Rapport d'information n° 301 (2004-2005) de M. Gérard DÉRIOT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 15 avril 2005

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N° 301

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 14 avril 2005

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 avril 2005

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la gestion des fonds de l' amiante ,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Claude Bertaud, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, André Vézinhet.

Santé publique.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Ce rapport d'information présente les conclusions de l'enquête commandée à la Cour des comptes, en novembre 2003, par la commission des Affaires sociales du Sénat, sur le thème de l'indemnisation des victimes de l'amiante.

La loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a donné aux commissions parlementaires compétentes en matière de loi de financement la possibilité de saisir la Cour de toute question touchant à leur application (article L. 132-3-1 du code des juridictions financières). La Haute juridiction financière dispose, à cette fin, d'un pouvoir d'enquête sur les organismes soumis à son contrôle.

C'est la première fois que votre commission use de cette faculté et la grande qualité du travail accompli par les magistrats financiers l'incitera à y recourir à nouveau afin d'exercer plus efficacement sa mission de contrôle qui, avec l'activité législative, constituent deux fonctions essentielles du Parlement.

Votre commission a choisi de consacrer sa première demande d'enquête à la question de l'amiante.

Après une première alerte dans les années 1970, l'opinion publique a pris véritablement conscience de l'ampleur de la crise sanitaire provoquée par la contamination par l'amiante au milieu des années 1990, lorsque l'exposition des usagers et des personnels du site universitaire de Jussieu a été mise en évidence.

Peu de temps après, un rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) 1 ( * ) , publié en 1996, a établi, sur la base de données épidémiologiques incontestables, que l'utilisation de l'amiante était associée à une surmortalité élevée. Ces observations ont conduit le Gouvernement à interdire l'utilisation de ce produit, à compter du 1 er janvier 1997.

La publication du présent rapport intervient au moment où les problèmes posés par l'amiante sont à nouveau au coeur des préoccupations des Français. La découverte d'amiante à certains étages de la Tour Montparnasse est venue rappeler que ce matériau était présent dans de nombreux locaux d'habitation et de travail et qu'un devoir de vigilance s'imposait, pour cette raison, à tous. Les poursuites engagées par des victimes, ou par leurs familles, devant les juridictions pénales posent régulièrement et avec acuité la question de la recherche des responsabilités à l'origine de ce drame.

En janvier 2005, le Sénat a marqué son intérêt pour le sujet en décidant, à l'initiative de votre commission, la constitution d'une mission commune d'information chargée d'établir le bilan de la contamination par l'amiante et d'en évaluer les conséquences. L'Assemblée nationale, après avoir créé un groupe d'études consacré à ce même thème, vient à son tour de prendre la même initiative. Nul doute que le présent rapport sera un élément important versé à la réflexion des parlementaires.

L'enquête menée par la Cour des comptes a porté, à la demande de votre commission, sur le thème précis de l'indemnisation des victimes de l'amiante . Cette commande visait à répondre à une double préoccupation.

Premièrement, les investigations nécessaires menées par les différents rapporteurs en charge du volet « accidents du travail et maladies professionnelles » de la loi de financement de la sécurité sociale ont mis en évidence, depuis quelques années, une tendance lourde à la dégradation de la situation financière de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) de la sécurité sociale. Or, une des raisons essentielles de cette dégradation réside dans l'augmentation sensible des versements effectués par la branche au profit du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) et du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). Il était donc indispensable de s'assurer du bon usage des sommes ainsi affectées.

Deuxièmement, votre commission souhaitait également pouvoir évaluer les conditions d'indemnisation des victimes de l'amiante, qui ont droit, de par la loi, à une compensation intégrale du préjudice qu'elles subissent. Or, l'hétérogénéité des décisions rendues par les tribunaux comme les difficultés rencontrées au moment de l'élaboration du barème d'indemnisation du FIVA montrent que l'évaluation de ce préjudice n'est pas chose aisée. La nécessaire maîtrise de la dépense publique ne doit pas être obtenue au prix d'une indemnisation médiocre des victimes.

A partir de ces observations, la Cour a procédé à une analyse approfondie du dispositif d'indemnisation des victimes de l'amiante, tant dans ses aspects juridiques et institutionnels que financiers et comptables. Ses conclusions s'organisent autour de quatre parties :

la première partie est consacrée à une présentation générale des problèmes posés par la contamination par l'amiante . La Cour rappelle l'augmentation préoccupante du nombre de mésothéliomes (cancers de la plèvre) et de cancers broncho-pulmonaires, deux maladies mortelles résultant d'une exposition à l'amiante. La plupart des pathologies liées à l'amiante, dans la mesure où elles ont été contractées à la suite d'une exposition dans le milieu de travail, ouvrent droit à une indemnisation au titre de la réparation des maladies professionnelles. La Cour note que l'adoption de mesures de prévention contre les dangers de l'amiante a été tardive, alors que ses propriétés cancérigènes étaient connues depuis le début du XX e siècle. Ce constat a conduit le Conseil d'État à reconnaître la responsabilité de l'État pour sa carence fautive à prendre les mesures de prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante ;

la deuxième partie expose la situation du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA). Ce Fonds est chargé de verser une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA) aux salariés exposés à l'amiante au cours de leur carrière professionnelle, destinée à compenser la réduction de leur espérance de vie.

La Cour déplore la grande complexité de l'organisation institutionnelle du FCAATA. Le fonds ne disposant pas de structure administrative propre, le service et la gestion de l'allocation de cessation anticipée d'activité sont assurés, pour partie, par la Caisse des dépôts et consignations, pour partie, par les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM).

Les dépenses mises à sa charge ont fortement augmenté depuis sa création en 1999, pour atteindre un montant estimé à 750 millions d'euros en 2005, en raison de l'élargissement du périmètre des salariés susceptibles de bénéficier de l'ACAATA. La Cour s'interroge sur le bien-fondé de l'extension de ce dispositif et fait observer que 10 % seulement des bénéficiaires de l'allocation sont actuellement atteints d'une pathologie reconnue comme maladie professionnelle causée par l'amiante . Les autres allocataires ont simplement travaillé dans un établissement inscrit sur la liste, fixée par arrêté ministériel, des établissements ayant exposé leurs salariés à l'amiante. La corrélation parfois observée entre l'augmentation du nombre de plans sociaux et celle des demandes de prise en charge au titre de l'ACAATA laisse penser que les partenaires sociaux ou les élus peuvent être tentés d'utiliser le FCAATA comme un mécanisme de préretraite accompagnant des restructurations économiques. De plus, le fonctionnement du FCAATA apparaît inégalitaire, puisque les salariés des grandes entreprises sont surreprésentés parmi ses bénéficiaires, tandis qu'il n'existe pas de dispositif analogue pour les fonctionnaires et les militaires ;

la troisième partie traite du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 du 23 décembre 2000.

La mise en place du FIVA a été lente puisque les premières indemnisations définitives ne sont intervenues qu'à compter d'avril 2003 : ces contretemps s'expliquent par le long délai pris pour la publication des décrets d'application de la loi de 2000, une mise en place tardive du conseil d'administration et la durée de la période d'élaboration du barème d'indemnisation des victimes. Le retard pris dans la mise en place du fonds a conduit à l'accumulation d'un important stock de dossiers, aujourd'hui en voie de résorption, et à un allongement du délai moyen de traitement.

A la différence du FCAATA, le FIVA dispose de la personnalité morale et d'une structure administrative propre ; la Cour regrette que l'éventualité d'un rattachement du FIVA à un organisme existant n'ait pas été davantage étudiée, estimant qu'il aurait peut-être permis des économies de gestion.

La vocation du FIVA est d'assurer une réparation intégrale du préjudice subi par les victimes de l'amiante ; il complète, dans ce but, l'indemnisation forfaitaire versée par la branche AT-MP aux victimes de maladies professionnelles. En augmentation continue, les dépenses du fonds devraient atteindre 645 millions d'euros en 2005 ;

la dernière partie du rapport se rapporte au coût global de l'indemnisation des victimes de l'amiante et à ses modalités de financement .

Le coût de l'indemnisation repose principalement sur le FCAATA et le FIVA ; les versements effectués directement par les caisses de sécurité sociale n'en représentent désormais plus qu'un faible pourcentage. La sécurité sociale est cependant fortement mise à contribution, de manière indirecte, puisque c'est la branche AT-MP qui assure la plus grande partie du financement de ces deux fonds, l'État apportant le complément.

*

Au-delà de ces observations générales, plusieurs enseignements et pistes de réflexion, utiles en vue de futures réformes, se dégagent du rapport de la Cour.

les magistrats suggèrent de recentrer le bénéfice du FCAATA, afin de dégager les marges de manoeuvre financières permettant d'améliorer l'indemnisation versée aux victimes de l'amiante par le FIVA . Cette proposition est justifiée par le constat que la hausse des dépenses d'indemnisation est aujourd'hui due, principalement, à la hausse des dépenses du FCAATA, qui indemnise d'anciens salariés dont certains ne développeront aucune pathologie liée à l'amiante. Des critères d'attribution de l'ACAATA plus strictes satisferaient donc à un double objectif de maîtrise de la dépense publique et d'équité.

Une meilleure indemnisation par le FIVA permettrait, en outre, de réduire le nombre de recours intentés devant les tribunaux. La reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ouvre en effet droit à une indemnisation majorée au bénéfice de la victime. Porter les indemnisations versées par le FIVA au niveau des indemnisations accordées en cas de faute inexcusable rendrait inutiles de nombreux recours juridictionnels.

Les sommes économisées grâce à un resserrement des conditions d'accès à l'ACAATA pourraient également être utilisées pour faire bénéficier d'un dispositif analogue les agents publics qui en sont aujourd'hui dépourvus .

L'orientation proposée par la Cour est pertinente et pourrait inspirer de prochaines réformes. Il reste cependant à définir les modalités du « recentrage » auquel elle préconise de procéder.

On pourrait envisager de limiter le bénéfice de l'ACAATA aux seules personnes reconnues atteintes d'une maladie professionnelle causée par l'amiante mais cette mesure pourrait être source d'injustices : certaines maladies de l'amiante, le mésothéliome notamment, entraînent le décès du patient à brève échéance, de l'ordre de dix-huit mois. Même si l'allocation était versée dès l'apparition des premiers symptômes, la victime ne bénéficierait que d'une période très brève de préretraite. Or, la logique de l'ACAATA est justement d'accorder une période de retraite plus longue aux salariés dont l'espérance de vie est potentiellement réduite par leur exposition à l'amiante.

Une autre voie consisterait à identifier, à l'intérieur de chaque établissement, les salariés qui ont véritablement été au contact de l'amiante et à leur réserver le bénéfice de l'ACAATA, excluant ainsi, par exemple, les personnels administratifs qui ont travaillé dans des établissements produisant de l'amiante, mais sans manipuler le produit. Cette démarche se heurterait cependant à des difficultés pratiques difficilement surmontables, dans la mesure où elle impliquerait que l'on établisse avec précision les fonctions occupées par chaque salarié au sein de l'entreprise, parfois plusieurs dizaines d'années auparavant. De plus, les poussières d'amiante susceptibles de se répandre dans les locaux d'un établissement peuvent être suffisantes pour occasionner des pathologies graves chez des salariés qui n'ont pas directement manipulé ce matériau.

La réflexion doit donc être approfondie sur ce point, afin de trouver des modalités d'attribution de l'ACAATA, qui permettent de respecter les recommandations de la Cour sans créer de nouvelles injustices.

un facteur important de développement du contentieux réside dans la grande diversité des montants d'indemnisation accordés par les tribunaux . Le fait que certains tribunaux accordent des indemnités nettement supérieures à celles du FIVA est un encouragement à la multiplication des recours contentieux, ainsi qu'une source d'inégalités entre les victimes. Pour y remédier, les magistrats financiers suggèrent de centraliser le contentieux auprès d'une cour d'appel unique , ce qui permettrait d'unifier la jurisprudence, et de préciser les règles d'indemnisation applicables, afin de mieux encadrer la liberté d'appréciation des magistrats. Si cette deuxième suggestion mérite de retenir toute notre attention, on ne peut totalement écarter les objections des associations de victimes au principe de la désignation d'une cour d'appel unique : une telle mesure irait en effet à l'encontre de l'objectif de proximité entre les plaignants et la justice 2 ( * ) .

en matière de financement, le rapport souligne l'instabilité des contributions de l'État au FCAATA et au FIVA. Fixé chaque année en loi de finances, leur montant semble imprévisible et n'obéit à aucune clé de répartition claire , permettant de définir les charges incombant à l'État et celles revenant à la branche AT-MP de la sécurité sociale. A tout le moins, il paraîtrait logique que l'État assume chaque année le pourcentage de financement correspondant à sa part de responsabilité en tant qu'employeur de personnes victimes de l'amiante, de manière à ce qu'il n'y ait pas de transfert indu de charges de l'État employeur vers la sécurité sociale.

le rapport met également en évidence la difficulté d'obtenir des employeurs à l'origine de la contamination par l'amiante une participation plus importante à l'indemnisation des victimes. En principe, la condamnation de l'employeur pour faute inexcusable l'oblige à rembourser les sommes engagées au titre de l'indemnisation. Mais le délai de latence très long des maladies de l'amiante conduit souvent à ce que l'employeur responsable ait aujourd'hui disparu. De plus, des règles complexes de prescription et de mutualisation, précisément analysées par la Cour, rendent, en pratique, très difficiles la récupération de ces sommes auprès des employeurs.

La solidarité nationale doit bien sûr garantir à chaque victime de l'amiante une indemnisation satisfaisante, quelle qu'ait pu être l'origine de sa contamination. Il est néanmoins regrettable que les employeurs directement responsables ne soient pas davantage mis à contribution : une prise en charge des dépenses résultant de l'exposition à des risques professionnels reposant principalement sur la collectivité n'est pas de nature à encourager les entreprises à mettre en oeuvre des politiques ambitieuses de prévention . A l'initiative du Gouvernement, une réflexion est d'ailleurs aujourd'hui en cours afin de lier plus fortement le niveau de la contribution des employeurs à la branche accidents du travail et maladies professionnelles à la sinistralité observée dans leurs établissements.

*

L'analyse des conditions d'indemnisation des victimes de l'amiante invite enfin à réfléchir aux modalités de réparation de l'ensemble des risques professionnels . Des considérations politiques, combinées à la pression de l'opinion publique et des médias, ont conduit à ce que des règles d'indemnisations plus favorables soient introduites au bénéfice des victimes de l'amiante en raison de l'ampleur et de la gravité particulières du drame de la contamination par l'amiante.

On peut néanmoins trouver singulier que les salariés victimes d'autres substances chimiques toxiques ou d'accidents graves doivent se contenter de l'indemnisation forfaitaire traditionnellement versée par la branche AT-MP de la sécurité sociale.

L'existence d'un régime particulier d'indemnisation des victimes de l'amiante est donc l'un des éléments qui plaident en faveur du passage à une réparation intégrale des préjudices causés par des accidents du travail ou des maladies professionnelles . Les évaluations réalisées par le groupe de travail présidé par Michel Laroque, inspecteur général des affaires sociales, ont cependant mis en évidence le coût élevé d'une telle réforme, de l'ordre de 3 milliards d'euros pour le seul régime général, ce qui pose la question de l'effort financier que la collectivité est prête à assumer pour assurer à nos concitoyens une meilleure indemnisation des risques professionnels.

*

Au cours de sa réunion du mercredi 13 avril 2005, la commission a approuvé le présent rapport et autorisé sa publication, assortie des conclusions de la Cour des comptes.

TRAVAUX DE COMMISSION

I. AUDITION DE M. PHILIPPE SÉGUIN,
PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Réunie le mercredi 13 avril 2005 , sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de MM. Philippe Séguin, Premier président, Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre, Christian Babusiaux, conseiller maître et Frédéric Salas, rapporteur de la Cour des comptes sur le rapport « fonds de l'amiante ».

Après avoir rappelé qu'en novembre 2003, la commission avait demandé à la Cour des comptes d'établir une étude sur la question de l'indemnisation des conséquences de l'utilisation de l'amiante, M. Nicolas About, président, s'est déclaré très heureux que Philippe Séguin, son Premier président, ait souhaité en présenter lui-même les conclusions. Celles-ci permettront au rapporteur en charge du projet de loi de financement de la sécurité sociale d'analyser plus précisément l'évolution de la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP). Il a par ailleurs indiqué que, compte tenu de son ordre du jour, la présente audition a tout naturellement été ouverte aux membres de la mission commune d'information créée par le Sénat, en janvier dernier, sur le thème du bilan et des conséquences de la contamination par l'amiante.

Avant d'aborder le contenu de l'étude demandée à la Cour, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a déploré que ce document, encore sous embargo, ait pu faire l'objet d'indiscrétions dans la presse la semaine dernière. Il a expliqué cet incident par le fait que la procédure contradictoire, conçue pour protéger les droits des différentes parties prenantes, comporte inévitablement le risque que les consignes de secret ne soient pas respectées. Il a considéré que cet événement fâcheux porte atteinte tout à la fois au droit de la commission des affaires sociales de décider elle-même du moment et des modalités de sa publication et à la Cour des comptes elle-même. Il a estimé, en outre, que l'article de presse en question ne rend compte que d'une manière partielle et inexacte des travaux des magistrats financiers.

Après avoir souligné que sa présente intervention marque une nouvelle étape dans l'histoire des relations de la Cour des comptes avec les assemblées parlementaires, il a observé que la commission des affaires sociales du Sénat utilise, pour la première fois, les dispositions de l'article L. 132-3-1 du code des juridictions financières. Il s'est déclaré disposé à renouveler cette expérience, même si le calendrier de travail de la Cour des comptes, élaboré suivant une programmation triennale, et les délais incompressibles liés au respect de la procédure contradictoire avec les organismes contrôlés ne permettront pas toujours de répondre rapidement aux sollicitations des sénateurs. Il a précisé néanmoins que les demandes du Parlement sont traitées en priorité et que, portant sur des thèmes généraux, l'analyse de la Cour n'est pas susceptible de se périmer trop vite. C'est notamment ce qu'illustre le thème de l'amiante, qui a lui-même suscité la création, par le Sénat, d'une mission d'information spécifique et qu'aborde également le Conseil d'État dans son dernier rapport annuel consacré à la responsabilité et à la socialisation du risque.

Après avoir insisté sur la dimension humaine du drame de l'amiante, qui frappe des milliers de victimes touchées par des pathologies aussi graves et douloureuses que les mésothéliomes, les cancers broncho-pulmonaires et l'asbestose, il a considéré que ce dossier est symbolique du fonctionnement parfois défectueux de notre démocratie, en témoignant du poids des groupes de pression dans la décision politique et des dommages qui peuvent en résulter.

Puis M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a abordé la question de l'indemnisation des victimes et des dépenses correspondant à cette prise en charge. Une approche globale de l'amiante devrait amener à prendre en compte non seulement les coûts d'indemnisation des victimes stricto sensu, mais également les autres dépenses, en particulier celles occasionnées par le désamiantage. A ce sujet, il a rappelé que, dans son rapport public de février 2005, la Cour des comptes avait évalué le coût du désamiantage de la seule université de Jussieu à environ 800 millions d'euros. En se fondant sur le seul champ de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, qui constitue l'objet de l'article L. 132-3-1 du code des juridictions financières et fonde la saisine de la commission des affaires sociales, il a indiqué que l'indemnisation des conséquences de l'utilisation de l'amiante représentait déjà en 2004 une charge annuelle de 1,4 milliard d'euros, soit 14 % des dépenses d'accidents du travail et maladies professionnelles.

Cette dépense correspond essentiellement au financement de deux fonds : le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) pour 660 millions d'euros et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) pour 554 millions d'euros, qui reposent tous deux sur la branche AT-MP de la sécurité sociale. Pour obtenir une vue complète de la question, il convient d'y ajouter les financements de l'État, destinés à l'indemnisation des maladies professionnelles rattachées à l'amiante, votés en loi de finances, qui se sont élevés, en 2004, à 81 millions d'euros. Depuis 1999, date de la création du FCAATA, le financement de ces deux fonds a été assuré pour 2,6 milliards d'euros par la branche AT MP et à hauteur de 294 millions d'euros seulement par l'État : la sécurité sociale en a donc supporté 90 % de la charge. Or, ce partage des financements n'est pas le résultat d'une clé de répartition : s'il correspond sensiblement à la part relative de la fonction publique d'État dans la population active, au moment de l'exposition des victimes à l'amiante, il n'intègre pas ce qui est imputable à la responsabilité de l'État en sa qualité de puissance publique.

Après avoir rappelé que quatre décisions du Conseil d'État ont validé, le 3 mars 2004, le raisonnement des juges du fond, suivant lequel l'État a failli à sa mission de prévention des risques professionnels et commis une faute de nature à engager sa responsabilité, il a considéré que la question de la répartition des charges entre l'assurance maladie et l'État n'est pas tranchée et demeure légitimement un sujet de réflexion.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a indiqué que le rapport de la Cour des comptes suggère à la représentation nationale quatorze pistes de réflexion, dont celle de la définition d'une clé de répartition pour le financement de ces fonds.

Rappelant que la Cour des comptes s'est déjà interrogée par le passé sur la question de l'intégration de l'indemnisation des victimes de l'amiante dans le droit commun des accidents du travail - maladies professionnelles, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a considéré que la situation actuelle nuit à la cohérence d'ensemble de la politique de réparation et de prévention des risques professionnels. Contrairement aux arguments avancés par les associations de victimes de l'amiante, qui continuent à préférer bénéficier d'un dispositif particulier, il a jugé dommageable le cloisonnement des différents systèmes de réparation.

Il a ensuite constaté que, paradoxalement, l'accumulation de dispositions relatives à l'amiante aboutit à donner la priorité à l'indemnisation des personnes qui ont pu être exposées à ce risque, plutôt qu'aux victimes qui développent effectivement l'une des pathologies recensées. Il a regretté qu'à l'occasion de la création du FIVA, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, l'architecture institutionnelle de l'indemnisation n'ait pas été repensée.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a indiqué que le FCAATA a été initialement créé pour permettre aux salariés ayant travaillé dans les industries de l'amiante de partir à la retraite de façon anticipée, afin de tenir compte de la réduction potentielle de leur espérance de vie qui peut en résulter. Or, les extensions successives, réalisées par voie réglementaire, du champ d'application de ce dispositif l'ont amené à couvrir non seulement le cas des salariés qui ont effectivement développé une pathologie liée à l'amiante, mais aussi celui des personnes qui ont bien été exposées à ce risque, mais ne seront pas forcément affectées par une pathologie, ainsi que celui des salariés qui n'ont pas directement manipulé ce produit, mais qui étaient simplement employés par des établissements où cette substance était utilisée.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a en outre observé que la mise en extinction progressive des différents dispositifs de préretraite existants a créé les conditions d'une extension excessive du FCAATA, pouvant aller jusqu'à son utilisation dans le cadre des mesures de gestion de l'emploi, alors même que ce fonds est financé pour l'essentiel par la branche AT-MP de la sécurité sociale. Après avoir souligné l'accroissement très rapide des charges du FCAATA qui en est résulté - 54,4 millions d'euros en 2000, 660,3 millions d'euros en 2004 et 750 millions prévus en 2005 -, il a noté que les statistiques fournies à la Cour montrent que 10 % seulement des bénéficiaires de ce fonds seraient effectivement atteints d'une pathologie associée à l'amiante, y compris les plaques pleurales.

Il a ensuite étudié le cas du FIVA, créé dans le but d'assurer aux victimes une indemnisation rapide et totale de leur préjudice afin de leur éviter d'avoir à engager des recours juridictionnels. Or, des différences subsistent entre l'indemnisation pourtant intégrale qu'accorde le FIVA et celle qu'accordent certains tribunaux qui en majorent le montant sur le fondement de la faute inexcusable de l'employeur. En dépit du vote d'un amendement parlementaire, qui avait eu pour objectif de résoudre cette difficulté en autorisant le recours à l'action subrogatoire (le FIVA se trouvant subrogé dans les droits de la victime pour demander au juge de reconnaître la faute inexcusable), il a observé que de nombreuses victimes continuent de saisir elles-mêmes la justice pour obtenir une réparation supérieure à celle accordée par le FIVA.

Dans un souci d'équité et dans l'intérêt des victimes, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a recommandé que le FIVA puisse décider lui même de faire bénéficier les victimes des majorations d'indemnisation liées à la faute inexcusable, sans que l'intervention d'un tribunal ne soit nécessaire. Il a estimé que le financement d'une telle mesure, qui bénéficierait directement aux victimes les plus touchées et à leurs familles, pourrait être assuré par le recentrage du FCAATA sur les victimes de pathologies déclarées.

M. Nicolas About, président , a confirmé que le rapport de la Cour des comptes se trouvait bien sous embargo jusqu'à sa présentation officielle devant la commission. Il appartiendra à celle-ci de se prononcer ensuite sur le bien-fondé de sa publication. Il a également indiqué que, dès lors que ses conclusions étaient désormais connues, la Cour des comptes était naturellement déliée de toute obligation de confidentialité à dater de ce jour.

M. Bernard Cieutat, président de la 6e chambre , a indiqué que le FCAATA, à l'inverse du FIVA, n'est pas un établissement public et se trouve placé sous la responsabilité conjointe de la sécurité sociale et de la caisse des dépôts et consignations, ce qui suscite d'inutiles complications juridiques et financières. Il a regretté le retard pris dans la parution du décret prévu à l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 relatif à la nouvelle contribution des entreprises au financement des fonds de l'amiante. S'agissant plus particulièrement de la gestion quotidienne du FIVA, il a insisté sur la lenteur des délais d'indemnisation, qui s'établissent en moyenne à six mois, et sur la mise en oeuvre tardive des tableaux de bord permettant de disposer de ces informations. Sur la question de l'hétérogénéité des décisions rendues par les tribunaux en matière d'indemnisation, il a suggéré plusieurs pistes de réflexion : la diffusion du barème du FIVA dans les tribunaux, une meilleure information sur la progressivité des indemnisations et la création d'une cour d'appel unique pour ce contentieux spécifique.

M. Gérard Dériot, rapporteur , s'est enquis des difficultés éventuelles rencontrées par la Cour dans l'élaboration de son rapport et a souhaité savoir si les organismes auprès desquels elle a enquêté ont pleinement collaboré.

Relevant, par ailleurs, que l'une des principales recommandations du rapport propose de recentrer le bénéfice de l'ACAATA (allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante) pour affecter les sommes ainsi économisées à une meilleure indemnisation des victimes de l'amiante par le FIVA, il s'est interrogé sur les modalités pratiques d'une telle réforme.

En préalable, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a fait valoir que les recommandations émises par la Cour des comptes dans le cadre de ce rapport diffèrent de celles de ses rapports « traditionnels » : dans la mesure où elles s'adressent au Parlement, elles doivent être appréciées comme des éléments de réflexion soumis à l'examen du Sénat.

M. Bernard Cieutat, président de la 6e chambre , a indiqué que la Cour des comptes ne s'est heurtée à aucune difficulté particulière et que plusieurs associations, ainsi que le FIVA, ont été auditionnées à leur demande. Sur la question du recentrage du FCAATA, il a considéré que la réduction des dépenses permettrait d'améliorer le barème d'indemnisation et estimé le coût d'une telle réforme à 150 millions d'euros à l'horizon 2006-2007.

Relevant que la Cour des comptes propose d'instituer une cour d'appel unique pour connaître de l'ensemble du contentieux d'appel des offres d'indemnisation, M. Gérard Dériot, rapporteur , a demandé si les craintes formulées par les associations de victimes sur le risque d'éloignement des plaignants et de la justice ne sont pas justifiées.

Il a, par ailleurs, pris acte des observations de la Cour sur les particularités des règles d'indemnisation des victimes de l'amiante, au regard des modalités d'indemnisation des autres risques professionnels. Il a souhaité savoir s'il convient d'envisager, à court terme, une réparation intégrale du préjudice subi par toutes les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, et ce, malgré son coût.

M. Gérard Dériot, rapporteur , a enfin demandé quel est l'avis de la Cour sur l'hypothèse d'un rapprochement du FIVA avec les autres organismes d'indemnisation afin de réaliser des économies de gestion, sachant que les victimes demeurent attachées au maintien d'un dispositif spécifique pour l'amiante.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a considéré que les avantages de l'instauration d'une juridiction d'appel unique, au regard du principe d'équité, l'emportent à son sens sur les inconvénients administratifs et les complications qu'elle pourrait entraîner pour les plaignants.

M. Bernard Cieutat, président de la 6e chambre , a estimé qu'au total les recommandations de la Cour apparaissent globalement favorables aux victimes.

M. Christian Babusiaux, conseiller maître , s'est prononcé en faveur de la suppression de l'implication de la Caisse des dépôts et consignations dans le FIVA. Sur la question du maintien de règles d'indemnisation particulières pour les victimes de l'amiante, il a estimé que le contexte historique difficile des premiers conflits entre les victimes cherchant à faire reconnaître leur préjudice et les caisses d'assurance maladie, qui avait justifié cette exception dans le passé, n'apparaît plus aujourd'hui fondé.

Mme Michelle Demessine a estimé que le travail réalisé par la Cour des comptes sera utile à la représentation nationale, mais que le débat sur les spécificités des règles d'indemnisation des victimes de l'amiante ne doit pas occulter la spécificité même de ces préjudices. Elle a précisé que la problématique de la clé de répartition des dépenses entre l'État et la sécurité sociale ne sera pas clarifiée tant que les contours exacts de la responsabilité des pouvoirs publics ne seront pas précisés. Elle a estimé qu'envisager le recentrage éventuel du champ d'application du FCAATA traduit implicitement une volonté de réaliser des économies qui ne prend pas en compte l'existence d'autres modes de financement possibles. Elle a jugé sous-évalué le chiffre avancé de 10 % seulement des bénéficiaires du FCAATA souffrant de pathologies avérées liées à l'amiante, d'autant qu'il semble prématuré d'établir un jugement définitif sur ce point, alors que le dispositif n'a été créé qu'en 2000. Reconnaissant que le tarissement progressif des dispositifs de préretraite est de nature à encourager les employeurs à détourner le FCAATA de son objet, elle a mis en cause le fait que certaines grandes entreprises se sont débarrassées du problème de l'amiante en filialisant, puis en revendant celles de leurs unités concernées par le problème.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a estimé que les propositions de la Cour sur la clé de répartition des dépenses comportent nécessairement une dimension politique et que la décision politique qui interviendra pour régler cette question reposera inévitablement, in fine, sur des éléments d'opportunité.

M. Bernard Cieutat, président de la 6e chambre , a relevé que la participation de l'État à l'effort global d'indemnisation de l'amiante correspond à peu près à sa part de responsabilité en tant qu'employeur : 15 % des bénéficiaires du FIVA ont travaillé pour des entités publiques. Il a insisté sur les problèmes posés tout à la fois par l'assiette de ces financements, en indiquant que la Cour des comptes se prononcerait plutôt en faveur d'une contribution budgétaire, et par le caractère aléatoire des recettes reposant sur les droits du tabac, dans un contexte de diminution de la consommation. En réponse à Mme Michelle Demessine, il a indiqué, d'une part, que le groupe ALSTOM est expressément cité dans le rapport de la Cour des comptes, d'autre part, que le chiffre de 10 % de malades déclarés parmi les bénéficiaires du FCAATA a été fourni par les gestionnaires du fonds eux-mêmes.

M. Roland Muzeau a estimé que les travaux de contrôle conduits par le Sénat, notamment les auditions réalisées par la mission d'information commune sur l'amiante, permettent d'établir la responsabilité flagrante de l'État dans les retards qui ont débouché sur l'interdiction très tardive de ce produit en France. Soulignant que ce problème majeur de santé publique risque de causer, au cours des prochaines décennies, plus de 100.000 victimes et toucher au total près de 600.000 personnes, il a fait part de sa préoccupation quant au faible nombre de demandes de recours en subrogation du FIVA - 61 dossiers au total à ce jour. Il a critiqué l'attitude du mouvement des entreprises de France (MEDEF) et jugé que les réticences de l'État sur ce dossier s'expliquent en grande partie par les erreurs qu'il a lui même commises en tant qu'employeur. Sur la question de la création d'une cour d'appel unique, il s'est inquiété de la perspective d'un éloignement de la justice pour les victimes. Il a également demandé si la chancellerie ne chercherait pas à bloquer l'instruction des plaintes contre l'État devant les juridictions pénales.

Après avoir reconnu que les recours subrogatoires semblent ne pas bien fonctionner, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a estimé que si on ne crée pas une juridiction d'appel unique, l'unification de la jurisprudence des tribunaux français risque de n'intervenir qu'après le décès de la plupart des personnes atteintes des pathologies liées à l'amiante.

M. Bernard Cieutat, président de la 6e chambre , a précisé qu'en pratique, le mécanisme de recours subrogatoire est très difficile à mettre en oeuvre : au 31 décembre 2004, onze décisions de justice seulement ont été rendues sur cette base, pour un montant global de 57.000 euros. Le FIVA ne considère donc pas cette procédure comme une priorité.

En réponse à la question de M. Roland Muzeau sur l'attitude du ministère de la justice, M. Christian Babusiaux , conseiller maître, a précisé que les aspects relatifs au contentieux pénal ne figuraient pas dans le champ de la saisine de la Cour des comptes.

Après avoir souligné l'importance et la qualité de la contribution apportée par la Cour des comptes sur ce dossier majeur de santé publique, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président de la mission commune d'information du Sénat sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante , a fait observer que la question de la recherche d'une responsabilité pénale de l'État correspond à une volonté très forte des victimes d'identifier un coupable et à une critique des dispositions de la loi « Fauchon » relative à la définition des délits non intentionnels. S'agissant de la clé de répartition à instituer entre les dépenses de l'État et celles de la sécurité sociale, il a souhaité que les travaux de la Cour des comptes permettent d'éclairer utilement la représentation nationale, tout en observant qu'il sera difficile de différencier ce qui correspond à l'État employeur et ce qu'il convient d'attribuer à la responsabilité générale des pouvoirs publics. Il a relevé par ailleurs l'hétérogénéité des décisions rendues par les tribunaux en matière d'indemnisation et indiqué que, compte tenu du délai très long entre le moment où les victimes sont exposées à l'amiante et la date à laquelle elles déclarent une pathologie, il convient de relativiser le chiffre de 10 % de malades parmi les bénéficiaires du FCAATA.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a souligné que la Cour des comptes a mis en avant ce chiffre avec les réserves d'interprétation qui s'imposent.

M. Nicolas About, président , a indiqué que le calcul de l'indemnisation du préjudice est fonction de la gravité de la pathologie, mais aussi d'autres considérations tenant à la situation personnelle de la victime.

M. Bernard Cieutat, président de la 6e chambre , a précisé que la définition d'une clé de répartition entre les dépenses relevant de l'État et celles imputables à la sécurité sociale est une question politique, qui relève notamment de la compétence du législateur.

M. Christian Babusiaux, conseiller maître , a indiqué que le système de subrogation apparaît tout à la fois lourd et compliqué et que les procédures d'appel en ralentissent encore l'effectivité. Dans ces conditions, il lui semble opportun de reconnaître au FIVA la mission d'évaluer lui-même le préjudice.

M. François Autain a accueilli favorablement la perspective d'une indemnisation plus rapide prenant en compte la notion de faute inexcusable, tout en se demandant si l'engagement de poursuites pénales ne deviendrait pas, de ce fait, impossible pour les victimes. Sur la question des différences d'indemnisation, il s'est demandé s'il convient de mettre en cause les appréciations divergentes des juges ou, plutôt, la difficulté pour les experts à se mettre d'accord.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a estimé que les divergences de jugement constatées s'expliquent par la combinaison de ces facteurs.

M. Christian Babusiaux, conseiller maître , a regretté que les entreprises responsables de l'exposition de leurs salariés à l'amiante ne soient pas davantage pénalisées financièrement, ce qui aboutit implicitement à mutualiser, sur l'ensemble de l'économie nationale, la charge de l'indemnisation de ce drame. Il a indiqué que, compte tenu de la progression rapide des dépenses et de l'augmentation importante de la part relative de l'amiante au sein des accidents et des maladies professionnels, la tendance à la forfaitisation du financement de cette branche de la sécurité sociale ne fera que s'accentuer à l'avenir.

Mme Sylvie Desmarescaux a noté que la diversité des jugements en matière d'indemnisation se constate aussi bien dans son seul département, le Nord, qu'au niveau national.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , a reconnu que la création d'une cour d'appel unique suppose tout à la fois des moyens matériels et financiers nouveaux, ainsi qu'une réorganisation partielle du service public de la justice.

II. COMMUNICATION DE M. GÉRARD DÉRIOT, RAPPORTEUR

Puis la commission a entendu une communication de M. Gérard Dériot sur le rapport « fonds de l'amiante » de la Cour des comptes .

Après avoir observé que la commission a utilisé pour la première fois le droit qui lui est reconnu par le code des juridictions financières de demander des enquêtes à la Cour des comptes sur les conditions d'application des lois de financement de la sécurité sociale, M. Gérard Dériot, rapporteur , a précisé que les magistrats financiers lui ont remis leurs conclusions voici quatre semaines et que la grande qualité de ce travail justifie pleinement de renouveler cette démarche, qui répond pleinement à la mission de contrôle du Parlement.

Les conclusions de l'étude sur l'indemnisation des victimes de l'amiante devraient permettre d'analyser les raisons de la dégradation continue de la situation financière de la branche AT-MP de la sécurité sociale, qui semble s'expliquer, en grande partie, par l'augmentation des versements qu'elle effectue au FCAATA et au FIVA.

Rappelant le niveau des montants en jeu (le versement de la branche au FCAATA s'est accru de 20 % en 2004 pour atteindre plus de 600 millions d'euros, tandis que le versement au FIVA a doublé sur la même période et s'élève à 200 millions d'euros), il a considéré que le rythme d'évolution très rapide de ces dépenses et leur impact sur l'équilibre financier de la branche justifient, à tout le moins, l'enquête commandée par la commission à la Cour des comptes.

Il a précisé qu'outre les enjeux financiers, la commission est également attentive à la qualité de l'indemnisation perçue par les victimes de l'amiante. A ce titre, il a observé que, même si la loi instaurant le FIVA avait pour objectif d'accorder aux victimes une compensation intégrale du préjudice subi, l'évaluation de celle-ci n'est pas chose aisée, comme en témoignent l'adoption difficile du barème d'indemnisation du FIVA et la diversité des indemnisations accordées par les tribunaux lorsqu'ils sont saisis. Il a considéré que le souci de maîtriser les dépenses engagées au titre de l'amiante ne doit pas se traduire par une moindre indemnisation des victimes.

M. Gérard Dériot, rapporteur , a souhaité que le rapport de la Cour alimente les réflexions de la commission à l'occasion des prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale et contribue également utilement aux travaux de la mission commune d'information sur le bilan de la contamination par l'amiante créée par le Sénat en janvier dernier.

Il a fait part ensuite des réflexions critiques que lui inspire la lecture des conclusions de ce rapport.

En ce qui concerne l'éventualité d'un recentrage du FCAATA afin de dégager des marges de manoeuvre financières pour améliorer l'indemnisation versée par le FIVA aux victimes de l'amiante, il a jugé qu'il convient d'engager une réflexion approfondie, dans la mesure où le FCAATA bénéficie désormais à certains salariés qui ne développeront, en réalité, aucune pathologie liée à l'amiante. Il a estimé que l'introduction de critères d'attribution de l'ACAATA (allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante) plus stricts pourrait être de nature à satisfaire le double objectif de maîtrise de la dépense publique et de promotion du principe d'équité en matière d'indemnisation.

M. Gérard Dériot, rapporteur , a considéré qu'une meilleure indemnisation par le FIVA permettrait, en outre, de réduire le nombre de recours intentés devant les tribunaux, qui demeurent importants, de nombreuses victimes choisissant en effet d'engager des actions pour faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, de façon à bénéficier de l'indemnisation majorée qui est alors versée. Il s'est déclaré favorable à l'idée de porter les indemnisations versées par le FIVA au niveau des indemnisations accordées en cas de faute inexcusable de l'employeur, ce qui rendrait inutiles de nombreux recours juridictionnels.

Il a estimé cependant que les modalités du recentrage du FCAATA suggéré par la Cour des comptes restent à définir. Aller jusqu'à limiter le bénéfice de l'ACAATA aux seules personnes reconnues atteintes d'une maladie professionnelle causée par l'amiante risquerait, en effet, de créer d'autres injustices : certaines maladies de l'amiante, le mésothéliome notamment, entraînent le décès du patient à brève échéance, environ dix-huit mois, et même si l'allocation devait être versée dès l'apparition des premiers symptômes, la victime ne bénéficierait que d'une courte période de préretraite. Or, la logique de l'ACAATA consiste justement à faire bénéficier d'une période de retraite plus longue les salariés dont l'espérance de vie est potentiellement réduite par leur exposition à l'amiante.

Il a précisé qu'une autre voie consisterait à rechercher, à l'intérieur de chaque établissement, les salariés qui ont véritablement été au contact de l'amiante et à leur réserver le bénéfice de l'ACAATA, ce qui reviendrait, par exemple, à exclure les employés administratifs d'établissements produisant de l'amiante, mais qui n'étaient pas amenés à manipuler le produit. Or, cette démarche se heurterait à des difficultés pratiques difficilement surmontables, comme la nécessité d'établir avec précision les fonctions occupées par chaque salarié au sein de l'entreprise, parfois plusieurs dizaines d'années auparavant. Il en a conclu que cette réflexion doit être approfondie, afin de trouver des modalités d'attribution de l'ACAATA qui permettent de suivre les recommandations de la Cour, sans créer de nouvelles injustices.

Sur la question de la diversité des montants accordés aux victimes en appel des offres d'indemnisation faites par le FIVA, il a relevé que certains tribunaux accordent des indemnités nettement supérieures à celles du FIVA, ce qui constitue assurément un encouragement à la multiplication des recours contentieux, ainsi qu'une source d'inégalités entre les victimes. La réflexion de la Cour des comptes sur la centralisation de ce contentieux auprès d'une cour d'appel unique, pour unifier la jurisprudence, lui semble donc de nature à mieux encadrer la liberté d'appréciation des magistrats, même si, comme le soulignent les associations de victime, une telle mesure irait à l'encontre de l'objectif de proximité entre les plaignants et la justice.

Concernant le financement de l'indemnisation, il a pris acte du caractère variable des contributions de l'État au FCAATA et au FIVA, fixées chaque année en loi de finances. Il a considéré qu'au minimum, l'État devrait assumer chaque année la charge financière correspondant à sa responsabilité en tant qu'employeur de personnes victimes de l'amiante.

Il a observé que le rapport de la Cour des comptes met également en évidence la difficulté de faire contribuer les employeurs qui sont à l'origine de la contamination à la hauteur de leur implication réelle dans ce drame : si la condamnation d'un employeur pour faute inexcusable l'oblige en principe à rembourser les sommes engagées au titre de l'indemnisation, le délai de latence très long des maladies de l'amiante conduit souvent le juge à constater a posteriori que l'entreprise responsable n'existe plus. M. Gérard Dériot, rapporteur , a déploré en outre que des règles complexes de prescription et de mutualisation rendent, en pratique, très difficile la récupération de ces sommes auprès des employeurs.

Estimant que la solidarité nationale doit garantir à chaque victime de l'amiante une indemnisation satisfaisante, quelle qu'ait pu être l'origine de sa contamination, il a regretté que les employeurs directement responsables ne participent pas davantage à l'effort d'indemnisation. Il a souligné qu'une prise en charge des risques professionnels reposant principalement sur la collectivité n'est pas de nature à encourager les entreprises à mettre en oeuvre des politiques ambitieuses de prévention. Dans ce contexte, il s'est félicité que le Gouvernement ait pris l'initiative d'engager des travaux préliminaires devant conduire à une réforme de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, destinée à satisfaire cet objectif.

Il a ensuite observé que l'analyse des conditions d'indemnisation des victimes de l'amiante invite à réfléchir aux modalités de réparation de l'ensemble des risques professionnels. Si des considérations politiques, associées à la pression de l'opinion publique et des médias, ont conduit à ce que des règles d'indemnisation intégrale favorables soient introduites pour l'amiante, il a rappelé que les salariés victimes d'autres substances chimiques toxiques ou d'accidents graves doivent se contenter de l'indemnisation forfaitaire traditionnellement versée par la branche AT-MP de la sécurité sociale. M. Gérard Dériot, rapporteur , a fait valoir qu'on peut légitimement plaider, de ce fait, en faveur d'une réparation intégrale des préjudices causés par l'ensemble des accidents du travail et des maladies professionnelles. Mais il a relevé que le coût d'une telle réforme serait très élevé et pourrait atteindre 3 milliards d'euros pour le seul régime général. Il en a conclu que la question de l'effort financier que la collectivité est prête à engager pour assurer une meilleure indemnisation des risques professionnels se trouve ainsi posée.

Au terme de son propos, il a proposé à la commission d'autoriser la publication du rapport établi par la Cour des comptes, accompagné d'un court avant-propos reprenant les réflexions qu'il vient de livrer.

Après avoir relevé les avantages et les inconvénients de la création d'une cour d'appel unique pour traiter du contentieux de l'amiante, Mme Sylvie Desmarescaux s'est inquiétée de la faiblesse des indemnisations perçues par les premières victimes de l'amiante.

M. Jean-Pierre Godefroy a souhaité connaître la date de publication du rapport de la commission, annexé des travaux de la Cour des comptes, et a souhaité la transmission officielle de ce document à l'Assemblée nationale qui vient, à son tour, de constituer une mission d'information sur l'amiante. Sur la question de la création éventuelle d'une cour d'appel spécialisée, il s'est demandé si cette juridiction pourrait être itinérante, afin d'en simplifier l'accès aux victimes.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a souligné que le rapport de la Cour des comptes repose sur une approche exclusivement financière et que les logiques du FIVA et du FCAATA sont totalement différentes. Il a enfin souhaité que la publication de ce rapport n'entretienne pas la confusion entre les travaux de la commission des affaires sociales et ceux de la mission commune d'information du Sénat, ni avec le rapport annuel de la Cour des comptes.

M. François Autain a souhaité qu'au nom de l'équité, on ne s'avise pas de ramener l'indemnisation des victimes de l'amiante au niveau traditionnellement forfaitaire des accidents du travail, afin de tenir compte de la spécificité du drame qu'a constitué la contamination par l'amiante de plusieurs milliers de salariés.

La commission a ensuite approuvé la publication du présent rapport, assorti du rapport de la Cour des comptes sur la question de l'indemnisation des conséquences de l'utilisation de l'amiante .

ANNEXE
RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES
RELATIF À L'INDEMNISATION DES CONSÉQUENCES
DE L'UTILISATION DE L'AMIANTE

COMMUNICATION A LA COMMISSION

DES AFFAIRES SOCIALES

DU SENAT


art. L. 132-3-1 du code des juridictions financières


L'INDEMNISATION DES CONSEQUENCES
DE L'UTILISATION DE L'AMIANTE

Les fonds d'indemnisation et les dépenses de la branche des accidents
du travail et maladies professionnelles du régime général

MARS 2005

PRÉSENTATION

Quatre éléments ont concouru à faire de l'indemnisation des victimes de l'amiante une question importante en termes politiques et financiers.

Le nombre et la place croissante des maladies professionnelles dues à l'amiante en sont un facteur essentiel. En 1993, pour ce qui concerne les assurés relevant du régime général, 544 maladies professionnelles, soit 8% du total des maladies professionnelles avaient été reconnues comme étant dues à l'amiante. En 2002, ce sont 4494 maladies professionnelles qui sont attribuées à l'amiante, soit 14% de toutes les maladies professionnelles, en deuxième rang après les troubles musculo squelettiques.

Nombre et proportion des maladies dues à l'amiante parmi les maladies professionnelles (régime général)

Source : CNAMTS statistiques des accidents du travail, des accidents de trajet et des maladies professionnelles (année 2002)

L'évolution en France est d'autant plus préoccupante si on la replace dans un contexte international. Selon un rapport américain 3 ( * ) , 54Mds de dollars US ont déjà été dépensés aux Etats-Unis pour l'indemnisation des victimes de l'amiante dont la moitié en indemnités transactionnelles. 65% des indemnités auraient concerné des victimes d'affections non malignes. Le coût total serait estimé entre 200 et 265Mds$. Le nombre de faillites à lui imputer aurait été de 16 dans les années 80, 18 dans les années 90, 22 entre janvier 2000 et le printemps 2002.

Le mode de développement des maladies de l'amiante et les caractéristiques de certaines d'entre elles contribuent à rendre difficile une objectivation de ce dossier. Ces maladies peuvent ne se développer qu'après un temps de latence d'une trentaine d'années. Certaines sont mortelles dans l'année de la découverte des premiers symptômes et les souffrances sont parfois extrêmes. Si dans 70% des cas il s'agit de lésions pour lesquelles le pronostic vital n'est pas normalement en cause, notamment les plaques pleurales, l'amiante n'en est pas moins associée à plus de 2500 décès professionnels par an.

La troisième cause de l'importance politique de ce dossier réside dans l'insuffisante prise en compte de la dangerosité de l'amiante par les entreprises et les pouvoirs publics qui a longtemps prévalu.

Enfin, les modalités d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles sont de plus en plus contestées, notamment au regard des pratiques étrangères et des modalités d'indemnisation spécifiques récentes : victimes de la circulation (loi du 5 juillet 1985), d'infractions (loi du 3 janvier 1997), d'actes de terrorisme (loi du 9 septembre 1986), ou encore des transfusions sanguines (loi du 31 décembre 1991). Les victimes sont tentées de recourir aux tribunaux, d'autant plus enclins à les entendre qu'ils estiment les modalités d'indemnisation des maladies professionnelles obsolètes.

I- TOUTES LES MALADIES DE L'AMIANTE N'ONT PAS LA MÊME DANGEROSITÉ

La Cour n'a évidemment pas compétence pour se prononcer sur la gravité respective des différentes affections liées à l'amiante. Il est cependant nécessaire à la compréhension des développements qui suivent de récapituler les principales informations disponibles.

L'exposition à l'amiante est dangereuse pour l'appareil respiratoire. Mais toutes les maladies de l'amiante n'ont pas la même dangerosité. Les principales pathologies respiratoires associées à l'exposition à l'amiante sont :

- la pathologie maligne (mésothéliome, cancer broncho-pulmonaire).

- l'asbestose ;

- la pathologie pleurale bénigne (plaques pleurales, épaississements pleuraux localisés ou diffus) ;

Ces affections ont en commun :

- un temps de latence le plus souvent élevé, qui peut se compter en dizaines d'années, entre le début de l'exposition et les premières manifestations radio cliniques ;

- la persistance du risque toute la vie durant ;

- l'absence fréquente de traitement curatif.

Mais leur pronostic diffère considérablement. Il est très mauvais pour le mésothéliome, la plupart des patients mourant dans l'année suivant le diagnostic, et mauvais pour les formes non opérables de cancer broncho-pulmonaire. Le pronostic est intermédiaire pour l'asbestose, qui expose au risque d'insuffisance respiratoire. Enfin, la mortalité est faible ou nulle pour les plaques pleurales. Leur présence ne semble pas indiquer un niveau d'exposition particulier, ni constituer un facteur de risque supplémentaire d'asbestose, de cancer broncho-pulmonaire ou de mésothéliome. L'existence de plaques pleurales calcifiées ne correspond pas à un risque accru de dégénérescence maligne si on compare ce risque avec celui que court une personne exposée dans les mêmes conditions et qui ne présente pas de plaques pleurales 4 ( * ) .

L'évolutivité des plaques pleurales est lente ou nulle mais il n'existe aucun traitement.

L'âge moyen des victimes de l'amiante s'établit à 64 ans selon les données annexées au rapport d'activité du FIVA pour 2002-2003.

Répartition par tranche d'âge des dossiers de victimes

En 2003

âge moyen des victimes non décédées

âge moyen des victimes décédées

Age moyen des victimes

Asbestose

67

69

67

Plaques pleurales

65

71

65

Autres lésions pleurales

64

66

64

Mésothéliome

64

64

64

Autres tumeurs pleurales

60

59

59

Cancers broncho-pulmonaires

62

62

62

Maladie non précisée

65

62

64

Source : rapport d'activité du FIVA

II- DÉNOMBREMENT DES MALADIES DE L'AMIANTE

L'évaluation des coûts humain et financier suppose que les effectifs concernés soient connus ou évalués avec précision. Trois documents font autorité, un rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) publiée en 1996 relatif aux effets sur la santé des principaux types d'exposition à l'amiante, une étude parue dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) n° 50 de 1999 relative à l'estimation de la prévalence de l'exposition professionnelle à l'amiante des retraités récents (1994-1996) et un rapport de l'InVS sur l'évolution de l'incidence et de la mortalité par cancer publiée en 2003.

Le rapport de l'INSERM publié en 1996 5 ( * ) soulignait que « l'accroissement considérable de la production et des utilisations industrielles de l'amiante qui a commencé au début du siècle a été accompagné dans les années suivantes d'une « épidémie » majeure de fibroses pulmonaires, de cancers du poumon et de mésothéliomes parmi les travailleurs directement exposés. » Elle indique qu'entre 1968 et 1996, la croissance de l'incidence du mésothéliome est constante et stable chez les hommes (+ 4,3%) et chez les femmes (+ 2,8%). Elle estimait à 750 le nombre de décès par mésothéliome en 1996.

L'étude objet du BEH n°50 de 1999, portant sur la proportion des retraités français ayant été exposés à l'amiante, estime aux alentours de 25% la proportion des hommes de 55 ans et plus qui ont été exposés à l'amiante au cours de leur vie professionnelle. L'estimation de la durée moyenne d'exposition est de 14,6 années. Si l'on estime qu'un tiers des retraités exposés l'ont été durant moins de cinq ans, 29 % ont subi une exposition à l'amiante plus de 20 années au cours de leur vie professionnelle. Le risque de survenue d'une pathologie pulmonaire tumorale liée à l'amiante est lié à la dose cumulée inhalée qui est elle-même étroitement liée simultanément au niveau d'exposition aux fibres d'amiante et à la durée de cette exposition. Or cette étude n'apporte pas d'information sur le niveau d'intensité d'exposition aux fibres d'amiante, ce qui l'amène à émettre l'hypothèse que « des durées d'exposition de plus de 20 ans engendrent vraisemblablement des niveaux cumulés élevés et des risques de survenue d'une pathologie attribuable à l'exposition à l'amiante non négligeables. »

Le rapport de l'InVS 6 ( * ) rédigé en 2003 sous la direction du docteur Imbernon souligne le manque d'études disponibles au niveau international et en France visant à évaluer quantitativement la proportion et le nombre de maladies attribuables à des facteurs professionnels. En effet l'évaluation du nombre de victimes se heurte à de redoutables problèmes.

Le premier handicap est que, contrairement à un accident du travail, une maladie professionnelle peut être connue avec un décalage important entre le fait générateur et le moment où l'affection se déclare. Dans le cas de l'amiante, la pathologie peut survenir près de 30 ans après l'exposition. Les conséquences en sont la difficulté à identifier avec certitude les circonstances de l'exposition au risque, que parfois le salarié a lui-même oubliées. Il en résulte probablement une sous déclaration importante de cette affection. Cette sous déclaration peut se trouver accrue par le fait que, pour certaines pathologies, les délais entre la mise en évidence et le décès sont suffisamment brefs pour que l'objectif d'une reconnaissance comme maladie professionnelle paraisse accessoire.

Le deuxième handicap réside dans le manque de fiabilité des informations statistiques. Celles qui sont disponibles restent très insuffisantes. Les données résultant du traitement des certificats de décès ne sont pas toujours suffisamment précises, au niveau tant de leur définition que de leur saisie. Elles ne sont d'autre part disponibles qu'avec retard, les bases INSERM disponibles sur internet s'arrêtant à l'année 2000 au moment de la présente enquête (avril 2004).

Le troisième handicap réside dans la difficulté à attribuer avec certitude une pathologie à l'exposition à l'amiante. Si le mésothéliome est une maladie spécifique à l'amiante, le cancer du poumon connaît bien d'autres causes, et en premier lieu le tabac. Il est difficile d'évaluer avec précision la part de ces cancers qui pourraient être dus à une exposition à l'amiante. Quand elle peut être mise en évidence, la présence de poussière d'amiante est un marqueur sûr, mais l'absence de mise en évidence ne peut pas être considérée comme une absence d'exposition. D'autre part, l'exposition à l'amiante peut se combiner avec d'autres. Il est généralement admis qu'une exposition à l'amiante, sans qu'en soit précisé le niveau, augmente de 50% les risques pour un individu de développer un cancer du poumon. On en déduit que, chez les personnes ayant été placées au contact de l'amiante et atteintes d'un cancer du poumon, dans un cas sur trois ce cancer est du à l'amiante, et a contrario dans deux cas sur trois ce cancer ne lui est pas dû 7 ( * ) . Il n'est pas possible de déterminer dans chaque cas d'espèce si le cancer est du à l'amiante, ce qui conduit à indemniser l'ensemble des victimes de cancer primitifs du poumon dont l'exposition à l'amiante a été reconnue.

A. PLACE DES MALADIES DE L'AMIANTE PARMI LES CANCERS

Les développements ci-dessous tentent de replacer les pathologies de l'amiante dans un environnement plus large, pour en apprécier le poids relatif en dépassant le phénomène de sous déclaration. Selon les pathologies les éléments disponibles sont plus ou moins précis.

1. Les mésothéliomes (1000/an)

Maladie étroitement corrélée à l'exposition à l'amiante -plus de 90 % des hommes ayant un mésothéliome ont eu une exposition professionnelle à l'amiante-, le mésothéliome est également celle pour laquelle les données sont les mieux connues. Un programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM) a été mis en place en 1998. Selon le document « mésothéliome de la plèvre » de l'InVS, les estimations basées sur les données recueillies entre 1998 et 2000 dans les 17 départements du PNSM conduisent à des chiffres de 608 nouveaux cas par an chez l'homme et 119 chez la femme. Ces 871 cas représentent 0,3 % de l'ensemble des cancers et situent cette pathologie, en termes de fréquence, au dernier rang des cancers étudiés.

D'autres facteurs de risque ont été évoqués : autres fibres, radiations, irritation pleurale chronique et virus SV40, mais le risque qui peut leur être attribué est tel que ces facteurs n'ont pas d'influence significative sur les tendances. On constate enfin une forte sous déclaration des mésothéliomes puisque, alors que le programme enregistre 871 mésothéliomes nouveaux par an, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) n'en enregistre que 310 reconnus et réglés au titre des affections professionnelles soit une sous déclaration de plus de 60% 8 ( * ) .

année 2000

Nombre de cas incidents et de décès par cancer, hommes et femmes

Source : étude de l'évolution de l'incidence et de la mortalité par cancer

2-Les cancers du poumon

Selon le rapport sur l'évolution de l'incidence et de la mortalité par cancer publié par l'INVS en 2003, le tabac est responsable de 80% des 21700 décès par cancers du poumon. Cependant, selon ce même rapport, « à l'origine des cancers du poumon, on trouve également d'autres causes acquises, notamment en matière professionnelle. La législation française a ainsi reconnu certaines expositions professionnelles comme étant à l'origine de cancers bronchiques, parmi lesquelles on peut citer les rayonnements ionisants, l'arsenic, l'amiante, les brais et goudrons de houille. »

En considérant que l'exposition à l'amiante augmente de 50% le risque de développer un cancer-broncho pulmonaire, la part des cancers de ce type attribuables à l'amiante serait de 12% pour les hommes âgés de 55 ans et plus, et de 7% pour la tranche d'âge 35-54 ans, soit 2087 décès par an chez les hommes de plus de 55 ans et 242 pour la tranche d'âge 35-54 ans. L'amiante serait responsable de 1 à 2% des décès tous cancers confondus et de 8% des cancers du poumon.

On relèvera cependant également la sous déclaration de cette maladie au titre des AT/MP. Au titre du tableau 30 bis cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante, 346 avaient été reconnus par le régime général en 2000.

L'évaluation de 4000 victimes par an qui a servi lors de la préparation du PLFSS 2001 ne parait pas quatre ans plus tard sous estimée.

3- Les pathologies qualifiées de bénignes (4000)

Les éléments d'évaluation des pathologies « bénignes », asbestose et plaques pleurales, sont encore moins développés. Seules existent les statistiques tenant aux reconnaissances en maladie professionnelle et aux indemnisations. En 2002, le régime général a reconnu 309 fibroses pulmonaires et 3167 plaques pleurales.

B. LES PATHOLOGIES ENREGISTRÉES PAR LE FIVA

En un an et demi de fonctionnement, le FIVA a reçu plus de 11 000 demandes. 97 % des victimes sont déjà reconnues au titre de la maladie professionnelle et la plupart d'entre elles relèvent du régime général (86,5 %). 3 % correspondent à des cas qui ne sont pas reconnus à titre professionnel (exposition environnementale, artisans...). Par ailleurs, l'immense majorité des dossiers concerne des hommes (93 %) situés dans la tranche d'âge de 51 à 70 ans (67,3 %). Enfin, on constate une forte disparité régionale, l'Ile de France, le Nord, la Bretagne et la Normandie représentant ainsi à eux seuls près de 60 % des demandes d'indemnisation.

C. LES MALADIES RECONNUES PAR LE RÉGIME GÉNÉRAL

Les insuffisances du suivi statistique des maladies professionnelles ont été identifiées et le rapport public particulier de la Cour relatif à la gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles concluait (page 44) que, « même dans le régime général une modernisation de ce système est nécessaire ». L'amélioration des statistiques fait d'ailleurs l'objet de dispositions dans le projet de convention d'objectifs et de gestion accidents du travail maladies professionnelles entre l'Etat et la CNAMTS.

Ce projet de convention prévoit en particulier la création d'une base de données permettant un suivi exhaustif des éléments fondamentaux sur la sinistralité permettant de suivre et de mettre en relation les caractéristiques des sinistres d'origine professionnelle, les caractéristiques des victimes, les prestations versées aux victimes et à leurs ayants droits, les caractéristiques des entreprises ainsi que la gestion des dossiers.

Il est également prévu la refonte de l'analyse statistique des causes et circonstances des accidents du travail par technique d'enquêtes détaillées sur échantillon. Par ailleurs, il est envisagé de constituer un échantillon permanent appliqué en priorité aux victimes de maladies professionnelles destiné à suivre l'évolution des victimes de maladies professionnelles ainsi que l'évolution du coût réel des pathologies d'origine professionnelle.

Par ailleurs et à un plan plus général, l'article L. 1413-3 (6°) du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 15 de la loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, a également confié à l'Institut de veille sanitaire (InVS) la mise en oeuvre d'un outil permettant la centralisation et l'analyse des statistiques sur les accidents du travail, les maladies professionnelles, les maladies présumées d'origine professionnelle et de toutes les autres données relatives aux risques sanitaires en milieu de travail. La direction des relations du travail a précisé dans sa réponse que des réunions de travail sur ce sujet ont d'ores et déjà été organisées et programmées entre les différentes administrations concernées.

Evolution du nombre des affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante reconnues par le régime général

Source : CNAMTS-DRP

Le nombre d'affections professionnelles reconnues au titre de l'amiante augmente très rapidement à compter de 1996. En 2002, les affections reconnues (4494) ont augmenté de 34% par rapport à 2001. Ces augmentations ne proviennent pas uniquement d'affections nouvelles. Elles tiennent aussi aux dispositions prises pour aider à la reconnaissance de ces maladies professionnelles, notamment en matière de levée de la prescription, et probablement à une amélioration des modalités d'indemnisation.

Ces statistiques montrent également que les plaques pleurales constituent une part essentielle du nombre de pathologies de l'amiante reconnues.

Une part essentielle des plaques pleurales parmi les pathologies reconnues par le régime général en 2003

Source : d'après les données CNAMTS

Les plaques pleurales constituent plus de 70% des maladies professionnelles des tableaux 30 et 30 bis reconnues en 2003

Evolution des maladies des tableaux 30 et 30bis reconnues

III- UNE DANGEROSITÉ TARDIVEMENT PRISE EN COMPTE

La dangerosité de l'amiante est connue depuis le début du XXème siècle, mais les mesures de prévention ont tardé à se mettre en place. L'interdiction de tout usage de l'amiante à compter du 1 e ` janvier 1997, a permis de stopper le flux d'amiante, substance très largement utilisée pour ses propriétés multiples dans plus de 3000 produits, mais n'a pas fait disparaître le risque. Il se manifeste encore aujourd'hui, en particulier lors d'intervention dans des bâtiments dont la construction a fait appel à des matériaux contenant de l'amiante. Les risques sont élevés dans de petites entreprises artisanales mais ne sont pas nuls dans les grandes. La situation en matière de prévention s'est améliorée mais elle n'est cependant pas encore optimale. Le décret n°96-98 du 7 février 1996 prévoit ainsi des règles spécifiques pour les activités de retrait d'amiante et toutes activités d'entretien et de maintenance sur des matériaux contenant de l'amiante. Ces dispositions devraient être renforcées sur certains aspects en 2005 dans le cadre de la transposition d'une directive européenne de 2003.

En 2004 a été organisée une campagne de contrôle ciblée sur les chantiers de désamiantage et l'attention des services déconcentrés devrait être de nouveau appelée dans le cadre de la directive nationale d'orientation sur la nécessité de poursuivre les efforts de contrôle en la matière en 2005. D'après le ministère du travail (MICAPCORP), en 2002, l'inspection du travail a, en matière d'amiante, prononcé 6611 observations, dressé 70 procès verbaux et intimé 30 arrêts de travaux. Les tribunaux, selon la même source ont prononcé 7 condamnations, dont 1 pour récidive ; 2 étaient des condamnations d'emprisonnement et 2 d'affichage ou publication.

A. LA RESPONSABILITÉ DE L'ETAT

Le Conseil d'Etat dans quatre arrêts du 3 mars 2004 reconnaît la responsabilité de l'Etat du fait de sa carence fautive à prendre les mesures de prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante.

Le Conseil d'Etat affirme tout d'abord que, si l'employeur est tenu de protéger la santé des travailleurs placés sous son autorité, il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle et d'arrêter, en l'état des connaissances scientifiques, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers.

Partant de ce principe, le Conseil d'Etat relève que la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant que, alors que le caractère nocif des poussières d'amiante était connu de longue date et que leur caractère cancérigène avait été mis en évidence dès le milieu des années cinquante, les autorités publiques n'avaient entrepris, avant 1977, aucune recherche afin d'évaluer les risques pesant sur les travailleurs exposés à ces poussières d'amiante, ni pris de mesures aptes à éliminer ou à limiter les dangers.

Cette décision doit être mise en regard des décisions de février 2002 de la Cour de cassation pour apprécier la responsabilité des différents acteurs.

B. LE DISPOSITIF INSTITUTIONNELDES FONDS

Par deux fois les pouvoirs publics ont recouru à la création de « fonds » pour manifester l'intérêt particulier porté aux victimes de l'amiante.

La LFSS pour 1999 institue le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) pour financer l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (l'ACAATA) c'est-à-dire, une préretraite destinée aux travailleurs de l'amiante âgés de plus de 50 ans.

La LFSS pour 2001 crée le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) pour procéder à la réparation intégrale des préjudices subis par les personnes ayant obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante ou par les personnes ayant été directement exposées à l'amiante. L'objet du FIVA est la gestion d'un dispositif d'indemnisation alternatif à la voie judiciaire (TASS ou autre) des victimes de l'amiante, travailleur ou victime extra professionnelle (résidant à côté d'une usine...). Lorsqu'il est saisi avant la phase judiciaire, il s'agit d'un dispositif transactionnel.

L'indemnisation par le FIVA a été conçue comme une procédure simple, rapide et efficace. Elle ne nécessite pas le recours à un avocat. Outre une simplification de la procédure, les demandeurs qui établiront la matérialité d'une exposition à l'amiante et une atteinte à leur état de santé bénéficieront d'une réparation intégrale de leur préjudice. Le FIVA indemnise, selon le principe de la réparation intégrale, l'ensemble des victimes de l'amiante (salariés rattachés aux différents régimes de sécurité sociale, non salariés et victimes environnementales) ainsi que leurs ayants droit.

Pour les maladies professionnelles, l'indemnisation n'est subordonnée qu'à la reconnaissance de la maladie professionnelle par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Le régime de sécurité sociale alloue aux victimes les prestations dues au titre de la législation sur les maladies professionnelles. Le FIVA verse le complément pour parvenir à l'indemnisation intégrale.

La procédure doit être rapide, le fonds devant présenter son offre dans les 6 mois suivant sa saisine. Dès lors que la maladie est reconnue d'origine professionnelle, le salarié peut demander une avance qui, si elle est acceptée, lui sera faite dans le délai d'un mois. Dans la dernière période, compte tenu de la surcharge des services financiers, cette avance n'était plus faite que pour les pathologies cancéreuses.

La réparation est efficace. Comme, de par la loi, elle est « intégrale », elle est plus avantageuse que celle dont bénéficierait la victime d'un risque professionnel autre que l'amiante. Elle est d'autre part équitable. Tous les salariés, quel que soit leur employeur, sont indemnisés sur les mêmes fondements.

Pour l'entreprise, elle est peu coûteuse : le financement du fonds d'indemnisation est assuré par l'une des majorations forfaitaires qui s'ajoutent au « taux brut » traduisant le risque au titre des accidents du travail et maladies professionnelles propre à l'entreprise. Le taux des majorations entrant ainsi dans le « taux net » de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est fixé par arrêté ministériel. Il est donc commun à l'ensemble des entreprises quel que soit le nombre de leurs salariés concernés par les divers dispositifs ainsi financés. Ce dispositif devrait limiter les risques de condamnation de l'entreprise pour faute inexcusable dès lors que les victimes ont obtenu réparation de leurs préjudices dans des conditions favorables, par le biais du fonds. Le législateur a cependant fait obligation au fonds d'agir en justice pour rechercher la faute inexcusable de l'employeur afin de prévenir le risque d'une indemnisation moins favorable que celle qui aurait pu, en certains cas, être obtenue par la victime si elle était allée directement devant les tribunaux et avait obtenu la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

La réparation intégrale, assurée par le FIVA, intègre les indemnisations servies par les organismes de sécurité sociale directement à la victime et qui couvrent une partie des préjudices subis. En revanche, pour les victimes non couvertes par ces régimes (artisans, professions libérales, victimes de la présence d'amiante dans leur environnement...), c'est le FIVA qui verse l'intégralité des sommes assurant la réparation intégrale des préjudices.

En cas de recours du FIVA sur le fondement de la faute inexcusable, c'est la CPAM qui est tenue de verser le complément pour faute inexcusable au FIVA, à charge pour la caisse de se retourner contre l'employeur quand rien ne s'y oppose.

L'intervention du FIVA apparaît ainsi comme un complément, pas comme une substitution. S'il a vocation à connaître de l'ensemble des actions qui touchent à l'indemnisation des victimes de l'amiante, il n'est pas le seul à les prendre en charge et la victime conserve la possibilité d'aller directement devant le juge pour faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.

Sous un même vocabulaire de « fonds », les deux réalités sont très différentes. L'un le FCAATA est un fonds ad-hoc sans personnalité juridique, l'autre le FIVA est un établissement public administratif. Il reste cependant en commun au FCAATA et au FIVA de constituer des réponses ponctuelles compliquant les situations juridiques, instaurant des inégalités entre les victimes d'accidents et maladies professionnelles selon qu'ils ont été victimes de l'amiante ou d'autres facteurs de risques, là où une réforme globale aurait été souhaitable.

LE FCAATA (750M€ EN 2005)

Le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) est un fonds ad hoc, sans personnalité juridique, créé par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 9 ( * ) pour financer l'allocation de cessation anticipée d'activité, c'est-à-dire une préretraite, destinée aux travailleurs de l'amiante âgés de plus de 50 ans, instituée par la même loi. Il constitue une première réponse institutionnelle aux victimes de l'amiante.

Le dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) était initialement ouvert aux personnes atteintes d'une maladie professionnelle liée à l'amiante et aux personnes ayant travaillé dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante au motif que leur espérance de vie serait réduite par cette exposition.

Selon la loi, les ressources proviennent d'une part d'une contribution de l'Etat, d'autre part d'une contribution de la branche AT/MP 10 ( * ) .

I. UNE ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE EXCESSIVEMENT COMPLEXE

Un décret 99-247 du 29 mars 1999 fixe les modalités de fonctionnement de ce fonds. L'article 6 de ce décret confie la gestion du fonds à la caisse des dépôts et consignations (CDC) mais, de par la loi, l'allocation est attribuée et servie par les caisses régionales d'assurance maladie.

Le dispositif qui en résulte est complexe.

La caisse des dépôts et consignations, établissement de Bordeaux :

• centralise la rétrocession annuelle de droits sur le tabac faite au FCAATA au titre de la participation de l'Etat au fonctionnement du fonds,

• verse aux régimes de retraite complémentaire (ARRCO, AGIRC, IRCANTEC) les cotisations dues par les bénéficiaires de l 'ACAATA ;

• verse deux fois par an à la CNAM/AT-MP son solde semestriel des opérations sur le FCAATA s'il est positif, sinon procède à un appel de fonds auprès de la CNAM/AT-MP.

La branche AT-MP :

• via les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), gère les dossiers d'admission et verse les ACAATA aux bénéficiaires, après avoir précompté les cotisations maladie et les contributions sociales (CSG et CRDS) ;

• verse à la CNAV les cotisations d'assurance volontaire vieillesse dues par les salariés non-agricoles bénéficiaires de l'ACAATA ;

• avance au FCAATA le financement nécessaire dans la limite de la contribution fixée en LFSS.

Les opérations comptables sont retracées pour une partie par la CDC/Bordeaux et pour l'autre partie par la CNAM/AT-MP et la CCMSA. La caisse des dépôts et consignations assure également le secrétariat des réunions du conseil de surveillance. L'essentiel des travaux statistiques reposent depuis 2001 sur la direction de la sécurité sociale sur la base d'informations que lui transmettent plusieurs services de la CNAMTS.

En confiant la gestion du FCAATA à la caisse des dépôts et consignations, les pouvoirs publics entendaient « éviter tout risque d'extension ultérieure du dispositif à l'ensemble des maladies professionnelles ou aux métiers pénibles » (note du cabinet du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 22 février 1999). Cette motivation a perdu de sa pertinence depuis l'adoption de l'article 12 de la loi 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Cet article prévoit en effet que, dans un délai de 3 ans les partenaires sociaux négocieront un dispositif de prise en charge de la pénibilité dans les conditions de départ à la retraite. Subsisterait alors le motif juridique officiellement invoqué selon lequel l'allocation n'est pas une prestation de sécurité sociale, mais les caisses de sécurité sociale gèrent de nombreuses prestations qui ne sont pas davantage des prestations de sécurité sociale. Dans sa réponse à la Cour, la DSS constate que le recours à la caisse des dépôts ne s'imposait pas et en reconnaît même les difficultés puisqu'elle ajoute « que les modalités pratiques de décaissements des fonds, rappelés par la Cour, atténuent considérablement l'inconvénient du recours à un organisme tiers. »

A. LE COÛT DU FCAATA POUR LA BRANCHE AT-MP

L'exposé des motifs de la loi annonçait que « plusieurs milliers de personnes seraient concernées dès 1999, pour un coût de 600 MF » (91,47M€). Une note prévoyait que le coût au terme de la montée en charge ne dépasserait pas 1,1MdF (168M€). Après une montée en charge plus lente que prévue, le coût maximum prévu était dépassé dès 2002. En 2003 il était de 450M€.

Au delà de la difficulté à effectuer des prévisions robustes sur longue durée, l'instabilité du périmètre des entreprises concernées, telle qu'elle est décrite infra, contribue à expliquer l'écart entre prévisions et réalisations.

Le graphique ci-dessous illustre l'évolution des ressources et des charges du dispositif depuis sa création. Le tableau qui le suit retrace les évolutions et fait état des 3 scénarios pour 2004.

Jusqu'en 2002, les ressources ont été supérieures aux charges. L'année 2003 a connu des charges supérieures aux ressources affectées de l'année, mais les ressources accumulées les années antérieures ont permis d'équilibrer la gestion. Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit de l'année 2004 aurait du être supérieur aux réserves cumulées les années antérieures. La rétroactivité au 1 er octobre 2004 de la cotisation pesant sur les employeurs, objet de l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, a permis de dégager un solde positif pour 2004.

Evolution des ressources et charges du FCAATA

(en M€)

Evolution des charges et ressources du FCAATA

1. Les ressources

Hormis la première année de fonctionnement du Fonds, l'essentiel des charges a été financé par la branche accidents du travail /maladies professionnelles. Depuis 2001, elle a contribué seule à la couverture de l'augmentation des dépenses. Sa contribution a été multipliée par 5 en 5 ans, de 102,9M€ en 2000 à 500M€ en 2004. La contribution de l'Etat est restée presque stable.

La contribution de l'Etat est constituée depuis l'année 2000 par l'affectation d'une fraction des recettes sur les droits perçus sur la consommation des tabacs. La direction du budget estime que « l'attribution d'une recette fiscale au FCAATA comporte pour le fonds un certain nombre d'avantages : outre que la recette en cause fait preuve d'un relatif dynamisme, elle offre au FCAATA une autonomie de financement dont il ne bénéficierait pas s'il était alimenté par le budget de l'Etat, compte tenu des procédures qui s'y attachent, tant au stade de la préparation du PLF que de la gestion en cours d'année ».

Cette réponse ne peut être considérée comme satisfaisante. Si le fait de disposer d'une ressource affectée a pu effectivement exonérer le FCAATA de mesures de régulation budgétaire, il parait en revanche inexact d'exciper d'un dynamisme de cette ressource. Le taux affecté au FCAATA a été modulé pour tenir compte de ce dynamisme. De surcroît, les recettes fiscales au titre du droit de consommation étaient particulièrement faibles début 2004, en repli de 6,3% par rapport à la moyenne quadrimestrielle de l'année 2003. En revanche une telle affectation complique pour le fonds les travaux de prévision. L'intérêt essentiel de cette affectation parait bien être plutôt de permettre de ne pas prendre en compte cette dépense dans le budget de l'Etat.

Evolution des droits tabac

Recette générale tabacs

2000

2001

2002

2003

2004

recette totale en M€

8184,53

8760,03

8591

8760

9415

tx affectation FCAATA en %

0,43

0,39

0,39

0,35

0,31

Montant affecté en M€

31,920

34,164

33,505

30,660

30,128

Droits encaissés en M€

30,5

31,5

34,315

32,319

Source : d'après les prévisions DSS 6A

La part des droits à tabac dans le financement du FCAATA qui atteignait 23% en 2000 a été ramenée à 7% en 2003.

2. Les charges

Les dépenses sont constituées du versement de l'allocation aux salariés concernés ainsi que du versement des cotisations aux organismes de retraite. Il faut y ajouter les frais de gestion des intervenants, branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général et caisse des dépôts et consignations.

Les frais de gestion :

Les frais de gestion de la CDC

En application de l'article 6 de la convention du 7 juillet 1999 entre la CNAMTS et la CDC, celle ci reçoit du Fonds une rémunération représentant, au franc le franc, les frais engagés pour sa gestion, payable en 2 acomptes semestriels et égaux, fixés à partir du montant des derniers frais de gestion connus. Le solde est payé sur présentation de la facture définitive.

Les frais de gestion de l'ACAATA par la caisse des dépôts restent certes modestes. Cependant, outre les interrogations que suscite le principe de la gestion par la caisse des dépôts, ces frais répondent à une logique exceptionnelle puisqu'ils ne sont contraints, ni par des crédits limitatifs, ni même par un budget, ce qui donne à cette dépense un caractère éminemment souple.

en €

Frais de gestion de l'ACAATA par la Caisse des dépôts et consignations

2000

2001

2002

2003 provisoire

Frais de gestion directs CDC dont

- frais de personnel

20388

28697

29247

68723

- autres frais de personnel

202

143

665

963

- informatique

1407

8023

3807

5612

- frais généraux

4979

9144

18922

22777

- dotation aux amortissements

325

188

541

406

Charges indirectes CDC

- Structure

715

396

476

867

- prestations autres directions

3270

3266

2918

6910

Total frais de gestion CDC

31287

52039

56676

106258

Source : d'après les rapports annuels FCAATA 2002 p 17 et 2003

Les frais de personnel affectés à la gestion du FCAATA correspondent à 0,5 ETP d'agent non cadre jusqu'en 2002, à 0,75 ETP d'agent cadre à compter de 2003 selon les éléments du contrôle de gestion de la CDC.

Les frais de gestion de la CNAMTS

En application de l'article 8 de la convention du 9 novembre 1999, les frais de gestion de la CNAMTS et des CRAM sont fixés à 2% du montant des allocations servies.

Les crédits inscrits à la convention d'objectifs et de gestion (COG) pour les frais de gestion de l'ACAATA étaient sensiblement inférieurs aux crédits qui seraient résultés de l'application de la convention susvisée. En conséquence, les crédits attribués aux CRAM pour la gestion de l'ACAATA ont été plafonnés aux montants prévus par la COG, soit 1,6M€.

Ainsi, par exemple, la CRAM des Pays de Loire depuis 2001, reçoit une dotation au titre de la gestion de l'ACAATA qui s'écarte sensiblement des règles fixées par la convention de 1999.

(en K€)

Frais de gestion de la CRAM Pays de Loire au titre de l'ACAATA

Source : CRAM Pays de Loire

Selon cette CRAM « les notifications budgétaires accordées ne prévoient ni les impacts du contrôle des services de l'agent comptable, l'intervention des services informatiques et ceux du Département Contentieux (enquêtes et plaidoiries, déplacements....) à tel point que le coût direct de traitement issu de la comptabilité analytique de la CRAM ressort à 317 124 € pour les coûts directs et 470 058 € en coûts complets (services transversaux) pour l'année 2003 ». Ces dépenses ne correspondent ni à 2% des allocations servies, ni aux montants perçus. On soulignera également que dans cette CRAM, l'ACAATA est en réalité gérée par la branche vieillesse sans qu'il y ait de compensation versée par la branche AT-MP.

Les prestations versées

En 2003, 357,6M€ ont été versés par les CRAM au titre de l'indemnisation stricto sensu. Il convient d'y ajouter les dépenses induites par le dispositif, notamment l'assurance volontaire vieillesse (77M€) en 2003 et les cotisations de retraite complémentaire (73,9M€).

Quatre CRAM sont plus particulièrement concernées par la gestion de l'ACAATA, celles de Nord Picardie, du Sud Est, de Normandie et des Pays de Loire. Cette dernière présente la particularité d'enregistrer une forte proportion d'entrées pour maladie professionnelle.

(en €)

Montant annuel de l'ACAATA payée

1999

2000

2001

2002

2003

Strasbourg CRAM ALSACE-MOSELLE

17 713

1 446 869

2 935 825

5 016 648

6 110 911

Bordeaux CRAM AQUITAINE

97 135

474 167

2 334 780

6 831 662

17 800 152

Clermont Ferrand CRAM AUVERGNE

71 444

321 366

672 534

1 121 951

1 753 516

Dijon CRAM BOURGOGNE FRANCHE-COMTE

609 195

2 201 935

2 969 002

4 019 084

6 380 512

Rennes CRAM BRETAGNE

465 656

1 720 242

10 233 080

22 208 532

32 600 536

Orléans CRAM CENTRE

214 978

1 721 035

2 477 188

5 405 753

7 527 467

Limoges CRAM CENTRE-OUEST

109 706

1 277 555

1 795 297

3 115 877

4 648 405

Paris CRAM ILE DE FRANCE

455 654

3 080 968

6 461 869

11 976 694

16 943 704

Toulouse CRAM MIDI PYRENEES

206 562

902 741

1 558 690

2 533 458

4 066 974

Nancy CRAM NORD-EST

28 137

1 214 815

2 510 308

3 401 753

4 925 830

Lille CRAM NORD-PICARDIE

1 633 314

9 897 719

23 269 725

44 214 893

68 664 905

Rouen CRAM NORMANDIE

1 030 539

6 525 584

15 041 031

26 953 967

51 203 931

Nantes CRAM PAYS DE LOIRE

114 992

1 476 018

9 883 727

27 620 582

50 102 914

Lyon CRAM RHONE-ALPES

262 334

2 560 466

7 506 047

11 144 885

15 529 103

Marseille CRAM SUD-EST

82 240

2 637 461

33 164 225

53 949 640

67 842 395

Total

5 399 599

37 458 941

122 813 331

229 515 378

356 101 254

Source : CNAMTS

Certains établissements ont un poids particulier dans le dispositif ; 84 ont été concernés par le versement de plus de 1M€ d'allocations en 2003. Les dépenses au titre des chantiers et ateliers de la Méditerranée sur les deux sites de la Ciotat et de la Seyne dépassaient 20,5M€ pour 1200 salariés, celles au titre des chantiers de l'Atlantique dépassaient 12,2M€ pour 522 salariés.

Les modalités d'emploi des dockers rendent difficile le calcul du coût global de cette population. Sur le seul port autonome de Marseille Fos en 30 ans 5000 dockers auraient été concernés par une exposition à l'amiante. Hors entreprises de manutention, 535 salariés du port autonome de Marseille ont bénéficié en 2003 de 13,8M€ d'indemnisation par le FCAATA.

B- UN DISPOSITIF EN EXPANSION

1. L'élargissement du périmètre d'intervention

Dans une note du 13 novembre 1998, les pouvoirs publics évaluaient à 6000 personnes les effectifs concernés par l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, dont 3000 dès 1999 pour les industries de transformation de l'amiante, et à 1200 les victimes de maladie professionnelle due à l'amiante -hors plaques pleurales, « lésions bénignes [qui] ne se caractériseraient pas par une surmortalité avérée ». Or, au 30 janvier 2004, le nombre d'allocataires était de 23652, dont 10% au titre des maladies professionnelles 11 ( * ) étant entendu que certains autres allocataires, dont le nombre ne peut être connu, ne développeront nullement par la suite une maladie professionnelle liée à l'amiante compte tenu des délais d'apparition de ces maladies.

Tableau des entrées et sorties FCAATA

• de 1999 au 30 janvier 2004

• total attributions

• Dont allocations au titre M P

• sorties

• Nbre

• %

• décès

• retraite

• Total

Bordeaux

1439

94

6,5%

16

106

122

Clermont

230

32

13,9%

2

26

28

Dijon

575

57

9,9%

11

64

75

Lille

5091

490

9,6%

75

500

575

Limoges

453

34

7,5%

5

53

58

Lyon

1347

94

7,0%

19

181

200

Marseille

4505

260

5,8%

47

890

937

Montpellier

126

15

11,9%

3

18

21

Nancy

514

49

9,5%

6

54

60

Nantes

3742

724

19,3%

37

332

369

Orléans

592

29

4,9%

5

61

66

Paris

1182

191

16,2%

32

189

221

Rennes

2477

124

5,0%

26

205

231

Rouen

4191

461

11,0%

50

359

409

Strasbourg

457

53

11,6%

10

47

57

Toulouse

186

9

4,8%

0

26

26

27107

2716

10,0%

344

3111

3455

Source : CNAMTS

Le dépassement des prévisions résulte essentiellement d'une modification du périmètre d'intervention de ce fonds qui n'a cessé de s'étendre depuis sa création.

Le dispositif initial créé par la LFSS pour 1999 , concernait

• les personnes de plus de 50 ans reconnues porteuses d'une maladie professionnelle inscrite de l'amiante ; l'arrêté initial excluait les plaques pleurales, comme l'y autorisait la loi celle-ci prévoyant que la liste des maladies serait fixée par arrêté ;

• ainsi que pour celles travaillant ou ayant travaillé dans les établissements reconnus par arrêté comme ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante .

La LFSS pour 2000 12 ( * ) , étend le champ des bénéficiaires en y ajoutant

• les salariés d'établissements (déterminés par arrêté) de flocage et de calorifugeage à l'amiante,

• les salariés ayant exercé certains métiers (déterminés par arrêté) d'établissements (déterminés par le même arrêté) de la réparation et construction navale et les dockers de certains ports (déterminés par arrêté).

La LFSS pour 2002 13 ( * ) ,

• étend par son article 44 les dispositions de l'ACAATA aux personnels portuaires assurant la manutention.

• Plus généralement, l'article 46 modifie en profondeur les règles de non cumul et d'accès en autorisant un cumul partiel de la prestation avec une pension de réversion, un avantage d'invalidité ou un avantage personnel de vieillesse servi par un régime spécial sous forme de versement d'une indemnité différentielle (cf circulaire DSS 2C 369 du 27 juin 2002).

La LFSS pour 2003 14 ( * ) , étend par son article 54 les dispositions de l'ACAATA aux personnes reconnues atteintes, au titre du régime général ou du régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés agricoles , d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêtés des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et de l'agriculture.

D'autre part, l'arrêté du 3 décembre 2001 ouvre le bénéfice de l'ACAATA aux malades souffrant de plaques pleurales.

2. L'augmentation du nombre d'établissements concernés et des périodes prises en compte

De mars 1999 à décembre 2003, il est paru un arrêté fixant la liste des établissements travaillant l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA et sept arrêtés la modifiant (ajout, radiation, correction de raison sociale ou de période) ; un arrêté fixant la liste des établissements de chantier et réparation navale et des métiers susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA et six la modifiant ; un arrêté fixant la liste des ports susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA et quatre la modifiant, soit au moins vingt arrêtés fixant ou modifiant les listes en trois ans. En 2004 sont intervenus deux arrêtés « fabrication » et un « navale ». Deux arrêtés « ports » sont en attente de publication.

La liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA s'est accrue régulièrement pour atteindre 1442. Les périodes d'activité ont été progressivement étendues sans qu'il soit toujours possible de distinguer les motifs ayant conduit à retenir telle période ou telle autre. Ainsi les chantiers de l'Atlantique ont-ils fait l'objet de deux arrêtés, un premier du 7 juillet 2000 couvrant la période 1945 à 1975, un deuxième du 11 décembre 2001, portant de 1975 à 1982 la limite maximale. Un troisième étend cette limite jusqu'à 1996.

3- Les tendances persistantes à l'extension du dispositif

L'existence même de ce dispositif rend possible l'inscription à tout moment de nouvelles entreprises ou même de nouveaux secteurs.

L'ANDEVA par exemple, dans un document de mars 2003, demande l'extension du FCAATA à l'ensemble des salariés de la réparation navale, et donc les administratifs, et la transformation de la liste limitative en liste indicative susceptible d'être complétée au niveau régional. En effet, selon l'association, les DRTEFP et les CRAM qui connaissent mieux que le niveau national les entreprises de leur région pourraient réparer les omissions et inscrire des salariés d'entreprises oubliées.

La Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), dans sa réponse à la Cour, demande d'une part d'élargir l'accès à l'ACAATA aux établissements ayant manipulé ou transformé de l'amiante et, d'autre part, de préciser que la liste des établissements n'est qu'indicative afin de ne pas faire courir le risque d'un oubli des entreprises, au détriment des salariés.

La FNATH estime également inégalitaire un dispositif qui exclut les victimes d'une maladie professionnelle non reconnue au titre du régime général notamment les fonctionnaires qui ont été exposés tout au long de leur carrière et qui souffrent d'une maladie professionnelle liée à une exposition à l'amiante.

Dans ses conclusions relatives aux arrêts Bourdignon, Botella, Thomas et Xuereff du 3 mars 2004, le commissaire du gouvernement mentionne les garages ou les entreprises artisanales d'électricité plomberie comme étant impliqués dans « l'apparition d'une épidémie de mésothéliome ».

Dans une note du 8 avril 2003, la DSS évalue à 1,3Mds€ le surcoût annuel si le FCAATA était étendu aux 12 secteurs qui en ont fait la demande. Elle concluait en soulignant que, si cette extension était prise en loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, les dépenses du FCAATA doubleraient en 2004 (en passant de 0,5 à 1,1Md€) et quadrupleraient les années suivantes (en passant de 0,5 à 1,8Md€).

Mais à périmètre constant, les pressions sont également importantes. Dans une circulaire du 6 février 2004 relative aux modalités d'établissement de la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, la DRT souligne les risques d'utilisation du FCAATA comme « instrument de gestion de l'emploi ». Elle observe en effet une nette augmentation de demandes, notamment des établissements en limite de champ d'application, qui sollicitent soit une inscription, soit une extension de dates.

Selon la DRT : « On ne peut ignorer la corrélation entre ces demandes et les plans sociaux en cours, en forte augmentation, et du réflexe quasi-systématique désormais, de la part des partenaires locaux ou des élus, de solliciter l'inscription des entreprises en question sur les listes, en vue de gérer, au moins en partie ces plans sociaux. En effet, le dispositif de CAA est en passe de devenir un des rares dispositifs de « pré-retraite » aidés financièrement pour les entreprises. »

A titre d'exemple elle cite l'afflux récent de demandes d'établissements appartenant au groupe Alstom. Un arrêté du 21 septembre 2004 a d'ailleurs prolongé jusqu'à 1996 la période de référence de l'établissement Chantiers de l'Atlantique/Alstom Marine.

4. Des dépenses ACAATA pas toujours corrélées au nombre de victimes.

Un rapprochement du fichier des indemnisations du FIVA et des établissements ouvrant droit au dispositif de préretraite montre que 586 établissements ne sont pas connus du FIVA ; ils ont représenté 50M€ de dépenses brutes du FCAATA en 2003 15 ( * ) .

En poursuivant l'enquête, on constate que certaines entreprises sont à l'origine de versements importants du FCAATA alors que le nombre de salariés connus pour souffrir d'une maladie professionnelle de l'amiante est faible 16 ( * ) .

Sadefa industries à Fumel a représenté une charge de 5,7M€ pour 375 salariés en 2003. Il s'agit d'une entreprise de chaudronnerie qui emploie actuellement 400 salariés. Les salariés ont été en contact avec l'amiante lors de l'entretien des fours mais aucun n'est connu du FIVA. La poursuite de l'enquête auprès de la CPAM n'a permis de retrouver que quatre salariés pris en charge au titre des tableaux 30 et 30 bis dans les 5 dernières années, soit 1 en 2000, 1 en 2001 et 2 en 2003. Sur la même période 5 ont été reconnus comme souffrant de silicoses (tableau 25), 2 de sidérose (poussière de fer du tableau 44). Les salariés victimes de maladies du tableau 25 sont ainsi plus nombreux que ceux victimes d'affections des tableaux 30 et 30 bis, mais c'est au titre des affections liées à l'amiante qu'ont été effectués les départs en préretraite.

Pour l'établissement de SARMA à Saint Vallier dans la Drôme à l'origine de 2,7M€ de versement brut ACAATA en 2003, le constat est identique ; un seul salarié est imputé au compte employeur pour des pathologies des tableaux 30 et 30 bis durant les 5 dernières années (en octobre 2000), alors que deux l'ont été au titre du tableau 57A affection périarticulaire de l'épaule en octobre 2002 et novembre 2002.

Quant à la société Moulinex, elle est à l'origine de 12M€ de versements bruts du FCAATA en 2003. En effet, à partir de 2001, il a été progressivement établi une doctrine administrative permettant l'inscription au titre du calorifugeage pour tout établissement ayant utilisé des matériaux amiantés pour leurs propriétés calorifuges aux fins de fabrication d'un produit fini. C'est à ce titre que les établissements Moulinex ont pu être inscrits, puisqu'ils intégraient des cordons amiantés dans les robots ménagers qu'ils fabriquaient.

Dans sa réponse, la DRT constate que le dispositif collectif de listes d'établissements soulève, en pratique, des difficultés, en particulier depuis l'ajout par le législateur (article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 modifiant l'article 41 de la LFSS pour 1999), parmi les établissements éligibles, des établissements de « calorifugeage à l'amiante ».

Les services gestionnaires ont été confrontés à de multiples difficultés pour définir une frontière claire entre ce qui est admis et ce qui ne l'est pas au titre du calorifugeage.

Toujours selon la DRT, « faute d'un cadre légal suffisamment précis, le juge administratif n'a lui-même pas pu trancher la question de façon univoque : la jurisprudence du Conseil d'Etat repose essentiellement sur l'appréciation, dans chaque cas d'espèce, du caractère significatif de l'exposition au titre des activités de calorifugeage, notion extrêmement subjective et souvent très difficile à établir, en dépit des efforts importants accomplis par les services déconcentrés du ministère chargé du travail dans le cadre de leurs enquêtes locales (conformément à la circulaire du 6 février 2004 précitée).

En outre, les décisions prises dans le cadre de ce système collectif de listes d'établissement génèrent souvent des incompréhensions, des sentiments d'injustice et des mécontentements. Alors que des décisions favorables ont conduit à inscrire des établissements dans lesquels un nombre important de salariés n'avaient en fait jamais été exposés, des décisions défavorables conduisent à refuser l'inscription d'établissements dans lesquels l'activité a entraîné l'exposition à l'amiante de certains salariés de manière plus ou moins importante. »

A partir de septembre 2003, il a été décidé de ne plus permettre l'inscription au titre du calorifugeage des établissements ayant utilisé des matériaux amiantés pour leurs propriétés calorifuges aux fins de fabrication d'un produit fini, ce critère étant jugé trop « extensif ».

Une meilleure association des CRAM à l'élaboration des dossiers de demande d'inscription des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, que préconise la circulaire DRT du 6 février 2004, contribuerait à limiter les ouvertures peu appropriées.

5. Un dispositif excessivement inégalitaire

L'ACAATA concerne essentiellement des entreprises importantes et les petites entreprises sont sous représentées dans le dispositif. Les salariés auront d'autant plus de facilité à faire valoir leurs droits qu'ils auront été employés directement par les grandes entreprises et non par leurs sous traitants.

Les conditions d'application de l'ACAATA d'autre part ne sont pas homogènes. Alors que pour la plupart des entreprises l'ACAATA est liée au fait d'avoir travaillé dans l'établissement ou l'atelier concerné, des conditions supplémentaires limitent les professions susceptibles d'en bénéficier lorsqu'il s'agit d'ouvriers de la défense nationale (arrêté du 25 septembre 2003 relatif à la liste des professions et des établissements permettant l'attribution de l'ACAATA à certains ouvriers de l'Etat du ministère de la défense). Quant aux fonctionnaires et militaires qui ont pu également travailler dans des milieux contenant des poussières d'amiante, il n'est pas prévu de dispositif spécifique.

Enfin on soulignera que le dispositif de l'ACAATA est sensiblement plus avantageux que les conditions d'application envisagées de l'article 24 de la loi réformant les retraites relatives à la retraite anticipée des travailleurs handicapés.

II. ENVISAGER UNE INTÉGRATION DE L'ACAATA DANS LES NÉGOCIATIONS SUR LA PRISE EN COMPTE DE LA PÉNIBILITÉ DANS LES CONDITIONS DE DÉPART À LA RETRAITE

Institué en 1998, le fonds de cessation anticipée d'activité correspondait à une première approche de la réparation des méfaits de l'amiante, alors que n'existait aucun dispositif spécifique. Depuis, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a été créé sans que pour autant le dispositif préexistant du FCAATA ait été réexaminé.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, en prévoyant d'instaurer une contribution des entreprises dont les salariés bénéficient de l'ACAATA va dans le sens d'une responsabilisation des entreprises à l'origine des dépenses de l'ACAATA, mais le rendement attendu de 120 à 150M€ reste insuffisant au regard des besoins.

Une autre approche peut être envisagée afin de rapprocher l'ACAATA du droit commun. L'article 12 de la loi 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, prévoit que, dans un délai de 3 ans, les partenaires sociaux négocieront un dispositif de prise en charge de la pénibilité dans les conditions de départ à la retraite. Les négociations ne sont pas si avancées que l'on ne puisse envisager d'intégrer le FCAATA dans ce dispositif. La FNATH considère que le FCAATA constituera nécessairement un élément de discussion et de négociation qui justifierait son association aux négociations. La DSS note dans sa réponse que « si toute latitude est laissée aux partenaires sociaux sur la définition et la prise en compte de la pénibilité, force est de constater que cette réflexion qui n'en est qu'à ses débuts, n'est pas susceptible d'aboutir rapidement à un mécanisme de substitution au dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. »

La DRT note que la problématique du travail au contact de l'amiante est, par nature, distincte de celle de la pénibilité (qui recouvre un domaine potentiellement très vaste), même si dans les deux cas cela peut conduire à envisager des conditions de départ anticipé à la retraite. La réflexion sur l'évolution potentielle du dispositif de CAATA peut ainsi être menée séparément.

A l'exception notable de celle de la FNATH, aucune réponse ne traduit une défense vigoureuse du FCAATA.

LE FIVA (645M€ EN 2005)

I. LA CRÉATION D'UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC ADMINISTRATIF SPÉCIFIQUE

Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) est un établissement public administratif créé par l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 du 23 décembre 2000 afin de procéder à la réparation intégrale des préjudices subis par les personnes ayant obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante ou par les personnes ayant été directement exposées à l'amiante.

Ses modalités de fonctionnement sont définies par le décret 2001-963 du 23 octobre 2001. L'article 10 de ce décret précise que « les opérations financières et comptables de l'établissement sont effectuées conformément aux dispositions des décrets du 10 décembre 1953 et du 29 décembre 1962 ». Les modalités du contrôle financier du fonds ont été fixées par un arrêté du 18 juin 2002 publié au journal officiel du 28 juin 2002.

Le FIVA est administré par un conseil d'administration composé de 5 représentants de l'Etat, de 8 représentants des organisations siégeant à la commission des accidents du travail et maladies professionnelles de la CNAMTS (3 représentants des employeurs, 5 des salariés), de 4 représentants des organisations d'aide aux victimes de l'amiante, de 4 personnalités qualifiées, dont une de l'IGAS et le directeur de la CNAMTS. Il est présidé par un magistrat. Le directeur du fonds est nommé par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Le conseil d'administration a régulièrement connu des débats difficiles. Ces difficultés sont illustrées par des refus d'approbation de décisions du conseil par la tutelle et des recours juridictionnels par certains des membres. Les antagonismes ont été exacerbés par l'élaboration du barème d'indemnisation.

Les compétences que les textes ont attribué au conseil d'administration ont eu pour conséquence de l'amener à se prononcer sur des sujets qui ne pouvaient être évoqués sereinement dans un tel cadre.

En effet, le décret du 23 octobre 2001 attribue à ce conseil des missions étendues. L'article 6-I°, notamment, confie au conseil d'administration « le rôle de définir la politique d'indemnisation du fonds en fixant les orientations relatives aux procédures, aux conditions de reconnaissance de l'exposition à l'amiante, d'indemnisation et de versement des provisions aux victimes et aux conditions d'action en justice du fonds. »

Cet article prévoit en outre que lorsqu'un « dossier individuel est susceptible d'avoir un retentissement particulier ou un impact financier important sur le fonds, le directeur en saisit le conseil d'administration ». Aucune doctrine n'existe quant au seuil déterminant qu'un dossier a un impact financier important sur le fond, laissant cette faculté à la libre appréciation du directeur du FIVA. Cette imprécision peut ainsi amener les dossiers individuels les plus divers à faire l'objet de débats devant le conseil d'administration.

Or parfois ceux-ci relèvent d'une analyse juridique et/ou d'une décision de gestion pour lesquelles une décision collégiale ne peut être prise sans rencontrer de difficultés. Un recadrage des missions du conseil d'administration en favoriserait donc un meilleur fonctionnement.

Des enseignements auraient pu par ailleurs être tirés du fonctionnement des fonds d'indemnisation existants avant de créer un établissement public administratif. Le choix institutionnel s'explique mal. Les modalités de fonctionnement d'un établissement public administratif, relativement rigides, ne paraissent pas être le gage d'une efficacité maximale en matière d'indemnisation alors que souplesse et réactivité sont des atouts. Certes, la direction de la sécurité sociale d'une part et le FIVA d'autre part développent dans leur réponse les nombreux motifs qui justifieraient le choix de cette architecture institutionnelle.

- le nombre important de dossiers d'indemnisation déposés auprès du fonds justifierait l'existence d'une structure permanente,

- la centralisation du traitement des indemnisations auprès de cet organisme répondrait au souci d'assurer une indemnisation équitable et rapide (barème indicatif d'indemnisation adopté par le conseil d'administration du fonds, délai légal de 6 mois imposé au fonds pour proposer une offre d'indemnisation, liste de maladies spécifiques fixée par arrêté qui accélère le traitement des dossiers et versement de provisions dans le délai d'un mois, expertise des dossiers dans les autres cas par la commission d'expertise des circonstances d'exposition à l'amiante),

- la mise en place d'un conseil d'administration réunissant partenaires sociaux, représentants des associations de victimes, personnalités qualifiées et représentants de l'Etat, permettrait, même si les blocages peuvent exister, d'assurer une orientation et une gestion des dossiers conformes à la législation et aux délibérations de ce conseil, après expression des positions des financeurs et défenseurs des intérêts des victimes ; la FNATH rappelle combien elle est attachée à la défense des intérêts des victimes au travers d'associations participant aux instances du FIVA ;

- au vu du mode de financement du fonds et des sommes engagées en matière d'indemnisation, la création d'un établissement public, sous tutelle des ministères de la santé et de l'économie et des finances, permettrait d'assurer un cadre juridique et comptable clair, ce que ne permet pas une solution alternative de délégation que n'autorisait pas de façon permanente la loi,

- l'exercice de la tutelle par les ministères de la santé et de l'économie et des finances (instructions ministérielles, interprétations des textes, approbation des délibérations du conseil d'administration, rapport annuel d'activité du fonds) assurerait un suivi permanent de l'activité du fonds,

Aucune des qualités développées ci-dessus n'est l'apanage d'un établissement public, à l'exception éventuellement de ce qui concerne l'exercice de la tutelle. Le métier de l'indemnisation n'est ni, semble-t-il, une activité régalienne ni une compétence particulièrement développée dans l'administration ; il a donc été nécessaire d'opérer des recrutements adaptés et de déroger aux règles de fonctionnement des établissements publics administratifs selon lesquelles les emplois permanents de ces établissements sont tenus par des fonctionnaires. La taille réduite de cet organisme amène à s'interroger sur les perspectives de carrière qui pourront être offertes au personnel. L'avenir de celui-ci peut poser question dans le cas d'une évolution des modalités de l'indemnisation des maladies professionnelles.

D'autres solutions auraient été envisageables comme le traitement par les CRAM dans une gestion distincte ou par un fonds d'indemnisation existant. Une première étape aurait pu être le remboursement au Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres Infractions (FGTI) par le Fonds National des Accidents du Travail (FNAT) des sommes mises à sa charge pour l'indemnisation des victimes de l'amiante. Dans un deuxième temps une structure permettant au Fonds de Garantie Automobile (FGA) d'assurer la plupart des tâches tenant à l'indemnisation aurait pu être élaborée.

Mais la solution FGA se heurtait au rôle joué par cet organisme dans les premiers contentieux devant les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI). Dans son rôle de gardien des intérêts du FGTI, le FGA s'est en effet opposé aux victimes de l'amiante et de leurs associations et s'en est trouvé disqualifié à leurs yeux pour assurer ultérieurement l'indemnisation des victimes de l'amiante, ce que confirme la FNATH. Il est cependant regrettable que ce débat, quel que soit sa légitimité, ait hypothéqué les choix d'élaboration d'une solution efficace d'indemnisation des victimes.

Les efforts déployés par la direction du FIVA pour une mutualisation des moyens avec l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) sont intéressants mais ne constituent qu'un palliatif partiel.

II. MISE EN PLACE ET FONCTIONNEMENT DU FIVA

A. UNE LENTE MISE EN PLACE

Les premières indemnisations définitives par le FIVA ne sont intervenues qu'à compter d'avril 2003, soit plus de deux ans après l'adoption du principe de sa création en décembre 2000 : plus de 10 mois se sont écoulés entre l'adoption de la loi et la parution du décret ; 6 mois ont été nécessaires entre cette parution et la réunion du premier conseil d'administration ; 9 mois ont encore été nécessaires pour l'adoption du barème indicatif par le conseil d'administration.

En attendant l'adoption de ce barème indicatif au début de l'année 2003, le FIVA a répondu par le versement de provisions aux demandes d'indemnisation déposées par les victimes des maladies de l'amiante depuis le 1 er juillet 2002, date de mise à disposition des formulaires de renseignements nécessaires à l'instruction des demandes.

Cette lenteur de la mise en place est d'autant plus regrettable que les mésothéliomes sont des maladies fatales à brève échéance. Mais cette lenteur a eu également des conséquences en matière de gestion des dossiers.

Les procédures devant les CIVI ont été suspendues dans l'attente de la parution du décret permettant de les transférer au FIVA mais les autres contentieux ont continué à se développer. La Cour de cassation fut amenée à se prononcer dans les arrêts du 28 février 2002 sur les principes généraux de reconnaissance de la faute inexcusable en matière de risques professionnels, prenant ainsi « de vitesse » le dispositif institutionnel en cours de mise en place.

Le Fonds de garantie automobile associé aux réflexions sur la mise en place de l'indemnisation et qui pensait en être chargé se trouvait également placé dans une situation d'attente délicate à gérer.

Enfin, un an après le début des indemnisations, le stock de dossiers à traiter s'est accumulé. Il est aujourd'hui stabilisé autour de 6000 dossiers, soit entre 7 et 8 mois de traitement ainsi que le montre le graphique ci-dessous, soit un à deux mois de plus que le délai maximum de 6 mois que le législateur avait fixé pour le traitement des dossiers.

Flux des dossiers et des offres

Source : FIVA

Evolution des stocks des dossiers du FIVA

Source : FIVA

La période FGA

L'article 9 du décret prévoyait qu'en attendant la mise en place des structures de gestion du FIVA le fonds pouvait conclure une convention de gestion à titre transitoire avec le fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse (FGA) 17 ( * ) afin de lui confier, pour une durée d'un an, « l'instruction des dossiers de demandes, la préparation des offres et toute autre mission notamment d'assistance juridique au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ». Cette convention a été signée le 7 juin 2002 pour un an et complétée le 17 juillet 2002 d'une convention de gestion administrative et financière relative aux provisions à verser aux victimes.

La convention initiale ayant fixé au 7 juin 2003 l'échéance de la collaboration, un avenant a permis sa prorogation pour le règlement des derniers dossiers en modifiant l'article 4 de la convention et en prévoyant des dispositions transitoires. Elle a permis également la mise à la disposition du FIVA du responsable du pôle indemnisation du FGA contre remboursement calculé au prorata du temps passé, mise à disposition qui a assuré le relais entre les deux organismes.

La convention du 7 juin 2002 respectait les compétences du conseil d'administration, du directeur et de l'agent comptable du FIVA. Concrètement, le FGA soumettait à la décision du FIVA les dossiers de demande de provisions appuyés d'une proposition et d'un bordereau récapitulatif. Après vérification des dossiers individuels et, éventuellement, modification des montants des provisions ou refus des dossiers, le directeur du FIVA signait un bordereau récapitulatif qui valait accord pour une mise en règlement par le FGA des provisions ainsi déterminées. L'agent comptable du FIVA contrôlait la présence des documents justificatifs des dossiers de demandes de provisions visés par le directeur 18 ( * ) .

Plus de 6600 dossiers ont été ouverts par le FGA. Les ouvertures intervenues après juin 2003, date de la fin de convention, présentent un caractère résiduel. En revanche le FGA devait traiter tous les dossiers qu'il avait ouverts, ce qui explique que l'action du FGA se soit poursuivie au-delà du 30 juin 2003. A la fin avril 2004, il restait 1500 dossiers en traitement au FGA qui envisageait la fin de ce traitement pour septembre 2004.

Situation des dossiers du FIVA traités par le FGA

Mois d'ouverture

Nombre de dossiers ouverts

Dossiers terminés

juillet-02

470

378

aout-02

175

141

septembre-02

609

523

octobre-02

648

540

novembre-02

504

415

décembre-02

584

467

janvier-03

463

380

février-03

471

353

mars-03

445

322

avril-03

477

366

mai-03

526

374

juin-03

1188

803

juillet-03

27

14

aout-03

18

9

sept-03

7

3

oct-03

7

4

novembre-03

3

1

décembre-03

3

1

Total

6625

5094

Source : FGA

Ce nombre de dossiers a nécessité un effort important de la part du Fonds de garantie qui avait affecté plus de 60 régleurs 19 ( * ) , parmi les plus expérimentés, aux dossiers du FIVA, soit l'équivalent de 12 à 13 % de son effectif temps plein, ce qui a pesé sur les autres activités du Fonds de garantie. Le FGA estimait même que la partie du temps consacrée aux dossiers du FIVA était excessive en raison d'une gestion non optimale des dossiers amiante. Les modalités de fonctionnement avec le FIVA avaient notamment pour conséquence de rompre la chaîne informatique de traitement des dossiers, accroissant les délais et les coûts. Le FGA pensait ainsi que, pour les provisions, les délais étaient trop importants et que les règles relatives aux offres n'avaient pas été suffisamment précisées alors même que le contrôle d'Etat souligne que les pièces justificatives transmises au fonds n'étaient pas toujours conformes à ce qu'avaient prévu les conventions.

La décision pour l'ensemble des dossiers est restée de la seule compétence du directeur du FIVA ou, par délégation, des agents qui ont progressivement rejoint le FIVA. De même, l'ensemble des paiements (provisions et offres) a fait l'objet d'un contrôle du comptable public du FIVA. D'autre part, la décision quant à la politique d'indemnisation a relevé de la compétence du seul Conseil d'administration du FIVA.

Le partage des compétences entre le FGA (instruction) et le FIVA (décision) pouvait être considéré comme structurellement difficile en raison de la difficulté opérationnelle à séparer l'instruction d'un dossier de la phase de décision ; le décideur ne pouvait déléguer sa signature à l'instructeur mais il ne pouvait en même temps voir tous les dossiers et devait donc disposer d'équipes.

Au regard des objectifs de rapidité et d'efficacité, la création du FIVA apparaît avoir été en deçà des attentes. Plus de deux ans ont été perdus pour les victimes entre l'adoption des principes de l'indemnisation et l'offre d'indemnisation alors que quelques semaines avaient été suffisantes pour l'indemnisation des victimes du terrorisme ou du VIH.

B- LES DÉPENSES DE GESTION ADMINISTRATIVE DU FIVA

Elles représentent, pour l'année 2004, 1% du budget total du FIVA, 5M€ sur 505M€.

En 2002, les dépenses de gestion administrative se sont élevées à 1M€, dont 964 000€ pour les dépenses de gestion du FGA.

Les dépenses de gestion administrative pour 2003 se sont élevées à 5,66M€, dont 3,4M€ pour la prestation de service du FGA et 2,3M€ pour les dépenses propres du FIVA, dépenses marquées par l'emménagement dans les locaux de Bagnolet, l'achat du matériel et la création d'un logiciel spécifique d'indemnisation.

Le budget 2004 s'élève à un peu moins de 5M€. La fin de la gestion des dossiers par le FGA devrait en effet se traduire par une économie importante sur les frais de gestion même si parallèlement la montée en charge du FIVA accroît ses dépenses de personnel.

Evolution des dépenses de gestion administrative du FIVA

* Pour 2002 et 2003 : compte financier. Pour 2004 : prévision maximale (budget autorisé).

Tableau n°14 : Budget du FIVA

1. Le personnel

Le FIVA comptait 5 salariés fin 2002, 36 fin 2003, 39 au titre du budget 2004, auxquelles ont été récemment ajoutés 3 CDD pour des durées de 4, 5 et 6 mois puis 2 autres CDD, en cours de recrutement. Ces agents se répartissent en

- une équipe de direction de 5 personnes comprenant le directeur, la directrice adjointe, l'agent comptable, le directeur juridique et le médecin conseil ;

- un effectif « cadres » de 24 personnes comprenant un adjoint à l'agent comptable, 1 chargé d'études et de statistiques, une équipe de 16 juristes indemnisation, une équipe de 5 juristes contentieux, une équipe ressources humaines/budget de 2 personnes ;

- une équipe technique de 7 personnes

Les trois recrutements supplémentaires autorisés par le budget 2004 sont :

- un poste d'expert médical à plein temps pour avoir un référent interne, interlocuteur des médecins et des régimes de sécurité sociale ;

- un poste d'assistante juridique pour supporter la charge de travail consommatrice de temps née de l'enregistrement des dossiers reçus directement mais aussi par l'intermédiaire des tribunaux qui doivent obligatoirement les transmettre au FIVA ;

- un poste permettant un accroissement de l'intervention du responsable du secteur indemnisation.

Juridiquement, l'article 53 de la loi du 23 décembre 2001 permet au FIVA de faire appel à tous types de personnels : fonctionnaires, quelle que soit leur position, agents contractuels de droit public ou privé en CDI ou CDD.

Parmi les tente-neuf personnes recrutées:

- 4 sont des fonctionnaires détachés à temps plein : le directeur, l'agent comptable et ses deux adjointes

- 1 est mise à disposition par la CNAMTS à temps plein : la directrice adjointe

- 1 est mis à disposition par la Caisse nationale de sécurité sociale pour les mines (CANSSM) à temps plein : le médecin conseil

- 1 est mise à disposition par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommage (FGAO) à temps partiel (0.78 ETP) : la responsable du secteur indemnisation

- 1 est mise à disposition par l'AP-HP à temps plein : une assistante juridique

L'ensemble de ces mises à disposition fait l'objet de remboursements par le Fonds.

Le reste du personnel a été recruté à l'extérieur de l'établissement en CDI à temps plein, à l'exception d'une personne recrutée en CDD à temps partiel pour l'accueil et le courrier.

Le statut du personnel, hors détachements et mises à disposition, est celui de contractuel de droit public (décret n°86 83 du 17 janvier 1986).

Dans l'attente d'une décision des tutelles relative à l'entrée du FIVA dans le champ de compétence du décret du 7 mars 2003 qui régit les agences sanitaires, le FIVA a recruté son personnel en respectant les principes suivants :

• Application du cadre général de la grille des agences sanitaires en particulier pour valoriser les diplômes et calculer la durée des expériences.

• Cohérence du niveau de rémunération par rapport aux grilles appliquées dans les organismes sociaux (convention collective des organismes de sécurité sociale), puisque le FIVA était susceptible d'accueillir des salariés des caisses d'assurance maladie.

• Cohérence du niveau de rémunération par rapport à une organisation hiérarchique interne au FIVA, tenant compte en particulier des responsabilités d'encadrement.

• Enfin, prise en compte de la situation du marché du travail.

Il n'est pas certain que toutes les efforts aient été déployés tant au FIVA que dans les organismes et administrations concernés pour qu'il puisse employer des fonctionnaires ou agents des organismes de sécurité sociale avant de recourir au marché du travail. Le personnel détaché ou mis à disposition correspond principalement à l'équipe de direction (sauf le cas de l'assistante juridique et des deux adjointes de l'agent comptable) : directeur, directrice adjointe, médecin conseil, agent comptable et responsable du pôle indemnisation.

2. L'informatique

S'agissant de l'informatique, trois solutions pouvaient être envisagées, l'achat du logiciel du FGA, le développement interne ou l'adaptation d'un progiciel du marché, en commun avec l'ONIAM.

La solution d'achat du logiciel du FGA a été écartée, l'étude technique faisant apparaître une excessive lourdeur et les difficultés qu'il y aurait à l'adapter aux besoins spécifiques du FIVA. Le développement d'un logiciel interne n'a par ailleurs pas été retenu en raison de l'urgence pour le FIVA de traiter les dossiers en cours et de la limitation du recrutement de personnels informatiques à deux (un pour l'ONIAM et un pour le FIVA). Cette petite équipe ne pouvait, de fait, en plus de la bureautique, de la téléphonie et de la coordination et de la sécurité des activités informatiques des deux établissements, y compris dans les Commissions régionales de l'ONIAM, permettre le développement rapide d'un logiciel interne complexe.

Après examen des solutions existant sur le marché et en l'absence de progiciel correspondant précisément à leurs besoins, l'ONIAM et le FIVA ont retenu la solution offerte par Legal Suite, notamment parce qu'elle était de très loin la moins onéreuse pour les deux établissements ( 37 000 € HT au lieu de 150 000 € HT et 53 000 € HT pour les deux autres prestataires ayant répondu à la mise en concurrence, avec en plus des délais de réalisation très longs) et la plus rapidement opérationnelle pour le FIVA.

Après une première phase de développement de ce logiciel spécifique, réalisé à partir du progiciel de base, qui a permis en un temps particulièrement bref (février à mai 2003) de répondre aux besoins urgents de traitement des demandes d'indemnisation, après également une période intermédiaire d'adaptation du nouveau logiciel métier au nouveau logiciel comptable ADDIX (création d'une interface spécifique afin d'organiser les échanges de données entre ordonnateur et comptable sans ressaisir l'ensemble des informations), une phase d'aménagement du logiciel vient d'être autorisée par le Conseil d'administration du FIVA.

Cette phase, qui devait se dérouler de juillet à septembre 2004, avait pour objectif de répondre à l'ensemble des besoins du FIVA que les premiers mois d'activité a permis de mieux identifier. Sont ainsi engagés, d'une part, l'achat d'un progiciel annexe, également développé par Légal Suite et destiné à automatiser le traitement du courrier par les juristes et le assistantes, (six courriers minimum obligatoires par demandeur) et, d'autre part, la refonte de trois aspects du logiciel :

- la réorganisation de la base de données générale pour mieux articuler les données de la victime et de l'ensemble de ses ayants droit et diverses améliorations (ex. : gestion des recommandés) ;

- le développement de l'onglet contentieux pour le suivi des procédures indemnitaires ;

- le développement de l'onglet pathologie qui permettra aux médecins d'informatiser leurs analyses médicales des dossiers et les taux d'incapacité qui en résultent, l'accès à ces données étant bien sûr sécurisé.

Parmi les points positifs, on soulignera la mutualisation des moyens entre le FIVA et l'ONIAM, concrétisée dans une convention qui concerne non seulement des équipements (locaux, matériel informatique, équipements de bureau) mais aussi des effectifs (accueil, informatique, agence comptable). Cette mutualisation s'arrête cependant à l'autonomie des deux établissements et à leur organisation.

Parmi les points moins positifs, on retiendra le recours important à des recrutements extérieurs de personnels sous des statuts qui restent à mieux formaliser et sans qu'il ait été procédé pour les postes qui s'y prêtent à une recherche interne à l'administration et aux organismes de sécurité sociale.

C- UNE INSUFFISANCE DES INDICATEURS

Les indicateurs de gestion étaient pour les dossiers reçus jusqu'au 7 juin 2003 établis par le FGA en fonction des paramètres de ses systèmes informatiques, à savoir: flux d'enregistrement des dossiers, typologie des dossiers (âge, région d'origine, régime de sécurité sociale, pathologie), flux des provisions, flux des offres et coût moyen des offres. Ces indicateurs n'incluaient pas de suivi des délais.

A la date de l'enquête, le directeur du FIVA déclarait ne pas disposer de tableau de bord. Sa mise en place se serait heurtée à une triple difficulté :

- la multiplicité des données non encore reliées entre elles : il était, en effet, nécessaire de reprendre les données du FGA, celles du logiciel métier du FIVA et celles des deux logiciels comptables du FIVA 20 ( * ) ;

- le caractère encore incomplet du système d'information : toutes les informations nécessaires à un tableau de bord complet ne sont pas encore disponibles ;

- la surcharge des équipes juridiques et comptables qui aurait conduit à ne plus pouvoir procéder à l'enregistrement systématique sur informatique de certaines données, notamment quant aux différentes étapes de gestion du dossier.

Cette absence de véritable tableau de bord comportant des objectifs et des écarts par rapport à ces objectifs rend difficile l'appréciation des priorités de la direction et l'état de leur réalisation. Les délais de règlement des dossiers restent encore insuffisamment suivis.

1. Les délais

Au FGA, le délai légal était de 9 mois pour les dossiers reçus en 2002 et de 6 mois pour les autres dossiers. La résorption progressive du stock n'a pas permis de respecter dans tous les cas les délais. Le FGA n'a pas mis en place de suivi des délais entre la date de recevabilité (qui n'était pas toujours précisée) et la date réelle de l'offre. Surtout l'absence de barème et les modalités de partage des responsabilités entre le FIVA et le FGA n'étaient pas propices à un règlement des dossiers rapide et efficace.

Au FIVA, les délais qui étaient au moment de l'enquête suivis au niveau de chaque juriste chargé de l'instruction des dossiers le sont maintenant de manière centralisée. Certaines anomalies, notamment des délais moyens nuls pour les décisions d'indemnisation du préjudice moral des proches, montrent la nécessité de fiabiliser les informations. Cependant les tableaux fournis permettent de constater un délai médian légèrement supérieur à 6 mois depuis septembre 2004 pour la décision dès lors que le dossier est complet et d'un peu plus de 1,5 mois pour le paiement à compter de la réception de l'accord. Le délai médian et le délai moyen sont cependant fortement influencés par le poids numérique des dossiers de plaques pleurales et de préjudice moral des proches. Pour le mois de novembre, dernier mois complet connu, on relève que le traitement de 379 dossiers de maladies bénignes a été réalisé en moyenne en 6,59 mois avec une médiane de 6,31 mois, que 427 dossiers de préjudice moral des proches ont été traités en moyenne en 6,74 mois -médiane 6,68 mois- mais que les 44 dossiers de maladie grave ont été traités en moyenne en 5,26 mois -médiane 4,72 mois-. S'agissant des délais de paiement la médiane mensuelle est de 1,64 mois mais de 1,09 mois pour les maladies graves.

Compte tenu du stock de dossiers en cours, il apparaît probable que le délai moyen de traitement des dossiers ne pourra être maîtrisé que dans le cadre d'une politique volontariste supposant un suivi rigoureux d'un indicateur fiabilisé.

2. Le coût des dossiers

Le coût moyen du dossier (dépenses de gestion administratives sur le nombre de dossiers reçus) devrait baisser de 725 euros en 2003 à 542 euros (sur la base du budget autorisé, sachant que l'exécution pourrait être inférieure) en 2004, soit une diminution d'un quart.

en €

Evolution du coût moyen d'un dossier

* Pour 2004 : prévision maximale (budget autorisé) et prévision du nombre de dossiers

Source : FIVA

Cette diminution des frais de gestion administrative a été acquise par des efforts de rationalisation de la gestion que pourrait ralentir la hausse du nombre de dossiers dans la période récente.

Au FGA/FGTI, un régleur gère environ 430 dossiers par an. Le FGA dans sa gestion du FIVA a reproduit à peu près ce ratio (400). Au FIVA, ce ratio a été en 2003 de 605 21 ( * ) (plus 52 % par rapport au FGA) 22 ( * ) . Ces éléments doivent être cependant relativisés, en raison notamment des conditions de fonctionnement complexes qui prévalaient dans le partage des attributions des deux organismes.

III. LES MODALITÉS DE L'INDEMNISATION

A. LE SYSTÈME GÉNÉRAL DE RÉPARATION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES ET SON ARTICULATION AVEC LE SYSTÈME PROPRE À L'AMIANTE

1. L'indemnisation forfaitaire des accidents du travail et maladies professionnelles

L' indemnisation de droit commun repose sur le principe de réparation intégrale, soit tout le préjudice ; rien que le préjudice ; le préjudice réel , mais nécessite que la victime apporte la preuve de la faute du responsable et du lien entre cette faute et le dommage.

Les lois du 9 avril 1898 et du 25 octobre 1919 sur les accidents du travail et maladies professionnelles créent une responsabilité sans faute de l'employeur qui est présumé responsable. La victime est indemnisée sur une base forfaitaire et seulement au titre de certaines catégories de préjudices et l'employeur est exonéré de sa responsabilité, sauf en cas de faute inexcusable.

L'évolution du droit de la réparation, en particulier à l'occasion des indemnisations des victimes d'attentats et du sang contaminé, incite à une évolution de la réglementation de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et maladies professionnelles 23 ( * ) .

2. La réparation majorée sur le fondement de la faute inexcusable

En l'absence de modification des modalités de réparation des maladies professionnelles, les victimes ont multiplié les actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur . Pour les victimes relevant du régime des accidents du travail et des maladies professionnelles, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ouvre en effet la voie à une réparation majorée par rapport à la réparation forfaitaire 24 ( * ) . Mais, cette reconnaissance ne peut intervenir qu'au travers d'une action judiciaire, ce qui a conduit les victimes à multiplier les contentieux.

3. La réparation intégrale des victimes de l'amiante

La loi du 23 décembre 2000 « accorde la réparation intégrale de leur préjudice aux personnes ayant obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante ou qui ont été directement exposées à l'amiante en France » et crée le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) pour procéder à cette indemnisation.

La réparation intégrale est fondée sur l'idée de réparer tout le préjudice subi afin de replacer la victime, si possible, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu . En conséquence, sont indemnisés

• les préjudices patrimoniaux (ou économiques) : il s'agit de l'indemnisation de l'incapacité fonctionnelle (taux d'incapacité à apprécier suivant un barème médical), du préjudice professionnel (perte de gains) et de tous les frais qui résultent de la pathologie restant à la charge de la victime (frais de soins, autres frais supplémentaires tels que tierce personne, aménagement du véhicule et du logement, etc) ;

• les préjudices extrapatrimoniaux (ou personnels) : préjudice moral et physique, préjudice d'agrément, préjudice esthétique

L'indemnisation totale de la victime ou des ayants-droit est constituée par le cumul de deux parties :

• l'indemnisation par la sécurité sociale des frais de soins et, lorsque la pathologie est reconnue comme d'origine professionnelle, ce qui est le cas pour 95 % des victimes, l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle (en capital ou en rente) et, en cas de décès, la rente d'ayant-droit ;

• l'indemnisation par le FIVA.

Les indemnisations parallèles par la sécurité sociale et le FIVA doivent s'articuler afin d'éviter une double indemnisation. Conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation confirmée récemment 25 ( * ) , le FIVA fait la somme des préjudices au titre de la réparation intégrale puis déduit l'ensemble des sommes versées par la sécurité sociale.

L'offre au titre du préjudice patrimonial correspond au résultat de cette opération :

• soit la réparation forfaitaire est supérieure à la réparation intégrale telle qu'elle est appréciée par le FIVA et celui-ci ne propose rien au titre des préjudices patrimoniaux ;

• soit c'est l'inverse et le FIVA propose un complément.

Récapitulatif des modalités d'indemnisation

AT/MP

Faute inexcusable de l'employeur (FIE)

FIVA

Modalités

Par CPAM après reconnaissance de maladie

Décision judiciaire reconnaissant la FIE

Administrative soit après reconnaissance du caractère professionnel de la maladie par la CPAM, soit reconnaissance par le FIVA d'une responsabilité de l'amiante

Indemnisation

Forfaitaire en capital ou en rente fonction du taux d'incapacité reconnue

Complément de l'indemnisation AT/MP, selon l'appréciation du juge

Complément de l'indemnisation AT/MP, sur le fondement d'un barème indicatif

Préjudices indemnisés

Frais de soins

Incapacité permanente partielle

En cas de décès, la rente d'ayant-droit ;

Préjudices patrimoniaux (économiques)

Majoration du capital ou de la rente,

Perte de chance de promotion professionnelle

Préjudices patrimoniaux

Les mêmes que pour FIE + aménagement d'appartement, tierce personne...mais sans majoration

Préjudices extrapatrimoniaux (personnels)

Préjudices moral, de souffrance d'agrément de la victime

Préjudice moral des ayants droits les plus proches (conjoint, descendants, ascendants)

Préjudices extrapatrimoniaux

Les mêmes que pour FIE

La notion d'ayants droits est étendue aux collatéraux, petits enfants...

4. Les multiples articulations des modalités de la réparation

Les demandeurs couverts par les deux législations ont donc la possibilité de se les voir appliquer de manière complémentaire. Ils peuvent en conséquence :

• soit agir uniquement devant le TASS en reconnaissance de la faute inexcusable et ne pas saisir le FIVA (qui dans ce cas n'interviendra pas à l'instance) ;

• soit agir uniquement auprès du FIVA.

Rien ne semble s'opposer à ce qu'ils demandent une combinaison d'indemnisation dont voici quelques exemples :

• une personne qui s'est vue refuser la reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie par la caisse peut déposer un dossier au FIVA. S'il s'agit d'une pathologie spécifique, le FIVA l'indemnisera. S'il ne s'agit pas d'une pathologie spécifique, l'indemnisation dépendra de la décision de la Commission d'examen des circonstances d'exposition à l'amiante 26 ( * ) ;

• une personne qui s'est vue débouter de son action en faute inexcusable par le TASS peut demander la réparation intégrale de ses préjudices au FIVA ;

• une personne qui s'est vue reconnaître la faute inexcusable par le TASS peut demander un complément d'indemnisation au FIVA pour les chefs de préjudice qui n'auraient pas été indemnisés par le TASS. En effet, la liste des préjudices indemnisables dans le cadre de la faute inexcusable de l'employeur (FIE) au titre de l'article L. 452-3 du CSS 27 ( * ) est limitative. Même si la jurisprudence a eu une lecture extensive de cette liste, il reste des postes de préjudice indemnisables en droit commun de la réparation intégrale et qui ne sont pas couverts. Il peut s'agir du préjudice professionnel au delà de la seule diminution des possibilités de promotion professionnelle, des frais d'aménagement du local d'habitation ou du véhicule, de l'assistance par une tierce personne, du préjudice par ricochet concernant des personnes qui ne sont pas ayants droit au sens du code de la sécurité sociale mais qui le seraient au sens du droit commun ;

L'acceptation de l'offre du FIVA vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevables les actions juridictionnelles futures en réparation du même préjudice. Toutefois, la victime peut contester l'offre du FIVA dans les deux mois de sa réception devant la Cour d'appel de son domicile, au risque d'une décision moins favorable 28 ( * ) .

B. L'INSTITUTION JUDICIAIRE ACTEUR MAJEUR DU DOSSIER

Le dossier de l'amiante est marqué par une forte judiciarisation tenant à la recherche de la faute inexcusable. Celle-ci ouvrait droit à une plus forte indemnisation. Les victimes, réunies au sein d'associations, ont multiplié les contentieux devant les tribunaux de l'ordre judiciaire, au civil et au pénal, devant les TASS ainsi que devant les juridictions de l'ordre administratif.

En l'absence de barème s'imposant aux tribunaux, les décisions divergent sans qu'il soit toujours possible de distinguer les raisons objectives de ces divergences.

Pour les seules plaques pleurales, maladies pour lesquelles les taux d'incapacité permanente partielle (IPP) s'échelonnent de 0 à 15%, les décisions s'échelonnent de 1500€ (TASS de Nantes le 21/11/02) à 180 000€ (TASS de Lille le 13/11/03). Si l'on retire les 10 indemnisations les plus élevées et les 10 les moins élevées, les indemnisations se distribuent entre 4000€ et 75000€.

Le FIVA dans son 3 ème rapport d'activité de juin 2004 consacre des développements importants à l'analyse de la jurisprudence.

La jurisprudence de la 18 ème Chambre de la Cour d'appel de Paris accorde désormais la somme de 48 000 € pour une plaque pleurale dont le taux d'IPP est de 5 % ou 10 % (5 arrêts du 18/12/2003 et 3 arrêts du 8/3/2004), alors que les Cours d'appel d'Aix-en-Provence, Caen et Rennes pour des situations similaires accordent entre 8 000 et 14 000 € 29 ( * ) . Le 1er juillet 2004, le TASS de Marseille indemnisait des plaques pleurales entre 3500 et 7000€. Le même tribunal, mais présidé par un autre magistrat, indemnisait le 5 juillet 2004 des plaques pleurales entre 30 000 et 40 000€.

Cette hétérogénéité des jugements se retrouve pour les cancers. La Cour d'appel de Paris accorde désormais la somme de 210 000 € pour un cancer ou une mésothéliome dont le taux d'IPP est de 90 % ou 100 % (8 arrêts du 18/12/2003 et 2 arrêts du 8/3/2004), les Cours d'appel de Bourges, Rennes, Amiens, Besançon, Caen et Dijon pour des situations similaires accordent entre 30 000 et 62 000 € 30 ( * ) ;

Ces différences ne tiennent pas toujours à la prise en compte des paramètres individuels comme l'âge de la victime ou sa rémunération comme le montrent les huit arrêts de la CA de Paris cités supra allouant la même indemnité à chacune des victimes. Les différences paraissent plus dépendantes des tribunaux que de la situation des victimes.

Défendant en même temps le salarié et les intérêts du fonds des accidents du travail, les CPAM sont placées dans une situation difficile. Selon la CNAMTS, les caisses s'en remettent toujours à la sagesse du tribunal pour l'évaluation des préjudices ; cette attitude lui apparaît comme un gage d'impartialité.

La charte des AT/MP élaborée par la CNAMTS, conseille de rechercher en général la conciliation en matière de faute inexcusable en associant les médecins des caisses spécialisés pour les recours contre tiers qui ont l'habitude d'évaluer les préjudices personnels. Cependant les conciliations sont rares, les employeurs refusant de reconnaître leur faute inexcusable.

En s'en remettant à « la sagesse du tribunal », les CPAM laissent le juge seul avec l'avocat de la victime, ce qui n'est sans doute pas sans conséquence sur le montant de l'indemnisation. La direction de la sécurité sociale partage les observations de la Cour sur la nécessité pour les CPAM, dès lors que le barème du FIVA a été adopté, d'intervenir plus activement dans la procédure devant les TASS, par la présentation de mémoire discutant des montants d'indemnisation et en faisant appel le cas échéant des décisions des TASS accordant des indemnités qui leur paraissent excessives.

2016 décisions transmises au FIVA à ce jour

mais l'âge et la pathologie des victimes ne

sont connues simultanément que pour 846 d'entre elles.

Légende pathologies :

PLA

Plaques pleurales

EPA

Epaississements pleuraux

ASB

Asbestose

CBP

Cancer broncho pulmonaire

MES

Mésothéliome

Les indemnisations souffrent d'une très grande disparité qui ne tient pas seulement aux situations spécifiques des victimes. La multiplicité des juridictions pouvant se prononcer sur le montant des indemnisations concernant les victimes de l'amiante (tribunal des affaires de sécurité sociale, tribunal administratif, tribunal de grande instance, cour d'appel chambre sociale pour les appels des jugements des TASS, cour d'appel chambre civile ou sociale pour ce qui concerne le FIVA) ne contribue pas à l'harmonisation de la jurisprudence et à l'égalité de traitement entre les victimes.

Le barème indicatif d'indemnisation adopté par le FIVA devrait contribuer à éclairer les juges et amener à réduire les écarts entre juridictions, sans qu'il soit cependant certain que ne subsisteront pas quelques décisions mal proportionnées que l'absence de contrôle du juge de cassation sur le montant de l'indemnisation ne permet pas, en l'état actuel du droit, de rectifier. En effet, l'appréciation du quantum d'indemnisation est traditionnellement pour la Cour de cassation une compétence souveraine des juges du fond.

Si l'adoption du barème du FIVA devait se révéler insuffisante à réguler les indemnisations, il conviendrait de s'interroger sur les moyens de mieux encadrer les montants des indemnités, par exemple en demandant aux CPAM d'intervenir plus activement.

Le regroupement des appels dans une seule Cour pourrait être également favorable à l'homogénéisation des indemnisations. La FNATH estime que cette solution porterait préjudice à la proximité de l'instance pour les victimes et leurs familles et qu'elle « ne peut être acceptée a fortiori si elle est motivée par la seule crainte de voir le montant des indemnisations augmenter du fait de l'intervention des juges du fond. » La CNAMTS, dans sa réponse estime que le choix de la Cour d'appel compétente ne serait pas neutre et propose d'instituer un barème opposable.

IV. LE BARÈME DU FIVA

A. SON ÉLABORATION

Le barème est le résultat de plus de 100 heures de travail avec les membres du conseil d'administration, que ce soit au sein du conseil d'administration lui même ou de groupes de travail. Il a été adopté lors de la séance du conseil d'administration du 21 janvier 2003. Comme il n'est d'autre part qu'indicatif, aucun recours pour excès de pouvoir n'est possible à son encontre comme l'a jugé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 3 mai 2004.

Ce barème incorpore des éléments souhaités par les uns et les autres pour déboucher sur un barème spécifique. Il prend en compte également le préjudice moral et l'action successorale. Il conserve le caractère progressif de l'indemnisation des AT/MP mais se rapproche de la proportionnalité en indemnisant mieux les maladies bénignes. Ce choix du FIVA est susceptible de comporter des conséquences dans un ensemble plus général de réflexions sur l'indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles.

Le barème indicatif d'indemnisation permet de garantir l'égalité de traitement des demandeurs sur l'ensemble du territoire et d'assurer la cohérence dans la prise en compte des différents préjudices.

Il n'est cependant qu'indicatif car il est nécessaire de prendre en compte de manière spécifique les préjudices de chaque victime et donc d'analyser sa situation et l'importance de ses préjudices non seulement économiques mais aussi personnels.

Deux critères objectifs ont été déterminants pour établir la valeur de référence de l'indemnisation qui peut ensuite être adaptée en fonction de la situation individuelle :

• la pathologie et son degré de gravité mesuré suivant un barème médical d'incapacité ;

• l'âge de la victime au moment de la constatation du dommage (certificat médical initial établi par le médecin concernant une pathologie liée à l'amiante).

Deux remarques peuvent être formulées à ce stade. D'une part, les qualités de rapidité, de simplicité et d'efficacité recherchées au travers de cette indemnisation soulignent les insuffisances de la réparation de droit commun 31 ( * ) . D'autre part, on peut s'interroger sur la création d'un établissement public spécifique et la mise en place de structures de gestion complètes alors que préexistaient des structures spécialisées dans les questions d'indemnisation.

A. COMPARAISON DES INDEMNISATIONS PROPOSÉES PAR LE FIVA ET DES INDEMNISATIONS JUDICIAIRES

Il s'agit d'une question essentielle. Selon en effet que l'on estime que les indemnisations par le truchement du FIVA sont égales ou supérieures à celles des tribunaux ou qu'au contraire elles leur sont inférieures, l'intérêt de recourir à une décision judiciaire persiste ou disparaît.

Or, la réponse à cette question n'est pas simple car de multiples paramètres sont à prendre en compte, ce qui explique que tous les acteurs n'arrivent pas aux mêmes conclusions. Selon que sont prises en compte seulement les décisions des tribunaux mentionnant pathologie et taux d'IPP ou également les décisions mentionnant la pathologie sans précision du taux d'IPP, les montants et les conclusions qui peuvent être tirées d'une comparaison diffèrent sensiblement.

1. Une comparaison par pathologie pour les victimes recourant au FIVA.

Le tableau ci-dessous retrace par pathologie le montant moyen des offres que propose le FIVA.

Tableau de l'indemnisation moyenne par pathologie par le FIVA

en €

Source des chiffres : FIVA

Le rapprochement des montants que propose le Fonds avec les décisions judiciaires montre que le montant moyen des offres du FIVA est supérieur à la moyenne des décisions judiciaires à l'exception cependant des plaques pleurales légèrement mieux indemnisées devant les tribunaux.

30 avril 2004

Tableau comparé tribunaux/Fiva de l'indemnisation moyenne par pathologie

Pathologies

Montant moyen de l'indemnisation judiciaire par dossier (en euros)

Montant moyen de l'offre FIVA par dossier (en euros)

Asbestose

40 076

41 021

Plaques pleurales

29 693

21 078

Dégénérescence maligne broncho pulmonaire

119 035

Mésothéliome malin primitif et autres tumeurs pleurales primitives

126 448

142 492

Cancer broncho pulmonaire primitif

92 349

141 558

Source des chiffres : FIVA - 30 avril 2004

Cette comparaison est contestée par l'Association nationale des victimes de l'amiante en raison de règles d'indemnisation différentes devant le FIVA et les tribunaux et de la difficulté à prendre en compte l'indemnisation dans sa globalité -préjudices patrimoniaux et préjudices extrapatrimoniaux. Parmi les points de divergence, on relèvera que le Fonds s'appuie dans sa présentation sur l'ensemble des décisions que le taux d'IPP soit connu ou non ; l'ANDEVA ne retient que les décisions, mentionnant un taux d'IPP de 100%. D'autre part il ne serait pas absurde qu'il existe un biais privilégiant les indemnisations judiciaires les plus élevées puisque dans les cas inverses la victime a intérêt à privilégier l'indemnisation FIVA. Enfin, la dispersion des montants des indemnisations accordées par les tribunaux contribue à entretenir une mise en cause résiduelle des offres d'indemnisations par le FIVA.

Selon un article rédigé par le Président et le Vice-président de l'ANDEVA 32 ( * ) «  Au départ, la loi du 23 décembre 2000 qui a donné naissance au FIVA prévoyait la réparation intégrale de droit commun des préjudices des victimes de l'amiante. Il s'agissait de leur octroyer une indemnisation rapide et automatique, en les dispensant des affres d'une procédure judiciaire. Or les montants qui viennent d'être votés ne peuvent qu'inciter les victimes à se tourner de nouveau vers les tribunaux. » Certaines associations risquent donc de continuer à encourager les recours judiciaires des victimes, que la création du FIVA avait notamment pour objet d'endiguer.

Après un an et demi d'application du barème et plus de 8 000 offres d'indemnisation, le seuil d'acceptation des offres semble se stabiliser autour de 95%. Le nombre de recours en contestation des offres du FIVA (355) est donc limité alors même que l'article 31 du décret du 23 octobre 2001 qui met à la charge du FIVA les dépenses de procédure, et ce quelle que soit la suite donnée au recours, pourrait paraître constituer une incitation au contentieux.

Les recours semblent se concentrer sur les ressorts d'un certain nombre de Cours d'appel 33 ( * ) . Il existe une différence particulièrement importante dans le taux d'acceptation des offres selon que le demandeur relève des Cours d'appel de Paris et de Bordeaux ou des autres Cours d'appel :

Répartition comparée du nombre de victimes indemnisées
par le FIVA et des contentieux indemnitaires

Le graphique ci-dessus montre que le nombre de recours devant la Cour d'appel de Paris est proportionnellement plus élevé que le nombre de dossiers d'indemnisation traités dans son ressort, et qu'à l'inverse, les recours devant la Cour de Rennes sont proportionnellement moins élevés. La Cour d'appel de Paris représente au 31 mai 2004, 25 % des contentieux indemnitaires contre les offres du FIVA alors que les victimes habitant cette région ne représentent que 5,4 % des dossiers du FIVA.

Au moins deux raisons à ces différences peuvent être identifiées. La première tient à la plus ou moins grande implication des associations de victimes. La seconde à l'espérance d'obtenir une indemnisation supplémentaire.

Mais le nombre de décisions judiciaires toujours plus nombreuses amène à s'interroger sur la présence d'autres facteurs.

2. Le FIVA n'a pas tari les recours aux tribunaux

Malgré l'existence du FIVA et un fort taux d'acceptation de ses décisions, on constate une forte croissance du nombre de jugements ; de 300 en 2002 leur nombre passe à 900 en 2003 et probablement plus de 1500 en 2004 (1 217 recensés au 31/01/2005 sachant que le FIVA n'a probablement pas encore reçu l'ensemble des décisions de justice ou ne les a pas encore enregistrées et qu'en outre, un certain nombre de juridictions, malgré la circulaire du ministère de la justice et des lettres de rappel du FIVA ne respectent pas l'article 39 du décret du 23 octobre 2001 leur prescrivant de transmettre leurs décisions au FIVA).

Une partie de cette croissance peut être liée à une meilleure transmission par les greffes des jugements au FIVA. Mais la principale explication est liée à la forte croissance du nombre de reconnaissances de la faute inexcusable de l'employeur.

Sur les 1217 jugements rendus dans le premier semestre 2004, seuls 25 soit moins de 2% ne reconnaissaient pas la faute inexcusable.

Il apparaît donc nécessaire pour une part très importante des victimes d'intégrer la faute inexcusable et ses conséquences dans les calculs d'indemnisation.

a)- La comparaison pour les IPP de 5 % (plaques pleurales).

La comparaison pour les plaques pleurales avec une IPP de 5 % est immédiate. En effet, il n'y a pas de préjudice annexe (frais de soins, tierce personne, préjudice professionnel) et, surtout, le montant versé par le tribunal au titre de la majoration d'incapacité est versé en capital et non en rente (doublement de l'indemnité attribuée pour 5 % d'IPP, qui s'élève à 1682,82 euros en 2005).

Donc la victime peut bénéficier :

- soit, à condition de démontrer la faute inexcusable de son employeur, d'une indemnisation de la juridiction de sécurité sociale comprenant, d'une part, une majoration de son capital pour un montant fixe et, d'autre part, les préjudices extrapatrimoniaux ;

- soit de l'indemnisation par le FIVA de ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

Indemnisation moyenne jurisprudence et FIVA de 1999 à 2002

en €

1999-2002

IPP 5% (86 décisions)

FIVA 62 ans

Ecart FIVA/Jurisprudence 1999-2002

Moyenne extrapatrimonial

22 623

15 000

-34 %

Patrimonial

1 482

4 100

277 %

Total

24 904

19 100

-21 %

b)- La comparaison pour les IPP supérieures à 9%

La comparaison pour les incapacités de plus de 9 % est très délicate. En effet, au-delà de ce seuil, l'indemnisation de l'incapacité par la sécurité sociale et le montant accordé par le tribunal au titre de la majoration d'incapacité sont versés en rente.

Donc la victime peut bénéficier :

- soit, à condition de démontrer la faute inexcusable de son employeur, d'une indemnisation par la juridiction de sécurité sociale comprenant, d'une part, une majoration de sa rente et, d'autre part, les préjudices extrapatrimoniaux ;

- soit de l'indemnisation par le FIVA de ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

En cas de recours aux tribunaux, l'indemnisation calculée en intégrant la majoration de la rente prévue en cas de reconnaissance de la faute inexcusable est supérieure à l'indemnisation obtenue devant le FIVA. Cependant, à compter d'un taux d'IPP de 51 %, plus le taux est élevé plus l'avantage relatif à la majoration pour faute inexcusable se réduit en raison notamment de la progressivité du barème du FIVA ; il est même nul quand l'IPP atteint 100 % et, dans ce cas, la victime bénéficie d'un montant en capital égal au montant du salaire minimum des rentes, soit 15 973,78 euros (valeur 2005). Cependant, la comparaison ne peut pas en rester aux montants théoriques d'indemnisation et doit prendre en compte les modalités concrètes de leur application : or, les pratiques en matière de « consolidation » de pathologie maligne sont variables suivant les organismes de sécurité sociale et certaines victimes ne font pas l'objet d'une consolidation avant le décès 34 ( * ) .

Si la victime est décédée, le conjoint survivant et les enfants de moins de 16 ans (ou jusqu'à 20 ans s'ils sont en apprentissage ou poursuivent leurs études), bénéficient d'une majoration de leur rente. Pour se limiter à la situation du conjoint survivant, celui-ci bénéficie d'une rente égale à 40 % du salaire de la victime si ce conjoint a moins de 55 ans et de 60 % après cet âge. La reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur conduit à porter la rente à 100 % du salaire de la victime. Il s'agit d'une disposition plus favorable que la réparation intégrale qui n'indemnise que le seul préjudice économique du conjoint survivant (en réparation intégrale, l'indemnisation vise à ce que le revenu après décès soit au moins égal au revenu avant décès moins la part de consommation de la victime décédée).

C'est pourquoi, un amendement parlementaire a prévu que, dans ces situations et suite au recours subrogatoire exercé par le FIVA, la victime pouvait bénéficier d'une « indemnisation complémentaire (...) susceptible d'être accordée dans le cadre d'une procédure pour faute inexcusable de l'employeur 35 ( * ) ». Dans ce cadre, le recours subrogatoire du FIVA devant le juge perd son caractère classique de récupération auprès du responsable pour acquérir une dimension de complément indemnitaire. Pour les victimes entrant dans le champ d'application de l'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, c'est la garantie que l'indemnisation par le FIVA apportera les mêmes avantages que ceux résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Toutefois, cette analyse suppose que le FIVA exerce le recours subrogatoire dans les mêmes conditions que la victime (si le FIVA s'abstient d'exercer le recours subrogatoire dans ces situations la victime ne bénéficiera pas de la majoration de sa rente). Cette exigence conduit à multiplier le nombre de recours nécessaires au bénéfice des victimes y compris dans des situations où le recours subrogatoire ne présente pas d'intérêt pour le Fonds puisque le responsable de l'exposition ne peut pas être mis en cause directement (employeur disparu, article 40). Le FIVA reconnaît qu'il n'est pas aujourd'hui en mesure d'exercer l'ensemble des recours au bénéfice des victimes qui conservent donc un intérêt important à saisir les juridictions.

Les effets négatifs d'une telle organisation juridique sont importants.

• Les victimes sont contraintes de recourir aux tribunaux pour faire valoir les droits qui leur sont ouverts en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, recours contentieux que la création du FIVA avait pour objectif de rendre inutiles.

• Un contentieux est généré qui nécessite des investissements de la part des tribunaux, du FIVA et de l'assurance maladie, laquelle sera bien souvent le réel payeur.

• La multiplication des contentieux tire à la hausse les indemnisations.

Le barème du FIVA a été adopté le 21 janvier 2003. Dès lors, deux effets étaient possibles :

• un effet de concurrence : les victimes opèrent un choix entre le FIVA et les juridictions. Dans les situations où la juridiction est traditionnellement plus favorable, elles engagent une action juridictionnelle. Dans les situations inverses, elles déposent un dossier au FIVA. Il en résulte une augmentation mécanique des montants moyens servis par les tribunaux (il y a plus de décisions supérieures au barème du FIVA et moins de décisions inférieures) ;

• un effet d'homogénéisation : les juridictions se rapprochent du barème du FIVA (certaines en diminuant le montant de leurs indemnisations, les autres en l'augmentant).

Le FIVA constate que c'est le premier effet qui semble pour l'instant dominant et qu'il en résulte une dégradation relative de la place du barème du FIVA.

Ces constats ont amené la Cour à examiner une nouvelle voie. Compte tenu de la nature du dossier, on pourrait considérer qu'il y a présomption de faute inexcusable, présomption que conforte la proportion de décisions judiciaires reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur. A la demande de la Cour, le FIVA a donc calculé le coût différentiel entre une indemnisation réalisée en intégrant automatiquement la faute inexcusable de l'employeur et les indemnisations après reconnaissance de la faute inexcusable devant les tribunaux.

Dans le cas où le FIVA continuerait à n'intervenir que marginalement en matière de faute inexcusable, la majoration pour faute inexcusable par la voie judiciaire devrait avoir un coût global de 17,6M€ ; une reconnaissance automatique devrait avoir un coût de 65,5M€, soit un coût de l'automaticité de cette reconnaissance de 47,9M€ en 2006 36 ( * ) . Le surcoût maximum devrait être atteint en 2027 et s'élever à 150M€ ainsi que le montre l'annexe 6. L'hypothèse d'un développement des recours initiés par le FIVA contre le tiers responsable diminue bien entendu le différentiel, qui serait de 44M€ en 2006, et un maximum de 120M€ en 2027, mais le coût de ces recours serait le plus souvent supporté par la branche AT/MP de l'assurance maladie.

Ce surcoût doit être comparé aux avantages qu'il présente. Cette mesure permettrait à toutes les victimes remplissant les conditions de bénéficier des dispositions plus favorables de la faute inexcusable sans qu'elles aient à recourir aux tribunaux. Elle déchargerait les tribunaux d'un contentieux qui perd une partie de son intérêt quand il a pour effet d'opposer le FIVA et la branche AT/MP qui est son principal financeur. Elle redonnerait à l'action récursoire du FIVA tout son sens en l'amenant à poursuivre les employeurs qui peuvent l'être utilement. Une telle évolution ne serait cependant financièrement acceptable que si le surcoût en était financé par un recentrage du dispositif du FCAATA sur les victimes reconnues de l'amiante.

C. LES DÉPENSES D'INDEMNISATION

Les provisions et indemnisations (compte C65 autres charges de gestion courante) s'élevaient en 2003 à 400M€ en termes d'engagement -et non en trésorerie puisqu'il y a un décalage important entre la présentation de l'offre, son acceptation et le paiement. L'adoption tardive du barème d'indemnisation et les délais nécessaires à la résorption du stock de dossiers du FGA ont conduit à un résultat 2003 très inférieur aux prévisions initiales : le montant total des dépenses sur le compte 65 s'est établi en 2003 à 171,1M€ et le compte financier fait apparaître la répartition suivante :

- 49,8M€ versés au titre des provisions

- 120,9M€ au titre des indemnisations

- et 0,37M€ au titre des rentes.

Par ailleurs, 137M€ d'engagements 37 ( * ) étaient constatés au 31 décembre 2003. Ce montant correspond aux offres faites par le FIVA mais non encore acceptées par les demandeurs. Il s'agit donc de sommes devant être payées au cours de l'exercice 2004.

Le budget prévisionnel pour 2004 avait été établi sur une hypothèse de 600 dossiers mensuels avec un coût moyen par dossier de 60 000€ sur treize mois. Cette prévision était sensible au nombre de saisines du FIVA (tendance à la hausse des mois récents) et au coût moyen du dossier lié au partage entre les différentes pathologies, entre les victimes malades et les victimes décédées et également de l'attitude des tribunaux.

Au 31 décembre 2004, le FIVA a effectué près de 19 000 paiements (provisions, offres partielles ou totales, etc) correspondant à près de 11 000 dossiers de victimes pour un montant total de 554 millions d'Euros.

(en €)

Situation des paiements du FIVA au 1/3/04

D. LES RESSOURCES DU FIVA

a)- Les dotations de l'Etat et de la sécurité sociale

Les ressources du FIVA ont été constituées entre 2001 et 2004 essentiellement par des dotations de la branche AT-MP (908M€) et plus accessoirement par des dotations de l'Etat pour un montant total de 78,1M€. En raison de la montée en charge très progressive, ces dotations ont jusqu'à ce jour été suffisantes. Il a été possible en 2004, compte tenu du disponible, de limiter la dotation de l'assurance maladie à 100M€ et de ne pas prévoir de dotation du budget de l'Etat. En 2005, l'épuisement prévisible des ressources précédemment constituées nécessitera de doter ce fonds à hauteur de ses dépenses prévisibles, en tenant compte cependant des ressources supplémentaires que devraient constituer les recours contre tiers.

en M€

Ressources du FIVA

2001

2002

2003

2004

Total

LFSS

438

180

190

100

908

Etat

38,1

40

78,1

Total

438

218

230

100

986,1

b)- Les recours subrogatoires

Il résulte des dispositions du premier alinéa du VI de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 que « le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes. »

Le second alinéa précise que « le fonds intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable, et devant les juridictions de jugement en matière répressive, même pour la première fois en cause d'appel, en cas de constitution de partie civile du demandeur contre le ou les responsables des préjudices, il intervient à titre principal et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi ».

L'action du fonds est facilitée par l'obligation faite aux juridictions d'adresser copie des actes de procédure les saisissant de toute demande en justice relative à la réparation des préjudices résultant de l'exposition aux poussières d'amiante (article 37 du décret du 23 octobre 2001) afin d'éviter toute double indemnisation. Le Fonds ainsi informé par la juridiction doit indiquer s'il a été saisi d'une demande d'indemnisation et s'il entend ou non intervenir à l'instance.

Il n'existe pas encore de prévision sur les ressources attendues des recours subrogatoires pour les années à venir à législation inchangée. Le FIVA n'a pas fait du recours contre tiers une priorité, privilégiant en phase de montée en charge l'indemnisation des victimes, condition de la subrogation, d'autant que les recours juridictionnels sont extrêmement longs à mener à bien et consommateurs de temps pour les juristes du Fonds. Le nombre de recours susceptibles d'être exercés dépend donc des effectifs affectés à cette activité. Le FIVA relativise les ressources attendues des recours subrogatoires. Selon lui, elles sont, bien qu'en forte croissance, minoritaires pour d'autres Fonds tels que le FGA ou le FGTI (12 % des indemnisations versées en 2001 pour les deux fonds 38 ( * ) ).

Les recours subrogatoires du FIVA n'auraient pas nécessairement un impact sur les finances publiques par l'apport de ressources autres que celles provenant de prélèvements obligatoires. C'est tout d'abord le cas pour les recours contre les employeurs publics ou les recours qui pourraient être envisagés contre l'Etat sur le fondement de sa responsabilité de puissance publique. Mais c'est également le cas dans les actions contre les autres employeurs. En effet, il ne suffit pas que l'employeur soit condamné pour faute inexcusable pour qu'il soit tenu de verser directement le montant des indemnités. Ce versement incombera à la CPAM (en tant qu' « assureur » de l'employeur). Il reviendra ensuite à cette caisse de recouvrer ces sommes auprès de l'employeur pour les préjudices extra-patrimoniaux et d'imposer une sur-cotisation en cas de majoration de rente. Or, il existe plusieurs cas où ce recouvrement ou cette sur-cotisation ne pourra pas être effectué par la caisse 39 ( * ) . C'est la raison pour laquelle le Conseil d'administration a prévu 40 ( * ) que le FIVA ne fasse pas de recours dans ces situations (lorsque ce recours n'a pas d'intérêt pour le demandeur 41 ( * ) ). Cette décision parait d'autant plus justifiée qu'il apparaîtrait peu rationnel que FIVA et CPAM s'opposent devant les tribunaux alors qu'in fine ce sont les crédits du FNAT qui seront mobilisés quelle que soit l'issue du contentieux.

Le tribunal devant lequel le FIVA engage son action subrogatoire n'est pas tenu par l'évaluation des préjudices réalisés. En particulier, la personne dont le FIVA cherche à faire reconnaître la responsabilité non seulement cherchera à éviter cette reconnaissance mais visera également à faire réduire le montant à sa charge. Or, l'hétérogénéité de la jurisprudence en matière d'évaluation des préjudices peut conduire certaines juridictions à faire droit à cette demande. Ainsi, dans une décision récente, le TASS d'Angers a décidé d'allouer 60 000 euros au FIVA au titre du remboursement des sommes versées au titre des préjudices subis par une victime atteinte d'un cancer broncho-pulmonaire, alors même que le FIVA avait évalué ces préjudices à la somme de 154 000€. Le FIVA a interjeté appel de cette décision.

Au 31 décembre 2004, 11 décisions étaient intervenues permettant au FIVA de récupérer, sous réserve d'appel, 56 951€ dont une part importante reposait sur la branche AT/MP en raison des mécanismes de mutualisation. En outre 170 recours étaient engagés. Le Fonds rencontre des difficultés notamment dans l'identification des circonstances professionnelles de l'exposition. Il dispose de peu d'éléments et la difficulté est d'obtenir des victimes les renseignements demandés. En effet, le souci de simplification qui a présidé à l'élaboration des formulaires ne permet pas aux services d'avoir les éléments nécessaires à la conduite de l'action subrogatoire.

Compte tenu des multiples obstacles auquel se heurte le recouvrement auprès des entreprises directement responsables, les recours subrogatoires ne peuvent pas être considérés comme une ressource appelée à connaître un développement significatif. La DSS dans sa réponse à la Cour estime nécessaire une réflexion sur la simplification de ces procédures qui apparaissent compliquées et aboutissent paradoxalement, alors que le FIVA est une procédure non contentieuse, à devoir multiplier les procédures.

Pour des raisons budgétaires, mais pas seulement, il est nécessaire que le FIVA se dote d'outils de suivi du contentieux subrogatoire afin de justifier ses décisions de recourir ou non à ce contentieux au vu de critères préalablement définis.

LE COÛT DU DOSSIER AMIANTE ET LA RÉPARTITION DES CHARGES

Pour 2004, le budget du FIVA (cf p 41) prévoyait 470M€ de dépenses d'indemnisation ; les dépenses du FCAATA étaient évaluées à 660 M€ en hypothèse moyenne, après s'être élevées à 516 M€ en 2003. Le montant des dépenses de ces deux fonds pour 2004 serait donc de 1 130M€ .

Pour 2005, le FIVA envisage une dépense d'indemnisation de 625M€ 42 ( * ) ; les dépenses du FCAATA pourraient s'élever à 767M€ (cf p 45 ), soit une dépense totale de 1400M€ en 2005 .

A ces dépenses doivent être ajoutées celles du régime général et des régimes spéciaux.

I. IMPACT GLOBAL

Le rapport remis par le Gouvernement au Parlement estimait à 1083 M€ l'impact financier de l'indemnisation de l'amiante pour 2003.

On rappellera l'extrême prudence des auteurs du rapport qui écrivaient avant le tableau donnant le détail de cette évaluation :

« Pour l'année 2003, le coût de la prise en charge des victimes de l'amiante serait donc d'environ 1,1 milliard d'euros. Compte tenu de la forte hétérogénéité de ces données, ce montant doit être pris comme un ordre de grandeur plausible plutôt que comme une indication précise ».

Le tableau joint se présentait ainsi :

(en M€)

Estimation de l'impact financier de l'indemnisation des victimes de l'amiante et des mécanismes financiers spécifiques pour 2003

Régime général

115

Régimes spéciaux

• SNCF

11,5

• RATP

1

• EDF/GDF

7,3

• ENIM

0,7

• Mines

Fonction Publique

• Etat défense et autres

1,8

• territoriale

0,1

• hospitalière

0,2

Sous total sécurité sociale

137,4

Faute inexcusable de l'employeur

30,5

FIVA

400

Sous total indemnisation

567,8

FCAATA

505

SNCF

0,3

Défense

9,5

ENIM

0,7

Sous total cessation anticipée d'activité

515

Total général

1083

Source : page 24 du rapport au Parlement

Le graphique ci-dessous permet de resituer globalement les dépenses d'indemnisation des victimes de l'amiante, mais souffre de nombreuses insuffisances en raison de l'hétérogénéité des données utilisées. Les montants des paiements directs ne peuvent être que ceux de l'année 2002 -dernière année connue lors de l'élaboration du rapport- alors que pour le FIVA et le FCAATA ont été utilisés les résultats prévisionnels 2004. Il aurait été peu significatif en effet de prendre les dépenses des Fonds et tout particulièrement ceux du FIVA avant leur montée en charge.

On retiendra cependant, qu'au-delà de la convention de calcul du poids des rentes, il convient, pour apprécier globalement les coûts liés à l'indemnisation des victimes de l'amiante et aux mécanismes mis en place pour répondre à ce problème, de ne pas négliger le poids des dépenses directes de la branche accidents du travail - maladies professionnelles 43 ( * ) .

Répartition des charges d'indemnisation des victimes de l'amiante et des mécanismes financiers spécifiques

Erreur ! Liaison incorrecte. FIE : Faute Inexcusable de l'Employeur

A. UNE PLAC E ESSENTIELLE DES FONDS DANS LA DÉPENSE

La part du financement des deux fonds, FIVA et FCAATA, rend ces estimations plausibles. Ces chiffrages comportent cependant des biais d'importance.

Toutes les dépenses ne sont pas de même nature. Certaines imputations au titre de l'amiante paraissent discutables. Ainsi, les dépenses du FCAATA ne correspondent que pour une part minoritaire à l'indemnisation de victimes, certaines ou même potentielles, de l'amiante.

L'intervention du FIVA étant complémentaire de la prise en charge des maladies professionnelles par les organismes de sécurité sociale des secteurs privé et public, à ces dépenses il convient d'ajouter celles des régimes d'assurance maladie, régime général et régimes spéciaux mais elles sont mal connues.

B. LES INSUFFISANCES DU SUIVI DES DÉPENSES

Malgré l'importance des coûts afférents à l'amiante dans les maladies professionnelles, les coûts réels sont mal appréhendés. Le rapport public particulier de la Cour sur les AT-MP avait déjà développé l'insuffisance générale des statistiques en matière d'AT-MP 44 ( * ) . Le système d'information de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général ne permet pas de connaître les coûts de l'indemnisation des victimes de l'amiante pour une année alors même que les pathologies sont clairement identifiées dans les deux tableaux de maladies professionnelles 30 et 30 bis.

Le détail des dépenses retracé dans le tableau ci-dessous qui servent également à la tarification, combine réalité de la dépense et approche par le risque. C'est au niveau des rentes payées et des indemnités décès que les insuffisances sont les plus sensibles.

Détail des dépenses amiante du régime général en 2002

Imputation

Total

Montant en K€

Total

dont

526 691

prestations

IJ+ frais médicaux+frais pharmacie+ hospitalisation

8 011

Indemnités en capital

IPP<10%

4 281

Rentes

IPP>=10%

366 082

Indemnités décès

148 313

Source : CNAMTS

Le détail du tableau ci-dessus s'éloigne progressivement de la comptabilité pour se rapprocher d'une logique de tarification.

• Les 8M€ de prestations correspondent aux dépenses réelles des CPAM au titre des maladies tenant à l'amiante.

• Un peu plus éloignés des dépenses réelles sont les 4,3M€ des indemnités en capital versées en cas d'IPP inférieures à 10%. Les 4,3M€ correspondent aux indemnités en capital versées majorées de 10% pour frais de gestion. Le montant réellement versé en 2002 est donc de 3,9M€.

• Les 366M€ imputés au compte rentes correspondent aux nouvelles rentes liquidées dans l'année, affectées d'un coefficient multiplicateur de 32 visant à répercuter sur l'employeur le poids du risque 45 ( * ) . En conséquence le montant des nouvelles rentes liquidées dans l'année 2002 s'élève en fait à 11,44M€. Quant au montant réellement payé, il peut être estimé à 5,72M€ pour les rentes liquidées en 2002 si l'on fait l'hypothèse que les liquidations sont réparties uniformément sur l'année. Les rentes payées au titre des liquidations des années antérieures, ne sont elles pas connues et ne figurent donc pas dans le total indiqué. Ces incertitudes avaient amené le gouvernement à élaborer son évaluation en multipliant le montant annuel moyen de la rente par le stock de victimes en fonction d'une hypothèse de mortalité de 80 % pour le mésothéliome et de 67 % pour les cancers broncho-pulmonaires 46 ( * ) .

• Le montant de 148M€ de capital décès relève également d'une convention de présentation plus que d'une réalité de décaissement. Ce montant correspond en effet aux décès intervenus avant versement d'une rente, multiplié par le montant du salaire annuel retenu pour l'évaluation des rentes, multiplié par 26, et ce, que le capital ait ou non été versé.

• Enfin, les conséquences de la faute inexcusable, majoration de rente et indemnisation des préjudices, ne sont pas incluses dans les données ci-dessus.

Les conventions retenues par la branche AT/MP, si elles peuvent convenir dans une optique de gestion du risque vis-à-vis des employeurs, ne constituent pas en revanche des normes acceptables en comptabilité. Outre les évolutions nécessaires pour supprimer les insuffisances relevées ci-dessus, il conviendrait au demeurant d'examiner si, dans le cadre général des travaux menés pour préparer la certification des comptes des organismes de sécurité sociale, il ne faudrait pas faire figurer les engagements afférents aux rentes attribuées au moins dans un document annexe aux comptes, voire de les provisionner. Il conviendrait également de réfléchir à la comptabilisation des charges à payer sur plusieurs exercices dans les comptes du FIVA et du FCAATA, ou en annexe à ces comptes.

II. LA RÉPARTITION DES CHARGES ENTRE L'ETAT, LA BRANCHE AT-MP ET LES ENTREPRISES RESPONSABLES

Trois contributeurs participent au financement des conséquences de l'amiante, l'Etat, le Fonds national des accidents du travail et les entreprises.

A. LA RÉPARTITION ENTRE L'ETAT ET LA BRANCHE AT-MP

Etat et assurance maladie participent au financement du FIVA et du FCAATA. Les contributions de l'assurance maladie sont fixées en loi de financement de la sécurité sociale, celles de l'Etat en loi de finances. La mobilisation d'une part de la loi de finances, d'autre part de la loi de financement de la sécurité sociale pour le financement de mêmes organismes ne facilite pas une approche globale de ce financement, et ce d'autant plus qu'il n'existe aucune clé de répartition explicite des contributions respectives de l'Etat et de l'assurance accidents du travail - maladies professionnelles. La contribution de l'Etat est encore obscurcie par son mode de fixation en pourcentage, au surplus variable, des recettes des droits sur les tabacs.

Le tableau et les graphiques ci-dessous retracent les financements depuis la création des deux fonds.

Dotations de l'Etat et de la branche AT-MP au FIVA et au FCAATA

(en M€)

1999

2000

2001

2002

2003

2004 (prev)

Total FCAATA

6,6

133,4

237,3

334,3

482,3

530,9

Etat et tabac

6,6

30,5

31,5

34,3

32,3

30,9

CNAMTS

0

102,9

205,8

300

450

500

Total FIVA

438

218

230

100

Etat

38

40

CNAMTS

438

180

190

100

Total FCAATA+FIVA

6,6

133,4

677

552,3

712,3

630,9

Etat

6,6

30,5

33,2

72,3

72,3

30,9

CNAMTS

0

102,9

643,8

480

640

600

Financement Etat et branche AT-MP du FIVA et du FCAATA

A l'exception de 1999, année de démarrage du FCAATA supporté par l'Etat seul, les fonds amiante ont été supportés pour leur plus grande part par la branche AT-MP, de 77% en 2000 à 95% en 2004. Ni la responsabilité de l'Etat employeur, ni celle de l'Etat législateur ne semblent offrir de grille de lecture des engagements de l'Etat dans le financement annuel de ces deux fonds.

La responsabilité de l'Etat au titre de ses activités régaliennes peut difficilement faire l'objet d'une évaluation incontestable et relève essentiellement de la sphère du politique. En revanche, il existe des éléments pour apprécier la responsabilité de l'Etat employeur. 13% des dossiers reçus par le FIVA concernent des salariés ayant relevé d'une entité publique. Quant à la part des indemnisations au titre des entités publiques elle est estimée entre 13 et 15% (cf annexe 3).

La participation totale de l'Etat aux ressources du FIVA s'élevait à la fin 2004 à 78,1M€ sur un total de 986,1M€ (cf tableau 30 p 87) soit 7,92%. Cependant, à la fin 2004, on peut estimer à 634M€ les montants d'indemnisation qui auront été versés par le FIVA. En ce cas, la dotation versée par l'Etat correspond à 12,32% des dépenses du FIVA, pourcentage compatible avec le poids des dépenses réalisées au titre de l'indemnisation de salariés d'entités publiques. Compte tenu de la progressive montée en charge des indemnisations, et si l'on prend en compte l'ensemble des années jusqu'à 2004 inclus, il n'y a pas eu, jusqu'à maintenant, de transfert de charge de l'Etat employeur sur la sécurité sociale.

Part des dépenses de chacun des fonds supportée respectivement par l'Etat et la branche AT-MP

B. LA PART DES FONDS AMIANTE DANS LES CHARGES DE LA BRANCHE AT/MP DU RÉGIME GÉNÉRAL

Le total des charges de financement du FIVA et du FCAATA représentait 7,61% des charges de la branche AT/MP du régime général en 2001, 5,57% en 2002 et 6,92% en 2003.

Part des fonds amiante dans les charges AT/MP du régime général

en M€

2001

2002

2003

2004*

CHARGES DE GESTION TECHNIQUE

7 850,42

7 961,42

8 567,24

8 9950

Prestations sociales

5 886,07

6 296,92

6 530,02

6 953

Charges techniques

1 439,27

1 420,61

1 651,95

1 607

Transferts entre organismes de Sécurité Sociale

715,30

867,06

941,09

942

Autres charges techniques

723,97

553,55

710,86

665

Subventions

0,77

0,16

0,28

0

Contributions au financement de fonds nationaux

722,98

552,89

710,54

664

FMESPP

0,76

1,22

3,60

4

FCAATA

205,81

300,00

450,00

500,00

Rentes AT antérieurs à 47

78,12

71,67

64,42

58

FIVA

438,29

180,00

190,00

100,00

Autres fonds

0,00

0,00

2,52

3

Participations

0,22

0,50

0,29

0

Diverses charges techniques

85,82

75,53

82,23

82

Dotations aux provisions

439,26

168,36

303,04

309

Charges financières

0,00

0,00

0,00

0

CHARGES DE GESTION COURANTE

601,87

651,06

682,42

710

CHARGES EXCEPTIONNELLES

15,83

5,45

1,14

1

TOTAL DES CHARGES AT

8 468,12

8 617,93

9 250,80

9 661

*d'après le tableau des charges CNAM AT-MP p166 du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale juin 2004

RATIOS

FCAATA/Charges techniques

14,30%

21,12%

27,24%

31,12%

FIVA/Charges techniques

30,45%

12,67%

11,50%

6,22%

FCAATA + FIVA/Charges techniques

44,75%

33,79%

38,74%

37,34%

FCAATA/Charges de gestion technique

2,62%

3,77%

5,25%

5,57%

FIVA/Charges de gestion technique

5,58%

2,26%

2,22%

1,11%

FCAATA+FIVA/Charges de gestion technique

8,20%

6,03%

7,47%

6,68%

FCAATA/Total des charges

2,43%

3,48%

4,86%

5,17%

FIVA/Total des charges

5,18%

2,09%

2,05%

1,03%

FCAATA+FIVA/Total des charges

7,61%

5,57%

6,92%

6,20%

Source CNAMTS et commission des comptes de la sécurité sociale juin 2004

La dotation au FIVA a représenté 5,18% en 2001, 2,09% en 2002 et 2,05% en 2003 du total des charges de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général. La dotation au FCAATA a représenté quant à elle 2,43% en 2001, 3,48% en 2002 et 4,86% en 2003. Il convient cependant de souligner que les dotations de ces trois dernières années ont été lissées par une montée en charge progressive des deux fonds. Ainsi la réduction de la participation au FIVA n'est elle pas due à un ralentissement des dépenses de ce fonds mais à l'existence d'un report de crédits.

C. LA RÉPARTITION ENTRE LES ENTREPRISES ET LE RÉGIME GÉNÉRAL

Alors que les décisions des tribunaux et l'indemnisation des victimes soulignent une forte concentration des dommages de l'amiante sur quelques sociétés, les conséquences ont été très largement mutualisées.

1. Une forte concentration des victimes de l'amiante dans quelques sociétés

Parmi les 2195 décisions rendues par les tribunaux en matière de contentieux de l'indemnisation des maladies de l'amiante entre le 10 avril 1999 et le 2 février 2004 pour un total de 77M€, 12 sociétés représentaient plus de 55M€. Quatre étaient des entités publiques au moment de l'exposition -direction des constructions navales (DCN), ministère de la défense, EDF, SNCF- Le montant de leurs condamnations s'élève à 8M€.

Quelques sociétés concernées par les décisions judiciaires

Sur un total des décisions judiciaires de 77M€, 12 sociétés représentent 55 M€.

Quand à l'indemnisation par le FIVA, une étude sur les bases dont dispose ce Fonds montre que 1526 victimes 47 ( * ) avaient été employées par 1788 employeurs sur 2883 emplois, une même victime indemnisée par le FIVA pouvant avoir travaillé pour un ou plusieurs employeurs. Les 10 % de plus gros employeurs ont employé à eux seuls plus de 43 % des victimes ; 22 ont employé plus de 10 victimes. Seuls 209 employeurs sur 1788 ont employé plus d'une victime. Le nombre moyen de victimes par employeur varie d'un facteur 7 selon le type d'employeurs que l'on considère (gros employeur ou employeur « marginal »).

Le tableau des indemnisations réalisées par le FIVA montre également la concentration des indemnisations sur quelques employeurs. Le ministère de la défense est à l'origine de 23M€ d'indemnisations, suivi d'Eternit pour 4,5M€. Plus largement, les entreprises recensées dans le tableau des décisions judiciaires se retrouvent également dans les indemnisations par le FIVA.

Indemnisation des victimes par le FIVA au 1 er septembre 2004

Nom de l'employeur

Nombre de victimes employées

(en €)

Somme des dépenses d'indemnisation

Employeur inconnu FGA

4 330

241 571 660

Employeur inconnu FIVA

1 991

71 893 514

Employeurs de moins de 5 salariés renseignés

899

60 505 360

Ministère de la Défense (dont DCN)

571

22 929 360

VALEO/FERODO

123

4 205 896

CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE

100

2 967 016

PORT DE DUNKERQUE

71

4 077 961

EDF GDF

68

4 021 607

ETERNIT

64

4 568 042

SNCF

44

2 965 852

SICO

37

1 934 802

USINOR/SOLLAC

34

1 445 843

CHARBONNAGE DE France

28

814 457

NORMED

27

2 083 560

TOTAL FINA ELF

22

1 195 822

ALSTOM

21

939 237

WANNER ISOFI

20

876 470

RHÔNE-POULENC

19

1 225 475

STE EVERS

16

560 680

FINALENS

16

268 231

CREUSOT LOIRE

14

833 748

SAINT GOBAIN

14

624 610

EVERITE

12

577 730

ALLIEDSIGNAL

11

397 272

BEAULIEU

10

406 671

UGINE

9

689 441

C.M.M.P.

8

730 691

PECHINEY

8

677 294

ASCOMETAL

8

535 336

HONEYWELL

7

221 666

J.VERGER ET DELPORTE

6

242 832

AIR FRANCE

5

753 530

FERLAM

5

108 116

FRANCE TELECOM

5

869 010

SACILOR

5

532 658

UNIMETAL

5

269 551

TOTAL

9 532

500 026 357

Précautions méthodologiques 1) Biais dans les données : le recours par les victimes n'est pas homogène : en fonction de l'employeur et/ou de la jurisprudence locale, celles-ci choisissent (parfois aussi en fonction de la pathologie) de recourir au FIVA. Il s'agirait d'une des raisons de la sur-représentation du Port de Dunkerque.

2) Biais statistique : le critère d'appartenance au ministère de la Défense repose sur le libellé de l'employeur ou sur le régime de sécurité sociale des victimes. En effet, dans le cas des régimes spéciaux, il est possible de rattacher la victime à une entreprise ou organisme donné, même avant que l'employé soit « renseigné » dans la base selon la méthode habituelle. Il en résulte une sur-représentation du ministère de la Défense (inclus DCN).

3) Données manquantes sur les employeurs :

SURTOUT le nombre de données est faible : le formulaire de dépôt d'une demande devant le FIVA est extrêmement simplifié : en particulier, la victime ou l'ayant droit déposant un dossier d'indemnisation n'est pas tenu d'informer le FIVA ou le FGA sur les emplois qu'a pu occuper la victime dès lors que celle-ci est reconnue en maladie professionnelle (95 % des dossiers) . Dès lors, la possibilité de disposer de données sur les employeurs est subordonné à ce que certaines victimes ou ayants droits remplissent le questionnaire d'exposition, alors qu'ils n'y sont pas tenus, ou à la réponse donnée par les organismes de sécurité sociale qui sont systématiquement interrogés sur ce point (mais le recueil des données n'est vraiment effectif que lorsqu'un contentieux subrogatoire est lancé). Les taux de données manquantes pour l'employeur des victimes sont donc très élevés : de l'ordre de 80 % pour le FIVA et 66 % pour le FGA

Le financement des fonds FIVA et FCAATA par des dotations budgétaires et des dotations inscrites en charges techniques du FNAT a pour effet de mutualiser totalement le financement de ces dépenses, dans l'attente de ressources du FIVA qui proviendraient de recours contre tiers, mais, même en ce cas, les conséquences sont la plupart du temps mutualisées en raison des règles exposées infra.

Quant aux dépenses dues aux maladies professionnelles des tableaux 30 et 30 bis, elles ont été également largement mutualisées comme le montre le tableau ci dessous. Les dépenses imputées aux comptes employeurs entre 2000 et 2002 n'ont pas excédé le quart du montant total des dépenses d'indemnisation des maladies de l'amiante, les trois quarts faisant l'objet d'une imputation au compte spécial de l'article D 242-6-3 du CSS 48 ( * ) . En valeur, les maladies de l'amiante ont constitué 75% des maladies professionnelles inscrites au compte spécial en 2000, 72% en 2001 et 2002.

En 2002 le total des dépenses dues à l'indemnisation des victimes de l'amiante, tel que calculées suivant les conventions rappelées page 89 s'élevait à 527 M€ hors FIVA et FCAATA. 397M€ ont été mutualisés ; les entreprises directement responsables se sont vues imputer 130M€ soit 25% de la charge.

L'imputation des dépenses amiante au compte spécial

2000

2001

2002

Nbre de MP

valeur en M€

%

Nbre de MP

valeur en M€

%

Nbre de MP

valeur en M€

%

total amiante

3474

463

3564

388

4494

527

compte employeur

735

95

21%

760

79

20%

1004

130

25%

compte spécial

2739

368

79%

2804

309

80%

3490

397

75%

Source : CNAMTS

Pour l'année 2002, le détail des dépenses prises en compte s'établit comme suit :

Détail des dépenses 2002 suivant les règles d'imputation

Imputation

Compte employeur

Compte spécial

Total

Montant en K€

%

Montant en K€

%

Montant en K€

Total (en K€)

129 912

25%

396 779

75%

526 691

dont

Prestations

(IJ+ frais médicaux+frais pharmacie+ hospitalisation)

2 545

32%

5 466

68%

8 011

Indemnités en capital

IPP<10%

920

21%

3 361

79%

4 281

Rentes

IPP>=10%

94 101

26%

271 981

74%

366 082

Indemnités décès

32 345

22%

115 968

78%

148 313

Source : CNAMTS

Selon les règles de calcul des taux de cotisation d'accidents du travail et maladies professionnelles, le compte spécial est intégré dans la majoration dite M3 qui s'ajoute, pour toutes les entreprises, au taux brut représentatif du risque propre à l'entreprise et qui est fixée en pourcentage de la masse salariale. La charge porte en conséquence sur les entreprises ayant la masse salariale la plus élevée. En 2003, M3 représentait 20% du taux moyen de cotisation AT-MP .

La part du compte spécial dans les dépenses à couvrir par M3 se situe dans une zone comprise entre 22% et 35%. Les maladies dues à l'amiante représentent la majorité des dépenses imputées au compte spécial.

Ce taux de la majoration M3 a évolué de 0,29% en 1995 à 0,44% en 2004 avec une forte accélération à partir de 2001 :

Evolution de la majoration M3

Année

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

M3

0,29%

0,32%

0,35%

0,36%

0,36%

0,35%

0,45%

0,43%

0,45%

0,44%

Les transferts au FIVA et au FCAATA représentent le facteur essentiel de la croissance de M3

Si l'on rapproche cette importante mutualisation du fait que 10% des employeurs ont employé 43% des victimes, on peut en conclure qu'elle a bénéficié essentiellement à quelques entreprises.

2. Les mécanismes de la mutualisation des coûts imputable à l'amiante

L'assurance AT/MP intervient comme un assureur ; en cas de mise en jeu de la faute inexcusable, elle rembourse le FIVA, à charge pour elle de se retourner contre l'employeur. Mais la récupération effective des dépenses se heurte à des obstacles qui tiennent tout à la fois à des règles qui ne sont pas propres au dossier amiante et à des règles spécifiques à ce dossier.

a)- La loi de financement de la sécurité sociale du 23 décembre 1998

L'article 40 (II à IV) de la loi n° 98-1194 de financement de la sécurité sociale du 23 décembre 1998, modifié par l'article 35 de la loi n° 99-1140 de financement de la sécurité sociale du 29 décembre 1999, prévoit la possibilité de réouverture des dossiers au profit des personnes atteintes d'une des maladies consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante, telles qu'elles sont décrites dans les tableaux n° 30 et 30 bis de maladies professionnelles. Mais le IV de cet article met à la charge de la branche des accidents du travail les conséquences de la levée de la prescription en disposant :

« La branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de sécurité sociale et celle du régime des salariés agricoles supportent définitivement, chacune pour ce qui la concerne, la charge imputable aux II et III du présent article, selon des modalités fixées par décret. »

C'est ici la loi qui interdit à la caisse de récupérer l'ensemble des sommes versées à la victime au titre de la faute inexcusable de l'employeur.

b)- L'impossibilité de récupérer les dépenses relatives à la faute inexcusable sur le patrimoine personnel de l'auteur de la faute inexcusable :

Dans les cas où l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 ne trouverait pas à s'appliquer, d'autres dispositions, notamment jurisprudentielles, participent à la mutualisation des conséquences de l'utilisation de l'amiante.

Aux termes de l'article L.452-3, alinéa 3 du Code de la sécurité sociale, la CPAM ne dispose d'une action récursoire qu'à l'égard de l'employeur : "la réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur".

L'article L.452-4 2 ème alinéa prévoit que « l'auteur de la faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci » .

Par trois arrêts rendus le 31 mars 2003, la chambre sociale de la Cour de cassation a clarifié la situation en précisant "qu'il résulte de la combinaison des articles L.451-1 à L.452-4 du Code de la sécurité sociale que le salarié victime d'un accident du travail ou ses ayants droit, ne peuvent agir en reconnaissance de la faute inexcusable que contre l'employeur, quel que soit l'auteur de la faute, et que le versement des indemnités ne peut être mis qu'à la charge de la caisse, laquelle n'a de recours que contre la personne ayant la qualité juridique d'employeur." (arrêts n° 01-20.091, 00-22.269 et 01-20.822 confirmés par un arrêt du 10 juin 2003 n° 01-21.004 et un arrêt du 16 décembre 2003 n°02-30636) .

Ainsi la CPAM n'a de recours que contre la personne ayant la qualité juridique d'employeur, c'est à dire la personne physique ou morale qui serait partie à un contrat de travail conclu avec un salarié. L'employeur se distingue du chef d'entreprise (gérant, mandataire social) qui est une personne physique exerçant ses prérogatives au nom de l'employeur, personne morale.

La Cour de cassation exclut donc la possibilité de récupérer les conséquences financières sur le patrimoine personnel de l'auteur de la faute inexcusable.

En conséquence, à chaque fois que l'employeur a disparu, les caisses primaires sont dans l'impossibilité de se faire rembourser les sommes avancées.

c)- Exposition chez plusieurs employeurs successifs :

Lorsque les dépenses d'une maladie professionnelle sont imputées au titre de la tarification au compte spécial parce que le salarié a été exposé au risque chez plusieurs employeurs sans que l'on ait pu déterminer chez qui la maladie a été contractée, la Cour de cassation a admis la recherche d'une faute inexcusable d'un des employeurs et la récupération des sommes par la caisse (cass.soc.28/02/2002 n°00-10.051).

Mais lorsque les employeurs successifs ont tous commis une faute inexcusable, la récupération devient plus difficile. En effet, dans ce type d'affaire, les avocats des victimes ont intérêt à diriger leur action en reconnaissance de faute inexcusable contre l'employeur qui n'existe plus. Ainsi, la victime obtient la réparation complémentaire sans s'opposer à un employeur mais la caisse se trouve dans l'impossibilité de récupérer les sommes avancées

d)- Lorsque la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle a été déclarée inopposable à l'employeur :

L'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale oblige la caisse à tenir informés aussi bien la victime ou ses ayants droit que l'employeur, de la procédure d'instruction et des éléments susceptibles de leur faire grief avant décision.

Lorsque l'employeur émet des réserves, la caisse lui envoie un questionnaire ainsi qu'a la victime ou procède à une enquête.

L'objectif de cet article ainsi que de l'article R.441-13 (énumération de pièces pouvant être communiquées à l'employeur sur sa demande) est de permettre aux CPAM de se prononcer sur une prise en charge ou un refus de prise en charge de façon objective en ayant permis à chacune des parties d'avoir eu connaissance de tous les éléments fondant cette décision et de réagir avant décision de la caisse.

Un guide de la CNAMTS fixait les modalités d'instruction des dossiers. La Cour de cassation dans un arrêt de décembre 2002 définit des modalités d'instruction des dossiers allant au-delà de ce que préconisaient les procédures internes de l'assurance maladie (cass.soc 19/12/02 n°01-20913) puisqu'elle impose d'informer l'employeur :

• de la fin de la procédure d'instruction,

• des éléments susceptibles de lui faire grief,

• de la possibilité de consulter le dossier,

• de la date à laquelle la caisse prévoit de prendre sa décision.

A défaut, la décision de prise en charge est déclarée inopposable à l'employeur.

Cette jurisprudence a eu pour effet d'entraîner la non opposabilité des décisions prises antérieurement par les CPAM suivant la procédure de la circulaire CNAMTS (DRP n ° 18/2001) du 19 juin 2001 et de mutualiser encore d'avantage les conséquences de l'indemnisation des victimes de l'amiante.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Le dossier de l'amiante conjugue actions des groupes de pression et limitations apportées à la responsabilité des acteurs. Les mesures de réglementation de l'usage de ce matériau et de protection des salariés et consommateurs ont été durablement retardées et les conséquences fortement mutualisées. Soit qu'ils aient disparu, soit que leur irresponsabilité découle de la loi ou de la jurisprudence, les responsables sont déchargés du coût, transféré sur l'ensemble des entreprises au travers des dépenses mutualisées du fonds des accidents du travail et maladies professionnelles, ou sur l'ensemble de la collectivité au travers du budget de l'Etat. Cette mutualisation des conséquences ne contribue pas à réguler les montants consacrés aux indemnisations et compensations.

Créé à la fin de l'année 1999 comme une première réponse, le Fonds de cessation anticipée d'activité des victimes de l'amiante (FCAATA) permet aux victimes potentielles de bénéficier d'une préretraite. L'ampleur de son champ et les conditions d'inscription d'un établissement sur la liste y ouvrant droit en font un dispositif qui ne bénéficie pas aux seules victimes de l'amiante, d'autant plus qu'il s'agit d'un des derniers dispositifs de préretraite existant. La tentation de l'utiliser comme un instrument de gestion de l'emploi est forte alors que dans le même temps des professions ayant travaillé dans un environnement amianté font pression pour être inscrites au nombre des bénéficiaires.

La création du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) n'a pas été l'occasion de s'interroger sur l'existence du FCAATA et ses modalités de fonctionnement. Les travaux de mise en oeuvre de l'article 12 de la loi portant réforme des retraites sur la prise en compte de la pénibilité dans les conditions de départ à la retraite ne devraient pas pouvoir ignorer les conséquences de l'amiante.

Le FIVA constitue la deuxième réponse institutionnelle spécifique d'indemnisation des victimes de l'amiante circonscrit quant à lui aux seules victimes reconnues. Il devait permettre d'indemniser ces victimes dans de meilleures conditions que celles résultant de la réglementation relative à la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles. Réponse ponctuelle adoptée sous la pression des contentieux et des associations de victimes, ce fonds introduit une discrimination dans les modalités d'indemnisation selon l'origine du sinistre, les victimes de l'amiante étant considérablement mieux indemnisées que les victimes d'autres risques.

Alors que la notion de « fonds » recouvre toutes les catégories juridiques possibles, le choix de faire du FIVA un établissement public administratif ne paraît pas avoir été comparé à d'autres solutions telles le recours à des structures existantes. Le retard pris pour l'indemnisation des premières victimes par le FIVA -deux ans et demi entre l'adoption par la loi du principe de réparation intégrale et sa mise oeuvre- illustre les difficultés initiales rencontrées de ce fait.

Il y a aujourd'hui quelque paradoxe à consacrer des financements plus importants à un dispositif de cessation anticipée d'activité bénéficiant à des salariés dont on peut espérer qu'une forte majorité ne développera aucune pathologie, qu'à l'indemnisation par le FIVA des victimes de pathologies déclarées et à leurs familles.

Ce point mérite d'autant plus d'attention que les dépenses des deux fonds sont appelées à augmenter dans les prochaines années.

Enfin le recours à des structures ad-hoc vient une fois encore compliquer l'ordonnancement institutionnel, et rompre l'égalité devant les charges publiques en introduisant une discrimination dans l'indemnisation, faute de traiter globalement la question de la réparation des maladies professionnelles.

La Cour formule en conséquence les recommandations suivantes :

Recommandations

(1) Organisation générale de l'indemnisation des AT/MP

1. Réformer les modalités de la réparation des préjudices des victimes des accidents du travail et maladies professionnelle et y intégrer l'indemnisation des victimes de l'amiante (p17) ;

2. Définir la clé de répartition des charges entre l'Etat et l'assurance maladie en matière d'indemnisation, et y consacrer des dotations spécifiques en lieu et place de recettes affectées (p 22 et 73) ;

3. Réexaminer les modalités d'évaluation des rentes, leur imputation au compte employeur et à la majoration M3 et examiner les conditions de leur inscription dans les comptes de la branche accidents du travail - maladies professionnelles ainsi que des fonds ou en annexe à ces comptes (p71) ;

4. Consacrer les financements en priorité à l'indemnisation des maladies, notamment les plus graves (p29 et 61)

5. Permettre au FIVA d'accorder aux victimes de maladies malignes causées par l'amiante le bénéfice des conséquences qui s'attachent à la faute inexcusable de l'employeur sans qu'il soit nécessaire qu'elles, ou le FIVA, recourent à la voie judiciaire. (p61)

(2) Organisation et fonctionnement de la préretraite amiante

6. Recentrer le bénéfice du FCAATA sur les victimes de l'amiante de manière à dégager les financements nécessaires à la mise en oeuvre de la recommandation n°5 (p61) ;

7. Examiner les conditions dans lesquelles l'ACAATA pourrait être resituée dans les dispositifs à mettre en place au titre de l'article 12 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites (p31) ;

8. Transférer la part de la gestion de l'ACAATA assurée par la Caisse des dépôts et consignations au régime des accidents du travail et maladies professionnelles (p 19) ;

(3) Organisation et fonctionnement du FIVA

9. Améliorer le fonctionnement du Conseil d'administration du FIVA, notamment en redéfinissant ses attributions (p 33) ;

10. Améliorer la qualité des indicateurs du tableau de bord du FIVA en instituant un suivi des recours et non recours juridictionnels et des motifs y présidant (p66) ;

11. Respecter le délai légal d'indemnisation de 6 mois fixé par l'article 53 de la LFSS 2001 (p45) ;

12. Reprendre les versements de provisions avant la fixation du montant de l'indemnisation définitive (p16) ;

(4) Le traitement juridictionnel

13. Assurer une indemnisation des victimes indépendante de leur lieu de résidence (p51) ;

14. Favoriser l'unification de la pratique des tribunaux en matière d'indemnisation en précisant les règles applicables, dont le principe de la progressivité des indemnisations, et en désignant une Cour d'appel unique (p54).

.

ANNEXES

L'évolution n'est retracée ci-dessous que dans la mesure où elle est nécessaire à la compréhension des développements du dossier, notamment pour ce qui concerne la question de la responsabilité des pouvoirs publics. Il convient pour un historique plus détaillé de se reporter au relevé de constatations définitives du rapport sur les risques amiante 49 ( * ) .

1. Une source reconnue de maladie professionnelle depuis 1945

La dangerosité de l'amiante reconnue depuis le début du siècle s'est traduite par l'inscription le 3 août 1945 des maladies engendrées par les poussières d'amiante au tableau des maladies professionnelles. Inscrites tout d'abord avec la silice, elles le sont ensuite dans un tableau spécifique, le tableau 30 des maladies professionnelles de l'article R461-3 du CSS (décret du 31 août 1950) qui évoluera à plusieurs reprises.

Au titre des maladies engendrées par les poussières d'amiante, on été tout d'abord retenues l'asbestose et les complications cardio-vasculaires et pulmonaires de l'asbestose. Au titre des travaux susceptibles de provoquer ces maladies on été initialement inscrits les travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante et notamment le cardage, la filature et le tissage de l'amiante.

Le décret du 5 janvier 1976 comporte deux modifications importantes du tableau. Le mésothéliome primitif est inscrit parmi les maladies engendrées par les poussières d'amiante. Au titre des travaux susceptibles de provoquer ces maladies sont retenues : l'application, la destruction et l'élimination des produits d'amiante ou à base d'amiante et notamment la fabrication de l'amiante-ciment.

Deux modifications vont intervenir ultérieurement.

Le décret du 19 juin 1985 ajoute, au titre des maladies engendrées par les poussières d'amiante, le cancer broncho-pulmonaire quand la relation avec l'amiante est médicalement caractérisée.

Le décret du 22 mai 1996 ajoute un tableau 30 bis qui intègre le cancer broncho-pulmonaire primitif, sous réserve d'une exposition de dix ans et à la condition que le salarié ait été employé dans l'un des travaux susceptibles de provoquer cette maladie, cette liste étant limitative et non plus, comme les listes précédentes, indicative.

2. Une prévention engagée en France à partir de 1977

Bien que l'amiante ait été reconnu comme source de maladie professionnelle depuis 1945, son usage n'a été que tardivement réglementé en France, plus tard que dans plusieurs grands pays consommateurs.

Concernant l'évolution des réglementations, qui est brièvement rappelée ici, il convient de tenir compte des modifications qui sont intervenues au cours du temps dans les techniques de mesure qui ont pu mieux isoler ce qui relevait strictement de l'amiante, d'autres particules.

Les premières mesures réglementaires ont été adoptées en 1931 en Grande-Bretagne, et les valeurs limites maximales d'exposition professionnelle progressivement réduites dans de nombreux pays. Plus tardivement, l'utilisation de certaines formes d'amiante a été interdite dans certains pays, et de toute forme d'amiante dans d'autres. En 1996 au moment de la rédaction du rapport de l'INSERM, c'était notamment le cas de sept pays européens : l'Allemagne, le Danemark, la Hollande, l'Italie, la Norvège, la Suède et la Suisse.

Aux États-Unis, la première des recommandations de l'ACGIH (" American College of Governmental Industrial Hygienists ") concernant l'amiante date de 1946. Elle visait à limiter le risque d'asbestose et recommandait une valeur limite de 15 f/ml. En 1969, cette valeur était réduite à 6 flml. En 1972, elle était à nouveau réduite à 5 flml par l''OSHA (" Occupational Safety and Health Administration "), puis à 2 f/ml en 1976. En 1983, l'OSHA adoptait une valeur limite d'exposition professionnelle de 0,5 f/ml, identique pour les amphiboles et le chrysotile. En 1996, cette valeur était de 0,1 flml.

En France, la première valeur moyenne d'exposition professionnelle sur 8 heures (VME) a été adoptée en 1977 et était de 2 f/ml (décret 77-949 du 17 août 1977). Elle a ensuite été progressivement réduite et la VME professionnelle actuelle, instaurée début 1996, est de 0,3 fibre par millilitre (f/ml) sur 8 heures pour le chrysotile (il est prévu dans les textes que cette valeur soit ramenée par la suite à 0,1 f/ml) et de 0,1 f/ml sur 1 h pour les mélanges de chrysotile et d'amphiboles. Parallèlement, des mesures réglementaires ont été adoptées pour les expositions dites "passives" rencontrées dans les bâtiments. Le flocage des bâtiments, massivement utilisé à partir des années 60, a été interdit en France en 1977 pour les locaux d'habitation (arrêté du 29 juin 1977), en 1978 pour tous les bâtiments dès lors que la concentration d'amiante dépassait 1% dans les produits utilisés. La réglementation adoptée en 1996 considère que les niveaux de concentration inférieurs à 5 FA (s 0.005 f/ml) ne traduisent pas un niveau de pollution élevé; que les niveaux de concentration supérieurs à 25 FA (z 0,025 f/ml) nécessitent la mise en oeuvre de travaux de correction, et que les valeurs intermédiaires nécessitent un régime de surveillance renforcée.

L' office parlementaire d'évaluation des technologies écrivait page 41 d'un rapport d'octobre 1997 intitulé « l'amiante dans l'environnement de l'homme » : « nous avons été frappés, lors d'une récente visite à l'usine Ethernit de Thiant, dans le Nord, d'apprendre que, dès 1984, l'usine fabriquait des produits sans amiante,...mais qu'elle les destinait à l'exportation. Les acteurs industriels ont eu tendance à privilégier l'intérêt économique sur celui de la santé publique et à repousser le plus possible l'échéance de leur reconversion. Face à eux, les représentants des pouvoirs publics et de la communauté médicale n'ont guère fait le poids. »

Après avoir signalé que les industriels, notamment Saint Gobain, avaient lors de leur enquête précisé qu'ils avaient précédé la réglementation en matière de normes, les parlementaires constatent que les contrôles n'ont été que des contrôles internes et que « la recherche effectuée auprès du ministère des affaires sociales pour déterminer le nombre de rapports de l'inspection du travail entre les années 1975 et 1995 a été totalement négative : aucun rapport n'a pu être retrouvé entre ces deux dates » .

3. Une évolution spécifique à l'amiante : la levée de la prescription

Initialement, le paysage jurisprudentiel n'apparaissait pas extrêmement favorable aux victimes et les premiers dossiers dont furent saisis les TASS avaient pour particularité d'être, au sens des articles L. 431-2 et L. 461-1 du CSS, tous prescrits.

Les contaminations avaient eu lieu plusieurs décennies auparavant, parfois même les décès étaient survenus. Pour lever les risques de forclusion, l'article 40 de la LFSS pour 1999 du 23 décembre 1998, rouvrait les droits à agir des victimes de l'amiante dont la maladie s'était déclarée entre 1947 et 1998. Ce délai était une première fois étendu par la loi de financement de la sécurité sociale du 29 décembre 1999 50 ( * ) avant que la loi de financement du 21 décembre 2001 ne supprime toute condition de délais pour la réouverture des droits des victimes de maladies professionnelles causées par l'amiante.

Les victimes voyaient ainsi leurs procédures simplifiées et sécurisées. Les employeurs bénéficiaient quant à eux d'une mutualisation des conséquences de la faute inexcusable puisqu'aux termes du même article de la loi du 23 décembre 1998, c'est la branche Accident du travail / Maladie professionnelle qui était chargée de supporter la charge définitive de l'indemnisation sans recours possible contre l'employeur responsable.

4. Une évolution majeure dans la responsabilité au titre des AT-MP : la jurisprudence de 2002 sur la reconnaissance de la faute inexcusable

Selon la jurisprudence "constitue une faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, toute faute d'une gravité exceptionnelle dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l'absence de toute cause justificative mais ne comportant pas d'élément intentionnel."

L'interprétation a été longtemps restrictive et dissuasive, mais la chambre sociale de la Cour de cassation rendait, le 28 février 2002, plusieurs arrêts reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur pour avoir exposé les salariés à l'amiante sans protection suffisante.

Désormais, dès lors que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour éviter au salarié de contracter une maladie professionnelle ou de subir un accident du travail, sa connaissance du risque pourra être présumée.

La Cour de cassation bouleversait ainsi l'ordre établi dans les obligations à la charge de l'employeur en termes de sécurité envers les salariés mais aussi précisait une volonté d'améliorer l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles en favorisant indirectement l'abandon de l'indemnisation forfaitaire au profit d'une indemnisation majorée.

5. Des exigences accrues en matière d'instruction des dossiers

Une circulaire de la CNAMTS intitulée "Le respect du contradictoire dans l'instruction de la reconnaissance du caractère professionnel des accidents et des maladies" avait fixé depuis le 19 juin 2001 (DRP n ° 18/2001) les règles d'instruction des dossiers de maladies professionnelles. Les dossiers relatifs aux maladies professionnelles dues à l'amiante ont été instruits suivant les règles ainsi fixées.

Par 8 arrêts du 12 décembre 2002 (PJ 127), la Cour de cassation précisait les obligations des Cpam en matière d'instruction des dossiers d'accidents et de maladies, par rapport à l'article R 441-11 du code de la Sécurité sociale, obligations plus strictes que celles fixées par la circulaire. La Cour de cassation jugeait que dès lors que la CPAM s'était bornée à aviser l'employeur de sa constatation initiale puis de ses décisions, mais sans l'associer à l'enquête administrative, la caisse n'avait pas satisfait à son obligation d'information et qu'en conséquence ses décisions étaient inopposables à l'employeur.

Depuis, par une jurisprudence constante, la Cour de cassation a précisé qu'au cours de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable (Tass ou cour d'appel), l'employeur peut soulever l'exception selon laquelle la procédure de reconnaissance de l'accident ou de la maladie n'a pas respecté l'article R 441-11 du code de la Sécurité sociale. De nombreuses décisions ont confirmé que l'inopposabilité, à l'égard de l'employeur, de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ou de l'accident, prive la Cpam de toute possibilité d'action récursoire en cas de faute inexcusable.

Annexe 2 L'amiante un produit largement utilisé

Les développements ci dessous, ont été limités au minimum nécessaire pour comprendre le dossier. Ils peuvent être utilement complétés par la lecture du rapport INSERM de 1996 et du rapport de MM Le Deaut, député, et Revol, sénateur, d'octobre 1997 au titre de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.

L'amiante est un terme générique qui recouvre une variété de silicates formés naturellement qu'une opération mécanique appropriée transforme en fibres minérales utilisables industriellement. Les fibres d'amiante sont des minéraux aux propriétés physiques et chimiques exceptionnelles, qui ne brûlent pas, résistent remarquablement aux diverses agressions chimiques selon les espèces, et présentent une résistance mécanique élevée à la traction. Ces propriétés ont favorisé le développement de l'utilisation des fibres d'amiante sous de multiples formes, pour la fabrication de nombreux produits industriels de grande consommation ou dans la construction des bâtiments.

Le matériau à base d'amiante le plus utilisé est l'amiante-ciment. Composé d'un mélange homogène de ciment et de fibres (environ 10 % de fibres et 90 % de ciment) ce matériau, susceptible de prendre de nombreuses formes et aspects qui a été le matériau le plus utilisé en France dans le second oeuvre depuis la fin des années 1960. C'est l'un des matériaux de couverture les plus répandus dans le monde.

Dans le bâtiment, l'amiante a été utilisé également sous la forme de flocages destinés à accroître la résistance au feu des structures ou encore améliorer l'isolation phonique ou acoustique.

En dehors du bâtiment, un large éventail de secteurs d'activités a recouru à l'amiante, pour des usages vraisemblablement moins massifs mais tout aussi variés. Dans l'ordre d'importance décroissante d'utilisation en masse de l'amiante, on trouve les cartons et papiers dont certains se retrouvent dans les bâtiments, les textiles puis les joints et les garnitures de friction et enfin les produits très divers, tels que les jouets, des produits finis sous forme de poudre vendus au détail au public, des articles pour fumeurs, tels que les porte-cigarettes, les tamis catalytiques et dispositifs d'isolation des appareils de chauffage, les filtres et les produits de revêtements routier, ainsi que certains articles à usage domestique - tables et housses à repasser, grille-pain, panneaux isolants pour le bricolage et les appareils de chauffage mobile-.

Le tableau ci dessous retrace l'évolution de la consommation d'amiante en France, selon les principaux types d'utilisation, entre 1951 et 1975. Après différentes mesures visant à en réduire ou interdire l'utilisation dans divers domaines, la France a interdit, avec effet à partir de janvier 1997, la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise en vente de produits contenant de l'amiante, et ce, malgré une saisine de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) par le Canada, principal exportateur en France, pour entrave aux échanges commerciaux.

Consommation d'amiante brut en France par secteurs d'activité moyennes quinquennales (1951-1975)

Consommation moyenne par an en tonnes

1951-55

1956-60

1961-65

1966-70

1971-75

Amiante-ciment

38450

59320

78030

93600

103900

Revêtement de sol

1830

5060

8060

9190

12140

Filature

1970

3440

3060

3670

4160

Cartons/papiers

2360

3485

6265

7560

10103

Joints

790

995

1160

1560

1935

Garnitures de friction

645

1175

2055

2970

4180

Objets moulés et calorifuges

2260

2180

2730

2790

2715

Autres

1150

1680

1915

2450

3600

Source : AFA, 1996

Annexe 3 Evaluation de la part du secteur public dans les indemnisations

Evolution de la part des dossiers reçus par le FIVA et le FGA relevant du secteur public

Date de réception du dossier

Type de Dossier FIVA et FGA

Non public

Public

juil-02

87

13

août-02

89

11

sept-02

60

40

oct-02

70

30

nov-02

87

13

déc-02

86

14

janv-03

94

6

févr-03

93

7

mars-03

87

13

avr-03

93

7

mai-03

92

8

juin-03

88

12

juil-03

84

16

août-03

80

20

sept-03

88

12

oct-03

92

8

nov-03

89

11

déc-03

91

9

janv-04

92

8

févr-04

89

11

mars-04

89

11

avr-04

89

11

mai-04

91

9

juin-04

93

7

juil-04

89

11

août-04

82

18

sept-04

89

11

Total*

87

13

*Source : Données FIVA et FGA sur les 15633 victimes enregistrées à ce jour

Part du secteur public dans les dépenses d'indemnisation

Type

Dossiers FGA

Dossiers FIVA

Total

Indéterminé

18 681 929

42 700

18 724 629

Privé hors Rég. Gal

1 311 394

944 971

2 256 365

Public

38 246 457

13 043 798

51 290 255

Rég. Gal

240 324 622

81 020 969

321 345 590

Total

298 564 402

95 052 438

393 616 840

Part du secteur public dans les dépenses d'indemnisation

12,8%

13,7%

13,0%

Part du secteur public dans les dépenses d'indemnisation après correction

Type

Dossiers FGA

Dossiers FIVA

Total

Indéterminé

42 700

42 700

Privé hors Rég. Gal

1 311 394

944 971

2 256 365

Public

47 587 421

13 043 798

60 631 219

Rég. Gal

249 665 586

81 020 969

330 686 554

Total

298 564 402

95 052 438

393 616 840

Part du secteur public dans les dépenses d'indemnisation

15,9%

13,7%

15,4%

NB

Le Type correspond au caractère public ou privé pouvant être attaché au régime de sécurité sociale de la victime indemnisée.

La feuille Nomenclature présente une table de correspondance entre les divers régimes de sécurité sociale et le type correspondant.

A plus de 6 % des dépenses allouées aux dossiers gérés par le FGA correspondent un régime de sécurité sociale inconnu. Une correction est alors nécessaire car l'expérience montre que ces dossiers indéterminés présentent un biais de sélection en faveur du secteur public. Les sommes corrrespondantes sont donc réparties uniforméméent entre secteur public et régime général et non au prorata des sommes versées par type de dossier (en l'absence de biais de sélection, 80 % des sommes allouées à ces dossiers indéterminés seraient imputées au régime général).

Régime de sécurité sociale

Type correspondant

Rég. Gal

Public

Privé hors Rég. Gal

Indéterminé

Régime général

Régime des mines

SGA Défense

EDF/GDF

SNCF

Autres agents de l'Etat

Education Nationale

ENIM Marine marchande

Professions indépendantes

RATP

CCI de Paris

Collectivités locales

MSA Salariés agricoles

Inconnu

France Télécom

MSA Exploitants agricoles

Annexe 4 Repères méthodologiques concernant l'indemnisation du préjudice économique des victimes

Pour apprécier la réalité des pertes nettes de revenus, le principe de base consiste à soustraire les revenus effectivement perçus durant la période observée (revenus provenant d'un éventuel nouvel emploi, prestations de retraite, prestations sociales...) au montant qu'aurait dû recevoir l'intéressé si aucune maladie ne l'avait contraint à renoncer à son emploi (ou à en changer), et à indemniser toute différence positive.

La difficulté réside évidemment dans la reconstitution des revenus que la victime aurait obtenus si le fait dommageable ne s'était pas produit.

1° Les préjudices passés

Lorsque la période observée n'excède pas quelques années et que les salaires jadis perçus étaient d'un niveau constant :

Ce montant peut être obtenu très simplement en multipliant le salaire net perçu avant la maladie par le nombre de mois écoulés au jour de l'offre.

Lorsque l'activité salariée était irrégulière ou que la victime exerçait une profession indépendante :

Ici on peut pratiquer une moyenne arithmétique des revenus antérieurs à la maladie sur plusieurs années (cinq par exemple ; moins si ce n'est pas possible) afin d'obtenir un montant moyen mensuel satisfaisant qui permette de défier les aléas de la conjoncture ou les nécessités de certains investissements.

2° Les préjudices futurs :

La poursuite de l'indemnisation précédemment évaluée est envisageable, si nécessaire en opérant de nouveaux calculs, la personne indemnisée s'engageant à fournir régulièrement les informations pour ajuster son montant (obtention d'un nouvel emploi, changement dans le versement des prestations sociales, survenue de l'âge de la retraite "théorique"...)

Le problème de l'indemnisation de préjudices économiques sur de longues périodes :

Dans pareille hypothèse, différentes méthodes de réactualisation de la perte de revenu dans le temps peuvent être utilisées : référence à un indice, à la rémunération d'un salarié occupant le même poste..., calcul du montant des mensualités qui auraient dû être servies au titre de la retraite si la victime avait poursuivi "normalement" son activité. Il est même possible d'envisager les opportunités de promotion professionnelle manquées (en apportant des éléments de preuve établissant la réalité d'incidences pécuniaires liées à de telles opportunités non honorées).

Une autre ressource du juge pourra consister à recourir au concept de "perte de chance", dans la mesure où celle-ci est certaine et en relation directe avec le fait dommageable (perte d'une chance sérieuse de réussir un examen, perte d'une chance sérieuse d'accéder à un meilleur emploi : Cass. 2ème civ., 27/02/1985 : Bull. civ. II, n°52, p.36...).

Ainsi, l'indemnisation d'un préjudice économique se fonde sur le caractère certain du dommage, condition essentielle à son indemnisation. Les juges écartent donc le plus souvent toute réparation du préjudice économique/professionnel incertain ou éventuel qui pourrait découler d'un calcul se fondant sur des hypothèses successives (espérance de vie de la victime, carrière continue et progressive, environnement économique constant...) qui rendent à chaque fois de plus en plus "éventuel" le dommage, qu'il s'agisse de son principe ou de son quantum.

Pour conclure :

La réparation du préjudice économique selon le droit commun est compatible avec toutes sortes d'éléments de preuve, à discrétion des parties et de leurs possibilités, qu'il s'agisse du préjudice né et actuel ou du préjudice futur.

Ces éléments sont de toute façon appréciés souverainement par les juges du fond , dont les précédents peuvent donner des lignes directrices en cas de difficultés rencontrées dans le traitement d'un dossier.

C'est classiquement au demandeur qu'il incombe de produire tous les justificatifs permettant l'indemnisation de son préjudice économique (attestation de perte de salaires, de prime, de promotions diverses, décomptes alternatifs de prestations de retraite, fiches de paye, déclarations de revenus...), mais les possibilités étendues dont dispose le FIVA s'agissant de la collecte d'informations pourront être utilement mises en oeuvre afin de parfaire l'instruction des dossiers d'indemnisation.

Annexe 5 Détail de la construction du barème concernant les différents préjudices :

Extrait de la décision relative au barème indicatif d'indemnisation du Conseil d'administration du FIVA du 21 janvier 2003

Les différents préjudices :

Préjudice moral : Valeur unique et croissante suivant le taux d'incapacité selon trois niveaux conformément à la proposition des organisations syndicales et des associations :

Niveau 1: crainte de développer un cancer chez les personnes atteintes de maladies non malignes dues à l'amiante (fibroses). Ce préjudice est le même quel que soit le taux d'IPP ;

Niveau 2 : angoisse de mort liée à la sensation d'étouffement. Ce préjudice commence au niveau 4 de déficit respiratoire et croît avec le taux d'IPP ;

Niveau 3 : perspective de la mort à court ou moyen terme. Ce niveau concerne en premier lieu les personnes atteintes de cancer et dont le pronostic vital est en cause à court terme. Il concerne aussi les personnes atteintes d'une asbestose sévère dont l'espérance de vie est fortement réduite. Ce préjudice démarre au niveau 5 de déficit respiratoire et progresse avec le taux d'IPP, le taux de 100% devant être considéré de la même façon, qu'il traduise un cancer mortel ou une asbestose mortelle.

Préjudice physique (douleur) : Valeur croissante suivant le taux d'incapacité selon les trois mêmes niveaux :

Structure de la modulation :

La valeur arrêtée par le Conseil d'administration est une valeur centrale qui est proposée en règle générale. Dans les cas où une expertise médicale est pratiquée (voir ci-dessous), cette valeur peut être modulée à la hausse ou à la baisse.

La modulation est plus forte pour les petits taux d'incapacité que pour les taux élevés : globalement, et sauf dossier particulier :

à 5 %, l'indemnisation peur varier de + ou - 100 % autour de la valeur centrale ;

la variabilité diminue ensuite de manière linéaire ;

à 100 %, l'indemnisation peur varier de + ou - 10 % autour de la valeur centrale ;

Préjudice d'agrément :Valeur linéaire en fonction de l'incapacité :

Structure de la modulation :

La valeur arrêtée par le Conseil d'administration est une valeur centrale qui est proposée en règle générale. En fonction des éléments du dossier et/ou d'une expertise médicale, cette valeur peut être modulée à la hausse ou à la baisse.

La modulation est identique à celle prévue pour le préjudice physique ;

Préjudice esthétique : au cas par cas en fonction des constatations médicales (valorisation à définir ultérieurement).

Les principes du barême

L'indemnisation des préjudices patrimoniaux

Evaluation de l'incapacité fonctionnelle

L'indemnisation de l'incapacité fonctionnelle repose sur une approche par point : un barème médical indicatif permet de déterminer le taux d'incapacité (de 0 à 100 %) à laquelle est affectée une valeur de point (en rente ou en capital).

Le barème du FIVA prend en compte les caractéristiques spécifiques des différentes pathologies associées à l'amiante. Il s'écarte du barème du régime général de la sécurité sociale qui ne se réfère en aucune manière aux règles d'évaluation suivies par les tribunaux dans l'appréciation des dommages au titre du droit commun. Il s'écarte également des différents barèmes utilisés plus couramment que le FIVA considère comme insuffisamment précis pour décrire les conséquences fonctionnelles des pathologies.

Comme ces différents barèmes, celui du FIVA est indicatif. Il comporte les éléments suivants :

mesure de l'insuffisance respiratoire selon un barème propre ;

pour les cancers : le taux d'incapacité accordé d'emblée est de 100 %; il peut faire l'objet d'une réévaluation, notamment après opération ;

pour les fibroses : un taux de base est défini. Il est de 5 % pour les plaques pleurales, de 8 % pour les épaississements pleuraux et de 10 % pour les asbestoses. En fonction des symptômes et de l'insuffisance respiratoire, un taux supérieur peut être substitué à ce taux de base

L'indemnisation de l'incapacité par le FIVA est servie sous forme de rente, dès lors que le montant annuel est supérieur à 500€, dont la valeur est croissante en fonction du taux d'incapacité. Pour une incapacité de 100 %, la rente est de 16.000 euros par an.

Dans le cas d'un versement par rente et d'un décès imputable à la pathologie liée à l'amiante, le capital restant à verser au titre de l'indemnisation de l'incapacité est pris en compte dans le préjudice des proches qui auraient bénéficié du revenu ainsi généré (conjoint et enfants à charge) dans le cadre du calcul du préjudice économique. Ce capital est servi aux proches sous forme d'une rente (de manière viagère pour le conjoint et jusqu'à l'âge de fin de prise en charge pour les enfants).

Les autres préjudices patrimoniaux pris en compte sont

le préjudice professionnel (perte de gains) ;

les frais de soins restant à la charge de la victime ;

les autres frais supplémentaires (tierce personne, aménagement du véhicule et du logement, etc) à la charge de la victime.

Conformément à la loi, les indemnités déjà versées par d'autres organismes (sécurité sociale, mutuelles, employeur....) pour la réparation des mêmes préjudices restent acquises aux victimes. En revanche, elles sont déduites de l'indemnisation calculée par le FIVA pour les mêmes préjudices.

L'indemnisation des préjudices extra patrimoniaux

L'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux est fonction de la gravité de la pathologie, mesurée principalement suivant le taux d'incapacité tel qu'il résulte du barème médical du FIVA et de l'âge.

Le préjudice moral est la composante principale de l'indemnisation extrapatrimoniale. Il prend en compte l'impact psychologique lié aux différentes pathologies, selon leur degré de gravité et d'évolutivité.

Pour le préjudice physique -douleur- : le barème définit une valeur de référence suivant la gravité de la pathologie. L'indemnisation peut être modulée autour de cette valeur en fonction de l'état pathologique de la personne. Les marges de modulation sont d'autant plus importantes que le taux d'incapacité est faible en raison du caractère plus hétérogène des situations pathologiques les moins graves.

Pour le préjudice d'agrément les principes sont les mêmes que pour le préjudice physique. La modulation est fonction du retentissement de la pathologie sur les activités pratiquées.

Le préjudice esthétique enfin est apprécié au cas par cas en fonction des constatations médicales (amaigrissement extrême, cicatrices, recours à un appareillage respiratoire, modification cutanée ou déformation thoracique).

L'adaptation du barème

Quelques illustrations des barèmes

Les barèmes ci-dessous sont donnés à titre d'illustration des indemnisations. Une plaque pleurale déclarée à 50 ans et représentant 5% d'IPP sera ainsi indemnisée sur la base de 27 000€ .

Indemnisation pour les plaques pleurales

Valeur centrale 51 ( * )

45

50

55

60

65

70

75

80

85

Incapacité

7 733

7 174

6 556

5 871

5 130

4 337

3 508

2 677

1 931

Extra patrimonial

20 995

19 479

17 800

15 940

13 929

11 776

9 526

7 269

5 242

Total

29 000

27 000

24 000

22 000

19 000

16 000

13 000

10 000

8 000

FF

190 228

177 108

157 430

144311

124 632

104 953

85 274

65 596

52 477

Pour les mésothéliomes et cancers à issue fatale : sur la base de la jurisprudence et du FITH le préjudice extra patrimonial est évalué à 150.000 euros à 45 ans et 100.000 euros à 65 ans.

L'importance du préjudice lié au mésothéliome est évidemment indiscutable. En revanche, la « réparation » financière de ce préjudice a donné lieu - et continue parfois de donner lieu - à des décisions extrêmement variables selon les juridictions.

Dès lors, si l'étude de la jurisprudence devait constituer l'élément déterminant de la réflexion préalable à la définition du barème indicatif d'indemnisation, il pouvait apparaître pertinent de prendre comme référence les indemnisations proposées par d'autres fonds. C'est ainsi que le « barème » du fonds terrorisme a été communiqué aux administrateurs.

Toutefois, la spécificité du mésothéliome ou du cancer broncho-pulmonaire non opéré est liée à la connaissance par le patient de l'évolution fatale de la maladie et aux douleurs qui y sont le plus souvent associées. Dès lors, la comparaison avec les montants indemnitaires alloués aux victimes de la transfusion sanguine pouvait paraître comme une indication utile et cela d'autant plus que le barème du FITH a été déterminé à un moment où aucune perspective thérapeutique n'existait pour les personnes atteintes ayant développé un SIDA.

Indemnisation pour les mésothéliomes et cancers à issue fatale

Age

45

50

60

65

70

75

80

85

Extra patrimonial

150 000

139 000

114 000

100 000

84 200

68 200

52 000

37 500

Rente victime

32 000

32 000

32 000

32 000

32 000

32 000

32 000

32 000

Rente ayant droit (55 %)

170 122

157 837

129 158

112 869

95 418

77 185

58 898

42 478

Total indemnisation

352 122

328 837

275 158

244 869

211 618

177 385

142 898

111 978

FF (arrondi)

2 310 000

2 157 000

1 805 000

1 606 000

1 388 000

1 164 000

937 000

735 000

ANNEXE 6 ESTIMATION DU COÛT DES MAJORATIONS DE RENTE LIÉES À LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR

(Source FIVA) 52 ( * )

Il est nécessaire de calculer :

- le coût brut de l'octroi d'une majoration de rente à l'ensemble des victimes de l'amiante ;

- le coût lié à l'octroi d'une majoration de rente par les tribunaux (en l'absence de la mesure précédente) ;

- le coût net (la différence entre le coût brut et le coût lié aux décisions des tribunaux).

sachant qu'il faut tenir compte du flux de rentes et de l'effet stock (fonction de l'espérance de vie à la date d'octroi de la rente).

Pour cela il est nécessaire de connaître :

- le nombre de victimes et de conjoints survivants 53 ( * ) : stock et flux ;

- le nombre de demandeurs rattachés au livre IV (feuille hors livre IV du fichier Excel joint) du code de la sécurité sociale qui bénéficient de la possibilité d'une procédure en FIE (ce qui exclut les fonctionnaires, les militaires et la marine marchande) ;

- la répartition des victimes par taux d'incapacité ;

- l'âge moyen des victimes et des conjoints et leur espérance de vie moyenne (selon le taux d'incapacité pour les victimes) ;

- le nombre de décisions des juridictions (selon le taux d'incapacité) et l'évolution dans le futur de ce nombre hors action du FIVA 54 ( * ) ;

- le coût de la majoration de rente (selon le taux d'incapacité).

Le tableau Excel ci-joint conduit à une estimation générale qui ne peut être considérée que comme une indication globale au regard de la somme d'incertitudes entourant les données citées ci-dessus.

1° Les données des juridictions

Les juridictions ont l'obligation en application de l'article 39 du décret du 23 octobre 2001 de transmettre au FIVA l'ensemble des décisions allouant des indemnisations aux victimes de l'amiante. Cette obligation ne semble pas totalement respectée mais le FIVA dispose ainsi de 1 494 jugements ou arrêts indemnisant des victimes de l'amiante. Sur ce total, 110 ne mentionnent ni le taux d'incapacité ni la pathologie. Sur les 1 384 jugements ou arrêts restant, 205 (soit 15 % des décisions de justice) concernent des cancers et/ou des taux d'incapacité égal ou supérieurs à 90 % et 747 (soit 54 % des décisions de justice) des maladies bénignes dont le taux d'incapacité est égal ou inférieur à 10 %.

Une première observation est la poursuite, malgré l'existence du FIVA, d'une forte croissance du nombre de jugements entre 2002 (environ 300), 2003 (environ 900) et 2004 (1 217 recensés 55 ( * ) au 31/01/2005 sachant que le FIVA n'a probablement pas encore reçu l'ensemble des décisions de justice ou ne les a pas encore enregistrés ; en outre, un certain nombre de juridictions, malgré la circulaire du ministère de la justice et des lettres de rappel du FIVA ne respectent pas l'article 39 du décret précité : au total, une estimation de 1 500 jugements pourrait être retenu). Une partie de cette croissance peut être liée à une meilleure transmission par les greffes des jugements au FIVA. Mais la principale explication est liée à la forte croissance du nombre de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Nombre de jugements accordant une majoration de rente à un conjoint :

- 2002 : 86 ; 2003 : 180 ; 2004 : 164 (hypothèse : chiffre réel = 200)

Nombre de jugements concernant un enfant mineur 56 ( * ) :

- 2002 : 4 ; 2003 : 12 ; 2004 : 12

Nombre de jugements concernant une victime malade :

- 2002 : 184 ; 2003 : 704 ; 2004 : 995

Dont (pour les jugements où le taux d'IPP est mentionné) :

2002

2003

2004

IPP < 10

55

323

551

LE BARÈME DU FIVA EST SUPÉRIEUR

IPP SUP OU ÉGALE À 10 ET INF. OU ÉGALE À 50

103

314

367

DOUBLEMENT DE LA RENTE.

IPP ENTRE 55 ET 80

7

18

16

MAJORATION DE LA RENTE.

IPP ENTRE 80 ET 90

4

7

16

IDEM

IPP = 100

4

10

15

AVANTAGE SPÉCIFIQUE : ATTRIBUTION DU SMR (15 973,78 EUROS EN 2005)

2° Exploitation de ces données

- sont exclus (feuille K juridictions du fichier Excel) les jugements concernant une IPP inférieure à 10 % (dans ce cas il y a majoration du capital qui est inférieure à ce que le FIVA accorde au titre de l'incapacité) ;

- les jugements (feuille Rentes vic juridicions du fichier Excel) concernant les victimes sont regroupés par catégories (selon le taux d'incapacité) et le coût moyen de la majoration de rente par catégorie est calculé selon le principe suivant :

o le coût entre 10 % et 99 % est égal à la différence entre le taux utile et le taux d'incapacité réel multiplié par le salaire moyen des rentes. Pour ce dernier, on prend le chiffre donné par la CNAMTS en 2001 pour les mésothéliomes actualisé en valeur 2005 ;

o le coût à 100 % pour les victimes vivantes correspond à une indemnité en capital (15 973,78 euros en 2005) ;

- le coût (feuille Conjoints juridictions du fichier Excel) pour les conjoints survivant est égal au passage du niveau de rente normal au niveau majoré (100 % du salaire de la victime). La rente normale est égale à 40 % du salaire de la victime si ce conjoint a moins de 55 ans et de 60 % après cet âge. Etant donné l'âge des conjoints (67 ans d'après la base FIVA), on prend un taux normal de 58 % (et une majoration de 42 %). Le salaire est celui des victimes de mésothéliomes ;

Le coût annuel en flux est alors égal au coût moyen pour la catégorie concerné multiplié par le nombre de jugements. Pour le passé, c'est le nombre réel de jugements qui est pris majoré (pour tenir compte du fait que le FIVA n'a pas tous les jugements). Pour l'avenir, c'est le nombre de malades ou de conjoints (voir ci-dessous) multiplié par le nombre relatif de reconnaissance de FIE en 2004 majoré de 10 %.

Le coût annuel en stock est égal à la somme des flux entrants moins les flux sortants suite à décès.

3° Hypothèse sur le nombre total de victimes et de conjoints soumis au livre IV CSS et leur répartition

o pour le passé, on prend les chiffres de la CNAMTS jusqu'en 2001 par pathologie. Pour l'avenir, on majore ces chiffres en fonction des pathologies (avec un pic vers 2025 sachant que l'on ne dispose de prévisions que pour le mésothéliome).

o en ce qui concerne les taux d'incapacité, on considère que le nombre de victimes :

o entre 10 et 50 % est égal à 70 % des asbestoses et 20 % des plaques pleurales ;

o entre 50 et 80 % est égal à 20 % des asbestoses et 20 % des cancers bronchiques ;

o entre 80 et 99 % est égal à 10 % des asbestoses et 20 % des cancers bronchiques ;

o à 100 % avec consolidation 57 ( * ) est égal à 70 % des mésothéliomes et 55 % des cancers bronchiques.

o pour le passé : chiffre CNAMTS majorés de 20 %

o pour l'avenir : le nombre de conjoints est égal au nombre de personnes souffrant d'une pathologie maligne moins les cas de décès non imputable (10 %) moins les cas où il n'y a pas de conjoints (15 %).

Le coût annuel en flux est alors égal au coût moyen pour la catégorie concerné multiplié par le nombre de victimes. Le coût annuel en stock est égal à la somme des flux entrants moins les flux sortants suite à décès pour les victimes comme pour les conjoints.

4° Résultat

On obtient (Coût total hors FIVA du Fichier Excel) le coût brut, juridiction et net tant pour les victimes que pour les conjoints. Une hypothèse alternative est celle où l'intervention du FIVA et des victimes conduit à un niveau de reconnaissance supérieur de 20 % : dans ce cas le coût net est évidemment moindre.

Au total, dans toutes les hypothèses, le coût lié à la reconnaissance de la FIE par les juridictions est important même si la montée en charge est progressive : il atteint un point maximum en 2027 de près de 130 ME dans l'hypothèse 1 et de près de 150 ME en 2005.

Le coût net connaît également une montée en charge progressive avec un maximum vers 2027 de près de 150 ME dans l'hypothèse 1 et de 120 ME dans l'hypothèse 2.

Coût MAJ victimes tribunaux hors FIVA

Coût MAJ conjoints tribunaux hors FIVA

Coût MAJ total tribunaux hors FIVA

Coût MAJ victimes brut

Coût MAJ conjoint brut

Coût MAJ brut total

Coût MAJ victimes net

Coût MAJ conjoint net

Coût MAJ net total

2005

341 445

10 825 046

11 166 492

40 200 396

11 519 690

51 720 086

39 858 951

694 643

40 553 594

2006

606 217

17 007 384

17 613 601

43 300 157

22 179 576

65 479 732

42 693 940

5 172 192

47 866 131

2007

1 503 371

23 408 488

24 911 860

46 274 355

33 326 299

79 600 653

44 770 984

9 917 810

54 688 794

2008

2 469 567

30 028 359

32 497 926

49 338 492

44 809 198

94 147 690

46 868 925

14 780 839

61 649 764

2009

3 590 008

36 866 996

40 457 004

52 374 042

56 680 426

109 054 468

48 784 034

19 813 430

68 597 464

2010

4 747 275

43 924 399

48 671 674

55 135 378

68 296 780

123 432 158

50 388 103

24 372 381

74 760 484

2011

5 887 940

51 156 816

57 044 756

57 567 750

80 087 062

137 654 813

51 679 810

28 930 247

80 610 057

2012

7 089 871

58 564 245

65 654 116

59 491 157

91 941 157

151 432 314

52 401 286

33 376 912

85 778 198

2013

8 318 646

66 146 688

74 465 334

61 349 795

103 940 188

165 289 983

53 031 148

37 793 500

90 824 648

2014

5 552 099

73 462 191

79 014 291

63 143 664

115 974 058

179 117 721

57 591 564

42 511 867

100 103 431

2015

9 867 604

80 510 755

90 378 359

64 906 746

128 042 767

192 949 513

55 039 143

47 532 011

102 571 154

2016

10 308 107

86 850 428

97 158 535

66 503 059

142 753 891

209 256 950

56 194 952

55 903 463

112 098 415

2017

11 293 037

93 365 114

104 658 151

67 880 532

157 789 585

225 670 117

56 587 495

64 424 470

121 011 966

2018

11 754 969

95 859 051

107 614 020

69 039 166

173 149 848

242 189 014

57 284 197

77 290 797

134 574 994

2019

12 297 341

98 309 234

110 606 575

69 978 960

177 774 967

247 753 927

57 681 619

79 465 733

137 147 352

2020

12 618 762

100 540 651

113 159 413

70 238 049

182 318 943

252 556 993

57 619 287

81 778 292

139 397 579

2021

12 867 463

102 553 302

115 420 765

70 259 425

186 457 208

256 716 633

57 391 963

83 903 906

141 295 869

2022

13 055 823

104 347 186

117 403 009

70 073 874

190 189 760

260 263 634

57 018 051

85 842 574

142 860 625

2023

13 173 055

105 922 304

119 095 359

69 681 395

193 516 600

263 197 995

56 508 341

87 594 296

144 102 636

2024

13 216 412

107 322 409

120 538 821

69 132 788

196 437 728

265 570 516

55 916 376

89 115 319

145 031 695

2025

13 185 538

108 547 501

121 733 038

68 428 053

199 034 286

267 462 338

55 242 515

90 486 785

145 729 300

2026

13 095 915

109 422 566

122 518 481

67 046 523

201 306 274

268 352 797

53 950 608

91 883 708

145 834 316

2027

12 990 808

109 947 605

122 938 414

65 621 507

202 929 123

268 550 630

52 630 699

92 981 517

145 612 216

2028

12 838 538

110 122 619

122 961 157

64 261 896

203 902 832

268 164 728

51 423 358

93 780 213

145 203 571

2029

12 674 683

109 947 605

122 622 289

62 993 724

204 227 402

267 221 125

50 319 040

94 279 796

144 598 836

2030

12 451 084

109 422 566

121 873 651

61 829 690

203 902 832

265 732 522

49 378 606

94 480 266

143 858 871

CE RAPPORT D'INFORMATION PRÉSENTE LES CONCLUSIONS DE L'ENQUÊTE PORTANT SUR L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE, RÉALISÉE PAR LA COUR DES COMPTES À LA DEMANDE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES DU SÉNAT.

CONFRONTÉS AUX CONSÉQUENCES DRAMATIQUES DE L'EXPOSITION À L'AMIANTE, LES POUVOIRS PUBLICS ONT CRÉÉ DEUX FONDS DESTINÉS À INDEMNISER LES VICTIMES, AU-DELÀ DE CE QUE PRÉVOIENT LES RÈGLES HABITUELLES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE. LE FONDS DE CESSATION ANTICIPÉE D'ACTIVITÉ DES VICTIMES DE L'AMIANTE (FCAATA), QUI FONCTIONNE COMME UN MÉCANISME DE PRÉRETRAITE, ET LE FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE (FIVA), QUI ASSURE UNE RÉPARATION INTÉGRALE DU PRÉJUDICE, DEVRAIENT DÉPENSER, EN 2005, 1,4 MILLIARD D'EUROS.

LA COUR FORMULE PLUSIEURS RECOMMANDATIONS EN VUE D'OPTIMISER LES CRÉDITS DISPONIBLES. POUR MIEUX CONTRÔLER LE RECOURS AU FCAATA, QU'IL EST TENTANT D'UTILISER COMME UN OUTIL DE GESTION DES EFFECTIFS, ELLE PROPOSE D'EN RECENTRER LE BÉNÉFICE SUR LES VICTIMES RECONNUES DE L'AMIANTE ET D'AFFECTER LES ÉCONOMIES AINSI DÉGAGÉES À L'AMÉLIORATION DE L'INDEMNISATION DES MALADES. SI LA CRÉATION DU FIVA A INCONTESTABLEMENT AMÉLIORÉ L'INDEMNISATION DES VICTIMES, DES MARGES DE PROGRESSION DEMEURENT, SI L'ON EN JUGE PAR LES INDEMNISATIONS PLUS ÉLEVÉES ACCORDÉES PAR CERTAINS TRIBUNAUX. LA COUR DES COMPTES PROPOSE DONC QUE LE FIVA PUISSE LUI-MÊME ACCORDER AUX VICTIMES LE BÉNÉFICE DE LA RENTE MAJORÉE, SANS EXIGER LA RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR PAR UN TRIBUNAL.

LES ANALYSES DE LA COUR CONDUISENT ENFIN À ENVISAGER UNE RÉFORME DE LA TARIFICATION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES, POUR QUE LES ENTREPRISES RESPONSABLES SUPPORTENT DAVANTAGE LE COÛT EFFECTIF DE L'INDEMNISATION, ET À RÉFLÉCHIR PLUS GÉNÉRALEMENT AUX CONDITIONS DE L'INDEMNISATION DES VICTIMES DES RISQUES PROFESSIONNELS.

* 1 « Effets sur la santé des principaux types d'exposition à l'amiante », expertise collective, édition INSERM, 1997.

* 2 Cf. travaux de la commission p. 17, 18, 19 et 25.

* 3 Rapport intermédiaire : Asbestose litigation costs and compensation (Rand institute for civil justice 2002) PJ 142 présenté devant l'institut des hautes études sur la justice 1 er février 2004.

* 4 Les observations de la Conférence de consensus de 1999, confirmaient celles d'un article publié en 1997 par l'Encyclopédie Médicale Chirurgicale (AMEILLE J et LETOURNEUX M - Pathologie asbestosique bénigne, Encyclopédie Médecine Chirurgical (Elsevier Paris) Toxicologie-pathologie professionnelle, 16-002-A-14, 1997,10 p) qui précisait : « Il n'existe aucune démonstration d'une quelconque filiation entre plaques pleurales et mésothéliome ». Cet article soulignait également : « A exposition identique à l'amiante, il n'est pas démontré que les sujets porteurs de plaques présentent un excès de risques de cancers bronchiques, comparativement à des sujets indemnes de plaques ».

* 5 « Effets sur la santé des principaux types d'exposition à l'amiante », expertise collective, Ed INSERM 1997.

* 6 « Estimation du nombre de cas de certains cancers attribuables à des facteurs professionnels en France », InVS, avril 2003.

* 7 L'exposition à l'amiante augmente de 50% le risque relatif de développer un cancer du poumon, soit : le risque relatif =1,5 ; en conséquence la proportion de cancer du poumon dû à l'amiante pour les personnes qui y ont été exposées est de (risque relatif-1)/(risque relatif)=( 1,5-1)/(1,5)=0,33.

* 8 Le régime général en effet ne couvre pas la totalité de la population.

* 9 Loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998

* 10 La contribution de la CNAM/AT-MP au FCAATA, d'abord fixée par arrêté, est fixée en LFSS depuis la LFSS 2002.

* 11 Le nombre cumulé d'allocataires (c'est à dire des personnes ayant perçu au moins un versement mensuel de l'allocation) s'élevait à 27046 personnes mais 3455 allocataires étaient sortis du dispositif (par décès, liquidation de leur retraite voire renonciation).

* 12 Loi 99-1140 du 29 décembre 1999, (article 36)

* 13 Loi 2001-1246 du 21 décembre 2001

* 14 Loi 2002-1487 du 21 décembre 2002

* 15 856 établissements sont communs aux deux organismes pour un montant total d'indemnisation FCAATA en 2003 de 214M€

* 16 Compte tenu des règles d'emploi spécifiques dans les ports, les constats n'ont pas paru suffisamment étayés pour faire état de ce secteur malgré les sommes importantes en jeu (plus de 13M€ en 2003 à Marseille)

* 17 Le Fonds de Garantie est un organisme privé chargé d'une mission de service public institué par l'article L 421-1 du code des assurances. Doté de la personnalité civile, soumis au contrôle du ministère de l'Economie et des Finances, il groupe obligatoirement toutes les entreprises d'assurance agréées pour couvrir les risques de responsabilité civile automobile.

Depuis sa création, le Fonds de Garantie s'est vu confier la gestion de Fonds d'indemnisation spécifiques pour les victimes d'actes de terrorisme depuis 1986, pour les victimes d'infractions depuis 1991 et pour les transfusés et hémophiles contaminés par le virus du VIH depuis 1992.

* 18 Décision de reconnaissance de la maladie professionnelle par l'organisme social ou certificat médical attestant la maladie spécifique valant justification de l'exposition à l'amiante (arrêté du 5 mai 2002), copie d'une pièce d'identité ou d'un document précisant le lien de parenté avec la personne décédée.

* 19 En équivalent temps plein, 5,37 ont été facturés au FIVA en 2002, 15,62 en 2003 et 10 sur les trois premiers trimestres 2004.

* 20 Le FIVA a jugé indispensable de changer de logiciel comptable fin 2003 afin de permettre la transmission des données d'indemnisation et de paiement entre l'ordonnateur et le comptable. Un nouveau logiciel a dû être acquis début 2004 pour un montant de 34 000 euros.

* 21 Sur la base de 11 juristes indemnisation, 1 adjoint au responsable du secteur et un responsable à mi-temps ;

* 22 Il est vrai que le niveau de productivité ne peut être directement comparable puisqu'il faudrait intégrer la complexité des dossiers. Toutefois, lors de la discussion du coût du dossier pour le FIVA, le FGA avait considéré que la complexité des dossiers du FIVA était moyenne et pas inférieure à celle des dossiers du FGA/FGTI.

* 23 M. Gérard Lyon-Caen : les victimes des accidents du travail, victimes aussi d'une discrimination (Droit social septembre 1990, JJ Dupeyroux « un deal en béton » Droit social juillet août 1998. La Cour a analysé cette question dans son rapport public particulier de février 2002. Voir aussi le rapport remis au Ministre en mars 2004 par M. Laroque, inspecteur général des affaires sociales.

* 24 La réparation majorée permet à la victime d'obtenir une majoration de la rente accordée dans le cadre du régime forfaitaire d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. La faute inexcusable permet également à la victime de prétendre à l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux comme le pretium doloris ou les préjudices d'agrément.

* 25 Arrêt n° 505 du 19 décembre 2003, Assemblée plénière, société MAAF assurances et autres c/ M. Cédric Y... et autre

* 26 L'article 7 du décret du 23 octobre 2001 institue une commission d'examen des circonstances de l'exposition à l'amiante chargée d'examiner les dossiers de demande d'indemnisation s'il n'y a pas eu reconnaissance de maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation de sécurité sociale ou si la maladie n'est pas inscrite sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail et de la sécurité sociale Cette commission se prononce sur le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante.

La commission comprend, outre le président nommé par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale, du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé du budget :

1 e Deux personnes ayant des connaissances particulières dans l'appréciation du risque lié à l'exposition à l'amiante ;

2 e Deux médecins spécialistes ou compétents en pneumologie ou en médecine du travail possédant des connaissances particulières dans le domaine des pneumoconioses.

* 27 « ... du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ».

* 28 Seule, pour l'instant, la cour d'appel d'Agen a ordonné une expertise qui a conduit à une diminution du taux d'incapacité retenu par le FIVA (la victime avait un taux d'IPP de 30 % à la sécurité sociale, le FIVA avait fixé un taux de 10 % et l'expert propose un taux de 5 %)

* 29 Asbestose

Cours d'Appel : Aix-en-Provence 16/09/2003 (10 %, 80 ans) 8 000 € ; Rennes 22/10/2003 (5 %, 67 ans) 10 000 € ; Caen 13/02/2004 (10 %, 74 ans) 10 000 € ; Rennes 22/10/2003 (10 %, 56 ans) 11 000 € ; Rennes 2/03/2004 (5 %, âge non précisé) 12 000 € ;

Plaques pleurales

Cour d'appel : Rennes 22/10/2003 (5 %, 65 ans) 10 000 € ; Aix-en-Provence 16/09/2003 (5 %, 73 ans) 11 000 €; Caen 13/02/2004 (5 %, 72 ans) 11 000 € ; Aix-en-Provence 16/09/2003 (5 %, 68 ans) 13 000 € ; Rennes 22/10/2003 (5 %, 63 ans) 13 000 € ; Rennes 3/03/2004 (10 %, 69 ans) 13 000 € ; 4 arrêts Aix-en-Provence 16/09/2003 (5 %, 63, 64, 68 et 69 ans) 14 000 €.

* 30 Cours d'Appel : Bourges 17/01/2003 (mésothéliome, 100 %, âge non précisé) 30 000 € ; Rennes 28/01/2004 (100 %, 73 ans) 30 000 € ; Rennes 17/10/2001 (cancer boncho-pulmonaire, 90 %, 75 ans) 39 637 € ; Amiens 12/06/2003 (mésothéliome, 100 %, âge non précisé) 40 000 € ; Rennes 22/10/2003 (cancer boncho-pulmonaire, 65 ans) 40 000 € ; Besançon 28/01/2003 (cancer boncho-pulmonaire, 72 ans) 45 000 € ; Caen 27/05/1999 (mésothéliome, 100 %, âge non précisé) 45 735 € ; Besançon 28/01/2003 (asbestose, 100 %, âge non précisé) 45 750€ ; Rennes 22/10/2003 (mésothéliome, 92 %, 75 ans) 60 000 € ; Dijon 29/04/2003 (100 %, 77 ans) 61 877 €.

* 31 Cf. également le rapport public particulier de la Cour sur la gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles, p. 152.

* 32 Monde de l'économie du 10 mars 2003 intitulé « Amiante : la double tromperie »

* 33 Selon l'art 53 de la LFSS 2001 : l'action en justice contre le fonds « est intentée devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur ».

* 34 La consolidation est le moment où la rente est considérée comme pouvant être fixée, la gravité de la pathologie pouvant être considérée comme définitive.

* 35 Article 53.IV.2 de la loi du 23 décembre 2000 introduit par amendement parlementaire.

* 36 Pour mémoire le budget prévisionnel du FIVA prévoit une dépense d'indemnisation en 2005 de 580M€ ; le surcoût d'une telle mesure pourrait ainsi être de 7,5% en 2006.

* 37 L'exercice 2003 a été acté en comptabilité d'encaissement/décaissement pour les dépenses. Ces engagements n'ont donc pas été comptabilisés au titre de l'exercice 2003 et ils seront budgétés sur l'année 2004. En revanche, les exercices 2004 et suivants seront traités en comptabilité en droit constaté et les engagements seront rattachés à l'exercice en cours.

* 38 Source FGA (données statistiques sur www.fga.fr et www.fgti.fr).

* 39 Ces cas sont ceux où les indemnités resteront à la charge de la sécurité sociale sans que celle-ci ne dispose d'une possibilité de récupération :

• l'employeur a disparu (et le chef d'entreprise est insolvable) ou il y a pluralité d'employeur ;

• la caisse n'a pas conduit la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie en respectant le principe du contradictoire à l'égard de l'employeur (Cour de Cassation, Chambre sociale 19 décembre 2002) ;

• la constatation médicale a été effectuée entre le 1er janvier 1947 et le 29 décembre 1998 (l'indemnisation n'est pas à la charge de l'employeur, sauf pour les employeurs rattachés à un régime spécial de sécurité sociale, mais de la branche accidents du travail du fait de l'article 40 de la LFSS pour 1999).

* 40 Décision 16 septembre 2003.

* 41 Dans certaines circonstances, le demandeur peut bénéficier d'une indemnisation complémentaire.

* 42 Rapport d'activité du FIVA, juin 2003-mai 2004, p. 36.

* 43 S'agissant de la part de la prise en charge directement par le régime AT/MP le montant des rentes imputées au compte employeur a été divisé par 7, pour neutraliser les conventions de calcul comme expliqué ; ce montant n'inclut pas non plus les versements au titre de la faute inexcusable.

* 44 La CNAMTS s'est engagée à mettre en place à partir de 2005 des tableaux de bord permettant de suivre l'activité de la branche (recours contre tiers, fautes inexcusables, taux de reconnaissance ainsi que les motifs de rejets).

* 45 Selon la CNAMTS : l'article D. 242-6-3 CSS, qui définit les règles de valorisation (sous forme de "valeur du risque" imputée au compte de l'employeur) de la sinistralité d'un établissement au regard de sa tarification, indique que l'incapacité permanente est valorisée sous forme de l'indemnité en capital majorée (si l'IP est inférieure à 10 %) ou d'un capital représentatif de la rente attribuée (si l'IP est égale ou supérieure à 10 %). L'article 1er - III de l'arrêté du 16 octobre 1995 précise que les capitaux représentatifs des rentes "sont évalués forfaitairement à trente-deux fois le montant annuel des rentes calculé à la date de notification".

La valeur de ce coefficient multiplicateur (actuellement 32) ne doit pas être mise en rapport avec la durée de versement des rentes, comme si l'imputation au compte des employeurs s'apparentait à une opération de provisionnement en vue de dépenses futures, de constitution de "réserves mathématiques". Il n'en est rien, la branche AT/MP étant gérée financièrement en pure répartition. L'imputation au compte employeur ne vise donc qu'à la différenciation des taux de cotisation entre les établissements, c'est-à-dire à la répartition de la charge des cotisations de l'exercice entre tous les cotisants.

La valeur du coefficient multiplicateur est sans incidence sur l'équilibre financier de la branche et elle ne résulte pas d'un calcul scientifique. Elle est au contraire le résultat d'un libre choix : celui de faire peser plus ou moins fortement la présence de séquelles corporelles dans la différenciation des taux. Ainsi, l'augmentation du coefficient multiplicateur pénalisera les établissements où sont survenus des accidents ou des maladies entraînant l'attribution de rentes et bénéficiera aux autres établissements (par le jeu d'une répartition différente de la charge des cotisations). De 16 en 1954, ce coefficient multiplicateur a atteint 32 en 1987, après être passé par 18 puis 24 puis 30. Cette évolution continue, en renforçant toujours plus le critère "gravité des lésions" dans les mécanismes de différenciation, a donc notamment alourdi la contribution relative des entreprises auxquelles ont pu être imputés des capitaux représentatifs de rentes dues à l'amiante.

* 46 D'où le chiffre de 36 millions au titre des rentes en 2001 qui est 7 fois inférieur au montant imputé au compte employeur.

* 47 Le chiffre de 1526 victimes - faible par rapport à l'effectif  de la base de données du FIVA qui en compte environ 6200 - s'explique par le fait que l'employeur de la victime n'est renseigné dans la base qu'au moment de l'offre faite par le FIVA.

* 48 Le « compte spécial des maladies professionnelles », regroupe les dépenses afférentes à des maladies inscrites dans les « tableaux » en 1993, en cas d'exposition à ces risques antérieure à cette date, et à des maladies contractées dans une entreprise disparue, ou susceptible d'avoir été contractée dans plusieurs entreprises sans qu'il puisse être déterminé dans laquelle (RPP AT-MP P65).

* 49 Relevé de constatations définitives à fin de délibéré sur les risques amiante de M Gaugiran 2001-589-0

* 50 Elle portait le délai de recours des victimes atteintes entre 1947 et 1998 de 2 à 3 ans, soit jusqu'au 23 décembre 2001

* 51 Pour les préjudices d'agrément et physique, le barème prévoit une valeur centrale d'indemnisation avec de part et d'autre une valeur basse et une valeur haute applicable selon les éléments justificatifs présentés ou non par le demandeur. Par ailleurs, le directeur du FIVA, dispose, en fonction des éléments du dossier, d'une marge d'appréciation supplémentaire de 20 %, à la baisse ou à la hausse, par rapport aux valeurs de référence et y compris hors des fourchettes prévues.

Enfin, le directeur peut soumettre des dossiers particuliers au Conseil d'administration, notamment afin de garantir l'application dans tous les cas du principe de la réparation intégrale.

Ce barème reste donc indicatif puisque le principe de réparation intégrale impose au Fonds d'examiner chaque situation dans sa singularité et, par conséquent, de proposer une évaluation monétaire prenant en compte les préjudices soumis à son analyse.

* 52 Les tableaux intermédiaires n'ont pas pu être insérés, seul le tableau final du surcoût hors action FIVA (solution dont le surcoût est le plus élevé a été insérée).

* 53 On considère que le nombre de rentes pour des mineurs est marginal.

* 54 Le FIVA peut se substituer aux victimes pour demander la majoration de la rente.

* 55 Dont 25 refus, soit un taux de refus de reconnaissance de la FIE de 2 %.

* 56 Les enfants mineurs bénéficient d'une rente jusqu'à un certain âge (16 ans sauf études ou apprentissage).

* 57 Certaines victimes décèdent avant la consolidation et ne bénéficient pas d'un taux d'IPP.

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