DISCOURS DE M. RENAUD DUTREIL,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PME, AU COMMERCE, À L'ARTISANAT, AUX PROFESSIONS LIBÉRALES ET
À LA CONSOMMATION

Renaud DUTREIL exprime sa satisfaction de se trouver aujourd'hui au Sénat pour un double sujet, d'abord celui des métiers d'art et puis celui de la formation initiale, et notamment de l'apprentissage. En préambule, il félicite les initiateurs de ce colloque.

Pendant ces quelques semaines, il faut aller vite, changer ce qui doit l'être, créer une dynamique dans tout ce secteur de la formation métiers qui est un magnifique secteur où peut-être, pendant trop longtemps, on s'est laissé un peu assoupir. Aujourd'hui le nombre d'apprentis en France stagne, mais depuis deux ou trois ans les Français sont prêts à entendre reparler de ces formations.

Les métiers d'art sont non seulement un vrai secteur économique avec près de 18 000 entreprises, 28 000 salariés, donc un élément de l'économie, près d'un milliard d'euros de valeur ajoutée, ce qui joue un rôle important. Mais c'est aussi probablement l'un des secteurs qui a le plus trouvé les chemins de l'esprit et du coeur des Français. Les Français s'intéressent aux métiers d'art, et non seulement les Français, mais leurs représentants, Messieurs les Sénateurs, qui aujourd'hui font beaucoup de choses pour que ces métiers soient redécouverts par les concitoyens.

Le ministère travaille étroitement avec la SEMA, et Pierre CHEVALIER sait à quel point Renaud DUTREIL est un ministre qui le harcèle en permanence. Mais il n'a pas besoin de cela parce que, en réalité, l'un et l'autre ont beaucoup d'idées et de projets ensemble, et ils devraient être en mesure, avant la fin de l'année, d'en annoncer un certain nombre.

IDENTIFIER LE SECTEUR DES MÉTIERS D'ART

La première chose que Renaud DUTREIL a voulu faire, c'est identifier ce secteur des métiers d'art. On parle beaucoup des métiers d'art, mais qu'est-ce que c'est qu'un métier d'art en France ? On les connaît assez vaguement.

La liste officielle des métiers d'art va être publiée avant la fin de l'année. Monsieur le ministre fera publier un arrêté qui, sur la base de la loi Raffarin de 1996, fixera la liste officielle des métiers d'art, donc après un travail très délicat et diplomatique, un accord a abouti entre les chambres des métiers, la PCM qui a beaucoup travaillé sur ce dossier avec la SEMA, le ministère de l'Education nationale et le ministère des Affaires sociales. La liste officielle comportera 250 métiers d'art qui pourront ainsi être mieux connus et mieux valorisés

Parallèlement, dans chaque registre des métiers, sera ouvert une section des métiers d'art, de façon à ce que le titre de « maître artisan d'art » puisse être attribué à des artisans qui répondent aux critères que les professionnels auront définis ensemble pour reconnaître la qualité du travail des artisans d'art français. Ce travail est en cours et il sera finalisé avant la fin de l'année, c'est important pour que la lisibilité des métiers d'art soit plus forte.

LE STATUT DE L'ARTISAN D'ART

Renaud DUTREIL réfléchit également -?et pour l'instant, il n'en est qu'au stade de la réflexion - sur la nécessité de donner un statut peut-être un peu particulier aux entreprises qu'il appelle « les entreprises du patrimoine vivant ». L'économie française est une économie assez originale parce qu'elle a, parmi ses 2 400 000 entreprises, des entreprises qui disent beaucoup plus que l'activité marchande productrice.

Ce sont des entreprises qui sont tellement intimement liées à la culture et à l'identité française qu'elles mériteraient d'être sorties de la masse, et peut-être même d'avoir un statut qui pourrait les aider sur le plan économique, notamment lorsqu'il s'agit de transmettre ce savoir précieux qui est entre les mains des artisans et qui risque de disparaître si l'on ne met pas tout en oeuvre pour que ce savoir soit transmis à de nouvelles générations. On sait très bien que la situation économique d'un certain nombre de très petites entreprises dans le secteur des métiers d'art permet difficilement cette transmission du savoir dans de bonnes conditions.

Renaud DUTREIL rappelle qu'il n'en est qu'au stade de l'imagination, mais chez lui, l'imagination précède souvent l'action, en tout cas il le souhaite, mais on pourrait très bien imaginer un statut des entreprises du patrimoine vivant qui ne serait pas lié à l'artisan lui-même, à la personne comme au Japon avec les trésors vivants, mais qui serait lié à l'entreprise. C'est-à-dire qui pourrait avoir une conception un peu plus large que la seule personne de l'artisan.

Ces entreprises du patrimoine vivant pourraient peut-être bénéficier d'un statut à part, notamment en ce qui concerne une partie de la fiscalité ; on pourrait imaginer que les collectivités territoriales, considérant que ces entreprises apportent à l'économie locale autre chose qu'une simple contribution fiscale, fassent un effort pour alléger la fiscalité de ces entreprises en contrepartie d'une association plus étroite à leur rayonnement culturel ou à leur rayonnement identitaire ou régional. On pourrait tout à fait imaginer que les régions, par exemple, aient la capacité de moduler la taxe professionnelle pour ces entreprises, et on pourrait également imaginer qu'en ce qui concerne la transmission du savoir, il y ait un régime fiscal ou un régime d'allègement des charges sociales qui soit propre à ces entreprises du patrimoine vivant. Il faut là-dessus poursuivre la réflexion.

En ce qui concerne ce qui est fait aujourd'hui, il y a l'utilisation des moyens existants, donc le FISAC 3 ( * ) . A ce propos, Renaud DUTREIL a réorienté le FISAC afin qu'il puisse soutenir le développement des métiers d'art dans le coeur des villes, avec désormais des subventions pour soutenir les rues thématiques, et en particulier les rues thématiques métiers d'art. Il y a aujourd'hui des subventions qui sont d'ailleurs insuffisamment utilisées, le FISAC est ouvert à toutes les possibilités qui concernent les métiers d'art.

L'APPRENTISSAGE

Pour ce qui est de l'apprentissage, on pourrait dire à monsieur le ministre que c'est le dixième plan sur la création développement de l'apprentissage et qu'il n'y a là rien d'original - On lui avait dit la même chose quand il avait lancé le plan de la création d'entreprise. C'est peut-être le dixième plan sur la création d'entreprise, sauf que là, c'est la première fois que l'on a un tel changement de comportement en France sur la création d'entreprise. Donc, ce n'est pas parce qu'il y a des plans et que ces plans n'ont pas porté des fruits qu'il faut s'arrêter en chemin et ne pas tenter encore une fois de nouvelles expérimentations et de nouvelles propositions.

Renaud DUTREIL est tout à fait convaincu que les concitoyens sont prêts à entendre un discours neuf sur la formation aux métiers et sur l'apprentissage.

On sort d'une période qui a été idéologiquement très identifiée à un seul discours : le discours, assez intéressant d'ailleurs, de l'école de Bourdieu qui expliquait que dans les sociétés modernes, il y avait deux types de savoirs, le savoir dominant et le savoir dominé. Le savoir dominant, ce sont ceux qui comprennent ce qui se passe autour d'eux et qui comprennent à quel point la société est terriblement injuste, et puis le savoir dominé, ce sont ceux qui subissent cette société sans avoir les éléments conceptuels dans leur cerveau, dans leur culture, pour comprendre la façon dont ils sont utilisés.

Cette conception bourdieusienne, qui a son intérêt, a créé une idée fausse qui est la hiérarchie des savoirs, c'est-à-dire un savoir dominant et un savoir dominé. On a parfois le sentiment que cette théorie de la hiérarchie des savoirs a été très bien intégrée dans les comportements. monsieur le ministre ne partage pas cette conception de la hiérarchie des savoirs, il croit au contraire que le monde dans lequel nous allons, la société de plus en plus complexe vers laquelle nous évoluons, va aller vers la diversité des savoirs, avec des savoirs différents, mais permettant à chacun -?et là, on rejoint la thématique de l'égalité des chances - de se frayer un chemin dans la vie professionnelle, dans la vie familiale, dans la vie personnelle ; s'épanouir aussi bien par un des chemins du savoir que par un autre.

Si l'on prend cette théorie de l'équivalence des savoirs, de la diversité des savoirs, à ce moment-là, il faudrait casser cette espèce d' a priori que les Français ont sur un certain nombre de filières de formation. D'ailleurs, les résultats montrent à quel point aujourd'hui, la filière de formation via l'apprentissage est une filière de succès, puisque le taux d'insertion professionnelle est très fort, c'est évident, mais bien souvent, les jeunes qui suivent ces formations ont une conception de la vie, une culture générale qui n'a rien à envier à des enfants qui ont suivi la voie de l'enseignement général.

Renaud DUTREIL ne croit pas à cette théorie de la hiérarchie des savoirs avec la nécessité d'engager tous les jeunes vers ce savoir dominant qui conduit au Baccalauréat « mention spéciale ANPE », puis à la licence « mention spéciale ANPE », et puis bien souvent à de l'amertume et à la désillusion, car aujourd'hui, on doit pouvoir se former de façon intelligente. C'est-à-dire en ayant une vision très ouverte et très claire du monde dans lequel on vit à travers différents parcours.

LA RÉFORME DE L'APPRENTISSAGE

Monsieur le ministre souhaite donc réformer l'apprentissage. Ce matin encore, il lisait dans les journaux, « il y a des jeunes sans métier et des métiers sans jeunes » . Cherchez l'erreur ! Cette erreur est typiquement française, elle n'existe pas dans de nombreux pays, pourquoi y a-t-il des jeunes sans métier ? Parce que le système scolaire continue de lâcher dans la nature 150 000 jeunes sans qualification, Luc FERRY le dit bien souvent et il a bien raison de le souligner, cela fait partie des éléments de la réforme de l'Education nationale. Et puis il y a aussi des métiers sans jeunes, la Fédération nationale du bâtiment évalue à 40 000 le nombre d'emplois qui ne sont pas aujourd'hui pourvus, ce qui représente quelque chose en matière de chômage ! Il est donc nécessaire de résoudre cette contradiction française, jeunes sans métier - métiers sans jeunes.

Une première consultation sur l'apprentissage a été lancée dès le début du mois de septembre en direction de tous ceux que le sujet intéresse. Les parlementaires ont été extrêmement actifs et ils ont beaucoup interrogé ceux qui participent à cette réflexion sur l'apprentissage, les chambres des métiers ont beaucoup travaillé également, les différentes organisations professionnelles.

Il est sorti de cette consultation un livre blanc sur l'apprentissage qui comporte pas moins de 50 propositions toutes assez concrètes, qui sont le résultat, non point des réflexions personnelles de Renaud DUTREIL, mais bien souvent le résultat des réflexions personnelles des professionnels et de tous ceux qui s'intéressent à la question.

Sur le calendrier de la réforme de l'apprentissage, quatre mesures seront incluses dans le projet de loi Fillon qui doit transposer l'accord du 20 septembre sur la formation tout au long de la vie. Cet accord doit donner lieu à une loi, et cette loi comprendra un volet apprentissage, donc avant la fin de l'année. Puis, peut-être par amendements, d'autres mesures législatives nécessaires viendront compléter ces quatre propositions qui seront incluses dans le texte soumis au conseil des ministres.

a) Informer sur la filière de l'apprentissage

L'apprentissage, ce n'est pas uniquement modifier la loi, c'est surtout modifier la foi, c'est-à-dire la capacité qu'ont les acteurs de la société à concevoir cette filière de formation, et pour monsieur le ministre, le sujet le plus important, c'est peut-être celui-là, c'est le premier volet : la communication. C'est l'information des Français sur cette filière de l'apprentissage.

Bien souvent, les gens pensent que l'apprentissage, c'est :

le CAP et uniquement le CAP,

les métiers pénibles et uniquement les métiers pénibles,

l'échec scolaire et uniquement l'échec scolaire.

Voilà de façon un peu caricaturale la vision qu'ont un certain nombre de français de l'apprentissage. Il est évident qu'elle est fausse, on le sait bien puisque, en réalité, aujourd'hui, on peut aller jusqu'au niveau licence, maîtrise, ingénieur par la voie de l'apprentissage, puisque tous les métiers de France et de Navarre sont accessibles aujourd'hui par l'apprentissage, et puisqu'un très grand nombre de jeunes qui ont de vraies capacités suit aujourd'hui des cursus via la filière de l'apprentissage.

Il faut donc améliorer l'information, peut-être en travaillant sur les termes, sur les mots. A la Faculté des métiers de Rennes, les acteurs locaux expliquaient à quel point le terme « faculté des métiers » était plus attractif que le terme « CFA ». Cela fait partie des comportements symboliques, les gens se font des représentations à partir des mots, et c'est ainsi pour beaucoup de choses. Il y a aujourd'hui un fossé entre ceux qui savent, qui connaissent le monde de l'apprentissage, le monde des métiers et ceux qui en sont éloignés et qui sont souvent piégés par ces appellations et en conçoivent des représentations qui ne sont pas exactes.

Il faut travailler sur la représentation et sur l'information. L'information, cela suppose qu'entre la 4 e et la 3 e , qu'à ce moment très important entre 14 et 16 ans, on puisse développer l'information sur les métiers. Ce qui suppose que les métiers rentrent dans le collège ; le collège n'est pas un bunker, il n'y a aucune raison que ceux qui connaissent les métiers, qui les ont vécus, les ont pratiqués pendant toute leur vie ne puissent pas aller dans un collège expliquer à des jeunes ce qu'est leur métier.

C'est le souhait du ministère de l'Education nationale et de son ministre, que le collège puisse s'ouvrir davantage sur une information en direction des métiers. On va voir comment les classes en alternance, donc Luc FERRY a déjà longuement parlé, vont pouvoir ouvrir l'esprit d'un certain nombre de jeunes vers les métiers et élargir cette culture des métiers qui aujourd'hui est très faible. Les enfants connaissent très peu de métiers : les métiers de leur père, de leur mère, Star Academy, footballeur... Les jeunes ne connaissent pas bien les métiers, c'est normal, et c'est au moment où ils ignorent totalement les métiers qu'on leur demande d'en choisir un, c'est évidemment un exercice difficile. Donc ils subissent la pression du milieu, de leur environnement, de leurs parents.

L'image qu'ont les parents de l'apprentissage et de ce qu'ils attendent de l'apprentissage est très différente de ce que les jeunes attendent de l'apprentissage. Il y a une sorte de grand écart. Un test a été réalisé en collaboration avec la SOFRES sur différents mots pour essayer de voir comment les mots représentent la réalité de l'apprentissage ; d'un côté, les parents étaient extrêmement attachés aux termes élèves, étudiants, parce que pour eux, l'apprentissage doit rester un cursus très protecteur de l'enfant dans une ambiance très scolaire. Alors que les jeunes, ce qui les intéresse, c'est le mot alternance qui leur montre une autre façon de se former, plus concrète, plus vivante, avec une relation directe avec des entrepreneurs, des hommes des métiers, etc. On voit bien que les représentations sont un élément très fort de cette réforme.

b) Le « statut » de l'apprenti

Il est également important d'améliorer le « statut » de l'apprenti. De même qu'il y a une diversité des savoirs et une équivalence des savoirs, il faut qu'entre le statut de l'étudiant (même si ce terme ne convient pas parce qu'il n'y a pas de statut de l'étudiant en France) et le statut de l'apprenti, il y ait l'égalité la plus grande.

En France, un jeune qui, à la fin d'un CAP, va avec un maître d'apprentissage, il a un niveau de rémunération à 100 ; s'il fait un second contrat d'apprentissage pour progresser et aller vers le Bac pro, il change de maître d'apprentissage et au lieu d'améliorer sa rémunération, il est moins bien payé. Ce n'est vraiment pas incitatif ! Il faut donc modifier la grille des rémunérations pour qu'il y ait une progression et que le jeune ait intérêt à aller vers un niveau croissant de formation.

c) Une formation « modularisée »

Renaud DUTREIL souhaite que l'accès à l'apprentissage se diversifie, qu'il n'y ait pas uniquement des jeunes qui sortent de 3 e et qui aient à peu près 16 ans ; qu'il y ait également des gens qui ont eu un premier parcours (universitaire, filière générale, activité professionnelle), que l'on ouvre toutes les portes possibles sur l'apprentissage et que l'on se trouve confronté à une grande hétérogénéité des capacités et des parcours des jeunes.

A partir du moment où des jeunes arrivent de différents horizons, il faut que l'apprentissage en tienne compte, et comment mieux en tenir compte qu'en mettant en place une formation modularisée ; passer du prêt-à-porter au sur-mesure. Un jeune qui a fait un DEUG de lettres modernes, par exemple, et qui a la passion d'un métier d'art, ou un jeune qui a fait un Bac S, pour qui la musique est un hobby et qui se passionne pour la facture d'instrument, il faut pouvoir permettre à ces jeunes qui ont un certain niveau d'avoir un cursus à vitesse rapide, alors que d'autres auront un cursus à vitesse bien plus lente.

Il faut donc mettre en place cette réforme pour que la modularité devienne la règle et le prêt-à-porter l'exception.

d) Les contrats d'apprentissage

Il convient également de veiller à ce que les ruptures de contrats d'apprentissage deviennent moins importantes. Beaucoup de ruptures précoces devraient être évitées. Des médiations vont être mises en place pour que, entre le jeune qui arrive de son monde et le maître d'apprentissage qui a le sein, le dialogue s'améliore afin d'éviter les ruptures de contrats précoces. Il va être mis en place une période hors contrat de 15 jours pendant lesquels les jeunes et les maîtres d'apprentissage pourront se rencontrer, se découvrir, et cette période probatoire donnera lieu éventuellement au contrat d'apprentissage, mais que l'on ne signe pas un contrat sans se connaître.

Un certain nombre de mesures qui visent à améliorer la relation du jeune à ce cursus de l'apprentissage, qui est vraiment le cursus de la réussite parce qu'il réunit les deux ingrédients aujourd'hui nécessaires :

- la voie diplômante, et il faut que ce soit de plus en plus une voie diplômante et que l'horizon soit le Bac pro,

- que la modularité des parcours permette que la filière apprentissage soit accessible à un plus grand nombre de jeunes.

e) Les entreprises et l'apprentissage

Il faut améliorer tout ce qui touche à l'apprenti et puis penser aussi à l'entreprise. Aujourd'hui, accueillir un apprenti est une charge financière lourde pour les très petites entreprises. C'est particulièrement vrai dans le secteur des métiers d'art où les ressources ne sont pas forcément très importantes.

Il convient de réfléchir à la TPE, la très petite entreprise qui forme. Ceux qui font l'effort de former, notamment lorsqu'il s'agit de très petites entreprises, devraient pouvoir bénéficier d'un soutien financier peut-être plus substantiel. Ce point est encore en phase d'étude et une mission a été confiée à quatre inspections générales sur ce point.

f) Le financement de l'apprentissage

Une réflexion doit également être conduite sur tout le problème du financement de l'apprentissage. Il y a 1,5 milliard d'euros collectés au titre de la taxe d'apprentissage et il y a 3 milliards d'euros qui sont consacrés en France à l'apprentissage. L'argent est là, il est assez abondant et il y a nécessité de regarder cela de plus près afin que cela fonctionne de manière plus opérationnelle et qu'il y ait moins d'argent dispersé.

A l'issue de son exposé sur les différents axes de cette réforme de l'apprentissage, Renaud DUTREIL souligne l'importance qu'il accorde au lien très fort qu'il y a entre l'apprentissage et la création d'entreprise.

Dans les règlements des corporations au Moyen-Âge, une règle prévalait pour toutes les corporations, c'était que tout apprenti deviendrait un jour maître. C'est-à-dire qu'il y avait une sorte de débouché naturel, systématique et universel vers la création d'entreprise. Un compagnon était un entrepreneur, un créateur d'entreprise.

A cette époque, il existait un système qui était à mille lieues de la conception du salariat ; le salariat est une invention de la société industrielle, il est né au XIX e siècle, il n'est pas certain que le salariat soit le support normal du travail dans les siècles à venir. Le salariat correspond à une phase de l'histoire liée à la grande industrie, à l'industrie manufacturière, à la séparation du capital et du travail, à la rationalisation du capitalisme. Le système capitaliste évolue, il n'est pas dit que demain ne verra pas une économie postcapitaliste dans laquelle capital et travail seront réconciliés, tout simplement parce que la production sera une production de matière grise et que chaque individu sera lui-même le producteur de l'économie.

Ce monde de l'artisanat, et en particulier le monde de l'artisanat d'art est un formidable modèle économique qu'il faut diffuser au-delà des frontières des métiers d'art. Demain, de plus en plus, dans cette économie de l'intelligence et de la matière grise, les gens voudront travailler comme des artisans ; Ils voudront à la fois être propriétaires de leur travail, c'est-à-dire s'approprier leur production, ils voudront aller vers la responsabilité, notamment vers le fait d'être des entrepreneurs ou des « intrapreneurs », et ils voudront de plus en plus développer des échanges sur la base de leurs propres savoir-faire et non plus uniquement sur la base de la rentabilité économique, de la marchandisation de l'économie, de tout ce qui a été dénoncé à juste titre depuis un certain nombre d'années dans l'évolution du modèle capitaliste contemporain.

Le secteur des métiers d'art est un vrai secteur économique qu'il faut soutenir, qu'il faut développer, qui est passionnant, qui a une excellente image chez les jeunes, qui est donc très attractif et qui peut être la figure de proue de l'ensemble de l'artisanat.

C'est également la matrice d'un modèle économique qui, après avoir été disqualifié par la loi des rendements croissants, les économies d'échelle, l'industrie manufacturière, la grande époque de l'industrie qui croissait avec des entreprises de plus en plus grandes, est extrêmement prometteur et fécond en matière de reconstruction de l'économie. C'est-à-dire que c'est peut-être à partir des métiers d'art que l'on peut repenser l'économie de demain. Renaud DUTREIL pourrait en dire autant des professions libérales qui ont un modèle un peu voisin avec beaucoup de responsabilités, d'autonomie, de liberté, qui privilégient la création, la matière grise, etc. Mais, avec ces secteurs, il convient d'élargir la réflexion et sans doute ce colloque le permet-il également.

Sur ce sujet, Renaud DUTREIL travaille étroitement avec les régions dans la perspective de la décentralisation qui est la main tendue à la responsabilité des régions dans le développement des métiers d'art, et plus largement du développement économique. Bien évidemment, cette réflexion sur l'apprentissage est conduite de façon très étroite avec les acteurs des régions qui s'intéressent de très près à cette question.

Renaud DUTREIL remercie l'assemblée de son écoute attentive et propose de répondre à quelques questions.

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* 3 Fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales

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