C. LE PLAN TRIENNAL 1999-2001

1. Un bilan mitigé

S'il a suscité des controverses justifiées, le plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention de la dépendance 1999-2001 comporte cependant deux éléments positifs :

- l'accent est désormais mis sur une prise en charge socio-sanitaire précoce centrée davantage sur l'usage nocif (avant que les consommateurs ne deviennent dépendants). L'objectif est donc d'intervenir plus en amont avant d'avoir à prendre en charge les complications et les pathologies associées aux consommations excessives.

La prise en charge précoce de l'usager constitue un véritable progrès, ainsi que l'a exprimé le professeur Philippe-Jean Parquet, président de l'OFDT, devant la commission : « L'ensemble du dispositif sanitaire, social, réglementaire et législatif français avait comme unique référence la dépendance comme figure emblématique du grand alcoolique et du grand héroïnomane. C'est pourquoi j'ai voulu attirer l'attention de chacun sur la notion d'usage nocif, c'est-à-dire sur les personnes qui n'ont pas les critères de la dépendance, qui ne se reconnaissent pas dépendants, qui ne sont pas perçus par les dispositifs sanitaires et par leur environnement comme dépendants, mais qui connaissent néanmoins d'énormes problèmes. »

- une complémentarité est recherchée entre le système de soins de droit commun et le dispositif spécialisé

Suite à la note d'orientation du 5 novembre 1998 de la DGS précitée, qui avait notamment pour objectif de renforcer les partenariats entre les différentes structures de prise en charge des toxicomanes, le plan triennal de 1999-2001 a cherché à accélérer ce mouvement de décloisonnement. Compte tenu de ces nouvelles orientations, le plan triennal a défini un double objectif :

- améliorer l'organisation du dispositif de prise en charge existant afin d'accroître les possibilités d'accueil, de suivi médico-psycho-social et de soins aux toxicomanes, et développer la couverture nationale ;

- donner à l'offre de soins une meilleure cohérence afin que les actions de prévention, de soins et de réinsertion soient mieux articulées et coordonnées.

S'agissant des réseaux et partant du constat que « fondées sur un partenariat qui s'épuise nécessairement avec le temps, les actions de réseaux sont peu formalisées et leurs modalités d'organisation sont très diverses » et qu'il « faut aujourd'hui mieux les structurer et les doter des moyens nécessaires à leur mission » , le plan triennal a permis de « donner un cadre précis aux activités et d'élaborer un cahier des charges pour l'ensemble des réseaux autour de trois grandes fonctions : coordination et animation, formation des professionnels, suivi et évaluation. »

Parallèlement aux mesures prises en faveur du développement des réseaux ville-hôpital-toxicomanie, la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a permis de renforcer et de pérenniser les réseaux de médecins généralistes et a eu des conséquences positives sur l'efficacité de la prise en charge des toxicomanes par la médecine de ville.

Mme Nicole Maestracci, présidente de la MILDT jusqu'au mois d'octobre 2002, a présenté ainsi les objectifs du plan triennal sur cet aspect à la commission : « Nous avons surtout essayé de mettre en place des réseaux de médecins généralistes qui puissent mieux repérer les consommations abusives avant qu'elles deviennent dépendantes, mieux orienter les personnes sur les structures de soins qui existeraient déjà en partie et mieux travailler avec l'hôpital. Dans ce cadre, nous avons créé des équipes de liaison hospitalières pour aider les différents services hospitaliers à prendre en charge les usagers de drogues et d'alcool à l'hôpital. »

La commission notera cependant qu'un premier bilan du plan triennal 107 ( * ) montre que de nombreux médecins généralistes travaillent hors de ces réseaux. Ils sont alors souvent mal armés, faute d'information mais aussi faute de temps, pour repérer et orienter les consommateurs problématiques. Les résultats du plan triennal apparaissent cependant positifs s'agissant de l'amélioration de l'organisation du dispositif de prise en charge des personnes toxicomanes : les réseaux ville-hôpital-toxicomanie et ceux de médecins généralistes ont été renforcés, de même que les liens entre les structures spécialisées et les structures de droit commun. Des progrès restent toutefois à faire sur la question du partenariat entre les différents acteurs, car il est rare qu'un toxicomane ne soit pris en charge que par une seule structure au cours de son parcours de soins et de réinsertion.

En revanche, l'effort porté sur le dispositif spécialisé a été largement insuffisant, notamment en terme de personnel médical, ainsi que l'a reconnu le professeur Lucien Abenhaïm, directeur général de la santé, lors de son audition : « Le personnel médical infirmier nécessaire pour le suivi manque à la fois en termes quantitatifs et qualitatifs. Il reste insuffisant. En moyenne, un centre dispose de 0,6 équivalent temps plein médical et 0,4, c'est pratiquement toujours un psychiatre, et simplement 1,1 équivalent temps plein infirmier, pour un total d'équivalents temps plein de 7. Les autres sont donc des personnels ni médecins ni infirmiers. »

Le bilan du plan triennal apparaît donc mitigé, même s'il apparaît positif pour le dispositif de droit commun et sur la question des structures. En revanche, le plan triennal n'aborde pas de manière satisfaisante le problème de la prise en charge unique de l'addictologie.

2. Le problème général de l'addictologie : l'élargissement aux drogues licites

Mme Nicole Maestracci, ancienne président de la MILDT a indiqué à la commission : « L'une des principales caractéristiques du plan triennal, dont il a été beaucoup question dans la presse et dans le débat public, a été d'élargir le programme du gouvernement à l'alcool, au tabac, aux médicaments psychoactifs et aux substances dopantes , ce qui ne voulait pas dire, bien entendu, que toutes ces substances allaient avoir le même sort, à la fois sur le plan juridique et en termes de soins ou de prévention, mais simplement que c'étaient les mêmes personnes, bien souvent, qui consommaient plusieurs de ces produits en même temps et qu'il était donc nécessaire d'avoir un programme non cloisonné par produit, tout en tenant compte des spécificités, mais aussi des points communs qui sont beaucoup plus nombreux que les spécificités de chacun des produits. »

La commission rappellera que le plan triennal a en effet proposé « un rapprochement progressif des différentes structures traitant des dépendances, (...) précédé d'une réflexion méthodologique sur les aspects communs et les aspects spécifiques aux différentes conduites addictives. »

Le rapprochement des différentes structures de soins à la dépendance à la drogue, l'alcool, et plus difficilement le tabac, a ainsi été mis en oeuvre, tant au niveau de l'hôpital que du dispositif spécialisé. Cet objectif s'est traduit au niveau de l'hôpital par la circulaire du 8 septembre 2000 relative à l'organisation des soins hospitaliers qui prévoit à terme des équipes travaillant dans les domaines de l'alcoologie, de la toxicomanie et de la tabacologie au sein des établissements hospitaliers. Le plan triennal visait ainsi la mise en place « des établissements publics de santé les plus importants, d'une équipe de liaison en addictologie, à savoir une équipe dans chaque hôpital de plus de 200 lits MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) et au moins une par département » .

Ce rapprochement a pour objet de centrer les réponses sur la personne et les comportements et non plus uniquement sur les produits . Il vise également à favoriser les coopérations, les échanges de savoir-faire et à mutualiser les moyens et les outils thérapeutiques. L'objectif est donc clair : les établissements de santé doivent s'intégrer dans le dispositif général de prise en charge des dépendances.

S'agissant du dispositif spécialisé, le rapprochement des CSST, des 250 centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA, ou centres d'hygiène alimentaire et alcoologie - CHAA - avant le 1 er janvier 1999) et du dispositif spécialisé en tabacologie, assuré par les centres d'examen de santé de la CNAM, permet d'atteindre progressivement cet objectif.

On rappellera que les centres d'hygiène alimentaire et alcoologie (CCAA) sont financés depuis le 1 er janvier 1999 par l'assurance maladie et bénéficient, en application de la loi d'orientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, d'une définition précise de leur mission, d'une reconnaissance juridique et d'un financement stable.

D'après le plan triennal, « l'objectif est de disposer d'environ 600 structures capables de répondre, en fonction des spécificités locales, aux besoins des usagers de drogue, d'alcool et de tabac . Il ne s'agit pas de préconiser une modélisation des structures, mais de mieux utiliser des compétences aujourd'hui dispersées en utilisant un cadre administratif et financier unique. »

De nombreux centres de soins et de prévention en addictologie (CSAPA) devaient donc être mis en place. La décision a toutefois été différée par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, dans l'attente du nouveau plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies . Tout en affirmant devant la commission : « De mon point de vue, l'alcool, le tabac, le cannabis, l'héroïne et les psychotropes sont des substances que je considère comme des drogues qui, à des degrés divers, aliènent la personne humaine » , M. Jean-François Mattei a insisté sur la distinction entre produits licites et illicites et a indiqué à la commission les raisons de sa position : « Nous nous sommes aperçus qu'il y avait des mécanismes communs, d'où l'action de Mme Maestracci au niveau de la MILDT, qui a été de prendre les choses en les globalisant. Bien sûr, personne ne conteste aujourd'hui que ces mécanismes sont communs. En revanche, pourquoi ai-je hésité ? J'ai repris le problème au niveau des consultants, des patients, des usagers. D'une façon générale, l'alcoolique, sauf le polyconsommateur naturellement, n'est pas forcément celui qui prend des psychotropes, le consommateur de cannabis pas forcément celui qui boit de l'alcool à en devenir un éthylique chronique. Les populations ne sont pas les mêmes. J'avais manifesté un doute sur le fait qu'une personne victime de ce que nous appelons l'alcoolisme mondain, mais bien imprégnée quand même, se présentant à une consultation de sevrage, se retrouve dans la même salle d'attente que des jeunes utilisant d'autres drogues. »

Votre commission ne peut que partager ce doute, même si elle mesure les problèmes posés par la dépendance au tabac et à l'alcool. Elle ne peut en conséquence que se féliciter des propos tenus par M. Jean-François Mattei lors de son audition : « Nous allons dans les semaines à venir, soit avant l'été, soit immédiatement à la rentrée pour ce qui concerne le Sénat, devoir discuter de la nouvelle loi de santé publique. (...) La lutte contre la toxicomanie fera l'objet avec la lutte contre le tabac et l'alcool, qui sont deux autres drogues dévastatrices pour la santé, des orientations prioritaires pour les cinq années à venir. »

3. Une prise en charge inadaptée

a) Une faible prise en compte des nouveaux modes de consommation

La principale faiblesse du dispositif de prise en charge à la française réside dans son inadaptation à la nouvelle population toxicomane et aux changements de modes de consommation et de produits utilisés, en particulier dans le dispositif spécialisé.

En effet, les prises en charge dans les structures de soins pour usage de drogues illicites sont, en grande majorité, liées à l'abus ou à la dépendance aux opiacés (dont 85 % pour l'héroïne), alors même que la consommation d'héroïne diminue au sein de la population toxicomane globale. Toutefois, si les opiacés restent très majoritairement à l'origine de la prise en charge, beaucoup d'usagers en contact avec le système de soins le sont au titre des traitements de substitution.

PRODUITS À L'ORIGINE DE LA PRISE EN CHARGE DANS LES CSST

(en % du nombre de patients pris en charge)

1998

1999

2000

Héroïne

55,3

49,4

48,8

Buprénorphine et méthadone
(hors prescription)

9,1

12,0

10,2

Codéïne

4,0

3,5

3,1

Total opiacés

68,5

64,8

62,0

Cocaïne et crack

5,6

6,1

6,1

dont crack

1,4

1,1

1,5

LSD

0,7

0,6

0,7

Cannabis

17,5

21,5

24,0

Amphétamines

1,9

1,5

2,1

dont ecstasy

0,6

0,6

1,0

Solvants

0,2

0,2

0,4

Médicaments psychotropes
(hors opiacés)

5,7

5,3

4,7

Total

100,0

100,0

100,0

Les autres consommations interviennent rarement dans les prises en charge, à l'instar notamment de la cocaïne , même si les demandes de traitements ont nettement augmenté entre 1997 et 1999 (+ 80 % en produit primaire, + 33 % en produit secondaire). La cocaïne est souvent prise en charge comme produit secondaire dans les cas de polyconsommation avec les opiacés et cette prise en charge ne concerne donc pas seulement les nouveaux consommateurs « festifs » de cocaïne.

Il en est de même pour l'ecstasy , qui n'est que d'une manière incidente à l'origine des prises en charge de toxicomanes. Ce phénomène est peut-être dû au fait que les usagers d'ecstasy s'adressent surtout aux médecins généralistes ou ont recours plus souvent aux services d'urgence des hôpitaux.

S'agissant du cannabis , dont la consommation a explosé ces dix dernières années, notamment chez les moins de 25 ans, on peut constater une substantielle augmentation des prises en charge par le dispositif spécialisé, même si elle reste bien en deçà des besoins, au regard de la forte augmentation de l'usage et de la consommation à risque du cannabis dans l'ensemble de la population. Or, la prise en charge des consommateurs abusifs et dépendants apparaît indispensable . C'est notamment le constat fait par le docteur Michel Hautefeuille, psychiatre au centre médical Marmottan, devant la commission : « Quel que soit le produit, nous sommes confrontés aux mêmes situations. A l'évidence, en dépit de tout le débat qui existe sur le cannabis, nous constatons d'un point de vue chimique que des gens sont véritablement en souffrance par rapport au cannabis, qu'ils ont un usage véritablement problématique du cannabis et qu'ils viennent nous consulter sur ce point. Ils vont donc être accueillis, suivis, orientés ou pris en charge à Marmottan de la même façon qu'un héroïnomane ou un cocaïnomane même si, parfois, les enjeux sont un peu différents. »

La commission constate cependant qu' il n'existe pas de dispositif de première ligne satisfaisant pour repérer et orienter les très jeunes et adolescents, consommateurs problématiques de produits, notamment de cannabis, ou pour conseiller leurs parents. Les « points accueil et écoute jeunes » (une centaine en 2001) ne répondent qu'imparfaitement à cette demande en raison de leur hétérogénéité et donc de leur faible visibilité pour le grand public. Cela est d'autant plus inquiétant que la psychiatrie est défaillante pour la prise en charge des adolescents, comme l'a montré récemment le rapport d'information du groupe d'études du Sénat sur les problématiques de l'enfance et de l'adolescence sur le thème de l'adolescence en crise 108 ( * ) .

La commission ne peut donc que souligner que la politique de prise en charge ne s'adapte pas suffisamment rapidement aux risques et aux besoins liés à de nouveaux modes de consommation, comme c'est le cas aujourd'hui pour le cannabis et les usages « festifs » d'ecstasy et de cocaïne .

Cette inadaptation a été soulignée par le professeur Philippe-Jean Parquet, président de OFDT, lors de son audition : « Il me semble qu'une politique de santé en général doit essayer d'être adéquate non pas à la population considérée comme homogène, mais à la population dans sa diversité. (...) Cela veut dire que les objectifs doivent correspondre à la diversité des populations et je pense donc que la sagesse d'une politique doit consister à n'éliminer aucune des populations susceptibles d'en bénéficier. Il est très difficile à faire comprendre que ces modalités de consommation et ces populations sont extrêmement diverses ».

La commission estime également que c'est en prenant en compte tous les types de toxicomanies, y compris les cas de consommation excessive de drogue « douce », que l'on évitera certains types d'escalade dans la consommation. Cette analyse a été partagée par le docteur Francis Curtet, psychiatre, lors de son audition : « Un toxicomane, quel que soit le produit qu'il prend et même s'il en est au stade d'une drogue telle que le cannabis, nécessite une prise en charge . On ne va pas attendre qu'il nous lance un SOS monumental avec l'héroïne pour se dire qu'il faut écouter son malaise. Dès lors qu'il fuit avec un produit, il se trompe ; il a un vrai problème auquel il apporte un mauvais remède et une mauvaise solution. Il faut donc évidemment l'aider ».

Outre sa trop lente adaptation aux nouveaux types de produits, d'usage et de consommateurs, la politique de prise en charge souffre également d'un manque de coordination avec la psychiatrie.

b) Des liens insuffisants avec les services psychiatriques

Dans la réalité, de nombreux toxicomanes en grande difficulté souffrent parallèlement de troubles psychiatriques . Cette « double morbidité » n'est pas toujours dépistée à temps et ne permet pas d'orienter le malade vers la structure sanitaire adéquate, ou comportant une dimension psychiatrique dès le début de sa prise en charge. Confrontés à des toxicomanes souffrant parfois de problèmes psychiatriques lourds, les CSST remplissent difficilement leurs missions sanitaires et sociales , ainsi que l'a souligné le professeur Lucien Abenhaïm, directeur général de la santé, devant la commission : « Ces centres sont aujourd'hui débordés par des questions d'ordre social ou psychologique. A chaque fois que j'ai discuté avec des personnes dans ce domaine, elles m'ont fait la remarque que les psychiatres aujourd'hui, je vous prie d'excuser l'expression, se débarrassent de leurs patients qui ont des problèmes psychiatriques, et qui sont toxicomanes, vers les centres de traitement de toxicomanes sous l'angle simplement du traitement de la toxicomanie, alors que parfois la toxicomanie n'est que l'effet secondaire d'un problème psychiatrique. »

Ce problème a également été longuement évoqué lors de l'audition du docteur Michel Hautefeuille, psychiatre au centre médical Marmottan : « Je pense qu'une des raisons pour lesquelles des structures comme Marmottan sont de plus en plus confrontées à des patients qui ont ce qu'on appelle une comorbidité, c'est-à-dire qui sont à la fois toxicomanes et qui ont une pathologie psychiatrique, c'est que les toxicomanes « faciles », si je puis dire, sont pris en charge de façon efficace en médecine libérale. Il y a donc une espèce d'effet de tri ou de tamisage qui fait que ce sont les cas les plus durs et les plus compliqués qui arrivent dans les institutions spécialisées. Il est également évident que le fait d'être de plus en plus confronté à ce phénomène pose aussi le problème du diagnostic et de l'orientation. Il faut être capable, quant on reçoit quelqu'un dans les premières consultations, de voir quel va être le problème le plus important, celui qui est en avant. Bien souvent, une personne véritablement psychotique qui relève d'une prise en charge psychiatrique peut être amenée à utiliser un produit comme l'héroïne parce que cela peut lui permettre de calmer ses angoisses et de se rassembler. Pendant un certain temps, cela peut être un « traitement » de sa psychose. Quant on est confronté à un tel cas, si on ne le prend en charge que du point de vue de sa toxicomanie, cela relève presque de la faute professionnelle. Le vrai problème de ce patient, c'est en effet sa psychose ; sa toxicomanie est une utilisation annexe et, quand on traite sa psychose, on s'aperçoit qu'en même temps, la toxicomanie va disparaître. Dans ce cas, nous avons à effectuer un travail dit de diagnostic différentiel entre ce qui relèverait, d'une part, d'une pathologie majoritairement d'ordre toxicomaniaque et, d'autre part, d'une pathologie majoritairement d'ordre psychiatrique. Pour cela, il est nécessaire de développer des coopérations avec les services de psychiatrie, ce qui est parfois un peu compliqué parce que ces patients sont assez malins ou perdus pour jouer les psychotiques dans les centres pour toxicomanes et les toxicomanes quand on les envoie en consultation dans un service de psychiatrie. Ils jouent sur les deux tableaux, ce qui complique les prises en charge. Ce sont donc des prises en charge lourdes et compliquées parce qu'elles nécessitent une coordination véritablement de tous les jours entre les structures spécialisées et les services de psychiatrie. »

Même s'il n'apparaît pas souhaitable de « psychiatriser » l'ensemble du dispositif de prise en charge, le développement de structures comme celle du centre de jour de l'hôpital Saint-Antoine, que la commission a pu visiter, s'impose à l'évidence.

Les personnes accueillies y sont, en effet, prises en charge en fonction de leurs troubles psychiatriques, afin de tenter de les soigner avant d'aborder l'étape du sevrage des pratiques addictives. Il est également souhaitable que les médecins généralistes des réseaux et les professionnels travaillant dans les CSST soient formés à quelques notions de psychiatrie afin de pouvoir éventuellement orienter leurs patients de la manière la plus satisfaisante.

La politique de prise en charge mise en oeuvre par notre pays doit donc évoluer pour mieux prendre en compte les enjeux de demain dans le domaine de la drogue.

* 107 Note remise au directeur de Cabinet du Premier ministre par Mme Nicole Maestracci, alors présidente de la MILDT - 15 juillet 2002.

* 108 Adolescence : comment en sortir ? Les enjeux d'une politique publique - Groupe d'études sur les problématiques de l'enfance et de l'adolescence et commission des Affaires sociales - Rapport d'information n° 242 (2002-2003).

Page mise à jour le

Partager cette page