3. Donner à la justice des outils adaptés aux procédures concernant des victimes handicapées

Toute enquête en matière de maltraitance est particulièrement éprouvante pour les familles dans la mesure où les procédures judiciaires sont nécessairement longues. Les victimes ont souvent du mal à maintenir leur déposition jusqu'au terme de l'instruction, soit qu'elles doutent d'elles-mêmes, soit que des pressions s'exercent sur elles.

Il est vrai que, compte tenu de l'encombrement des cabinets d'instruction et des multiples commissions rogatoires et expertises nécessaires à l'établissement des faits, la durée des instructions est difficilement compressible.

La durée incompressible des informations judiciaires en matière de maltraitance :

le témoignage d'un magistrat

« La phase d'instruction sera d'autant plus longue que les faits sont contestés. Cela est généralement le cas dans la plupart des affaires relatives à des cas de maltraitance commis à l'égard des personnes handicapées. Le juge d'instruction, qui doit rechercher la vérité, instruit à charge et à décharge. Il ne faut pas oublier que la présomption d'innocence constitue un principe gouvernant de la procédure pénale en France.

« La durée parfois très longue des instructions s'explique aussi par l'obligation qui nous incombe de procéder à l'audition de l'ensemble des personnels et des résidents des établissements au sein desquels sont advenus des faits de maltraitance. Le nombre d'auditions à effectuer prend très rapidement des proportions phénoménales. Lorsque le juge d'instruction délivre une commission rogatoire aux services de police ou de gendarmerie afin de procéder à ces auditions, il n'est pas rare que ladite commission s'étale sur huit mois, dix mois, un an ou même un an et demi (...).

« Dans le cas où des faits de maltraitance sont mis à jour, les victimes(...) doivent également subir des expertises. L'expertise systématique de toutes les victimes est indispensable à la procédure, que celle-ci se déroule en correctionnelle ou en assises. Malheureusement, nous nous heurtons à des délais de remise des résultats extrêmement longs. Il faut parfois six mois à un expert pour nous remettre les conclusions de son travail. C'est autant de temps de pris sur la durée de l'instruction.

« Si vous mettez bout à bout les commissions rogatoires, les expertises, les confrontations et les différentes auditions de la victime, vous vous apercevez qu'il est extrêmement difficile de restreindre la durée d'une instruction criminelle pour des faits de maltraitance subis par des personnes handicapées. »

Extrait de l'audition de M. Hervé Auchères, juge d'instruction, le 9 avril 2003

Dans ce contexte, comme le résume M. Hervé Auchères, « La seule réponse qu'il est possible d'apporter très rapidement à une personne handicapée consiste à la recevoir et à l'entendre. Ainsi, cette personne sera en mesure de constater par elle-même qu'un magistrat s'est saisi de l'affaire la concernant. Ce magistrat pourra lui expliquer aussi clairement que possible le déroulement d'une procédure d'instruction. »

Mais au-delà de ces difficultés que connaissent toutes les victimes d'infractions pénales, on ne peut que constater que la procédure pénale est encore trop souvent inadaptée à l'instruction des affaires de maltraitance envers des personnes vulnérables.

a) Une conciliation difficile des droits de la victime et des droits de la défense

La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a prévu la possibilité pour la personne mise en examen de demander une audition de témoin ou de la partie civile. Au cours de cette audition, elle peut également demander la présence de son avocat.

Il convient de préciser que cette possibilité n'est offerte que pour les auditions dont la demande a été formulée par le prévenu lui-même : la présence de l'avocat n'est en rien prévue lors des auditions organisées par le juge lui-même.

Si cette possibilité s'explique par la volonté du législateur de renforcer le caractère contradictoire de la procédure et de permettre à la défense de ne pas attendre l'audience pour pouvoir poser les questions qu'elle estime nécessaires à la manifestation de la vérité, la présence de l'avocat de l'agresseur peut malgré tout être dommageable pour la victime .

C'est d'ailleurs l'opinion exprimée par Mme Marie-Antoinette Houyvet, présidente de l'Association française des magistrats instructeurs : « Il s'agit d'une difficulté lourde, du moins la ressentons-nous ainsi dans nos cabinets d'instruction, car la victime se retrouve seule et déstabilisée face à son présumé agresseur. Le juge d'instruction aura eu beau, dans un premier temps, recevoir la victime, l'entendre, faire connaissance avec elle et lui expliquer la manière dont la procédure se déroule, il n'en reste pas moins qu'une confrontation entre la personne handicapée victime de faits de maltraitance et l'avocat de l'accusé mis en examen peut causer des dégâts irrémédiables sur la victime. »

Normalement, le juge d'instruction reste libre d'accéder ou non à la demande du prévenu, ainsi que le souligne une circulaire du ministère de la justice, en date du 20 décembre 2000. Le magistrat peut en effet estimer que la présence de l'avocat de l'agresseur présumé est inopportune. La circulaire précise : « il pourra en être ainsi pour l'audition d'une victime ou d'un témoin dont la particulière vulnérabilité risque de ne pas lui faire supporter la présence de l'avocat du mis en examen (par exemple dans une hypothèse de violences sexuelles contre un mineur ou contre un majeur qui aurait été particulièrement traumatisé du fait de cette agression). » 51( * )

Il reste que, pour refuser la présence de l'avocat lors d'une audition, le juge d'instruction doit prendre une ordonnance motivée et susceptible d'appel devant la chambre de l'instruction . Les magistrats auditionnés par la commission d'enquête ont d'ailleurs conclu que le juge ne peut « refuser qu'exceptionnellement, et ce sur justification » , estimant par ailleurs que la confrontation apparaît souvent comme « indispensable à la manifestation de la vérité. »

Afin d'éviter une multiplication des auditions de la victime, et toujours dans un souci de « parallélisme des formes » par rapport au statut de mineur victime, un certain nombre d'intervenants ont évoqué la possibilité d'étendre aux personnes vulnérables la possibilité, ouverte par la loi du 17 juin 1998 pour les mineurs, d'un enregistrement audiovisuel de la déposition.

L'adoption d'une telle procédure ne va toutefois pas sans soulever de nombreuses interrogations, comme en témoigne le rapport de notre ancien collègue, M. Charles Jolibois, à propos de l'enregistrement des dépositions de mineurs victimes.


Enregistrement audiovisuel unique des dépositions de mineurs victimes :

l'enfer est pavé de bonnes intentions...

« Votre commission partage pleinement le souci de Mme le garde des Sceaux de limiter autant que faire se peut les confrontations ou auditions des mineurs victimes d'infractions sexuelles. Comme l'a fait observer M. Philippe Jeannin, procureur de la République à Meaux, cet enregistrement pourra constituer l'unique audition du mineur, évitant ainsi la multiplication d'entretiens, pouvant être traumatisants, dans les nombreux cas où l'auteur reconnaît les faits.

« Toutefois, les personnes entendues lors de la journée d'auditions publiques ont soulevé deux séries de difficultés susceptibles de résulter de cet enregistrement.

« Si l'enregistrement ne devrait pas soulever de difficulté dans les affaires simples, il pourrait en aller tout autrement dans les cas où la personne poursuivie nierait les faits(...). Dans une telle hypothèse, il serait dangereux de considérer que l'enregistrement permet de se passer de nouvelles auditions du mineur : pour les droits de la défense tout d'abord car, en cas d'affabulation, la déposition de l'enfant serait difficile à contester sans confrontation (d'autant plus que, selon Mme Christiane Berkani, la France, à la différence du Canada, ne dispose pas de psychiatres formés à l'expertise de crédibilité des enregistrements) ; pour l'enfant lui-même qui, impressionné lors de sa première audition, peut se révéler incapable de décrire les faits ou d'exprimer ses sentiments. »

Extrait du rapport n° 49 (1997-1998) de M. Charles Jolibois, sénateur,

fait au nom de la commission des Lois

Mme Marie-Antoinette Houyvet, présidente de l'AFMI, faisait part de son inquiétude vis-à-vis d'un tel dispositif en ces termes : « Si, dans les propositions que nous avons formulées au nom de l'AFMI, nous nous sommes beaucoup appuyés sur les dispositifs existant en matière de protection des mineurs, vous aurez certainement remarqué que nous n'avons pas évoqué cet enregistrement audiovisuel unique. Il nous a semblé extrêmement dangereux de fixer sur pellicule les déclarations d'une personne handicapée. Ce discours lui est parfois difficilement compréhensible. En isolant certaines phrases d'un contexte global, il est possible de faire dire à la personne handicapée ce qu'elle n'a pas forcément voulu dire. Ce dispositif nous apparaît donc assez dangereux. »

Au demeurant, la loi du 17 juin 1998 ne met pas d'obstacle à la mise en oeuvre de systèmes expérimentaux pour les infractions commises à l'encontre de victimes autres que les mineurs et dont la vulnérabilité justifierait une solution identique.

La commission d'enquête estime donc qu'il n'est pas nécessaire de rendre obligatoire cet enregistrement . En tout état de cause , si la possibilité d'appliquer une telle procédure aux adultes vulnérables devait être introduite dans la loi, il serait impératif de préciser que le fait d'effectuer un enregistrement doit être un moyen d'éviter une multiplication excessive d'auditions traumatisantes et non un obstacle à une audition considérée ultérieurement comme nécessaire par le magistrat .

b) Une difficulté majeure : recueillir le témoignage des personnes handicapées mentales

M. Hervé Auchères, magistrat instructeur, le reconnaissait lors de son audition devant la commission d'enquête : les personnes mises en examen « auront tendance à jouer du handicap de l'accusateur pour remettre en cause son témoignage » , rendant extrêmement compliquée pour le juge la manifestation de la vérité.

Dans ce contexte, la commission d'enquête tient à insister sur l'extrême importance que prend pour les victimes la valeur donnée par la justice à leur témoignage. Les magistrats doivent s'efforcer de ne pas écarter a priori la véracité de leurs propos, même s'il est incontestable qu' « au même titre que pour n'importe quel citoyen auditionné par la justice, la crédibilité des propos tenus [par la personne handicapée victime] ne doit être ni exclue a priori ni considérée comme un principe absolu. Comme tout autre citoyen, une personne handicapée est autant capable de mentir que de dire la vérité ».

Mais au-delà de la question de la crédibilité des propos tenus par la personne handicapée, l'instruction des affaires de maltraitance envers les personnes handicapées pose un problème spécifique, qui est celui du recueil du témoignage de la victime, notamment lorsque celle-ci est handicapée mentale ou présente un « défaut d'oralité ».

Mme Marie-Antoinette Houyvet, présidente de l'AFMI 52( * ) , estimait que « si le juge, en matière criminelle, est habitué à entendre lui-même la victime, il réussira sans doute à obtenir d'elle la révélation de faits précis. » Mais elle concédait que « compte tenu des difficultés d'expression des personnes handicapées, l'accès à ces informations supposera de la part du juge une grande disponibilité. »

Compte tenu de l'encombrement des cabinets d'instruction, il est toutefois permis de douter de la possibilité pour le juge de trouver tout le temps nécessaire à une véritable écoute de la personne handicapée.

Or, il est évident que le temps nécessaire à une bonne compréhension de la victime sera d'autant plus long que son interlocuteur n'aura aucune expérience du monde du handicap. De ses multiples auditions et déplacements, la commission d'enquête a en effet acquis la conviction qu'une formation spécifique aux problématiques du handicap, et notamment aux difficultés d'expression des personnes handicapées mentales, autistes ou polyhandicapées, est nécessaire pour tous les professionnels susceptibles d'intervenir dans le domaine de la lutte contre la maltraitance.

Une telle formation, concernant les magistrats, ne saurait occuper une place centrale dans l'ensemble de leur formation qui se doit d'aborder avant tout l'ensemble de notre droit dont chacun connaît la complexité. Une sensibilisation au handicap est cependant loin d'être superflue, au moins au niveau de la formation continue.

La sensibilisation des magistrats : une urgence

« En tant que juges, nous bénéficions d'une formation généraliste au sein de l'école de la magistrature. Par la suite, dans le cadre de la formation continue des magistrats, nous bénéficions de quinze jours de formation obligatoire durant les sept premières années de fonction. Au-delà, la formation devient facultative. Elle n'en reste pas moins accessible. Cette formation continue nous permet de suivre des stages ou des sessions qui sont en relation avec les matières sur lesquelles nous travaillons.

« S'il n'est pas aisé d'entendre des enfants ou des personnes handicapées, il n'est pas non plus évident d'entendre des personnes soupçonnées d'appartenir à des réseaux mafieux . Je ne crois donc pas plus en une formation spécifique dans cette matière que dans une autre. Un cabinet de juge d'instruction recèle beaucoup d'humanité. C'est le message que nous devons faire passer. »

Extrait de l'audition de Mme Marie-Antoinette Houyvet, présidente de l'AFMI

Au-delà de la nécessité d'une meilleure formation des magistrats instructeurs, il est indispensable que la justice dispose de professionnels qualifiés - bénéficiant de la qualité d'experts auprès des tribunaux - et davantage spécialisés dans les questions relatives au handicap : de même qu'une personne sourde a besoin d'un interprète en langue des signes, d'autres catégories de personnes handicapées ont besoin d' « interprètes » pour bien faire comprendre leur témoignage.

c) Des règles de prescription inadaptées

Même si un effort d'amélioration des dispositifs de signalement, de contrôle et de prévention est entrepris dans les prochaines années, il est illusoire d'imaginer que les pressions qui s'exercent aujourd'hui sur les victimes disparaîtront totalement. Il est donc permis de penser qu'un nombre encore important d'actes de maltraitance envers des personnes handicapées accueillies en établissements sociaux et médico-sociaux ne sera révélé que tardivement, plusieurs mois, voire plusieurs années après les faits.

C'est la raison pour laquelle la commission d'enquête estime que le constat dressé par M. Hervé Auchères lors de son audition gardera toute son actualité : « il arrive très souvent, lorsque les faits de maltraitance finissent par être dénoncés, ce qui peut prendre jusqu'à cinq, six, dix ou quinze ans, que nous nous heurtions à un problème de prescription. (...) Je dispose de souvenirs assez précis de longues enquêtes, menées par exemple dans des centres d'aide au travail lors d'un changement de direction, qui ont conduit à la révélation de faits de maltraitance commis au cours des dix ou des quinze années précédentes. Les personnes handicapées ne révélaient ces faits que lorsqu'elles étaient interrogées par les services de police ou de gendarmerie, car ces services leur donnaient enfin la possibilité de s'exprimer. Malheureusement, du fait de la prescription de ces faits, les juges d'instruction n'étaient pas en mesure d'entamer une procédure normale. »

Le code de procédure pénale fait en effet courir le délai de prescription de l'action publique à compter du jour où l'infraction a été commise, ce qui, compte tenu des difficultés éprouvées par les victimes à révéler les faits, a trop souvent pour conséquence de les priver de la possibilité d'obtenir la poursuite de leur agresseur.

Les règles applicables en matière de prescription de l'action publique

Le délai de prescription :

Le délai de prescription se calcule à compter du jour où l'infraction a été commise ou, le cas échéant, à compter du dernier acte d'instruction ou de poursuite.

Ce délai est de :

- 10 ans pour les crimes (article 7 du code de procédure pénale) ;

- 3 ans pour les délits (article 8 du code de procédure pénale) ;

- 1 an pour les contraventions (article 9 du code de procédure pénale) .

Lorsque la partie civile est dans l'impossibilité de provoquer un acte d'instruction susceptible d'interrompre la prescription, celle-ci est suspendue.

Cette règle est désormais d'application rare, dans la mesure où les parties ont la possibilité de demander au juge des actes d'instruction (auditions, confrontation...) que le juge ne peut refuser que par ordonnance motivée.

Les règles particulières applicables aux infractions commises à l'égard des mineurs :

Le délai de prescription en matière de crime commis à l'égard des mineurs ne court qu'à compter de leur majorité.

Il en est de même pour un certain nombre de délits limitativement énumérés : les violences, l'empoisonnement, le proxénétisme, le travail forcé, la corruption, les agressions sexuelles, la traite des êtres humains et les atteintes sexuelles sur mineur consentant.

Dans ces trois derniers cas, le délai de prescription est par ailleurs porté de 3 à 10 ans, lorsqu'ils ont été commis par une personne ayant autorité.

Dans des propos certes excessifs, plusieurs intervenants ont souligné la difficulté posée par la prescription des crimes et délits en matière de maltraitance des personnes handicapées.

Ainsi M. Jean-Pierre Picaud, président de la Confédération des personnes handicapées libres s'insurgeait : « dans l'affaire des disparues d'Auxerre, la France a été choquée de constater qu'Emile Louis ne pouvait être condamné pour meurtre sur des personnes vulnérables (dans ce cas, sur des jeunes filles handicapées mentales) car la prescription pour un meurtre est de dix ans. Lorsque ce délai est passé, il n'existe plus le moindre recours. Les crimes contre l'humanité sont considérés comme imprescriptibles. Les infractions aux législations sur les stupéfiants se prescrivent par 30 ans pour les crimes et 20 ans pour les délits. Les agressions sexuelles commises sur les mineurs sont prescrites par dix années. Nous proposons de rendre imprescriptibles les actes de meurtre et de viol sur personnes vulnérables. »

De la même manière, Mme Anne-Sophie Parisot, membre du Collectif des démocrates handicapés, demandait « l'imprescriptibilité des crimes et des délits commis à l'encontre des personnes vulnérables ou, du moins, l'extension du délai de prescription de 10 ans en cas de crimes ou de délits sexuels « aggravés » commis sur des personnes vulnérables, soit à compter de la majorité des victimes, soit, si celle-ci est sous tutelle, à compter du dépôt de la plainte ou de la découverte des faits. »

La commission d'enquête estime qu'il n'est sans doute pas nécessaire d'aller jusqu'à une imprescriptibilité des crimes commis à l'encontre des personnes vulnérables.

Une telle disposition poserait en effet davantage de problèmes qu'elle n'en résoudrait : la prescription de l'action publique, au terme d'un délai donné, se justifie tant par l'inutilité du brassage de souvenirs anciens et douloureux que par l'inefficacité d'une action publique entreprise alors que les preuves de l'infraction se sont effacées.

Il paraît néanmoins souhaitable d'aménager les conditions de prescription de l'action publique lorsqu'elle concerne des infractions commises à l'encontre des personnes vulnérables.

Cet aménagement pourrait être entrepris selon le principe que le doute quant à la date exacte des faits doit profiter à la personne handicapée victime : cet aspect semble particulièrement important eu égard au fait que les personnes handicapées mentales peuvent ne pas avoir de repères temporels solides leur permettant de dater les faits.

Il serait alors possible de prendre comme point de départ du délai de prescription la date de signalement . La commission d'enquête souligne que la Cour de cassation elle-même, faute de date certaine, prend dans un certain nombre de cas pour point de départ du délai de prescription « le jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique » 53( * ) .


Proposition

Fixer le point de départ du délai de prescription de l'action publique, en cas de crime commis à l'encontre d'une personne vulnérable, non pas à la date de commission des faits, mais à celle de leur révélation.

CHAPITRE III
-
LA PRÉVENTION DE LA MALTRAITANCE

De nombreuses personnes auditionnées par la commission d'enquête soulignent l'aspect fondamentalement préventif de la quête de la bientraitance. Citons M. Pascal Vivet, éducateur spécialisé, ancien collaborateur à l'INSERM, auteur de « La maltraitance institutionnelle » : « La meilleure forme de prévention de ces violences, au delà du respect des textes, réside dans une bientraitance des personnes handicapées ».

De fait, si la « peur du gendarme », la réactivité de l'administration et de la justice, constituent vraisemblablement la meilleure protection contre la maltraitance active, en revanche, pour la prévention de la maltraitance sous toutes ses formes, la recherche de la « bientraitance » constitue sans doute la piste la plus fructueuse. En effet, elle vise d'abord à prévenir la maltraitance passive, et, partant, exclut par prétérition toute forme de maltraitance active.

Si l'on réserve les cas de maltraitance qui sont le fait d'individus pervers, il semble qu'à la source de tous les maux se trouve essentiellement une mauvaise connaissance de la personne handicapée, cause de peurs et de mésestime. Bref, les ingrédients habituels d'une « xénophobie » ordinaire appliquée aux personnes handicapées .

Il convient donc de s'appliquer à normaliser les rapports humains impliquant ces personnes, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur des établissements ( I ). La prise en charge de la personne handicapée par un établissement social et médico-social doit être à la fois garantie, proportionnée et adaptée au handicap, pour éviter que les risques de maltraitance active et passive soient considérablement accrus ( II ). Enfin, la bientraitance doit être un objectif constant dans la vie des établissements , dont elle doit participer à la régulation, l'institution n'étant pas, on le sait, spontanément bientraitante ( III ).

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