2. Les dégrèvements et remboursements d'impôts
La nomenclature budgétaire présentée le 21 janvier 2004 prévoit la création d'un programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts (crédits évaluatifs) » au sein de la mission « Engagements financiers de l'Etat ». Ce programme regrouperait environ 60 milliards d'euros. S'il constitue donc à l'évidence un « méga-programme », il ne soulève pas pour autant les mêmes problèmes que les programmes dont votre commission des finances vous a proposé la scission (cf. supra ). En effet, s'agissant de crédits évaluatifs dont la consommation est « automatique » et dépend à la fois des textes législatifs et de la situation socio-économique, le suivi de leur gestion n'est pas en cause, pas davantage que l'exercice du droit d'amendement par le Parlement.
Le gouvernement a souhaité, en créant la mission « Engagements financiers de l'Etat », regrouper les crédits évaluatifs, ou dont la consommation est « automatique » s'agissant des autres programmes (« Primes d'épargne », « Majoration de rentes », « Versement à la Caisse nationale d'allocations familiales »). Il s'agissait notamment d'isoler les crédits évaluatifs des crédits limitatifs, afin d'éviter que les parlementaires ne proposent, par voie d'amendement, d'accroître les crédits limitatifs d'un programme à partir d'un programme constitué de crédits évaluatifs. Telle a été la principale objection formulée par le gouvernement au sujet des propositions de modifications de votre commission des finances.
Il convient donc en premier lieu d'éclaircir ce point, l'article 47 de la LOLF ne prohibant pas de manière explicite le fait de gager un amendement par des crédits évaluatifs. Cette objection n'est toutefois pas fondée, car il paraît évident à votre commission des finances qu'un tel amendement ne serait pas conforme à l'article 40 de la Constitution et ne serait donc pas recevable, puisqu'il aurait pour conséquence la création ou l'aggravation d'une charge publique.
Les modifications de la nomenclature budgétaire qui vous sont proposées sur ce point tiennent à une volonté d'accroître la lisibilité des dépenses de l'Etat. Le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts » est, par définition, hétéroclite, puisque les dépenses qu'il regroupe résultent notamment de textes législatifs participant de politiques publiques différentes. Si le fascicule des charges communes, sorte de « fourre-tout » dans l'actuelle nomenclature budgétaire, disparaît, une part importante de ses crédits se retrouverait dans ce programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts ».
D'une part, votre commission des finances souhaite inclure les dégrèvements législatifs d'impôts locaux dans un nouveau programme de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Elle s'appuie notamment sur les travaux de notre collègue Yves Fréville portant sur les dégrèvements de taxe d'habitation et de taxe professionnelle.
Dans son rapport d'information sur les dégrèvements de taxe d'habitation 44 ( * ) , notre collègue Yves Fréville indiquait ainsi :
« La taxe d'habitation n'est plus un vrai impôt local : la moitié des contribuables ne paie plus ou ne paie que partiellement cet impôt qu'en fonction de leurs revenus, sans que subsiste un quelconque lien avec l'impôt sur l'habitation voté par les collectivités locales.
« Un coin fiscal à la charge de l'Etat a été enfoncé entre la recette perçue par les collectivités locales et l'impôt payé par les contribuables. (...)
« Cette politique a (...) un impact financier qui obère les relations entre l'Etat et les collectivités locales. Sur le plan budgétaire, la montée en puissance des dégrèvements législatifs, de taxe d'habitation mais aussi de taxe professionnelle, au début de la dernière décennie ne pouvait qu'induire un freinage de la croissance des dotations d'Etat.
« Les dégrèvements législatifs, même s'ils sont d'abord des aides individuelles apportées à certains contribuables, constituent également des « subventions implicites » aux collectivités territoriales où résident ces contribuables ».
D'autre part, votre commission des finances estime plus significatif de ventiler le reste du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts » en fonction de ses finalités. Ainsi, tandis que les dépenses liées à la prime pour l'emploi rejoindraient la mission « Travail » et celles correspondant au crédit d'impôt recherche , la mission « Recherche et enseignement supérieur » , le reste des dégrèvements d'impôts figurerait soit dans un programme « Dégrèvements pour promotion économique » de la mission « Politique économique », soit dans la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », dans un programme « Admissions en non valeur et remboursements de trop-perçus ». Ce « résidu » semble en effet à votre commission relever davantage de la gestion de l'impôt que des engagements financiers de l'Etat.
* 44 « La taxe d'habitation est-elle encore un impôt local », n° 71 (2003-2004).