2. Dans les relations amicales et amoureuses

Dans un article paru en 2003 35 ( * ) sur la socialisation par les relations amicales et amoureuses au lycée, Florence Maillochon rappelle que les relations amicales des filles sont toujours plus mixtes que celles des garçons .

Elle note que « l'initiation sexuelle s'accompagne du développement des relations amicales avec des personnes de sexe opposé suivant des modalités masculine et féminine différentes » : « à expérience sexuelle identique, la part de garçons qui restent « entre eux » est toujours plus élevée (44,3 % en moyenne) que celle des filles qui n'ont que des copines (23,2 % seulement). La mixité des réseaux des filles ne cesse de s'accroître au gré de leur initiation : les filles sont plus nombreuses à citer des copains dans leur groupe de proches lorsqu'elles ont une expérience sexuelle (70,8 % contre 57,2 %) et le cas échéant, leur part y occupe un volume plus important (47,5 % contre 33,2 %) ».

A l'apparition d'une relation amoureuse, « les adolescents en couple partagent plus fréquemment les amis provenant du réseau du garçon que de celui de la fille. Au gré de leurs relations amoureuses, les filles sont donc en quelque sorte intégrées dans l'espace relationnel de leur copain, plus qu'elles n'intègrent leur partenaire dans le leur ». Pourtant, « la plupart des filles ne survit pas dans le groupe une fois rompue leur liaison avec l'un des garçons ».

Au total, Florence Maillochon, à l'issue de l'étude conjointe des relations amicales et amoureuses, note « une asymétrie entre filles et garçons ».

Elle explique que « l'articulation entre relations amoureuses et relations amicales se gère de façon différente pour les deux sexes au moment où ils acquièrent pourtant une même expérience sexuelle. L'égalité conquise par les filles, par rapport à la génération de leurs aînées, sur la possibilité d'avoir, comme les garçons, des relations sexuelles avant le mariage, ne s'accompagne pas d'une égalité de la manière dont ces relations s'inscrivent dans leur environnement relationnel. Les réseaux des filles semblent toujours plus affectés par une relation amoureuse ou sexuelle que ne le sont ceux des garçons. [...] Quand le mélange des cercles se produit, il favorise les relations du garçon plus que celles de la fille. [...] Pour les garçons, l'apparition d'une nouvelle relation amoureuse et un faible investissement dans le réseau de leur partenaire modifient peu leur propre espace relationnel, y compris après la rupture du lien. Pour les filles qui, en revanche, intègrent plus souvent le réseau de leur partenaire, la rupture du lien amoureux s'accompagne généralement d'une dispersion des relations amicales qui lui étaient nouvellement associées. Les conséquences de la rupture sont donc doubles pour les filles : elles abandonnent souvent une partie des nouveaux contacts engagés autour du réseau de leur petit ami, et se retrouvent face à d'anciennes relations d'autant plus fragiles qu'elles avaient pu être négligées en raison du déplacement de leur réseau vers celui de leur partenaire ».

Enfin, on prête généralement certaines qualités psychologiques aux femmes, par exemple la plus grande facilité à aborder des questions d'ordre personnel, voire intime, dont les hommes auraient beaucoup plus de difficultés à parler.

Le refoulement de l'intime

En dernier lieu, vient la manière dont les hommes comptent sur les femmes pour faciliter certaines conversations. Dans un groupe mixte, les femmes sont généralement les premières à introduire dans la conversation une référence personnelle. Les hommes peuvent ensuite se joindre à la conversation sans se sentir responsables du tour qu'elle prend. Collectivement, ils peuvent reprocher aux femmes d'en avoir pris l'initiative. Ils peuvent également se dire que le fait d'en parler avec des femmes et non des hommes excuse ce manquement aux lois masculines. Quand les femmes se retirent de la conversation, le ton et le sujet redeviennent toujours froidement impersonnels. [...]

L'obsession de la compétition limite également les possibilités de communication dans l'amitié entre hommes. La compétition est le mode principal des rapports des hommes entre eux - d'une part parce qu'ils ne savent pas communiquer autrement, mais aussi plus profondément parce que c'est une manière de se prouver, et de prouver aux autres, que l'on possède les principales qualités masculines, à savoir une ferme résolution et la capacité de dominer. Il en résulte que les hommes recréent une situation de compétition même dans des activités qui ne l'exigent pas.

Source : Marc Feiger-Fasteau, Le robot mâle, 1974.

* 35 Article intitulé Le jeu de l'amour et de l'amitié au lycée : mélange des genres, revue Travail, Genre et Sociétés n° 9, pages 111 à 135, avril 2003.

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