B. LES BOULEVERSEMENTS DE L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUE DE L'ACCÈS AUX MARCHÉS

1. L'impact majeur de la directive sur les marchés d'instruments financiers

a) Des garanties savamment dosées mais qui n'effacent pas les risques de réduction de la liquidité et de la transparence

Ainsi qu'il a été relevé dans la troisième partie, la directive sur les marchés financiers, adoptée le 21 avril 2004 après force débats techniques, induit une remise en cause de l'architecture des marchés financiers avec l'abandon du principe de concentration des ordres. Il n'est pas assuré que la consécration de la concurrence entre trois principaux modes de négociation des ordres 168 ( * ) ne conduise pas à une fragmentation étendue des bassins de liquidité, mais un certain nombre de garde-fous ont été mis en place , notamment sous l'influence française, pour assurer un fonctionnement conforme aux intérêts des investisseurs et en particulier aux moins aguerris d'entre eux : encadrement des agents liés, encadrement du service d'exécution simple sans conseil ( execution only ), régime des investisseurs professionnels et des contreparties éligibles, règles de transparence pré et post-négociation, règle de meilleure exécution .

Le fossé pourrait néanmoins s'accroître entre le « marché de gros » constitué de professionnels investissant essentiellement par le canal des internalisateurs, et le « marché de détail » des particuliers positionnés sur les places réglementées. La baisse des coûts de transaction, fonction de la taille des ordres, se ferait dès lors essentiellement au bénéfice des teneurs de marché (autrement dit des grandes banques, et au premier rang de celles ci les banques anglo-saxonnes), et éventuellement des investisseurs professionnels et des entreprises, si les « internalisateurs » acceptaient de ne pas traduire cette baisse de leurs coûts par une augmentation équivalente de leur marge.

b) Au-delà de la directive, l'enjeu stratégique des mesures d'application

Après d'âpres débats, le texte final représente un compromis relativement favorable aux intérêts des marchés continentaux, traditionnellement régis par les ordres à la différence des marchés anglo-saxons, habitués au rôle des market makers . Il faut toutefois se garder d'entretenir de trop grandes illusions sur le résultat final, car nombre de points déterminants restent à préciser , dans le cadre des mesures de niveau 2 de la procédure Lamfalussy. Les travaux de comitologie portent en particulier sur la règle de meilleure exécution, les règles d'admission des instruments financiers aux négociations sur les marchés réglementés, et sur l'application du principe de transparence de pré négociation, qui passe par la définition du seuil de « taille standard » d'un ordre , au-delà duquel la transparence n'est plus requise.

Ainsi qu'il a été précisé, l'AMF est fortement impliquée dans les travaux de comitologie relatifs à cette directive puisque M. Michel Prada préside le groupe d'experts sur les questions de surveillance des marchés et de coopération. Votre rapporteur général relève toutefois que les deux autres groupes d'experts portent sur des enjeux très stratégiques, la transparence des marchés et les dispositions relatives aux intermédiaires, et sont respectivement présidés par un membre du conseil de l'autorité de régulation hollandaise et le président de la FSA britannique. Il s'agirait donc d'éviter que les mesures techniques de niveau 2 ne fournissent un moyen détourné aux grandes banques anglo-saxonnes d'imposer à nouveau leurs conceptions et leurs intérêts , et que ne soit ainsi rompu dans les faits, mais pas dans les principes, le délicat équilibre atteint par la directive. Votre rapporteur général espère que l'expérience du président de l'AMF saura prévenir des dérives subreptices, mais se montrera néanmoins vigilant sur le contenu des mesures d'application qui seront décidées au cours des prochains mois.

* 168 Ordres transitant via les marchés réglementés, plates-formes multilatérales ( alternative trading systems - ATS), intégrés dans le règlement général du CMF par un arrêté d'homologation du 25 juillet 2003, qui étend la définition du service d'exécution d'ordres pour compte de tiers à la gestion de tels systèmes) et systèmes internes de négociation.

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