EXAMEN EN COMMISSION
Au
cours de sa séance du mercredi 15 octobre 2003,
sous la
présidence
de M. Jean Arthuis, président
, la
commission a entendu une communication de
M. Paul Loridant, rapporteur
spécial
, sur le compte d'avances aux collectivités locales.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial,
a tout d'abord
indiqué que son contrôle effectué en application de
l'article 57 de la loi organique du 1
er
août 2001 relative aux
lois de finances (LOLF), portait sur un compte spécial du Trésor,
le compte d'avances sur les impôts locaux, et qu'il avait donné
lieu à l'envoi d'un questionnaire détaillé et à
trois auditions techniques avec la direction du budget, la direction
générale de la comptabilité publique et l'agence
France Trésor. Cela l'avait conduit à examiner les deux
rôles traditionnels que jouait l'Etat auprès des
collectivités locales, celui de fermier général qui
collectait, via le compte d'avances, les impôts locaux, et le rôle
qui était souvent présenté comme son corollaire, celui de
caissier, à travers l'obligation de dépôt des fonds
disponibles des collectivités locales au Trésor. Il a
rappelé qu'il avait déjà présenté en 1989 un
rapport d'information sur la gestion de trésorerie des
collectivités locales qu'il lui paraissait intéressant
d'actualiser afin de préparer les débats sur la
décentralisation.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial
, a souligné
l'importance financière du compte d'avances aux collectivités
locales qui représentait 20,1 % des dépenses nettes du
budget général. Il s'est interrogé sur les causes des
excédents réguliers observés sur le compte depuis 1996,
alors que les spécialistes de finances publiques expliquaient
traditionnellement que, pour diverses raisons techniques liées aux
mécanismes de recouvrement, le compte était structurellement
déficitaire sur le plan budgétaire. Il a souligné de plus,
qu'a priori, le fonctionnement du compte d'avances devrait
générer une charge nette pour l'Etat, en raison du coût de
trésorerie résultant du décalage dans le temps entre le
versement par douzièmes du produit des impôts votés par les
collectivités locales et la perception des impositions, des frais
liés à l'assiette et au recouvrement de l'impôt, ainsi que
des dégrèvements et admissions en non-valeur que le budget
général devait financer.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial
, a néanmoins
remarqué que l'Etat prélevait, avant que les recettes ne soient
versées sur le compte d'avances, des frais pour
dégrèvements et admissions en non-valeur de 3,4 % et des
frais d'assiette et de recouvrement de 4,4 %. Il a donc mis en balance
l'ensemble des coûts à la charge de l'Etat avec les frais que
celui-ci prélevait. Après analyse, il a indiqué avoir
constaté que, pour l'année 2002, quelle que soit la
méthode utilisée, contrairement aux années
précédentes où les résultats étaient plus
contrastés, la charge nette de l'Etat liée au fonctionnement du
compte d'avances était négative, selon la méthode
utilisée, de 100 à 900 millions d'euros. Il a ainsi estimé
que le compte d'avances aux collectivités locales n'était pas
nécessairement un coût pour l'Etat : les frais que celui-ci
prélevait en matière de recouvrement des impôts locaux (2,4
milliards d'euros) excédaient largement les coûts qu'il avait
à supporter réellement, qui n'étaient que de 1,2 milliard
d'euros.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial
, a ensuite
analysé les raisons des excédents constatés sur le compte
d'avances depuis 1996. Il a observé qu'en l'espèce, les
excédents du compte étaient dus principalement à une
augmentation « artificielle » du taux de recouvrement des
impôts locaux pour deux raisons. Il a montré d'une part que le
taux de recouvrement, évalué de manière forfaitaire avant
1996, était depuis lors calculé sur une base réelle. Il a
rappelé, d'autre part, que la réforme de la taxe professionnelle
et de la taxe d'habitation avait provoqué une augmentation des
dégrèvements, qui, parce qu'ils étaient évidemment
recouvrés à 100 %, amélioraient le taux de
recouvrement. A partir de cette analyse, il a expliqué que les
excédents du compte d'avances allaient se résorber rapidement en
raison des nouvelles charges auxquelles devaient faire face les
collectivités locales, les amenant à augmenter les impôts.
Il a indiqué que le solde du compte devrait redevenir sur le moyen terme
légèrement négatif, faisant valoir que pour qu'il se
maintienne durablement en excédent, il aurait fallu que le service
public de l'impôt améliore significativement sa
productivité et que le taux de recouvrement des impôts locaux
augmente nettement. A ce sujet, il a constaté que la mensualisation
restait encore peu développée en matière de taxe
foncière ou de taxe d'habitation et que le taux d'intervention des
administrations fiscales en matière d'impôts locaux se maintenait
à un niveau trop élevé.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial,
a ensuite
dressé un « bilan » financier des relations de
trésorerie Etat/collectivités locales, évaluant le gain en
trésorerie pour l'Etat lié à l'obligation de
dépôt des fonds disponibles des collectivités locales au
Trésor à 402 millions d'euros en 2002. Il a remarqué
que le bilan global du rôle de l'Etat « fermier
général » et « caissier des
collectivités locales » était donc largement positif
pour l'Etat, même en prenant en compte le coût de la prestation de
conseil fournie par le réseau du Trésor aux collectivités
locales, coût estimé à 125 millions d'euros en 2002.
Il a ainsi considéré que l'Etat sortait
« gagnant » de ses relations de trésorerie avec les
collectivités locales, de plusieurs centaines de millions d'euros par an.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial,
a tiré
plusieurs conséquences de ce constat, appelant, du côté de
l'Etat « fermier général », le service public
de l'impôt à améliorer ses performances. Du
côté de l'Etat « caissier
général », il a rappelé qu'en vertu de la loi
organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, l'obligation de
dépôt des fonds disponibles des collectivités locales au
Trésor ne saurait être remise en cause. Il a souligné, en
revanche, que des dérogations à cette obligation pouvaient
être définies en loi de finances et que l'article 71 du projet de
loi de finances initiale pour 2004 introduisait des pistes pour
améliorer les possibilités de placement des collectivités
locales, en ouvrant aux recettes exceptionnelles la liste des fonds pouvant
être placés, en élargissant la gamme de produits offerts
aux placements des collectivités locales aux organismes de placement
collectif en valeurs mobilières (OPCVM) constitués par des titres
émis ou garantis par les Etats membres de l'Union européenne, et
en permettant aux collectivités locales de disposer d'un compte à
terme auprès du Trésor.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial,
a noté, pour
conclure, qu'en matière d'obligation de dépôt, l'Etat
était un caissier sûr, mais un banquier peu imaginatif
- mettant à la disposition des plus petites communes qui
constituaient sa toute première clientèle des services en nombre
limité -, puisqu'il ne leur offrait qu'un compte de
dépôt non rémunéré. Il a observé que
l'obligation de dépôt au Trésor ne garderait sa
légitimité que si l'Etat était en mesure d'offrir une
gamme de services qui rende cette obligation « attractive »
pour les collectivités locales. Compte tenu du bilan des relations de
trésorerie entre Etat et collectivités locales, il s'est
demandé s'il ne serait pas opportun d'examiner l'opportunité de
rémunérer les fonds déposés au Trésor. Il a
indiqué qu'une modernisation de l'Etat « caissier »,
assurant de réelles prestations de « banquier de
base », permettrait à leur tour aux collectivités
locales de moderniser leur gestion de trésorerie qui restait, pour
certaines d'entre elles, encore balbutiante.
A l'issue de cette présentation, un débat s'est engagé.
M. Yves Fréville
a souligné les difficultés
à distinguer les charges budgétaires des charges en
trésorerie du compte d'avances aux collectivités locales,
rappelant que le solde budgétaire pouvait être
« impacté » par tout décalage dans le
recouvrement des recettes. Il a souligné en ce qui concerne l'obligation
de dépôt des fonds des collectivités locales au
Trésor que les « plus petites » d'entre elles
étaient les vraies perdantes du système, tandis que les
« plus grandes » parvenaient aujourd'hui assez largement
à optimiser leur trésorerie, parfois au détriment de la
propre politique de trésorerie de l'Etat.
M. Jean Arthuis, président
, s'est à ce sujet
félicité de la suppression du « crédit
immédiat » qui avait conduit certaines collectivités
locales « à jouer » sur les dates de valeur au
détriment de la trésorerie de l'Etat. Il a souhaité une
plus grande transparence dans les coûts des services que la direction
générale de la comptabilité publique entendait rendre aux
collectivités locales. Il s'est interrogé sur les raisons qui
conduisent les collectivités locales à laisser encore un grand
nombre de leurs disponibilités sur leur compte au Trésor au lieu
d'optimiser leur gestion de trésorerie.
En réponse,
M. Paul Loridant, rapporteur spécial
, se
félicitant également de la suppression du
« crédit immédiat », a jugé que les
collectivités locales utilisaient encore insuffisamment les instruments
de gestion active de trésorerie.
Puis la commission a donné acte à M. Paul Loridant, rapporteur
spécial, de sa communication et a autorisé la publication de ses
conclusions sous forme d'un rapport d'information.
QUELLES RELATIONS DE TRESORERIE ENTRE ETAT ET COLLECTIVITES
LOCALES ?
Les
relations de trésorerie entre l'Etat et les collectivités locales
restent encadrées par des règles anciennes qui n'ont pas
été remises en cause par les lois de décentralisation.
Côté pile, l'Etat, fermier général des
collectivités locales depuis plus de deux siècles, verse par
douzième le montant des impositions votées pour l'année
par les communes, les structures intercommunales, les départements, les
régions, tandis qu'il perçoit, avec un décalage, le
produit effectif de ces impôts.
Côté face, les collectivités locales sont tenues de
déposer leurs disponibilités au Trésor sans
intérêt. En raison de cette obligation, l'Etat peut être
qualifié de caissier général des collectivités
locales.
Côté pile et côté face demeurent indissolublement
liés. Néanmoins, les relations de trésorerie entre les
collectivités territoriales et l'Etat tournent de plus en plus à
l'avantage de ce dernier. Le compte d'avances aux collectivités locales
a même constitué un gain net pour l'Etat en 2002.
N'est-il donc pas nécessaire pour l'Etat de moderniser les deux missions
traditionnelles qu'il remplit auprès des communes, départements
et régions ? En matière d'obligation de dépôt,
l'Etat est un caissier sûr, mais un banquier peu imaginatif, mettant
à la disposition des plus petites communes, qui constituent sa toute
première clientèle, des services en nombre encore trop
limité.
Au-delà des assouplissements en cours, le
rapporteur spécial des comptes spéciaux du Trésor estime
qu'il est temps de réfléchir à l'opportunité de
rémunérer au taux du marché les dépôts au
Trésor des collectivités locales