B. DIFFUSER LA CULTURE DE L'ARCHITECTURE

La crise de l'architecture ne se limite pas en France, de nos jours, aux difficultés économiques que traversent les architectes et les sociétés d'architecture. Ce malaise économique n'est au contraire que le symptôme d'une crise plus large : notre pays souffre en réalité d'un profond déficit d'ambition culturelle au sens large du terme et/ou en matière d'exigence architecturale et de qualité du cadre de vie alors qu'il y a par ailleurs toute raison de croire que le potentiel de réponse et de créativité existe et peut être mobilisé.

Cette crise culturelle se manifeste sur plusieurs plans :

- crise esthétique qui se traduit par une banalisation méthodique du paysage urbain et rural : désastre renouvelé des entrées de villes commerciales et industrielles, multiplication des lotissements sans âme peuplés de maisons sans esprit, triomphe quotidien d'une laideur monotone, fausse alternative à une crise des banlieues que l'on ne saurait régler que par la seule démolition ;

- crise sociale qui s'accompagne d'une perte du savoir-vivre ensemble ; les politiques qui se sont contentées d'urbaniser des zones alors qu'il faut créer des villes ont puissamment contribué à la désagrégation du lien social : la crise endémique de certaines banlieues, initialement conçues comme de simples dortoirs et non comme des lieux de vie et de rencontres, en fournissent des preuves constamment renouvelées.

Un urbanisme totalement repensé par rapport aux nouveaux enjeux, une politique architecturale volontaire et permanente, soucieuse de la vie des habitants, doivent être considérés comme des leviers essentiels, des « fondamentaux », d'une politique de la ville destinée à reconquérir des espaces urbains en déshérence et à renouer les fils des tissus déchirés.

La loi de 1977 a déclaré l'architecture d'intérêt général. Nos concitoyens en ont-ils conscience ? Cette pétition de principe s'est-elle traduite par une amélioration sensible de la forme de nos villes et de la beauté de nos paysages ?

Une action publique pour donner partout et à tous une « Envie d'architecture » est aujourd'hui indispensable à tous les niveaux : elle doit toucher aussi bien le grand public que les décideurs. Cela passe par la connaissance de ce qu'est l'architecte, de ce que sont les architectes, les urbanistes, les paysagistes... par l'information, l'éducation, la pratique et la découverte de l'architecture, des métiers, du cadre de vie pour les élèves.

1. Sensibiliser l'opinion à l'architecture

La loi de 1977 a rendu obligatoire le recours à un architecte pour les projets d'une certaine importance, soumis à dépôt de permis de construire. Elle en a en revanche dispensé les constructions plus modestes réalisées par les particuliers pour leur propre usage, ainsi que les constructions agricoles. Certes, dans la rédaction initiale de la loi de 1977, ces constructions dispensées de recours à un architecte, devaient être soumises pour consultation aux Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Le caractère obligatoire de cette consultation a cependant été à son tour supprimé par la loi de finances du 29 décembre 1981 : un exemple parmi d'autres des contradictions entre « l'affichage », les discours et la réalité...

La loi de 1977 qui se proposait de reconnaître l'architecture d'intérêt public et d'associer les architectes à sa défense n'a-t-elle pas, au rebours de ses intentions initiales, contribué à éloigner nos concitoyens de l'architecture ? Ceux-ci n'ont-ils pas été tentés de considérer le recours à un architecte soit comme une contrainte inévitable, dans le cas des grands projets, soit comme un luxe superflu, dans le cadre de la construction individuelle, mais non comme l'opportunité d'améliorer leurs projets ?

La question mérite d'être posée car les comparaisons internationales montrent que le recours à un architecte est paradoxalement plus fréquent en Allemagne ou dans certains pays de l'Europe du Nord, où les missions de celui-ci ne sont pas réglementées, mais où son apport en terme de qualité architecturale est spontanément reconnu et apprécié.

Votre commission souhaite donc attirer l'attention des pouvoirs publics et des professionnels de la maîtrise d'oeuvre sur l'intérêt de susciter une vraie demande et un goût pour la qualité de l'architecture. Dans leur « Livre blanc » les architectes regrettaient que l'architecture, qui est cependant un art majeur, ne soit pas partie intégrante de la culture de base.

Votre commission estime qu'une sensibilisation à la culture, à la découverte des patrimoines, et à la beauté architecturale doit être proposée dès l'école, par exemple à l'occasion des parcours de découverte. Elle souhaite que la Cité de l'Architecture apporte également sa pleine contribution à la formation du goût de nos concitoyens et à leur appétit pour l'architecture.

L'Association des villes d'art et d'histoire et des villes dotées de secteurs sauvegardés, récemment créée, s'est engagée dans cette action de découverte, d'initiation, non seulement au patrimoine mais à la création, à l'architecture contemporaine... C'est ce type de mouvement qu'il faut développer.

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