B. LES FONDEMENTS DE LA SAGESSE BUDGÉTAIRE
1. Appliquer une démarche de précaution
a) Choisir des hypothèses macro-économiques cohérentes avec celles des autres pays européens et en retrait sur les espoirs de croissance
Le gouvernement, s'il tient compte des prévisions de croissance du « consensus des économistes », a aujourd'hui une latitude complète pour estimer le taux de croissance de référence, et donc, pour déterminer le solde budgétaire, dont la réalisation dépendra en majeure partie de la pertinence de cette prévision.
Seule la fixation d'une règle objective de détermination de ce taux de croissance, par exemple en le faisant relever d'un collège d'économistes ad hoc , ou en le fixant au niveau de celui du consensus à la fin du premier semestre de l'année N-1, permettrait d'éviter cet arbitraire et d'éliminer toute possibilité de manipulation. La détermination d'une hypothèse de croissance en léger retrait par rapport aux espoirs favoriseraient l'apparition d'un éventuel surplus en cours d'exécution, à affecter à la réduction du déficit.
Le choix d'un taux de croissance systématiquement inférieur à celui du consensus des économistes ainsi que la fixation de règles strictes pour l'utilisation des surplus de recettes reviendrait ainsi à appliquer une sorte de principe de précaution budgétaire comme c'était le cas aux Pays-Bas dans le cadre de l'application de la « norme Zalm » 31 ( * ) .
b) Arbitrer les recettes avant les dépenses
La procédure d'élaboration du budget conduit à déterminer le plafond des dépenses avant une évaluation des recettes qui repose principalement sur deux éléments : la prévision de croissance et l'hypothèse d'élasticité des recettes par rapport à la croissance.
Dès lors, dans la préparation budgétaire, les recettes s'ajustent aux dépenses, alors que ce devrait être les dépenses qui s'ajustent aux recettes . C'est sans doute pour cette raison que la prévision de recettes fiscales est aussi fréquemment sur-estimée.
Ecart entre prévision et exécution en matière d'élasticité des recettes fiscales
Année |
Elasticité prévue des recettes fiscales au PIB dans le projet de loi de finances |
Elasticité des recettes fiscales au PIB constatée |
Taux de croissance
|
1998 |
0,7 |
0,5 |
3,4 |
1999 |
1,3 |
2,1 |
3,2 |
2000 |
1,3 |
1,9 |
3,8 |
2001 |
1,4 |
2,1 |
2,1 |
2002 |
1,1 |
0,1 |
1,1 |
2003 |
0,9 |
0,2 |
0,5 |
2004 |
0,7 |
1,7 |
2,4 |
2005 |
1,4 |
- |
- |
Taux moyen |
1,1 |
1,2 |
2,3 |
Source : Cour des comptes, rapport préliminaire sur les lois de finances pour 2004
Ainsi, la Cour des comptes note, dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 2005, que « les erreurs d'estimation en loi de finances initiale sont nombreuses et supérieures à 5 %, y compris pour certains remboursements et dégrèvements d'impôts (comme ceux portant sur l'impôt sur les sociétés, surestimés de près de 20 %) ».
La Cour des comptes en conclut que « l'analyse générale des écarts entre prévisions et exécution montre qu'une plus grande transparence est nécessaire dans l'élaboration des hypothèses économiques et des prévisions de recettes fiscales ».
Il paraît ainsi indispensable, pour éviter de tels écarts en matière de recettes, et éviter tout soupçon a posteriori sur le mode d'évaluation des recettes, de disposer des différentes évaluations qui sous-tendent les estimations de recettes fiscales retenues dans le projet de loi de finances.
Ajuster les dépenses en fonction de la prévision de recettes permettrait de responsabiliser les gestionnaires, en mettant en évidence le lien entre recette et dépense, qui est le lot commun de toute entité économique, ménage, entreprise ou Etat. A partir d'une prévision prudente de recettes, les plus-values éventuelles de ressources qui viendraient à être dégagées en cours d'année permettraient d'éviter les annulations de crédits, en même temps qu'elles contribueraient à améliorer le solde.
* 31 Selon celle-ci, si le déficit budgétaire est supérieur à 0,75 % du PIB, les trois-quarts des recettes budgétaires complémentaires seront affectés à la réduction du déficit budgétaire et le solde à un allégement de charges. Si le déficit est inférieur à 0,75 % du PIB, alors les recettes supplémentaires seront affectées pour moitié à la réduction du déficit et pour moitié à un allégement de charges.