3. Une implication indispensable de tous les acteurs

La LOLF est, depuis l'origine des travaux préparatoires, un sujet qui mobilise de manière parallèle le Parlement et les administrations . Il convient d'insister une fois encore sur le fait que c'est un chantier qui implique de mener des réformes tant au sein du Parlement que du gouvernement dans son ensemble : bien que d'apparence technique, et ne régissant que les lois de finances, la LOLF touche pourtant l'ensemble des sujets concernant la gestion publique et contribue à rééquilibrer l'organisation des pouvoirs en faveur du Parlement. En particulier, la mise en oeuvre de la LOLF doit conduire à engager une réflexion approfondie sur la gestion des ressources humaines au sein des administrations.

S'agissant du gouvernement, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, a rappelé les prochaines étapes d'un calendrier particulièrement fourni. Pour le Parlement, les questions sont certes moins complexes, mais néanmoins importantes, puisqu'elles portent au coeur de son activité de législateur financier :

- d'abord, il conviendra d'examiner, de manière conjointe avec le gouvernement, les éventuels aménagements du calendrier parlementaire. La LOLF créé de nouveaux rendez-vous, pour l'essentiel, le rapport d'information sur les prélèvements obligatoires, qui fait l'objet depuis déjà deux ans d'un débat au Sénat 52 ( * ) . Elle a surtout considérablement renforcé le contenu et la portée de rendez-vous existants : c'est le cas du débat d'orientation budgétaire, qui reste toutefois facultatif (article 48 de la LOLF), et surtout, celui de la discussion de la loi de règlement (articles 37 et 54 de la LOLF), dont on a vu plus haut que ses modalités d'examen et l'exploitation des documents budgétaires et comptables qui lui seront annexés, constituent l'une des clefs de la réussite de la réforme.

- ensuite, il conviendra d'examiner les modalités d'organisation de la discussion du projet de loi de finances. Le budget de l'Etat sera voté par mission et non par ministère, comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui impliquera notamment de réviser le périmètre des rapports spéciaux et pour avis, afin que ceux-ci concordent avec celui des missions, ou, le cas échéant, des programmes. La modification la plus sensible est toutefois celle qu'induit l'élargissement du droit d'amendement prévu par l'article 47 de la LOLF 53 ( * ) . En effet, cette interprétation de l'article 40 de la Constitution 54 ( * ) offrira aux parlementaires « la faculté nouvelle de présenter des amendements majorant les crédits d'un ou plusieurs programmes ou dotations inclus dans une mission, à la condition de ne pas augmenter les crédits de celle-ci » 55 ( * ) .

Cette faculté nouvelle pourrait modifier de manière substantielle la discussion de la deuxième partie des projets de loi de finances. Ainsi, « si l'article 47 se traduisait par une multiplication du nombre des amendements, le respect des délais constitutionnels imposés pour l'adoption des lois de finances supposerait une réduction des temps de parole prévus pour la discussion générale et les questions aux ministres. Une telle réduction correspond d'ailleurs bien à l'esprit de la réforme : inciter les parlementaires à traduire leurs propositions par des modifications de crédits, plutôt que de les limiter à exprimer ces propositions par de simples recommandations orales » 56 ( * ) .

Cette modification substantielle des conditions d'exercice du droit d'amendement nécessitera, en tout état de cause, de conduire une réflexion approfondie sur l'ordre d'appel des amendements et leur recevabilité. Le programme, à la différence du chapitre, n'est pas seulement une unité de spécialité regroupant des crédits budgétaires : c'est aussi une unité de performance, puisque lui sont associés « des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation » (article 7 de la LOLF). Par conséquent, un amendement proposant la création d'un programme, ou le déplacement de crédits d'un programme vers un autre, devra tenir compte de l'impact d'une telle proposition sur les dépenses de personnel, mais également sur les objectifs et les indicateurs associés au programme.

La réforme budgétaire n'est pas la réforme de l'Etat, mais elle en constituera un outil essentiel, à travers l'assouplissement des conditions de la gestion publique, la lisibilité accrue du budget et des comptes de l'Etat, le développement de l'évaluation et du contrôle, et enfin, la mise en oeuvre d'une culture de performance au sein des administrations.

Le chantier de la réforme ne s'arrêtera pas au 1 er janvier 2006 : le Parlement, à l'origine de la LOLF, devra continuer à s'imposer comme partenaire et comme contrôleur du gouvernement afin de recueillir tous les fruits de son initiative.

* 52 L'article 52 de la LOLF dispose que « en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente à l'ouverture de la session ordinaire un rapport retraçant l'ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution.

« Ce rapport comporte l'évaluation financière, pour l'année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou réglementaire, envisagées par le Gouvernement.

« Ce rapport peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat ».

Pour les années 2002 et 2003, votre commission a publié un rapport d'information sur les prélèvements obligatoires et leur évolution :

- rapport d'information de votre rapporteur général : « Baisse des prélèvements : pour un contrat de législature », n° 48 (2002-2003) ;

- rapport d'information de votre rapporteur général : « Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution : préparer la France de demain », n° 55 (2003-2004).

* 53 Pour mémoire, le premier alinéa de l'article 47 de la LOLF dispose que « au sens des articles 34 et 40 de la Constitution, la charge s'entend, s'agissant des amendements s'appliquant aux crédits, de la mission ».

* 54 Pour mémoire, l'article 40 de la Constitution dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

* 55 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, considérant 96.

* 56 In « La réforme du budget de l'Etat - la loi organique relative aux lois de finances », ouvrage coordonné par Jean-Pierre Camby, L.G.D.J., Philippe Lamy, page 295.

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