2. Le rôle de la loi : poser des repères

Ainsi que l'a indiqué M. Michel Bouchet, chef de la MILAD, lors de son audition par la commission d'enquête, « il n'est pas du rôle de l'Etat d'accompagner ou de valider les déviances et les transgressions sanitairement et socialement dommageables, mais plutôt de mener une politique pénale et préventive propre à les réduire ».

M. Philippe-Jean Parquet, président de l'OFDT, a également estimé qu'« un Etat a comme fonction, au travers de ses lois, d'aider les personnes à faire des choix éclairés ». Ce point a d'ailleurs été souligné par un grand nombre d'intervenants, parmi lesquels le docteur Francis Curtet, psychiatre, et M. Bernard Petit, chef de l'OCRTIS. S'il est arrivé à chacun de faire des excès de vitesse, le fait d'être constitutif d'une infraction montre que c'est dangereux. La loi est là pour poser des balises et dire que c'est dangereux. Le dispositif législatif et réglementaire apparaît ainsi comme un facteur de protection contre la toxicomanie, et légaliser le cannabis reviendrait à donner un avis mensonger à la jeunesse, puisqu'on éliminerait le tabou qui frappe son usage. La loi joue un rôle plus dissuasif qu'incitatif.

Par ailleurs, on voit mal comment faire coexister un interdit d'ordre moral avec une suppression de l'interdit légal, toute interdiction non assortie de sanction devenant une autorisation.

3. La loi impuissante ?

La commission tient à souligner le discours quelque peu paradoxal des tenants de la dépénalisation, qui critiquent fermement dans un premier temps la loi de 1970 et appellent à sa modification, tout en estimant dans un deuxième temps que la loi n'a aucune incidence.

Ainsi, M. Alain Ehrenberg, sociologue au CNRS, a lors de son audition dénoncé la « tendance à fétichiser la loi » dans la politique, en estimant que l'on dépénalise ou non, que l'on légalise ou que l'on maintienne l'interdiction de l'usage privé avec une année d'emprisonnement, rien ne changerait, la loi n'étant qu'un élément d'une politique.

Si la commission d'enquête est tout à fait consciente de la nécessité de mener une politique sur les quatre volets que représentent la répression, la prévention, le soin et l'action internationale, elle se refuse néanmoins à justifier l'inaction.

Certes, M. Hugues Lagrange, sociologue au CNRS, a indiqué qu'en dépit de la diversité des législations en Europe, les structures de consommation n'avaient pas de lien évident avec les législations.

M. Jean-Michel Costes, directeur de l'OFDT, s'est également exprimé sur cette question et a indiqué que l'INSERM et l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies avaient conclu à l'absence de lien entre législation et niveau de consommation. Si la législation sur le cannabis est ferme, en Suède comme en France, les niveaux de prévalence du cannabis sont très éloignés. De même, les pays qui se sont orientés vers des législations plus ouvertes par rapport à l'accès aux produits peuvent avoir des niveaux de prévalence tout aussi disparates.

M. Philippe-Jean Parquet, président de l'OFDT, a souligné pour sa part la remarquable constance de la progression de la consommation de cannabis pendant les années 1990, alors que les politiques publiques avaient fortement varié (du concept de l'abstinence au début des années 1990 à la prise en compte de la réduction des risques au milieu des années 1990, et enfin à l'approche dite globale de prise en compte de l'ensemble des produits à la fin de la décennie).

Mais « affirmer que la législation d'un pays n'influe pas sur la consommation revient à jeter le bébé avec l'eau du bain », comme l'a dit lors de son audition le professeur Renaud Trouvé. Il convient tout d'abord de voir si la législation est appliquée, ce qui n'est certes pas le cas actuellement en France en matière de drogues.

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