2. Le statut de la nomenclature budgétaire
La nomenclature budgétaire constitue un outil d'information et de gestion, dont la stabilité est essentielle. A défaut, les ministères seraient contraints de réviser régulièrement leurs modalités de gestion, et le Parlement ne serait plus en mesure d'y voir clair dans l'évolution des moyens 50 ( * ) , mais surtout, de la performance des politiques publiques. En effet, et contrairement à la nomenclature budgétaire actuelle, l'unité de spécialité prévue par la loi organique - le programme - n'est pas seulement un regroupement de crédits : il met en oeuvre une stratégie qui se caractérise par des objectifs, des indicateurs et des cibles de résultats qui lui sont associés. Par conséquent, tout changement de périmètre d'un programme est susceptible d'appeler une modification des objectifs et des indicateurs correspondants. Or, la performance d'une politique publique ne peut pas s'apprécier sur une seule année. La stabilité du périmètre des programmes est donc essentielle pour permettre une évaluation rigoureuse de l'action publique.
Pour autant, la nomenclature budgétaire ne saurait être « gravée dans le marbre » : les missions de l'Etat évoluent dans le temps, et son organisation peut parfois influer sur la nomenclature elle-même. Il en va ainsi du transfert de certaines compétences - et avec elles, des personnels et services chargés de les exercer - aux collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation.
Par ailleurs, on notera que le programme « Versement à la Caisse nationale d'allocations familiales » de la mission « Engagements financiers de l'Etat » est naturellement voué à disparaître, dès l'exercice 2006 ou 2007, avec la mise en place d'un taux de cotisation employeur pour les fonctionnaires de l'Etat. Cette évolution permettra de ventiler les cotisations familiales entre les différents programmes du budget et va dans le sens d'une budgétisation à coûts complets.
Ainsi que le rappelait M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, lors de la discussion de la question orale avec débat précitée sur la mise en oeuvre de la LOLF, « nous serons peut-être appelés - soyons humbles - à tâtonner. Car malgré nos efforts et notre persévérance, nous commettrons sans doute des imprécisions, voire des erreurs. Et si la commission des finances veut bien l'accepter, il ne nous sera pas interdit de corriger des points qui seraient inadaptés, de préciser, d'améliorer notre travail. Ce qui nous est interdit, en revanche, ce qui ne serait pas pardonnable, car cela contreviendrait à l'esprit de la loi que vous avez votée, ce serait l'immobilisme ».
Votre commission des finances considère qu'il pourra être souhaitable de remettre l'ouvrage sur le métier, afin que la nomenclature budgétaire favorise la constitution de ministères stables, mettant en oeuvre des politiques publiques cohérentes et clairement identifiées , considérant que la structuration du gouvernement relève parfois de logiques historiques ayant perdu leur justification, ou de logiques politiques, nécessairement mouvantes. A cet égard, la cohérence des programmes pourra être pleinement appréciée lorsque les objectifs et les indicateurs seront connus ; ainsi que l'a exprimé Nicolas Boileau dans « l'Art poétique », « ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».
M. André Barilari, président du Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) considérait, dans un article récent 51 ( * ) , que « le projet présenté par le gouvernement (...) comporte ainsi des programmes qui recouvrent plusieurs structures (...). Mais certains réseaux administratifs vont devoir mettre en oeuvre plusieurs programmes. (...) Dans d'autres cas, il y a eu adéquation entre une politique publique clairement explicitée et une structure administrative (...). Enfin, dans certains cas, les structures administratives retrouvent leur place au niveau du découpage des programmes en action .
« Cette orientation prend acte des divergences qui peuvent exister entre les politiques publiques et les acteurs administratifs. Si, dans l'immédiat, la combinaison des deux niveaux s'effectuera à travers la désignation de responsables de programme qui pourront transcender les structures existantes, à condition d'être dotés des moyens de mobiliser celles-ci au service des objectifs du programme, il est clair qu'à terme, dans différents domaines, la LOLF conduira à poser la question d'une plus grande adéquation entre les missions et les structures. La réflexion sur la mise en place de la LOLF remet en lumière certaines incohérences ou archaïsmes dans les structures administratives et incite à y porter remède ».
* 50 Sur ce point, le 2° de l'article 51 de la LOLF prévoit que sera annexé au projet de loi de finances de l'année « une analyse des changements de la présentation budgétaire faisant connaître leurs effets sur les recettes, les dépenses et le solde budgétaire de l'année concernée ».
* 51 « La mise en oeuvre de la LOLF - une occasion pour repenser en profondeur l'action administrative », La Revue du Trésor n° 5, mai 2004, pages 260-261.