3. L'harmonisation encore perfectible des instruments financiers en Europe

Dans ce domaine, l'harmonisation européenne connaît ses limites et ne bride pas la créativité , compte tenu des différences - vraisemblablement encore durables - entre les droits nationaux des valeurs mobilières. En outre, en dépit des apports du PASF et plus particulièrement des deux directives relatives aux OPCVM, de nombreux produits d'investissement ne bénéficient pas du régime du passeport européen. Il n'est cependant pas interdit d'imaginer qu'un tel passeport puisse à terme être institué pour les fonds alternatifs et les structures équivalentes aux fonds communs de placement à risque (FCPR), véhicules complexes qui bénéficieraient certainement d'efforts d'harmonisation susceptibles, s'agissant des FCPR, de faciliter le financement des entreprises.

Les titres de créances à court terme présentent également des disparités et n'ont pas réellement profité de l'avènement de l'euro, mais il s'agit plutôt en l'espèce de faire converger les pratiques des marchés domestiques (et en particulier celles des deux acteurs principaux que sont Londres et Paris) vers l'établissement d'un label, que de mettre en oeuvre une directive communautaire spécifique.

4. Assurer la transparence des rachats de titres

Le régime des rachats par les sociétés de leurs propres titres, opportunément assoupli par la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, peut également illustrer les limites de l'utilisation des instruments financiers au service de la stratégie de l'entreprise. Les rachats régis par l'article L. 225-209 du code de commerce, cantonnés dans la stricte limite de 10 % du capital social de la société (et dont l'autorisation par l'assemblée générale est plafonnée à 18 mois), ont en effet avant tout vocation à servir la politique actionnariale et à accroître le bénéfice par action, en procédant a posteriori à des « stérilisations » de capital. Outre l'attribution de titres rachetés aux salariés dans le cadre de l'épargne salariale ou de plans de stocks-options, les titres rachetés peuvent être conservés puis revendus , ou utilisés dans une opération d'acquisition ou d'échange.

Des abus et détournements sont néanmoins possibles 167 ( * ) . Il importe donc à la société de faire preuve de la plus grande transparence à l'égard des actionnaires , sous le contrôle de l'AMF, sur l'affectation des programmes de rachat. Or force est de constater que les résolutions adoptées en assemblée générale ne brillent pas toujours par leur clarté. En outre, les rachats sont parfois assortis de transactions sur produits dérivés, qui dans certains cas (ventes de puts ) peuvent s'apparenter à une spéculation de la société à la baisse de ses propres titres , situation pour le moins préjudiciable à la crédibilité de la stratégie et du management. L'examen du cas Vivendi Universal montre que cette hypothèse n'est pas théorique. Votre rapporteur général considère donc que le régime des rachats de titres mériterait sans doute d'être clarifié, sans remettre en cause sa légitime inspiration, qu'il avait d'ailleurs pleinement soutenue lors de l'adoption du dispositif en 1998.

* 167 Le rapport remis en janvier 1998 par M. Bernard Esambert, qui a directement inspiré la réforme précitée, précisait ainsi :

« La nouvelle législation devrait permettre aux entreprises qui décident de ne pas les annuler, d'utiliser les titres rachetés notamment pour procéder à une acquisition ou à un échange par remise de titres comme c'est le cas aux États-Unis. Cette possibilité pourrait cependant faire craindre certains abus : remise des titres à des sociétés amies, risque de dilution pour les actionnaires, possibilité de replacer les titres sur le marché sans passer par la procédure protectrice d'émission (le reclassement des titres revient en effet à une augmentation de capital sans les garanties apportées aux actionnaires par la procédure normale notamment le droit préférentiel et le délai de priorité), financement d'acquisitions sans respecter la procédure des apports en nature .

« Afin de supprimer ces risques, il serait nécessaire que la plus grande transparence existe quant au sort des titres rachetés. C `est pourquoi l'entreprise devrait être contrainte d'informer les actionnaires et le marché de l'exacte situation des titres autodétenus, et cela régulièrement.

Par ailleurs, il est proposé d'interdire, comme c'est le cas aux États-Unis, qu'une opération soit financée à l'aide des titres rachetés dans le délai d'un an après leur acquisition, de façon à éviter ce qui constituerait de toute évidence une utilisation anormale de la procédure de rachat ».

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