2. Une délocalisation moins discutable : le déménagement de Paris VII sur la Rive gauche

De la construction de la Bibliothèque François Mitterrand, décidée à la fin des années 80, jusqu'au bouclage du projet dit Paris-Rive Gauche, annoncé en novembre 2002, diverses priorités se sont croisées pour aménager un quartier de près de 130 hectares aux activités souvent obsolètes traversé par un réseau ferré omniprésent.

Bien loin d'un projet urbain maîtrisé, les options successivement retenues semblent avoir résulté autant des circonstances et de la situation économique que des retournements de la Ville, de l'action des associations de riverains et de l'instrumentalisation du monde architectural, sans qu'une véritable concertation ait accompagné les révisions du projet initial. Improprement appelé « Rive Gauche », ce projet ne concerne qu'une partie du 13è arrondissement entre la Gare d'Austerlitz et Ivry.

Un premier concours (1988) a conduit à la construction de la BNF, suivi d'autres concernant le site de la gare d'Austerlitz et son articulation avec la future avenue de France (1993), jusqu'au plus récent destiné à assurer la transition entre cette avenue et Ivry, par-dessus le boulevard Masséna et le périphérique, et l'entrelacs de voies ferrées dont RFF a hérité la propriété et la gestion de la SNCF en 1997.

LES GRANDES DATES DE L'AMÉNAGEMENT
DU QUARTIER PARIS-RIVE-GAUCHE (XIII e )

- 1987 : Le principe d'un quartier « ordinaire » est retenu.

Le projet du pont Charles-de Gaulle est lancé.

- 1988 : Un premier concours est lancé pour la Bibliothèque François Mitterrand.

- 1989 : L'implantation de la BNF est décidée.

- 1991 : Le chantier de la BNF est engagé.

- 1993 : Une association obtient l'annulation du plan d'aménagement de zone.

- mars 1993 : Le Conseil d'Etat réhabilite le projet.

- 1995 : La BNF est inaugurée.

Les premiers logements sont mis en construction.

- 1997-1998 : L'immobilier de bureaux est relancé par la reprise économique.

- 1998 : La ligne Météor arrive.

- 2000 : Le quartier autour de la BNF est achevé.

Le pôle universitaire est lancé.

- 2001 : La deuxième tranche du pôle universitaire est décidée.

- juin 2002 : Le Conseil de Paris examine les nouvelles orientations du projet d'aménagement.

- juillet 2002 La mission d'information du Sénat chargée d'étudier le patrimoine immobilier universitaire auditionne M. Christian de Portzamparc, architecte en chef de l'aménagement de la ZAC Paris-Rive gauche.

L'état d'avancement des six chantiers de l'opération de la Zac Paris-Rive-Gauche peut être résumé comme suit :

• Le quartier Austerlitz

L'architecte coordonnateur Christian Devillers est responsable du secteur Austerlitz-Nord. Sa désignation résulte de deux consultations successives, la première, internationale en 1992-1993 n'ayant pas donné lieu à une désignation. Une nouvelle consultation plus restreinte en forme d'étude de définition a été organisée en 1995.

Plus récemment, une consultation s'est conclue par la désignation d'une équipe d'architectes pour le secteur Austerlitz-Sud qui a permis de désigner Bernard Reichen, Philippe Robert et Jacqueline Osty.

Ce chantier compte parmi les plus avancés de la ZAC : les immeubles de bureau sont en cours d'achèvement et devraient être mis tout prochainement à la disposition de la Caisse des dépôts.

Cette opération s'accompagne d'une préservation du logement ancien. Les magasins généraux devront être réaménagés en lieu culturel, en totalité ou en partie. Le débat sur la restauration de la halle de la gare d'Austerlitz et sur le maintien du buffet de la gare, menacé par le percement de l'avenue de France, n'est pas tranché.

• Le quartier de la BNF

Le quartier Tolbiac-Nord, de part et d'autre de la BNF, a été mis au point et coordonné par Roland Schweitzer, désigné de gré à gré par la Ville de Paris en 1991.

Ce quartier est le plus achevé du chantier et le seul lieu de vie comportant des logements, des commerces et des bureaux. Un complexe de cinéma MK2, comportant 14 salles, a ouvert au début du mois de mars 2003.

La passerelle Tolbiac-Bercy doit être réalisée en 2005, ainsi qu'une piscine en bordure du quai réaménagé.

• Le quartier du cheminement vert

Le chantier actuel recouvre un enchevêtrement de voies ferrées situées sous le niveau de l'avenue de France.

Il est prévu d'aménager un jardin de trois hectares en forme de cheminement vert sur dalle, auquel les associations sont opposées.

• Le quartier Sernam

Ce chantier se caractérise également par une forte emprise ferroviaire.

Le programme d'aménagement prévoit une dalle avec logements et bureaux en bordure de l'avenue et le maintien en tout ou partie de la halle Sernam qui constituerait une structure sportive ou culturelle.

Les associations refusent le principe de la dalle et souhaitent la remise en place de l'ancien viaduc de Tolbiac.

• Le quartier Masséna-Bruneseau

Ce quartier est lui aussi encombré de voies ferrées et rien n'est encore arrêté en matière de bureaux et de logements. Bruno Fortier, associé à Thierry Bloch et Jean-Claude Hardy, a été retenu pour travailler sur le secteur Chevaleret à l'issue d'une consultation entre dix équipes qui s'est tenue en novembre 1994 et avril 1995.

Plus récemment, une consultation a débouché sur la désignation d'une équipe d'architectes pour le secteur Masséna-Bruneseau, qui a sélectionné, à la suite d'une consultation prolongée par un marché de définition, l'équipe de Yves Lion-Objectifs ville-A x P Urbicus.

• Le quartier universitaire

Le secteur Masséna, sur lequel se situeront les bâtiments universitaires, est coordonné par Christian de Portzamparc, retenu à la suite d'une consultation qui s'est effectuée en deux phases, entre novembre 1994 et octobre 1995.

Le squat « institutionnel » d'artistes dit des « frigos » doit être préservé, alors que la zone aux alentours est en cours de déblaiement. Outre le pôle universitaire de Paris VII, qui doit accueillir 30 000 étudiants à partir de 2004-2005, sont prévus des bureaux, des logements, un jardin, une école et un grand magasin. Les associations ont obtenu la création d'une annexe du squat pour 25 nouveaux ateliers et souhaitent le maintien de la « mythique » et pittoresque rue Watt aux éclairages blafards, célébrée par Henry Miller, Léo Mallet et le dessinateur Tardi.

Sans revenir sur le programme universitaire d'aménagement de la ZAC Rive gauche, dont les grandes lignes ont été précédemment exposées, la mission rappellera les diverses logiques qui se sont croisées pour aboutir à un projet ambitieux : la création d'un nouveau pôle universitaire dit Tolbiac 64( * ) et le déménagement complet de Paris VII du campus de Jussieu à la fin 2005.

a) Une logique universitaire : des besoins en locaux et la nécessité d'un regroupement de sites

On a vu que le patrimoine immobilier universitaire parisien était insuffisant en terme de superficies, notamment en lettres et en sciences sociales, alors que les effectifs des étudiants parisiens restent stables à taux de poursuite d'études constant. Il est éparpillé sur environ 80 sites intra-muros : à titre d'exemple, Paris VII est installée sur 22 sites répartis sur plusieurs arrondissements (la psychologie dans le X e , les mathématiques dans le XIII e , l'odontologie rue Garancière, la médecine à Bichat, Saint-Louis, Lariboisière...).

Son ancien président a évoqué devant la mission les difficultés de cohabitation à Jussieu avec Paris VI, qui dispose pourtant de surfaces supérieures pour un nombre d'étudiants inférieur. L'opération de déménagement devrait s'accompagner d'une restructuration déjà engagée dans le domaine de la physique, de la biologie et de la filière des astroparticules.

Il a rappelé, suite à la décision prise en 1996 de rénover le campus de Jussieu et de déménager Paris VII, que son conseil d'administration a adopté en novembre 1997 un projet de déménagement, d'extension des superficies et de remembrement des sites actuels : le projet Rive gauche devrait permettre de créer 150 000 m² hors oeuvre, soit 110 000 m², et d'augmenter de 15 % les surfaces utiles ; ces superficies nouvelles devraient permettre de développer les filières littéraires et de sciences sociales, de renforcer le pôle scientifique, d'installer une nouvelle bibliothèque inter-universitaire et de regrouper la psychologie et les mathématiques qui sont actuellement dispersées.

L'engagement de l'État s'est traduit dans le contrat quadriennal signé par Paris VII qui prévoit les moyens nécessaires aux premières installations, à la constitution des collections de la nouvelle bibliothèque et à la reconstitution des fonds partagés entre Paris VI et Paris VII ; de nombreux laboratoires communs devraient rester à Jussieu, tandis que l'Institut de biologie Jacques Monod s'installera Rive gauche.

S'agissant des moyens prévus, force est de constater que les crédits de maintenance restent insuffisants et qu'aucun engagement, en terme de personnels, n'a été pris pour la bibliothèque inter-universitaire, alors que sa superficie devrait passer de 800 à 12 000 m² : ceci nécessitera un redéploiement des personnels IATOS de l'établissement, qui apparaît par ailleurs pourtant convenablement doté à cet égard.

M. Michel Delamar a également indiqué à la mission que le nouveau site avait vocation à être ouvert à un « public cultivé », même non bachelier, et à développer des relations avec le monde économique, dans le prolongement des six créations d'entreprises intervenues depuis trois ans en liaison avec Paris VII. Le nouveau site pourrait ainsi comporter un bâtiment destiné aux start-up, entretenir des liens avec la culture et la formation continue, être le siège de nombreuses activités culturelles partagées avec la Ville et proposer des équipements sportifs communs.

Son successeur, M. Benoît Eurin, a rappelé que Paris VII échangeait des terrains à forte valeur contre un site aujourd'hui moins flatteur, mais dont l'environnement est appelé à évoluer favorablement.

Certaines localisations sont d'ores et déjà connues, même si la dévolution de tous les bâtiments n'est pas encore arrêtée : les contraintes électriques et magnétiques 65( * ) liées à la proximité du réseau ferré existant ne permettent pas l'installation d'activités expérimentales, comme les sciences physiques de la terre et la chimie, qui devront être implantées dans la zone dite M5, c'est-à-dire en « pleine terre » non perturbée ; à l'inverse, les disciplines dites « sèches » (lettres, informatique, sciences humaines...) pourront être localisées sans inconvénients de cette nature près des voies ferrées.

On rappellera que les deux tranches de l'opération devraient en principe s'étaler sur deux contrats de plan, la réalisation de la deuxième phase se trouvant donc repoussée dans un avenir relativement lointain, ce qui implique l'utilisation de locaux provisoires éparpillés sur plusieurs sites et un coût élevé de location et de gardiennage 66( * ) .

Dans l'attente de l'engagement de la seconde phase, et alors que manque l'équivalent de deux années de location de locaux « tampons », la Ville et ses partenaires ne peuvent procéder à l'attribution des terrains et la localisation de l'ensemble des activités de Paris VII reste donc partielle : des moyens supplémentaires apportés par l'État auraient permis d'accélérer la réalisation de l'opération en supprimant ce recours aux locaux temporaires.

La dévolution générale des terrains et des locaux a cependant été fixée par une convention cadre et par un avenant qui a été adopté par le conseil de Paris en juin 2002, les modalités de mise à disposition des terrains n'étant pas précisées ; celles-ci pourraient consister non pas en un droit de cession, mais en un droit à construire.

b) Paris VII : l'université dans la ville
(1) Une feuille de route définie par la SEMAPA et les élus parisiens

On notera, à titre liminaire, que le rectorat de l'académie de Paris avait une tradition de bâtisseur avant la dévolution des lycées à la région en 1986. Jouant un rôle majeur depuis 1995 dans le projet de restructuration du tissu universitaire parisien, les universités concernées ont souhaité exercer la maîtrise d'ouvrage des opérations, ce qui a été à l'origine des difficultés avec le rectorat de Paris, ainsi qu'entre ces universités et les maîtres d'ouvrage délégués.

Comme il a été vu, la ZAC Rive-gauche s'étend entre la gare d'Austerlitz et le quai d'Ivry ; ce quartier peu habité, qui abrite des activités le plus souvent obsolètes, comme la minoterie et la batellerie, et surtout ferroviaires, doit être réactivé selon un plan d'urbanisme d'ensemble arrêté dans les années 80 pour rééquilibrer l'est parisien. La construction de la BNF, inaugurée en 1995, et mise en service en 1997, s'inscrivait dans ce projet.

Principal propriétaire foncier de la zone, et détenant une forte participation dans la SEMAPA, la SNCF a cédé l'une de ses deux grandes gares de marchandises, dont le terrain a été affecté à la BNF, et a signé à la fin des années 80 une convention de partenariat et de développement avec la Ville de Paris, tout en maintenant des exigences très fortes en termes de trafic ferroviaire.

L'opération « Masséna université » a été autorisée par la convention Ville-État-Région signée dans le cadre du plan U3M par les deux précédents ministres en charge de l'enseignement supérieur ; la SEMAPA n'exerce pas la maîtrise d'ouvrage et n'est qu'un opérateur chargé d'assurer la coordination de l'opération, qui relève de la responsabilité de Christian de Portzamparc et de quatre autres architectes ; la SEMAPA propose des droits à construire, avec le souci de susciter par ailleurs la création de véritables quartiers. Chaque bâtiment a été attribué par concours et la maîtrise d'ouvrage pour les constructions universitaires a été déléguée par le rectorat à un établissement public.

La convention cadre précitée stipule que la région est maître d'ouvrage pour la construction de la bibliothèque, et son avenant a permis à la Ville de Paris de récupérer la maîtrise d'ouvrage sur l'un des futurs bâtiments universitaires.

La convention fixe d'ores et déjà les implantations des divers bâtiments : l'Inalco, qui est actuellement dispersé sur treize sites, devrait aussi s'installer sur 45 000 m² regroupant le pôle langues, celui-ci devant réunir les divers fonds des bibliothèques concernées.

Devant la mission, le président de la SEMAPA, maire du XIII e , a indiqué que certaines revendications des universitaires étaient incompatibles avec le souci de la société d'économie mixte de diversifier le tissu urbain et de « réussir le quartier », celle-ci n'était d'ailleurs pas compétente pour décider de l'affectation des locaux universitaires qui sera précisée à la suite d'arbitrages entre les établissements et le recteur de l'académie de Paris.

S'agissant de l'utilisation par Paris VII de bâtiments existants, le président de la SEMAPA a indiqué qu'Unibail souhaitait vendre un hôtel industriel construit dans les années 70, qui dispose déjà d'un câblage informatique et de laboratoires ; le ministère de l'éducation nationale a cependant refusé cette offre de la société d'économie mixte, compte tenu de l'importance de l'indemnité d'éviction qui aurait dû être allouée à la SAGEM, celle-ci devant libérer ce bâtiment en décembre 2002 ; ce refus de l'Etat a conduit la Ville de Paris à se porter garante des indemnités, compte tenu des incertitudes existantes sur le prix et le calendrier de réalisation de la cession.

L'utilisation de ce bâtiment par Paris VII serait, selon ses responsables, particulièrement opportune : ses caractéristiques et son éloignement des nuisances de la bretelle ferroviaire Gare de Lyon-Austerlitz et des voies à grande circulation des TGV, permettraient d'y installer des laboratoires.

La mission observe enfin que la fermeture de la tour administrative de Jussieu, décidée par le nouveau gouvernement pour des raisons de sécurité, entraînera à court terme pour Paris VI et Paris VII des besoins en locaux administratifs de quelque 5 000 m² : l'acquisition de l'hôtel industriel d'Unibail permettrait donc, comme il sera vu plus loin, d'anticiper l'opération de déménagement Rive gauche et à la Ville de récupérer un foncier fortement valorisé.

(2) Le projet Portzamparc : des îlots ouverts sur le modèle pompéien

Le nouveau campus de Paris VII s'inscrit dans le contexte du projet Rive gauche, qui a été confié à plusieurs architectes.

Devant la mission, Christian de Portzamparc, architecte en chef de l'aménagement de la ZAC Paris Rive gauche a d'abord rappelé qu'un concours et qu'une série de consultations avaient été lancés en 1995 par la SEMAPA sur l'ensemble de ce projet ambitieux, qui couvre l'espace allant de la rue de Tolbiac jusqu'à l'Hôtel industriel situé à l'est de la rue Watt : une consultation a été ainsi organisée pour nommer un architecte en chef d'urbanisme, après que des praticiens non membres de l'APUR ont été invités à livrer leurs suggestions sur l'aménagement de ce quartier.

Son projet d'« îlots ouverts » dans le cadre de projets de quartiers s'oppose ainsi à la conception d'un habitat collectif massif et vertical, qui a été privilégié dans les années d'après-guerre pour loger beaucoup et vite, au détriment des « bouts de ville ». Ce modèle permet de dessiner une trame de rues selon le précédent millénaire de l'îlot pompéien, dont l'archétype s'est développé à l'époque haussmannienne.

Cette conception repose sur un système de rues relativement étroites et lumineuses, constituant un espace ouvert qui distingue clairement les parties closes privées de l'espace public, la rue permettant, selon lui, une synthèse plus satisfaisante des multiples fonctions de la ville que le système de la dalle qui n'a pas répondu aux attentes de ses promoteurs.

Les orientations du projet Masséna Université ont été arrêtées en 1997 : répondant au souci de mixité de la SEMAPA et de la Ville de Paris, les constructions universitaires devraient être disséminées entre des immeubles de logements et de bureaux. L'Institut Jacques Monod et la bibliothèque devraient « avoir pignon sur rue » et la Halle aux farines réhabilitée devrait abriter notamment des amphithéâtres. Le projet est devenu opérationnel en 2001. Si les universités réclament de « grands plateaux », cela n'exclut pas une variété d'architectures et des espaces verts plus importants, qui ont été réclamés par le maire d'arrondissement.

Le projet maintient les rues existantes, même si certaines voies doivent devenir piétonnes ; le transport des étudiants devrait être facilité par le nouveau réseau de transport souterrain mais l'accès au site universitaire par les véhicules automobiles et les deux-roues restera malaisé, du fait notamment de l'absence de parkings, qui seraient cependant susceptibles d'être installés sous l'Hôtel industriel.

M. Christian de Portzamparc, qui a siégé dans les divers jurys, a indiqué à la mission que les concours s'étaient déroulés de manière satisfaisante et avaient donné lieu à des projets pertinents, audacieux et réalistes. Il a cependant souligné la difficulté d'introduire de la « lisibilité » urbaine, de gérer les rythmes du quartier en conservant une circulation publique et a constaté que les universités ne savaient pas gérer, faute de crédits, leur espace public, ce qui conduit nécessairement l'aménageur à utiliser le réseau de la voirie parisienne.

Pour sa part, le président de l'université Paris VII a exprimé devant la mission son accord avec ces orientations, concernant l'ouverture du futur campus sur la ville et sur le principe d'une mixité des activités du quartier. Il a cependant souligné la nécessité d'établir des connexions entre les bâtiments universitaires, notamment pour transporter en toute sécurité des produits qui peuvent être dangereux (solvants, acétone...) ou coûteux (souris transgéniques 67( * ) ...).

L'architecte en chef a indiqué qu'il aurait souhaité, pour sa part, un mélange des activités « plus en damiers » et précisé, en application de son principe des « îlots ouverts », que quatre bâtiments 68( * ) seraient construits ou rénovés par des promoteurs différents ; les immeubles de logement et les constructions universitaires ne devraient pas être en continuité : des façades décalées en quinconce 69( * ) et en redants 70( * ) devraient permettre de conférer un rythme à l'ensemble.

Mme Danièle Pourtaud, adjointe au maire de Paris, chargée des universités, a cependant souligné devant la mission les contraintes urbanistiques d'une implantation universitaire en ville ; si les universitaires y sont favorables, ils veulent aussi disposer de locaux en continu, notamment pour les disciplines scientifiques. La Ville de Paris souhaite également éviter une concentration excessive et massive des bâtiments universitaires et la constitution de grands espaces désertés hors des horaires ouvrables ; elle a effectué un important effort financier dans le cadre d'U3M en donnant les terrains nécessaires à la construction des nouveaux locaux universitaires : il reste que le partage des espaces est d'autant plus difficile que l'université n'a pas les moyens de gérer des espaces ouverts au public.

Sur un plan général, la mission souhaiterait que la tendance au retour des universités et des activités en centre-ville, avec un certain éparpillement des sites et une mixité spatiale, légitimement souhaitée par les communes, n'encourage pas une tendance au repliement disciplinaire.

Certes, des liens techniques existent entre Paris VI et Paris VII pour certaines disciplines scientifiques et les Grands moulins devraient comporter des zones interdisciplinaires ; de même, la nouvelle bibliothèque de 12 000 m² aura un rôle « fédérateur », et la nouvelle université devrait être largement ouverte sur le quartier.

(3) Un projet universitaire de quartier mixte confié à quatre équipes d'architectes

Le 28 février 2002, le précédent ministre de l'éducation nationale a annoncé à l'Institut français d'architecture la désignation des lauréats des quatre premiers concours, qui représentent plus de 50 % des opérations relatives à l'implantation de Paris VII dans le XIIIe arrondissement 71( * ) .

Au lieu de ghettos voués au savoir et de campus à la française isolés de la cité qui avaient cours depuis le milieu des années 60, le projet marque un retour à la conception qui avait prévalu au début de la III e République avec la construction de la nouvelle Sorbonne et des grands établissements sur les pentes de la Montagne-Sainte-Geneviève, et s'inscrit de manière plus contemporaine dans la conception de l'îlot ouvert prôné par l'architecte en chef de la Zac Paris-Rive-Gauche. Moins de deux ans après la signature du dernier contrat de plan et à l'issue d'une concertation entre le ministère, le recteur de l'académie de Paris, le Président de Paris VII et la mairie de Paris, deux réhabilitations et deux constructions nouvelles étaient annoncées.

• Les réhabilitations

- Les Grands Moulins de Paris seront restaurés pour accueillir sur 35 900 m² une bibliothèque centrale de 1 800 places, les UFR de lettres et de sciences humaines et un restaurant universitaire. Le coût de cette restauration s'élèverait à 42,81 millions d'euros.

On rappellera que les Grands Moulins ont été construits face à la Seine par Georges Wybo entre 1917 et 1921. Le projet de l'architecte Rudy Ricciotti conserve les volumes d'origine et les toitures à la Mansart qui abriteront les laboratoires, sans toutefois rétablir les silos d'origine qui ont déjà disparu. Une partie de la machinerie restera en place tandis que les façades côté quai garderont leur aspect et que des ouvertures supplémentaires seront percées côté esplanade.

- La Halle aux farines devrait disposer, après restauration de 18 300 m² répartis entre des grands amphithéâtres, des salles de cours, des services généraux et un restaurant universitaire. Le coût de ces opérations est évalué à 22,3 millions d'euros.

Cette longue construction de béton, parallèle aux Grands Moulins, a été érigée en 1950 par Denis Honneger, qui fut un élève d'Auguste Perret. Le projet 72( * ) de l'équipe franco-allemande d'architectes, constituée de Nicolas Michelin et de Finn Geipel, a pour objet de transformer l'entrepôt en une « machine à enseigner », en introduisant dans la structure de béton une douzaine d'amphithéâtres, « comme on glisse des bateaux dans une bouteille ». L'enveloppe extérieure du bâtiment sera donc préservée et flanquée de deux volumes latéraux affectés à un restaurant universitaire et à des service généraux.

• Les constructions nouvelles

- Les deux nouveaux bâtiments, entre la Halle aux farines et l'immeuble Unibail datant des années 80, répondent au principe de l'îlot ouvert retenu par Christian de Portzamparc. Les architectes, François Chochan et Laurent Pierre ont conçu le futur Institut Jacques Monod et l'UFR de biologie selon des gabarits découpant des volumes abrupts d'un côté, échancrés de l'autre, une succession de cours plantées et un socle massif.

Le nouvel édifice proposera 13 600 m² ventilés entre salles de travaux pratiques, laboratoires de biologie et services techniques. Son coût devrait être de 37,22 millions d'euros.

- En revanche, les architectes de l'UFR de physique , Philippe Chaix et Jean-Paul Morel s'éloignent de la conception de l'îlot ouvert : un socle compact occupe la quasi-totalité du terrain tandis que deux volumes allégés et très découpés se détachent en équerre au-dessus de cette base. L'édifice comportera 10 700 m² répartis entre salles de travaux pratiques, laboratoires et services techniques. Son coût est évalué à 27,73 millions d'euros.

c) Un projet universitaire susceptible d'être remanié
(1) Afin de répondre véritablement aux besoins universitaires

Si la mission ne peut que saluer le souci exprimé par ces projets d'une mixité urbaine et d'une intégration de l'université dans la ville, elle doit également se faire l'écho des observations formulées par les futurs utilisateurs de ces locaux, c'est-à-dire les universitaires de Paris VII. Son président a également fait part à la mission de ses réserves concernant les modalités de désignation de l'architecte français choisi pour la Halle aux farines 73( * ) , et surtout du coût et des inconvénients du projet de rénovation finalement retenu.

Alors que les responsables de Paris VII souhaitaient des solutions « pratiques », disposer de plateaux et de locaux adaptés, bref d'aménagements fonctionnels et simples, le projet Michelin, qui répond plus à une vision « architecturale 74( * ) » qu'aux besoins universitaires, se propose de « tout casser » en prévoyant une multitude d'amphithéâtres inadaptés et de vastes espaces libres de type forum susceptibles d'offrir un terrain de jeu propice à toutes les agitations extra-universitaires...

Le président Eurin fait également observer que Paris VI semble fonctionner « à crédits et à m² ouverts » à Jussieu alors que les moyens dévolus à Paris VII seraient chichement mesurés sur le site Masséna : en témoigne l'insuffisance des crédits qui seraient accordés pour le bâtiment de l'UFR de biologie, soit 10 000 F par m², alors qu'un minimum de 13 000 F par m² serait nécessaire pour aménager des installations coûteuses mais indispensables (animaleries transgéniques, hottes d'évacuation, ...)

Cette situation est d'autant plus vivement ressentie par les responsables de Paris VII que ceux-ci ont accepté de déménager de Jussieu en libérant quelque 84 000 m² utiles, dont la valorisation foncière permettrait selon eux aisément de couvrir le coût total de l'installation de l'université Denis Diderot sur la Zac Rive Gauche, laquelle devrait en retour, il convient de le rappeler, bénéficier de quelque 150 000 m² SHON, soit une surface de l'ordre de 105 000 m² utiles 75( * ) .

Ces derniers rappellent également que les mathématiciens sont actuellement répartis pour deux tiers d'entre eux à Paris VI et un tiers à Paris VII et sont provisoirement logés dans des locaux temporaires de la rue du Chevaleret, pour un coût annuel de location de 35 millions de francs. Si l'ère des gros équipements informatiques centraux a vécu et que les mathématiciens travaillent désormais sur de petits ordinateurs puissants reliés en réseau, une bibliothèque 76( * ) leur est indispensable, et Paris VII souhaiterait son implantation sur le nouveau site dans le cadre du prochain contrat de plan.

(2) Un nécessaire aménagement du projet universitaire : une coexistence contre nature entre des laboratoires de recherche et le trafic ferroviaire

Comme il a été dit, la parcelle dite M4 de la Zac Paris Rive Gauche abrite un hôtel industriel, propriété de la société Unibail, qui devait être libéré par la SAGEM en décembre 2002.

En raison de l'accélération du chantier de Jussieu, qui prévoit la mise à disposition de l'Etat de 30 000 m² SHON supplémentaires en première phase, la Ville de Paris a signé avec l'Etat un avenant du 3 mai 2002 à la convention-cadre du 25 octobre 2000 : à cette occasion, la Ville a été conduite à financer la mise à disposition de l'Etat de droits à construire complémentaires, en compensation de l'abandon par Paris VII de son projet d'implantation dans l'Hôtel industriel.

A titre de compensation, l'Etat a donné son accord au transfert à la Ville d'emprises actuellement occupées par des unités de Paris VII, qui ont vocation à changer de localisation : il s'agit des bâtiments situés 8-10 rue Charles V, dans le IV e arrondissement et 5 rue Garancière, dans le VI e arrondissement 77( * ) entre l'Église Saint-Sulpice et le Palais du Luxembourg.

On rappellera que les opérations engagées dans le cadre de l'actuel contrat de plan concernent les parcelles :

- M2A : réhabilitation des Grands Moulins (permis de construire déposé en juillet 2002, livraison prévue en novembre 2004) ;

- M3A : réhabilitation de la Halle aux farines (permis de construire déposé en juillet 2002, livraison prévue en octobre 2004) ;

- M3C2 : construction (permis de construire déposé en juillet 2002, livraison prévue en mars 2005) ;

- M3F : construction (permis de construire déposé en septembre 2002, livraison prévue en mars 2005).

Les opérations complémentaires faisant l'objet de l'avenant dans le cadre de l'accélération des opérations de Jussieu pour une surface complémentaire de 30 000 m² SHON concernent les parcelles :

- M3A2 : construction de 3 000 m² SHON adossés à la Halle aux farines, livraison prévue en décembre 2004 ;

- M3C1 : construction de 6 000 m² SHON, livraison prévue en mars 2005.

- M3I et M5 : 21 000 m² utiles à répartir entre les deux parcelles, dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par la ville.

On notera que la parcelle M6 ne sera disponible qu'en 2006.

plan

Comme il a déjà été indiqué, le Président de Paris VII a souligné devant la mission que le passage des voies SNCF dans le socle des bâtiments qui seront construits sur les parcelles M3I, M5 et M6 78( * ) engendre des contraintes techniques en termes de vibrations, de champs électriques et de champs magnétiques.

Les constructions en plein sol de ces parcelles nécessitent des fondations spéciales par pieux chemisés prenant appui à 18 mètres pour limiter la transmission des vibrations et permettre d'accueillir des activités expérimentales, tandis que les constructions sur les voies des mêmes parcelles requièrent un traitement contre la transmission des vibrations par interposition de semelles antivibratiles en néoprène entre le socle et les bâtiments : ces parcelles ne seraient donc pas susceptibles d'accueillir des activités expérimentales.

S'agissant des parcelles M3I et M5, force est de constater que leurs projets d'aménagement restent virtuels et que les contraintes émergentes risquent d'en reporter la mise en oeuvre et d'entraîner des délais incompatibles avec la libération du campus de Jussieu, ainsi que des surcoûts difficilement maîtrisables.

En effet, la Ville de Paris qui est chargée d'en assurer la mise en oeuvre, estimerait que ces projets sont irréalisables dans l'enveloppe proposée et dans les délais fixés.

Par ailleurs, les études portant sur les contraintes de construction des infrastructures ferroviaires ne sont toujours pas engagées et risquent de ne pas l'être dans les délais impartis : aucune étude sur l'impact financier de ces contraintes de construction n'a été engagée ; il en est de même pour l'évaluation des nuisances en matière de vibrations, de champs électriques et magnétiques engendrés par la présence des lignes SNCF sur les parcelles concernées, alors que cette étude a été demandée par Paris VII au rectorat de l'académie de Paris.

Constatant qu'aucune étude n'a été engagée sur les mesures à mettre en oeuvre pour protéger les laboratoires, ni sur les incidences financières qui en résulteraient, les responsables des laboratoires de Paris VII qui ont vocation à s'installer sur les parcelles M3I et M5 sont extrêmement réservés sur les possibilités de pouvoir exercer leurs activités de recherche dans des conditions satisfaisantes.

Enfin, la mission notera que la « capacité constructive » en première phase de ces parcelles, et notamment de la parcelle M3I reste imprécise du fait des contraintes liées à la définition du périmètre des infrastructures SNCF ; si cette capacité devait être réduite, l'ensemble du programme risque d'être mis en cause, et donc le relogement des composantes de langues qui doivent quitter le campus de Jussieu.

(3) Une solution alternative : l'utilisation de l'Hôtel industriel par Paris VII

D'après les responsables universitaires de Paris VII, le réaménagement de l'Hôtel industriel situé à l'est de la rue Watt, accompagné de la réalisation de constructions complémentaires limitées, permettrait de garantir le départ de l'ensemble des activités de l'université Denis Diderot du campus de Jussieu avant la fin de l'année 2005, en lui offrant 34 000 m² utiles pour environ 46 000 m² SHON sur la Rive gauche.

Une telle solution permettrait de regrouper les activités expérimentales de Paris VII hors des contraintes SNCF, de loger son administration centrale, dont l'implantation n'est pas acquise, sur la parcelle M3A2 qui abrite la Halle aux farines, sans remettre en cause les principes de l'avenant Etat-Ville, les 21 000 m² qui doivent être réalisés par la Ville de Paris se trouvant regroupés sur la parcelle M5 au sud immédiat du bâtiment de la SUDAC.

Il convient également de noter que l'Hôtel industriel comporte un parking aménagé de 7 000 m² (352 places) répondant aux besoins de l'ensemble du programme universitaire.

Si cette solution était retenue, Paris VII renoncerait aux parcelles M3I et M6, situées entre les rues Olivier Messiaen et Kees Van Dongen, et l'avenue de France, qui sont traversées par les voies ferrées, et l'emprise de l'université sur la parcelle M5 serait déplacée pour éviter la contrainte des voies SNCF : cette solution permettrait, avec un coût raisonnable, d'accélérer l'opération et d'affecter la parcelle M5 à des activités non expérimentales.

D'après le dossier très détaillé transmis à la mission par M. François Montarras, vice-président de Paris VII, chargé de l'aménagement du campus Paris-Rive gauche, le montage proposé pourrait consister en une reprise de l'ensemble immobilier par un investisseur après cession du bail à construction actuel, et en un réaménagement de cet ensemble immobilier par un promoteur, qui serait ensuite loué à Paris VII.

Le montage de l'opération supposerait donc la résiliation du bail à construction existant entre la Ville de Paris et Unibail, remplacé par la conclusion d'un bail emphytéotique administratif 79( * ) , la conclusion d'un bail locatif entre le preneur au bail emphytéotique administratif et l'université de Paris VII avec option d'achat de l'immeuble en fin de bail et la conclusion d'un marché de travaux privé, ou d'un contrat de promotion immobilière entre le preneur du bail emphytéotique et un promoteur pour le réaménagement des locaux adaptés aux besoins de Paris VII.

Une telle opération implique cependant que la Ville de Paris accepte de considérer qu'il s'agit là d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence, de faire valider ce dispositif par le ministère concerné, de négocier un protocole d'accord de résiliation tripartite avec le repreneur du bail à construction actuel et d'harmoniser ce protocole avec la conclusion d'un bail emphytéotique administratif.

D'après les indications fournies à la mission, le coût de cette opération serait de 154,1 millions d'euros (1,011 milliard de francs) ; l'achat de l'Hôtel industriel (53,4 millions d'euros) et son aménagement seraient réalisés par un investisseur et l'Etat n'aurait pas à effectuer d'investissement, mais payerait un loyer sur la base d'un bail longue durée de 18 ans avec octroi d'achat à son terme : la base locative annuelle payable par trimestre s'élèverait à 1 800 francs par m² utile sur la base de 44 500 m² utiles susceptibles d'être loués.

Comme la Ville, au terme de l'avenant au contrat de plan de juillet 2002, est attributaire des immeubles Charles V et Garancière, elle serait en mesure de rembourser par anticipation à l'investisseur 200 millions de francs, ce qui générerait une réduction du montant du loyer annuel de l'opération ; le coût total de l'opération à l'issue des 18 années serait de 1,19 milliard de francs (181,81 millions d'euros) : rapporté aux 811 millions de francs d'investissement initial, le coût du loyer correspondrait à un intérêt de 2 %.

Par ailleurs, la Ville prendrait en charge sur son foncier la construction de 2 900 m² utiles d'installations sportives mutualisées, pour un coût d'environ 40 millions de francs.

Une telle formule permettrait d'assurer un départ définitif de Paris VII de la Halle aux vins à la fin 2005, en libérant 68 000 m² utiles de locaux amiantés sur le campus de Jussieu ainsi que 15 150 m² utiles de locaux tampons (800 m² utiles dans la Maison de la pédagogie à Jussieu, 800 m² utiles de préfabriqués abritant l'UFR EILA à Jussieu, 4 000 m² sur le site Cuvier-Guy de la Brosse, 1 300 m² utiles dans l'ancien hôpital Saint Lazare, 3 950 m² utiles à Chevaleret, 4 300 m² utiles sur Montréal-Javelot...)

Dans ces conditions, une part importante des locaux amiantés de Jussieu seraient évacués avant la fin 2005, le chantier serait accéléré par la mise à disposition précoce de 15 150 m² utiles de locaux tampons et des constructions onéreuses et complexes sur le campus pourraient être évitées, comme par exemple le bâtiment de 16 000 m² SHON envisagé au-dessus de la ligne de métro.

Enfin, alors que le projet d'origine portant sur les parcelles M3I (16 000 m² SHON), M5 (30 000 m² SHON), M6 (14 000 m² SHON) et M32A (3 000 m² SHON) représente au total un coût d'investissement de 975,6 millions de francs (avec une livraison de l'ensemble des bâtiments des parcelles M3I, M5 et M6 prévue seulement pour 2010), la solution alternative « Hôtel industriel » (49 400 m² SHON hors parkings) et parcelle M5 (25 000 m² SHON) aurait un coût total de 811 millions de francs, avec livraison des locaux en 2005-2006.

Dans cette hypothèse, en incluant le coût du bail, le coût total de l'opération « Hôtel industriel » à l'échéance des 18 années du bail serait de 1,19 milliard de francs, soit un surcoût de 217 millions de francs par rapport aux 975,6 millions de francs d'investissement nécessaires pour mettre en oeuvre le projet initial, c'est-à-dire un intérêt annuel de 1,1 %.

La mission a tenu à exposer dans le détail cette solution alternative de l'Hôtel industriel, d'abord en raison de son intérêt : accélération de l'installation de Paris VII dans la Zac-Rive gauche avant le terme de l'actuel contrat de plan, économies réalisées sur le coût de location des locaux tampons, implantation des laboratoires de recherche hors des nuisances ferroviaires... 80( * )

Ce projet alternatif témoigne aussi de la technicité acquise désormais par les responsables universitaires, dont ce n'était pas le métier, dans le domaine immobilier et de l'aménagement : les présidents d'université sont ainsi devenus avec les années, et depuis la mise en oeuvre des plans U2000 et U3M, de redoutables négociateurs, aussi bien dans leurs relations avec l'État qu'avec les collectivités territoriales et les autorités rectorales.

Il traduit également le caractère contraint de toute opération immobilière universitaire d'envergure à Paris intra-muros où la rareté et le coût du foncier conduisent nécessairement à des « bricolages », à des ravaudages et à des montages financiers acrobatiques et excessivement subtils : la mise en sécurité et la réhabilitation pour l'instant médiocre engagée à Jussieu, comme la solution alternative proposée par les responsables de Paris VII sur le nouveau site de la Rive gauche en sont la parfaite illustration...

Il témoigne enfin de la nécessité de conserver un pilotage national en matière de politique immobilière universitaire afin de ne pas laisser celle-ci à la seule initiative des territoires, mais aussi des universitaires, faute de priorités claires de l'État, d'autant que les décisions prises sont lourdes de conséquences en terme de dépenses publiques, et donc pour le contribuable.

Bref, avant de décider ou de valider des opérations aussi considérables que celle de Jussieu, conduisant à sécuriser et à réhabiliter à grands frais un bâti médiocre à la pérennité aléatoire, ainsi qu'à déménager plusieurs dizaines de milliers d'étudiants et de personnels dans un quartier mixant les diverses fonctions de la ville, on aurait pu aussi engager une réflexion sur un éventuel regroupement disciplinaire des deux universités concernées et sur ce qu'il convenait de mettre dans chacun des deux sites : en ce domaine, le contenant ne doit pas être privilégié par rapport au contenu et les universitaires, en dépit de toutes leurs qualités, n'ont pas vocation à se substituer au garant de l'intérêt général, c'est-à-dire l'État.

(4) Deux universités qui occultent les besoins très importants des autres universités parisiennes et franciliennes

Devant la mission, le recteur-chancelier de l'académie de Paris, a estimé que le projet pourtant très (trop, en raison de sa densité) ambitieux de la Rive Gauche, fondé sur l'intégration d'une nouvelle université dans plusieurs quartiers parisiens, ne répondait sans doute pas à tous les besoins de la vie étudiante, en particulier dans le domaine sportif ; il convient selon lui de sortir des barrières du Paris intra-muros et de prendre en compte les besoins de la couronne parisienne dans les prochains contrats de plan.

Cet objectif suppose un effort conjoint de l'État, de la région et de la Ville, qui devrait porter, outre les sites universitaires du sud-est parisien, sur le développement du site de la Villette dans le nord-est et dans le sud-ouest en bordure de l'agglomération parisienne : la nouvelle politique engagée par la Ville de Paris avec les communes périphériques des portes de la capitale, qui se traduira notamment par la couverture du périphérique et la création d'un tramway reliant la Porte de Versailles et le secteur Masséna, en passant par la Cité universitaire, contribuerait également à la restructuration du tissu universitaire parisien.

Le recteur-chancelier a rappelé à cet égard que le contrat de plan francilien avait été élaboré avec le souci de réduire le nombre de sites universitaires parisiens, de rationaliser et de remembrer la carte universitaire francilienne afin d'assurer un équilibre plus satisfaisant entre Paris et l'Ile-de-France : ce dernier objectif figurait déjà dans le rapport Payan qui proposait une organisation entre trois grands pôles universitaires, au nord-est de la capitale, autour de Boulogne et au centre sur la Rive gauche, soit une restructuration avant la lettre, laquelle a d'ailleurs suscité de vives protestations de la communauté universitaire 81( * ) .

Il a estimé que les dossiers de Paris VI et Paris VII occultaient les besoins très importants des autres universités parisiennes (Paris I à l'étroit avec ses 40 000 étudiants, Paris III et l'état très préoccupant de Censier, Paris IV confrontée à de graves problèmes d'accueil...) qui devraient aussi être satisfaits de manière équitable.

Il a cependant considéré que le déplacement, jadis envisagé de Jussieu à la Villette, était aujourd'hui utopique et qu'il susciterait de trop vives oppositions du milieu universitaire : il aurait fallu, selon lui, agir à la fin des années 70.

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