b) Mutualisation des dépenses du FCAATA et du FIVA

Le financement de ces fonds par une dotation budgétaire et par une dotation de la sécurité sociale aboutit, mécaniquement, à en mutualiser la charge.

En théorie, toutefois, le FIVA devrait pouvoir, en engageant des actions récursoires, récupérer les sommes versées auprès des entreprises responsables de l'exposition à l'amiante. Plus précisément, en cas de condamnation d'un employeur pour faute inexcusable, la branche AT-MP intervient comme un assureur pour le compte de l'entreprise : elle prend en charge les dépenses occasionnées et il lui appartient ensuite de se retourner contre l'employeur fautif.

Diverses règles législatives ou jurisprudentielles rendent cependant fréquemment impossible cette récupération, de sorte que les dépenses restent, in fine, à la charge de la branche AT-MP. Il en va de même lorsque les victimes engagent directement un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Les principaux mécanismes de mutualisation sont les suivants :

? Les dispositions issues de la loi de financement de la sécurité sociale du 23 décembre 1998 :

L'article 40 de la loi n° 98-1194 de financement de la sécurité sociale du 23 décembre 1998, modifié par l'article 35 de la loi n° 99-1140 de financement de la sécurité sociale du 29 décembre 1999, a levé les règles habituelles de prescription afin qu'il soit possible d'engager un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, dès lors qu'une première constatation médicale est intervenue entre le 1 er janvier 1947 et le 27 décembre 1998. Pour éviter que les entreprises ne soient déstabilisées par un flux de recours inattendu, le même article prévoit cependant que les dépenses ainsi occasionnées sont supportées définitivement par la branche AT-MP du régime général ou, le cas échéant, du régime agricole. La loi interdit donc aux caisses de sécurité sociale d'intenter des actions pour récupérer, auprès des entreprises, les sommes versées aux victimes de l'amiante.

? Disparition de l'entreprise responsable :

En raison du long délai de latence de certaines maladies de l'amiante, il arrive fréquemment que l'entreprise responsable de la contamination ait disparu. Dans ce cas, la jurisprudence s'oppose à ce que les sommes versées soient récupérées sur le patrimoine personnel du chef d'entreprise et les caisses primaires sont dans l'impossibilité de se faire rembourser.

? Inopposabilité de la décision à l'employeur :

La Cour de cassation veille au respect du principe du contradictoire dans l'instruction menée par les caisses primaires d'assurance maladie pour décider de la prise en charge, ou non, d'un salarié au titre des maladies professionnelles.

Depuis un arrêt de la chambre sociale du 19 décembre 2002, elle impose aux CPAM d'informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments susceptibles de lui faire grief, de la possibilité qui lui est ouverte de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision. L'absence de l'un de ces éléments amène les tribunaux à déclarer la décision inopposable à l'employeur. La CPAM ne peut alors se retourner contre l'employeur pour récupérer les sommes versées. Comme les procédures suivies par les CPAM satisfaisaient rarement à toutes ces exigences, de nombreuses décisions ont été déclarées inopposables.

Il apparaît, par ailleurs, au vu de documents remis à la mission par M. Roland Muzeau, que certaines grandes entreprises développent des stratégies élaborées de contestation systématique des décisions de reconnaissance de maladie professionnelle et exploitent méthodiquement toutes les failles de la procédure pour que les décisions leur soient déclarées inopposables.

Ainsi la société Arkema , branche de chimie fine d'Atofina, a-t-elle rédigé un mémento à l'intention de ses chefs d'établissement, pour leur exposer la procédure à suivre. Ce document indique que l'établissement doit adresser à la CPAM une lettre de réserves, contestant l'origine professionnelle de la maladie, lorsqu'un doute existe sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par le salarié, ce qui paraît raisonnable. Plus choquante, en revanche, est la recommandation selon laquelle « dans le cas où il est absolument évident que le salarié a été réellement exposé au sein d'Arkema à un risque pouvant déclencher une maladie professionnelle, et même lorsque le salarié a effectué l'intégralité de sa carrière professionnelle à Arkema, une lettre de réserves sera également rédigée. En effet, la Caisse sera alors tenue de procéder à une enquête contradictoire, ce qui pourra éventuellement nous permettre d'invoquer le non-respect du principe du contradictoire » .

Cette démarche traduit la volonté délibérée de cette société d'utiliser toutes les ressources de la procédure pour se soustraire à ses responsabilités financières vis-à-vis de la sécurité sociale.

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