b) Les avant-projets de loi organique et ordinaire

L'avant-projet de loi organique vise à actualiser les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de l'archipel en les alignant sur celles applicables aux conseils généraux et aux conseils régionaux. Il préciserait les modalités d'exercice par le conseil général de ses compétences normatives propres et lui accorderait la possibilité d'être habilité à adapter les lois et règlements applicables localement.

Le statut de l'archipel serait codifié dans une nouvelle partie du code général des collectivités territoriales. Il déterminerait par ailleurs les règles applicables à l'exercice du droit de pétition, du référendum et de la consultation des électeurs. Le projet de loi organique tendrait à accorder à la collectivité les mêmes compétences qu'aux départements et régions d'outre-mer en matière de coopération décentralisée et de relations extérieures.

Les lois et règlements continueraient à s'appliquer de plein droit à Saint-Pierre-et-Miquelon, à l'exception de ceux intervenant dans les domaines :

- des impôts, droits et taxes ; recouvrement, contrôle et sanctions en matière fiscale ;

- du régime douanier, à l'exception des productions à l'importation et à l'exportation relevant de l'ordre public ;

- de la construction, de l'habitation et du logement.

Ceux-ci demeureraient de la compétence de la collectivité, qui pourrait en outre percevoir une redevance spécifique due par les titulaires de concessions de mines hydrocarbures.

Afin que la police minière demeure du ressort de l'Etat, le texte prévoirait que, sous réserve des engagements internationaux et des dispositions prises pour leur actualisation, l'Etat concède à la collectivité territoriale, dans les conditions définies par un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat pris après avis du conseil général, l'exercice des compétences en matière de délivrance des titres miniers portant sur le fond de la mer et son sous-sol.

Le conseil général de l'archipel demeurerait composé de 19 membres, élus pour 5 ans au lieu de 6 ans aux termes du statut de 1985. Les deux circonscriptions électorales de Saint-Pierre et de Miquelon-Langlade seraient maintenues .

c) Les attentes des élus locaux

Lors de son déplacement à Saint-Pierre puis à Miquelon-Langlade, votre délégation a pu recueillir les observations des élus municipaux de ces deux communes, mais aussi des deux parlementaires de l'archipel ainsi que des élus du conseil général à l'égard de la proposition de loi organique déposée à l'Assemblée nationale par M. Gérard Grignon, député.

Rappelant que le statut de 1985 mettait les services déconcentrés de l'Etat à la disposition du conseil général en tant que de besoin, tout en les laissant sous l'autorité du représentant de l'Etat, les élus de la collectivité territoriale ont exprimé le souhait que, par cohérence et comme le prévoit la proposition de loi organique, le président du conseil général soit alors lui-même chargé de contrôler l'exécution des tâches.

Mme Karine Claireaux, maire de Saint-Pierre, a indiqué à votre délégation que la répartition des compétences établie par le statut de 1985 pouvait présenter des difficultés , le conseil général détenant seul les compétences en matière de fiscalité et d'urbanisme. Elle a exprimé le souhait que les communes puissent également exercer des compétences dans ces domaines.

Les élus municipaux de Miquelon-Langlade, et notamment le maire de cette commune, notre collègue M. Denis Detcheverry, se sont également déclarés favorables à l'attribution d'une compétence aux maires pour la délivrance des permis de construire, dans le cadre d'un schéma d'aménagement qui serait défini par le conseil général .

Ce schéma pourrait être un schéma de cohérence territoriale (art. L. 122-1 du code l'urbanisme), fixant pour l'ensemble de l'archipel les orientations générales de l'organisation de l'espace et déterminant notamment les espaces et sites naturels ou urbains à protéger. Les élus de Miquelon-Langlade proposent que le conseil général associe les deux communes à la définition de ce schéma.

Lors de sa rencontre avec chacun des deux conseils municipaux de l'archipel, votre délégation a relevé une contradiction entre la compétence unique du conseil général en matière fiscale et le principe constitutionnel selon lequel « aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre » (art. 72, 5 ème alinéa, de la Constitution).

En effet, si certaines ressources propres des communes proviennent des taxes forfaitaires perçues notamment au titre du traitement des ordures ménagères et de l'eau, leurs autres ressources budgétaires sont issues de reversements du produit des impôts perçus par le conseil général, selon des clefs de répartition qu'il définit .

Aussi Mme Karine Claireaux, maire de Saint-Pierre, a-t-elle souhaité que la mise à jour du statut de l'archipel permette également l' attribution d'une compétence fiscale aux communes .

S'agissant du mode d'élection du conseil général, M. Denis Detcheverry, sénateur, maire de Miquelon-Langlade, s'est déclaré défavorable à l' instauration d'une circonscription unique, qui risquerait de faire disparaître toute représentation de sa commune . Il s'est prononcé pour la création d' une seule circonscription comportant deux sections , sur le modèle des sections de commune 83 ( * ) . Ainsi, les deux sections communales comprendraient respectivement quinze représentants à Saint-Pierre et quatre représentants à Miquelon.

Votre délégation a relevé la nécessité d'assurer, dans le cadre de la modernisation du statut de l'archipel, le maintien d'une représentation équilibrée des deux communes . Dès lors, elle estime qu'il convient d'examiner toutes les solutions institutionnelles possibles, en établissant, le cas échéant, des comparaisons avec les autres collectivités d'outre-mer ou futures collectivités d'outre-mer.

Votre délégation a ainsi rappelé aux élus de Miquelon-Langlade que l'avant-projet de loi organique relatif au futur statut de Saint-Barthélemy et Saint-Martin prévoyait la création, pour chacune de ces îles, d'une seule collectivité, exerçant les compétences dévolues par la loi aux communes.

Elle a par ailleurs considéré que, dans la mesure où la population de l'archipel souhaiterait le maintien de deux communes distinctes, le conseil général pourrait éventuellement en devenir l'émanation, dans une forme s'inspirant du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, dont les membres sont aussi des élus des assemblées de province 84 ( * ) .

Votre délégation souhaite par conséquent que les élus de l'archipel parviennent à un accord sur le modèle institutionnel qui permettra d'assurer une représentation équilibrée de la population et d'exercer les compétences de façon cohérente et efficace.

*

* *

Votre délégation se félicite de la qualité de ses échanges avec les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi qu'avec les services de l'Etat, dont elle a constaté la mobilisation en faveur du développement de l'archipel.

Il apparaît que la révision du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon devra permettre de mieux répartir les compétences de la collectivité et des communes, et d'assurer une plus grande autonomie financière à celles-ci .

Certes, le concours de l'Etat semble indispensable pour que les institutions et les acteurs socio-économiques de l'archipel réalisent des projets de long terme, dans le cadre d'un contrat de développement de dix ans annoncé par M. François Baroin, ministre de l'outre-mer 85 ( * ) .

Toutefois, l'avenir de l'archipel sera d'abord assuré par les initiatives de ses habitants, dont votre délégation a observé l'esprit d'entreprise. Aussi, le soutien de l'Etat devra-t-il, au-delà de l'aide financière, consister à appuyer les démarches visant à développer de nouvelles activités .

Votre délégation estime en particulier que l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (IFREMER) doit mieux accompagner, par son expertise scientifique , la mise en place de projets aquacoles très prometteurs à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Enfin, la situation géographique exceptionnelle de l'archipel, pont entre les rives du Canada et de l'Union européenne , ne peut être valorisée que si les partenaires économiques canadiens intéressés bénéficient d'un environnement juridique fiable. A cet égard, il revient à l'Etat d'aider les acteurs de l'archipel à obtenir les dérogations nécessaires auprès des institutions de l'Union européenne.

* 83 Cf. art. L. 254 et suivants du code électoral.

* 84 Art. 190 et suivants de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 85 Cf. Journal officiel, débats Sénat, séance du 7 décembre 2005, lors de la discussion du budget de l'outre-mer.

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