B. AGIR SUR LES CONDITIONS DE LOGEMENT

Les étrangers en situation irrégulière sont nombreux dans les logements dégradés, dans les foyers de travailleurs migrants et, outre-mer, bâtissent fréquemment des constructions illicites.

1. La lutte contre les « marchands de sommeil »

Pour réduire l'attractivité du territoire national pour l'immigration clandestine, il convient de compléter la lutte contre le travail illégal par une action résolue contre l'habitat indigne et insalubre , trop souvent utilisé par des propriétaires sans scrupules pour héberger des étrangers en situation irrégulière.

En ce domaine également, la commission d'enquête constate avec satisfaction que des initiatives utiles ont été prises sur le plan législatif depuis quelques années. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000 a réformé les deux procédures qui coexistent : la procédure d'insalubrité, régie par les articles L. 1331-25 et suivants du code de la santé publique, et la procédure de péril, définie aux articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Elle a été complétée par l'ordonnance du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre et dangereux. Ces deux textes ont renforcé les outils juridiques et opérationnels à la disposition de la puissance publique pour mieux combattre les « marchands de sommeil » . On peut citer notamment :

- le dispositif de suspension du paiement des loyers pour les locaux frappés d'un arrêté de péril ou d'insalubrité, qui constitue un instrument utile pour contraindre les propriétaires à effectuer des travaux ;

- l'obligation de relogement ou d'hébergement des ménages, mise à la charge des propriétaires de ces logements, et la possibilité donnée à la puissance publique de procéder à des travaux d'office, aux frais des « marchands de sommeil » ;

- l'extension de la notion de locaux impropres, par nature, à l'habitation ;

- l'aggravation significative du montant de l'indemnité due par les propriétaires de locaux soumis à une interdiction définitive d'habiter lorsque, du fait de leur défaillance, la collectivité publique a dû reloger les occupants ;

- la suspension des redevances payées dans les hôtels meublés, dès lors que des travaux de sécurité sont prescrits par l'autorité publique ;

- l'impossibilité pour un propriétaire de demander l'expulsion des occupants s'il ne leur a présenté aucune offre de relogement, suite à un arrêté ;

- la simplification de la procédure des arrêtés de péril, qui permet aux maires de prendre désormais ces arrêtés dans des délais beaucoup plus courts ;

- la simplification de la procédure d'exécution de travaux d'office, qui n'est plus soumise à une autorisation préalable d'un juge ;

- la clarification des incriminations pénales encourues par les « marchands de sommeil ».

Pour compléter ces dispositions, la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a habilité le Gouvernement à créer, par ordonnance, un dispositif de séquestre immobilier spécial. Il permettra aux communes ayant réalisé des travaux en lieu et place des propriétaires de récupérer les loyers versés par les occupants jusqu'à ce que la dette du propriétaire soit effacée.

En vue de garantir la réalisation des travaux prescrits en cas de carence des propriétaires, il est par ailleurs prévu, outre les actions sous maîtrise directe de l'Etat, de faciliter l'action des collectivités territoriales, par un renforcement des aides de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) aux communes pour la réalisation des travaux d'office.

Cet ensemble de mesures a conduit à une augmentation substantielle du nombre d'arrêtés préfectoraux d'insalubrité . Alors que l'on ne comptait, jusqu'en 2000, que quelques arrêtés d'insalubrité chaque année -limités à Paris et à la Seine-Saint-Denis- on en a dénombré 750 en 2004.

Le nombre de logements traités pour insalubrité a également fortement augmenté depuis quelques années , que ce soit dans le cadre de la procédure applicable en cas d'insalubrité dite remédiable, ou de celle applicable en cas d'insalubrité irrémédiable.

Dans le premier cas de figure, la sortie de l'insalubrité est assurée par la prescription de travaux par arrêté préfectoral, finançables par l'ANAH. Le nombre de logements traités dans ce cadre est passé de 1.275, en 2003, à 2.190 en 2004 et 2.909 en 2005, ce qui représente une augmentation de 128 % en deux ans.

Dans le second cas, le traitement de l'insalubrité repose principalement sur le dispositif de résorption de l'habitat insalubre (RHI). La RHI est une opération sous maîtrise d'ouvrage publique locale destinée, dans une optique de protection des occupants et de leur relogement, à traiter les immeubles irrémédiablement insalubres et définitivement interdits à l'habitation, par leur acquisition sous déclaration d'utilité publique. Ces opérations bénéficient de fortes subventions de l'Etat et les terrains libérés et les immeubles réhabilités doivent prioritairement accueillir des logements locatifs sociaux publics.

Le dispositif de RHI a connu une montée en puissance substantielle depuis trois ans : le montant des subventions est ainsi passé de 6,1 millions d'euros, en 2003, à 8 millions d'euros en 2004 et 17 millions d'euros en 2005 et le nombre de logements irrémédiablement insalubres démolis ou réhabilités est passé de 44 en 2002 à 443 en 2003, 477 en 2004 et 750 en 2005.

La commission d'enquête se félicite des progrès enregistrés et demande bien sûr que les efforts engagés soient poursuivis. Elle regrette cependant que les poursuites pénales demeurent exceptionnelles. Les quelques jugements recensés, ces derniers années, à Antibes, Marseille et dans le Nord sont le fruit d'une collaboration, trop rare, entre les préfectures, les communes et les procureurs de la République. La valeur d'exemplarité attachée à la sanction pénale justifierait pourtant que les poursuites soient, dans la mesure du possible, systématisées.

Recommandation n° 33 : Systématiser les poursuites pénales contre les « marchands de sommeil ».

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