de l'ossature métallique du bâtiment.
Ce débat entre l'EPCJ et les architectes des bâtiments de France
conduit la mission à se demander s'il convenait de conserver un campus
au motif de préserver l'intégrité du projet initial
d'Albert, tout en acceptant, au moins implicitement, des atteintes
substantielles à ses principes architecturaux.
(2) Un projet présenté dans le détail devant la mission
Devant
la mission, l'architecte Jean Nouvel a d'abord rappelé
qu'après avoir remporté en 1981 le premier concours des
grands travaux présidentiels pour la construction de l'Institut du monde
arabe, il avait été sollicité pour établir un
premier plan destiné à parachever le campus de Jussieu, afin de
créer notamment un espace public piétonnier sur l'ancienne dalle.
S'agissant de l'IMA, il a noté qu'il avait proposé dès
l'origine un bâtiment « en liaison » avec Jussieu,
apportant une complémentarité historique au site et permettant
aux piétons de circuler du quartier Saint-Germain jusqu'au Jardin des
Plantes et d'ouvrir le « ghetto » de Jussieu sur la ville.
Ce projet, jugé à l'époque quelque peu
« sacrilège », consistait à ouvrir au public
une part d'un espace universitaire en établissant des passerelles, alors
que la situation des étudiants de Jussieu, véritable ville dans
la Ville, isolée du Quartier latin par des portails et des herses,
posait selon lui un véritable problème
d'« urbanité ». La solution retenue procédait
d'une logique universitaire prenant en compte les locaux existants et la
nécessité de les faire évoluer, Jussieu ayant une
dimension patrimoniale, pour le moment occultée.
Il a également souligné la qualité urbanistique du
quartier : au lieu d'un « château-fort »
universitaire, il importe d'organiser les déplacements des diverses
populations, en contrôlant cependant l'accès aux laboratoires de
recherche et en établissant une distinction stricte entre les espaces
publics, semi-publics et privatisés, l'objectif étant
d'intégrer Jussieu dans la ville en transformant sa partie ouverte au
public en territoire municipal.
Sa première étude de 1982 avait pour objectif
d'établir une symbiose entre le Jardin des Plantes et
l'université, entre «
le végétal et le
minéral
», alors que le campus est actuellement
isolé par la cloison étanche des quais de la Seine, la ligne du
RER et fait face à l'«
abominable quai
Tino Rossi
» et à un jardin de sculptures
laissé à l'abandon.
Sa seconde étude, commandée en 1994, se proposait
d'aménager en terrasses les barres de Cassan, d'ajouter des circulations
extérieures, d'ouvrir deux passages publics, de parachever le gril, de
débarrasser les patios de leurs constructions parasites, de lancer deux
passerelles jusqu'au jardin, de libérer les rez-de-chaussée des
barres de Cassan construites sur pilotis.
Son dernier projet, déposé en septembre 2001, qui reprend ces
orientations architecturales, a été exposé en
détail par ses collaborateurs
62(
*
)
devant la mission :
transformation du gril Albert, conservation des façades,
libération des rez-de-chaussée, intégration des escaliers
de secours, ouverture et création de patios à ciel ouvert,
construction d'un sixième étage sur le gril et d'un circuit
d'évacuation par les rotondes, lutte contre le vent et le bruit,
protection et animation de la dalle, installation d'aires de détente sur
le quai, décoration des plafonds, ouverture de bibliothèques sur
les patios, création d'une maison des sciences à l'articulation
des barres de Cassan, installation de laboratoires en toitures...
Jean Nouvel a notamment souhaité conserver les façades du gril
d'Edouard Albert, dont 85 % des fenêtres seraient encore en
état de fonctionnement, et qui présentent un intérêt
architectural tout particulier
63(
*
)
. Il a également
déploré la non utilisation des terrasses, seulement accessibles
en cas d'évacuation rapide, l'absence de plans libres, le remplissage
des pilotis.
Soulignant les conditions médiocres de la vie étudiante à
Jussieu, il a indiqué que les pignons inachevés faisant face
à l'IMA pourraient être rehaussés par des tours pour
abriter les associations et les syndicats ; la résidence
universitaire comporterait 200 chambres et une bibliothèque de
première année de premier cycle pourrait être ouverte en
terrasse des barres de Cassan, ce qui suppose des ascenseurs adaptés
comme à l'IMA. Alors que chaque laboratoire souhaite disposer de sa
propre bibliothèque, il pourrait être envisagé de regrouper
les bibliothèques universitaires de troisième cycle. Son projet
prévoyait enfin d'entourer l'actuelle tour administrative dans un
cylindre de verre, en augmentant sa hauteur de 15 mètres.
D'après les indications fournies à la mission par Jean Nouvel,
dix années seraient nécessaires pour mener à bien la
réhabilitation du campus et « introduire de
l'urbanité » à Jussieu.
(3) Les solutions finalement retenues
Un
certain nombre de propositions de l'Agence Jean Nouvel ont été
intégrées dans le traitement des quatre dernières barres
du secteur des théoriciens (premier secteur traité) et dans le
règlement du concours du secteur ouest :
- prise en compte de la solution de l'Agence pour le traitement des
escaliers supplémentaires (escaliers intégrés dans les
barres et parallèles aux rotondes) ;
- traitement de la stabilité de la structure métallique par
ajout d'un poteau supplémentaire interne (la solution retenue
après calcul est une variante par rapport à la proposition de
l'Agence : un poteau tous les 1,5 mètre alors que Jean Nouvel
proposait un poteau tous les 3 mètres ; cette variante n'a pas de
conséquence architecturale) ;
- le dernier point concerne les fenêtres à guillotine dont
l'Agence préconise la remise en état. Cette proposition fait
l'objet d'une variante architecturale pour le concours du secteur ouest.
En revanche, plusieurs conditions contraignantes devaient être
réunies pour que la mise en oeuvre du schéma puisse se faire en
toute sécurité :
- de nombreuses propositions concernent en effet des zones qui n'entreront
en chantier que vers la fin de l'opération, après le
départ de l'Université Paris VII vers la ZAC Paris Rive
Gauche : barres de Cassan, plaine intermédiaire entre les deux
bâtiments du gril et les barres de Cassan ;
- la mise en oeuvre de certaines des propositions du projet est
commandée par la disponibilité limitée des surfaces, tout
particulièrement avant le départ de l'Université Paris
VII. Le décaissement des patios est par exemple plus facilement
envisageable après 2006, mais serait très difficile avant, dans
la mesure où se posent tous les problèmes de relogement
transitoire.
Il convenait enfin et surtout de clarifier le contexte budgétaire du
déroulement de l'opération. Sur la base des évaluations de
l'Agence, le surcoût de la rénovation était de 300 millions
d'euros, la différence s'expliquant par un périmètre
différent et par un projet plus ambitieux que celui qui avait
été défini en 1998.
Un élément permet notamment d'illustrer l'ambition du
projet : l'Agence proposait de créer 105 000 m
2
de
nouvelles surfaces et d'en détruire 65 000 m
2
, ce qui
générait un solde de surface net de 40 000 m
2
.
Cette solution avait obligatoirement un impact budgétaire, même si
elle correspondait aussi à la création de nouvelles fonctions sur
Jussieu.
Il n'a pas été jugé concevable de lancer des concours de
maîtrise d'oeuvre intégrant de nouvelles propositions, sans que la
couverture budgétaire correspondante soit assurée. A titre
d'exemple, le décaissement des patios et la construction en terrasse sur
le gril représentent un budget de 60 millions d'euros, et ce point
n'avait pas été prévu dans l'arbitrage budgétaire
de 1998.
En conséquence, les décisions des ministères de tutelle
ont consisté à favoriser dans un premier temps
l'accélération du chantier, en particulier en lançant le
concours pour la partie ouest du campus (pour laquelle la libération des
espaces était assurée par la prise à bail des derniers
locaux tiroirs), et à décaler dans le temps le lancement de la
rénovation du secteur est, des barres de Cassan et de la
« plaine » intermédiaire.