B. LA RÉACTION TARDIVE ET INSUFFISANTE DES AUTORITÉS SANITAIRES

1. Le décret de 1977 : l'effet démobilisateur d'une réglementation tardive, insuffisante et de toute façon mal appliquée

a) Les précédents anglo-saxons

Bien que l'amiante ait été reconnu comme source de maladie professionnelle depuis 1945, son usage n'a été que tardivement réglementé en France, plus tard que dans plusieurs grands pays consommateurs.

Dans sa lettre du 5 avril 1977 au Premier ministre, le professeur Jean Bignon le relevait d'ailleurs : « Actuellement, la France est le seul pays du monde occidental à ne pas avoir de réglementation pour l'utilisation industrielle de l'amiante ».

Les premières mesures réglementaires ont été adoptées en 1931 en Grande-Bretagne , et visaient à limiter l'empoussièrement et à mettre en place un suivi médical. Les mesures ne furent cependant guère appliquées, sauf dans les usines traitant de l'amiante brut, et il a fallu attendre 1969 pour que le Royaume-Uni se dote d'une véritable réglementation en la matière.

Aux États-Unis , la première des recommandations de l' American College of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH) concernant l'amiante date de 1946 . Elle visait à limiter le risque d'asbestose et recommandait une valeur limite de 15 fibres/ml. En 1969, cette valeur était réduite à 6 fibres/ml. En 1972, elle était à nouveau réduite à 5 fibres/ml, puis à 2 fibres/ml en 1976. En 1983, une valeur limite d'exposition professionnelle de 0,5 fibre/ml, identique pour les amphiboles et le chrysotile, était adoptée. En 1996, cette valeur était fixée à 0,1 fibre/ml.

Les conclusions du commissaire du gouvernement du Conseil d'État permettent de rappeler que la réglementation générale française sur l'empoussièrement n'a pas eu les mêmes vertus que la réglementation anglo-saxonne : « En Angleterre et aux Etats-Unis, une réglementation spécifique tendant à mieux protéger les travailleurs de l'amiante a été mise en place beaucoup plus tôt qu'en France : en 1931 en Angleterre et en 1946 aux Etats-Unis. Le ministre soutient que ces pays n'ont agi ainsi que parce qu'ils étaient dépourvus de réglementation générale sur les poussières, ce qui n'était pas le cas de la France. Mais d'une part, la mise en oeuvre d'une réglementation particulière a pour effet d'attirer l'attention des travailleurs et des employeurs sur la dangerosité des produits manipulés, et ce d'autant que le décret particulier doit être affiché sur les lieux de travail. [...] D'autre part, si le ministre souligne que le nombre de décès par mésothéliome en Angleterre est plus important qu'en France, ce qui est exact aujourd'hui, il oublie de faire état des développements suivants du rapport de l'INSERM, consacrés à l'évolution des maladies, dans lequel on trouve ces données et selon lequel, en 1996, on constate déjà une stagnation du nombre de cas de pathologie cancéreuse liée à l'amiante en Angleterre et dans d'autres pays en raison d'une protection plus précoce des travailleurs, alors qu'en France, on a l'impression d'être au début de l'épidémie ».

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