5. La garantie subséquente de dix ans pour certains contrats d'assurance de responsabilité

L' article 80 de la loi de sécurité financière, introduit suite à un amendement de notre collègue député Michel Hunault, a fixé un délai de garantie subséquent de cinq ans qui signifie que, après l'expiration du contrat, l'assuré peut se prévaloir pendant ce délai du contrat dont il avait été le souscripteur en cas de survenance de faits dommageables ou de révélation de dommages . Votre rapporteur général a rappelé qu'un décret en date du 17 février 2004 avait précisé les conditions d'application de cet article, dans l'hypothèse générale d'une garantie subséquente d'une durée de cinq ans.

Votre rapporteur général avait toutefois souligné en séance les problèmes que susciterait un délai de garantie subséquente de cinq ans dans le domaine de la construction, compte tenu de la non-coïncidence de cette durée avec la responsabilité décennale des maîtres d'oeuvre et des maîtres d'ouvrage :

« La commission des finances a estimé qu'une réforme aussi substantielle du droit de la responsabilité civile était lourde de conséquences . Elle ne peut donc guère se faire sans que l'on en ait vraiment explicité les enjeux, ce que je m'efforce de faire par ce propos.

« Monsieur le ministre, nous avons également été alertés par les risques qui pourraient résulter de cette nouvelle solution juridique, notamment dans le domaine de la construction, où prévaut le principe de la responsabilité décennale des maîtres d'oeuvre et maîtres d'ouvrage. Il nous semble que la non-correspondance du délai de cinq ans avec cette responsabilité décennale est susceptible de créer un hiatus. Si un dommage se révélait entre la fin de l'année 5 et la fin de l'année 10, postérieurement à la clôture du contrat, l'entrepreneur et l'architecte verraient leur responsabilité décennale jouer, mais ils ne seraient pas en mesure de se retourner contre la compagnie d'assurance ou la mutuelle qui aurait garanti le bon déroulement du chantier et le bon achèvement de l'ouvrage » 37 ( * ) .

Suite à ces observations, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait déclaré :

« Le gouvernement s'engage à porter par décret à dix ans la durée de la garantie subséquente de tout contrat de responsabilité civile des participants à l'acte de construire qui, comme les constructeurs ou les fabricants visés par les articles 1792 et suivants du code civil et comme les promoteurs immobiliers ou vendeurs d'un immeuble à construire, sont par ailleurs assujettis à l'obligation d'assurance décennale des travaux du bâtiment.

« Comme je l'ai indiqué, d'autres activités, d'autres professions, à caractère intellectuel, par exemple, et pour lesquelles le délai de révélation du fait dommageable peut être assez long, seraient également concernées par cet allongement du délai » 38 ( * ) .

Cet engagement doit être honoré par l'insertion, au chapitre IV du titre deuxième du livre premier du code des assurances, d'un article R. 124-2 qui porterait à dix ans, pour certaines professions , la durée de la garantie subséquente visée aux quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 124-5 du code des assurances. Le projet de décret permettant l'insertion de ce nouvel article R. 124-2 du code des assurances est en cours d'examen au Conseil d'Etat . Cette consultation du Conseil d'Etat n'était pas obligatoire, mais elle a été jugée préférable par la Commission de réglementation des assurances, afin d'apporter la meilleure sécurité juridique aux dispositions du décret concernant les montants minimaux des plafonds des périodes subséquentes.

Les professions pour lesquelles la durée de la garantie subséquente serait portée à dix ans

Un projet de décret en cours d'examen au Conseil d'Etat prévoit d'insérer l'article R. 124-2 suivant dans le code des assurances, visant à préciser les professions pour lesquelles la durée de la garantie subséquente serait portée à dix ans.

« Art. R. 124-2 - Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation visée aux quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 124-5 ne peut être inférieur à dix ans lorsque l'assuré, personne physique ou morale, exerce l'une des professions ou activités suivantes :

« 1°) Administrateur de biens,

« 2°) Administrateur judiciaire et mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises,

« 3°) Avocat inscrit à un barreau français,

« 4°) Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation,

« 5°) Avoué près les Cours d'appel,

« 6°) Commissaire aux comptes,

« 7°) Commissaire priseur judiciaire,

« 8°) Constructeur d'un ouvrage mentionné aux articles L.231-1 du code de la construction et de l'habitation et 1646-1, 1792-1, 1831-1 du code civil ainsi que ses sous-traitants 39 ( * ) ,

« 9°) Courtier d'assurance,

« 10°) Expert comptable et expert agréé,

« 11°) Expert judiciaire,

« 12°) Géomètre-expert,

« 13°) Huissier de justice,

« 14°) Notaire,

« 15°) Pratique du droit à titre accessoire, par une personne exerçant une activité non réglementée visée à l'article 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ayant reçu l'agrément prévu à l'article 54 de la loi précitée,

« 16°) Pratique du droit à titre accessoire, par une personne exerçant sous l'autorité d'un organisme appartenant aux catégories visées aux articles 61, 63, 64 et 65 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ayant reçu l'agrément prévu à l'article 54 de la loi précitée,

« 17°) Syndic de copropriété,

« 18°) Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ».

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Le même projet de décret envisage d'insérer un nouvel article R. 124-3 dans le code des assurances, afin d' allonger la durée de la garantie subséquente en cas de garantie souscrite par une personne physique, pour son activité professionnelle, avant sa cessation d'activité professionnelle ou son décès :

« Art. R. 124-3 - Lorsque la garantie souscrite par une personne physique pour son activité professionnelle est la dernière garantie avant sa cessation d'activité professionnelle ou son décès, le délai prévu aux quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 124-5 ne peut être inférieur à dix ans.

« En cas de reprise de la même activité, ce délai est réduit à la durée comprise entre la date d'expiration ou de résiliation de la garantie et la date de reprise d'activité, sans que sa durée puisse être inférieure à la durée fixée contractuellement et sans qu'elle ne puisse être inférieure à cinq ans ».

Votre rapporteur général a souhaité comparer la liste des participants à l'acte de construire, figurant dans le projet de décret soumis au Conseil d'Etat et dans un amendement (non adopté) à l'article 80 de la loi de sécurité financière qu'avait présenté notre collègue Paul Girod.

L'amendement de notre collègue Paul Girod mentionnait deux autres catégories d'intervenants :

- le fabricant d'éléments de construction préfabriqués, au sens de l'article 1792-4 du code civil ;

- le contrôleur technique, au sens de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation.

Selon les informations fournies à votre rapporteur général, l'absence des fabricants d'éléments préfabriqués et des contrôleurs techniques s'expliquerait par le caractère mixte de ces activités , ne relevant qu'en partie du dispositif de garantie subséquente.

Les fabricants d'éléments de construction préfabriqués peuvent certes se voir appliquer le régime d'une garantie subséquente de dix ans s'ils sont sous-traitants des constructeurs. Sous cette réserve, il convient toutefois d'observer que tous les produits préfabriqués ne sont pas classés éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire (EPERS). De même, l'activité des contrôleurs techniques ne concerne pas exclusivement des opérations pouvant entraîner la mise en jeu de la garantie subséquente.

Le gouvernement a précisé avoir conduit une concertation avec chacune des professions mentionnées dans le projet de décret, et la solution retenue par les fabricants d'éléments préfabriqués et les contrôleurs techniques n'aurait pas soulevé de difficultés particulières.

Votre rapporteur général juge équilibré le dispositif proposé dans le projet de décret, tout en observant que le - long mais nécessaire - travail de concertation préalable a retardé fortement l'entrée en vigueur des dispositions relatives à une durée de garantie subséquente de dix ans .

* 37 Journal officiel, Sénat, 5 juin 2003.

* 38 Ibid.

* 39 Cette catégorie inclut les architectes.

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