B. QUELQUES SUGGESTIONS POUR UNE RÉFORME DE LA TAXE D'HABITATION
Les
recommandations précédentes de votre rapporteur spécial ne
peuvent avoir qu'une portée limitée, car elles se situent dans le
cadre législatif existant. Le
système
déresponsabilisant des dégrèvements législatifs
ne pourra en effet être réformé en profondeur et sans doute
supprimé que lorsque sera résolu le problème de
l'assiette de l'impôt local frappant les ménages,
qu'elle
corresponde à la valeur des logements, qu'il s'agisse de la valeur
locative, vénale ou administrée, ou qu'elle prenne en compte les
capacités contributives à travers notamment le revenu. Il n'est
évidemment pas question de proposer ici une solution à ce
problème lancinant, même si votre rapporteur tient à faire
part de quelques convictions toutes personnelles.
• D'abord, il lui semble qu'une
diversification des assiettes fiscales
locales
est
en général
souhaitable
: faire
reposer l'ensemble des prélèvements obligatoires sur le seul
revenu (pour les ménages) ou sur la seule valeur ajoutée (pour
les entreprises) conduit à dupliquer au niveau local le système
fiscal national et fait perdre aux impôts locaux leur nécessaire
autonomie. A cet égard, l'impôt foncier, la « property
tax » doit demeurer un élément déterminant de la
fiscalité locale puisque la valeur des services rendus par les
collectivités locales se capitalise dans la valeur des
propriétés. Que cet impôt soit partagé par le
législateur entre le propriétaire et l'occupant de logement via
une taxe d'habitation ou supporté en totalité par le
propriétaire qui le répercutera partiellement sur son locataire
via une augmentation du loyer
est plus une question technique qu'un
choix économique car les résultats sont probablement
équivalents, du moins si l'évaluation des
propriétés est faite correctement.
• Ensuite, l'expérience des plafonnements de taxe d'habitation
montre que les «
assiettes mixtes
68(
*
)
» résultant de
l'introduction d'une part de revenu dans l'assiette de la taxe d'habitation
sont non seulement difficiles à « calibrer » mais de
plus totalement illisibles pour le contribuable. Si l'on veut conserver
la
taxe d'habitation comme impôt finançant les services rendus aux
occupants de logement et recréer une contribution personnelle et
mobilière
assise sur les capacités contributives des
ménages, mieux vaut organiser deux impôts distincts que
créer une chimère
.
Dans les faits,
ces deux impôts existent déjà
puisque les dégrevés partiels sont assujettis à un
impôt sur le revenu légèrement progressif et à
taux fixe
et que les imposés à taux plein acquittent un
impôt sur la valeur administrée de leurs logements et à
taux variable.
Mais il est parfaitement anormal, au regard de
l'équité fiscale que la frontière entre ces deux
impôts soit fluctuante et dépende à la fois de la politique
fiscale des collectivités territoriales et du revenu de
référence du contribuable : une légère
augmentation de son revenu de référence peut faire basculer un
contribuable d'un régime dans l'autre et provoquer, pour peu que la
pression fiscale dans la commune soit élevée, une brutale
majoration de sa taxe d'habitation.
Mais cette « contribution personnelle et mobilière »
serait très différente de l'impôt progressif sur le revenu
si l'on veut assurer une transition avec le mécanisme des
dégrèvements. Elle serait acquittée comme la taxe
d'habitation par «
ménage fiscal »
regroupant
le cas échéant plusieurs foyers fiscaux vivant dans le même
logement et frapperait à
un taux proportionnel
le revenu de
référence (avec un abattement à la base). Ce taux devrait
être soit fixé soit enserré dans une fourchette
étroite par le Parlement.
Votre rapporteur spécial est enfin convaincu que le
« coin
fiscal »
que les allègements fiscaux enfoncent entre
l'impôt payé par le contribuable et l'impôt encaissé
par la collectivité locale doit disparaître et qu'en
conséquence,
les dégrèvements législatifs
devront être recyclés en dotations de
péréquation
69(
*
)
tenant compte notamment du revenu moyen de la collectivité locale.
Cette conversion ne devra pas être interdite par une
interprétation littérale mais économiquement
erronée de la notion de «
ressources
propres
» dont l'article 72-2 de la Constitution dispose
qu'elles doivent représenter une « part
déterminante » de l'ensemble des ressources des
collectivités territoriales. Si cette part déterminante ne peut
être inférieure à celle constatée en 2003, il sera
essentiel de déterminer cette dernière à partir des
ressources fiscales locales de 2003, déduction faite des
dégrèvements législatifs financés par le
contribuable national. Sinon tout recyclage des dégrèvements en
dotations deviendra un problème budgétaire insoluble.