CHAPITRE 1 : CONNAÎTRE

« Dans le monde, on cache le ciel et l'enfer : le ciel, parce que si on en connaissait la beauté on voudrait y aller à tout prix ; l'enfer, parce que si on en connaissait les tourments, on voudrait les éviter coûte que coûte 1 ( * ) ».

L'immigration irrégulière est par essence difficile à cerner. Force est toutefois de constater que les efforts entrepris pour y parvenir sont restés rares jusqu'à présent. Les travaux de la commission d'enquête lui ont permis de constater qu'il s'agissait d'un phénomène avéré, difficile à quantifier et dont les conséquences néfastes justifient une politique de fermeté.

I. UN PHÉNOMÈNE AVÉRÉ

Les règles d'entrée et de séjour des étrangers sur le territoire national varient en fonction de l'origine des immigrants. L'immigration irrégulière revêt des formes diverses et mouvantes : une entrée irrégulière peut ne pas être suivie d'un séjour irrégulier lorsque la France ne constitue qu'un pays de transit ; à l'inverse, bien des séjours irréguliers ont été précédés d'une entrée régulière. Elle fait un appel croissant à des filières de plus en plus structurées.

A. DES RÈGLES D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR QUI VARIENT EN FONCTION DU PAYS D'ORIGINE DES IMMIGRANTS

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entré en vigueur le 1 er mars 2005, en remplacement de la plupart des dispositions de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.

Il définit un régime de droit commun qui s'applique sous réserve des conventions internationales, conformément à l'article 55 de la Constitution aux termes duquel : « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie . »

L'adhésion de la France à l'Union européenne ainsi qu'à l'Espace économique européen et les multiples accords bilatéraux qu'elle a conclus avec des Etats tiers font que nombre d'étrangers relèvent de régimes spécifiques.

1. Les conditions posées pour l'entrée sur le territoire national

Pour entrer sur le territoire français, un étranger doit, en règle générale, être muni d'un passeport en cours de validité, d'un visa, de documents relatifs aux motifs de son séjour, aux conditions de son hébergement, à ses moyens d'existence, aux garanties de son éventuel rapatriement, à la souscription d'une assurance maladie et, pour celui qui souhaite exercer une activité professionnelle, d'une autorisation de travail 2 ( * ) .

Les cas de dispense de tel ou tel de ces documents sont multiples. Ils peuvent être prévus par des conventions internationales ou le droit interne. A titre d'exemple, les ressortissants de l'Union européenne, de l'Espace économique européen et de la Suisse bénéficient d'un régime de libre circulation.

Les différents visas ouvrant l'accès au territoire français se rangent sous deux catégories : les visas pour les séjours d'une durée inférieure à trois mois et les visas pour les séjours d'une durée supérieure à trois mois.

Depuis l'entrée en vigueur des accords de Schengen , dont les décisions et les structures ont été intégrées dans l'Union européenne par un protocole additionnel au traité d'Amsterdam, les visas de court séjour sont communs à tous les Etats parties à cette convention .

Deux règlements ont été élaborés pour établir une liste de 135 Etats dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures de l'espace Schengen 3 ( * ) et un modèle type de visa 4 ( * ) . Ce visa uniforme peut être délivré par les autorités consulaires de chacun des Etats membres ; il est valable pour l'ensemble de l'espace Schengen.

Les visas de court séjour peuvent être : des visas de transit aéroportuaire, permettant de ne rester que dans la zone internationale des aéroports ; des visas de transit délivrés pour une durée de 5 jours, permettant de circuler dans la zone Schengen ; des visas de court séjour délivrés pour une durée inférieure à 90 jours, permettant de circuler dans la zone Schengen ; des visas dits « de circulation » qui sont des visas de court séjour à entrées multiples dont la durée peut aller de un à cinq ans.

Les accords de Schengen

Les accords de Schengen, entrés en vigueur en 1995, ont représenté une première forme de « coopération renforcée », dessinée hors traité mais entre des Etats membres de la Communauté européenne. Il s'agissait alors de surmonter l'opposition de plusieurs pays membres, notamment du Royaume-Uni, au projet ambitieux de matérialiser le principe de la libre circulation des personnes et des marchandises par la suppression des contrôles physiques aux frontières intérieures.

L'accord politique conclu en ce sens le 14 juin 1985 à Schengen (Luxembourg) entre cinq pays (la France, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas) a été complété par une série de dispositions destinées à compenser la levée progressive des contrôles aux frontières par un renforcement de la coopération dans les domaines de la circulation des personnes (visas, immigration, asile), ainsi qu'en matière policière et judiciaire, contenues dans la « Convention d'application de l'accord de Schengen » du 19 juin 1990.

Un comité exécutif chargé de veiller à l'application de ces accords a été institué, sur le modèle du Conseil des ministres de l'Union européenne. Il a adopté de nombreuses normes permettant l'application de ces accords, plus particulièrement dans le domaine des visas et de l'immigration.

Les accords de Schengen ont été progressivement étendus à l'ensemble des quinze anciens Etats membres de l'Union européenne, à l'exception du Royaume-Uni et de l'Irlande, qui cependant y participent partiellement.

Deux Etats tiers, la Norvège et l'Islande, participent également à ces accords en raison de leurs liens avec les pays scandinaves membres de l'Union européenne dans le cadre de l'« Union nordique des passeports », qui regroupe le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège et l'Islande. En outre, la Suisse pourrait prochainement adhérer à ces accords.

Les dix nouveaux pays ayant adhéré à l'Union européenne le 1 er mai 2004 se sont engagés, lors des négociations d'adhésion, à reprendre l'intégralité de l'« acquis de Schengen », qui fait partie intégrante de l'« acquis de l'Union européenne » depuis le traité d'Amsterdam. Cependant, leur adhésion à l'Union n'a pas entraîné la levée des contrôles aux frontières intérieures avec ces pays. En effet, la levée effective des contrôles aux frontières avec tel ou tel de ces pays nécessite une décision prise à l'unanimité par les Etats participants, à l'issue d'une évaluation de la capacité du pays en question à assumer ses obligations en la matière.

Source : Rapport d'information n° 385 (Sénat - 2004-2005) sur la politique européenne d'immigration de M. Robert Del Picchia au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne .

Les visas de long séjour ne peuvent être délivrés que par les autorités consulaires françaises . Leur obtention préalable dans le pays de départ est en principe exigée pour pouvoir solliciter ultérieurement une carte de séjour temporaire, notamment comme visiteur, salarié ou commerçant.

En sont dispensés, outre les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, ceux des Etats suivants : Andorre, Monaco, Saint-Marin, Saint-Siège, Suisse.

Certains visas sont délivrés pour des territoires limités . C'est le cas des visas à destination des départements d'outre-mer ou des collectivités d'outre-mer. Ils peuvent être de court séjour ou de long séjour.

En 2005 comme en 2004 et 2003, les 750 agents employés dans les quelque 200 postes diplomatiques et consulaires français ont instruit un peu moins de 2,5 millions de demandes , contre plus de 3 millions en 2002, et délivré un peu plus de 2 millions de visas , soit environ 20 % du total des 10 millions de visas délivrés par l'ensemble des Etats membres de l'espace Schengen . Les « visas Schengen » représentent chaque année environ 90 % du total des visas délivrés.

Lors de son audition, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a rappelé que : « pour un nombre significatif de nationalités la délivrance des visas constitue toujours la voie d'entrée normale des étrangers en France. C'est pourquoi il est essentiel de s'assurer de l'identité et de la qualité des demandeurs de visas.

« La délivrance des visas est un instrument important de notre politique étrangère. Les postes consulaires ont pour instruction de faciliter la venue des ressortissants étrangers qui concourent à la vitalité des relations bilatérales de leur pays avec la France ou ont des attaches fortes avec notre pays. Ainsi, dans le cadre de notre politique d'attractivité, le nombre de visas délivrés à des étudiants étrangers a augmenté de plus de 10 % de 2001 à 2004 .

« Notre réseau consulaire joue aussi, en amont, un rôle majeur dans la lutte contre l'immigration irrégulière. Nos postes se montrent particulièrement vigilants dans l'instruction des demandes de visas : le nombre des visas délivrés par nos services est globalement stable depuis trois ou quatre ans. La baisse du taux de refus de visas, aujourd'hui de l'ordre de 15 %, est la conséquence de l'introduction au 1 er janvier 2003 de la mesure de paiement préalable des frais de dossier qui s'est traduite par une baisse de la demande de visas . »

* 1 Jean-Marie Vianney, curé d'Ars.

* 2 Article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 3 Règlement (CE) n° 574/99 du Conseil, du 12 mars 1999, déterminant les pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres.

* 4 Règlement (CE) n° 1683/95 du Conseil, du 29 mai 1995 établissant un modèle type de visa.

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