c) Un possible recours à la procédure de la citation directe ?

Les représentants de l'ANDEVA rencontrés à Dunkerque ont indiqué que, dans un article de La Voix du Nord , M. Pierre Fauchon aurait suggéré aux victimes de recourir à la citation directe dans le cas de l'amiante. Or, pour l'ANDEVA, cette procédure sans instruction, utilisée pour les affaires les plus simples, suppose des responsables identifiés et apparaît tout à fait inadaptée.

Notre collègue, au cours de sa communication devant la mission, a réaffirmé que la procédure de la citation directe pouvait être utilisée dans l'affaire de l'amiante.

Pourtant, plusieurs magistrats auditionnés ont noté que la complexité des dossiers liés à l'amiante rend extrêmement délicat le recours à la procédure de citation directe.

M. Alain Saffar a ainsi estimé qu'« il est nécessaire d'avoir une technicité et une recherche tellement approfondies qu'on ne peut pas se passer d'ouvrir une information et donc de saisir un juge d'instruction. [...] c'est beaucoup trop compliqué et il faut passer par l'instruction, ce qui implique nécessairement plus de temps ».

Mme Marie-Odile Bertella-Geffroy, coordinatrice du pôle santé publique de Paris, a confirmé cette analyse : « On a recours aux citations directes pour les vols à la tire ! [...] Les affaires dont je m'occupe représentent des années de travail dont on ne voit pas la fin. C'est donc complètement irréaliste ».

En revanche, la procédure de la citation directe peut être utilisée dans une affaire relative à l'amiante, lorsque la constatation ne suscite pas de difficultés particulières, par exemple s'il est établi que les ouvriers travaillant sur un chantier n'étaient pas suffisamment protégés ou si les dispositions du code du travail sont manifestement violées.

Ainsi, M. Fagny, procureur de la République à Bastia, a fait état devant la délégation de la mission d'une procédure initiée, en 2003, à l'encontre d'un promoteur immobilier, maître d'ouvrage d'un chantier situé près de Bastia. L'inspection du travail a constaté des infractions aux règles de santé et de sécurité au travail et un défaut d'information des salariés sur le caractère amiantifère du terrain. Les déblais étaient de surcroît transportés dans des camions non bâchés et déversés quelques kilomètres plus loin sans précaution aucune.

L'inspection du travail a d'abord demandé, en référé, l'interruption du chantier, qui lui a été refusée : le juge a ordonné, d'une part, que des expertises soient conduites pour évaluer la présence d'amiante, d'autre part, que des mesures de protection des salariés soient appliquées, sous peine d'astreinte. L'inspection du travail a cependant rapidement constaté que ces mesures de protection n'étaient pas mises en oeuvre par l'entrepreneur et a dressé un nouveau procès-verbal constatant ces infractions. Il s'en est suivi une enquête préliminaire, débouchant sur une citation directe, par le parquet, devant le tribunal correctionnel.

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