2. Une croissance économique résultant principalement de l'investissement et des exportations.

La croissance chinoise élevée depuis les réformes initiées à la fin des années 1980 résulte, selon la Banque mondiale de la combinaison de plusieurs facteurs : un taux d'épargne élevé, la réduction de la population employée dans l'agriculture, des réformes pragmatiques et des conditions économiques favorables.

La stratégie de croissance s'est construite essentiellement sur les exportations et les investissements liés aux exportations, car elle ne pouvait pas reposer sur le seul moteur de la consommation intérieure , compte tenu du niveau de développement du pays. Ceci reste encore partiellement exact.

En effet, le revenu annuel urbain s'élève à 1.000 dollars par tête et on estime que seulement 40 millions de ménages chinois disposent d'un revenu annuel supérieur à 6.000 dollars, seuil à partir duquel la consommation d'autres biens que les produits de base se développe effectivement.

En outre, la Chine se caractérise par l'abondance de ses facteurs de production.

- Elle dispose d'une main d'oeuvre abondante et bon marché . La nécessaire reconversion d'une partie de la population agricole ainsi que les réformes encore à venir dans les entreprises publiques vont conforter cette situation pendant de longues années, en dépit de l'augmentation globale des salaires. Celle-ci, plus forte pour les catégories qualifiées que pour les ouvriers non qualifiés, semble correspondre à la hausse de la productivité moyenne du travail.

- La Chine bénéficie également de capitaux importants pour financer ses investissements . La formation brute de capital atteint 46,6 % du PIB en 2004, soit 741 milliards de dollars. Ces investissements sont alimentés par un taux d'épargne très élevé, estimé à 50 % du PIB, ainsi que par l'afflux de capitaux étrangers qui s'élevait à 61 milliards de dollars en 2004.

La Chine ne subissant donc aucune contrainte de rareté, tant pour le facteur travail que pour le capital, ceci explique en particulier l'accroissement rapide de ses capacités de production dans tous les secteurs, et donc son absence de spécialisation internationale.

Ce développement « tous azimuts » a généré de nombreux déséquilibres internationaux, notamment la hausse du prix des matières premières et des déficits commerciaux en Europe, au Japon et aux Etats-Unis vis-à-vis de la Chine, accompagnés dans ces pays de la perte d'emplois industriels.

En effet, la Chine occupe désormais une place prépondérante dans les échanges mondiaux .

- De 1990 à 2003, le commerce de la Chine a progressé trois fois plus vite que le commerce international : les exportations et les importations chinoises ont augmenté de 15 % par an en moyenne, et encore plus rapidement depuis 2000, alors que les échanges mondiaux ne progressaient que de 5,5 %.

- La Chine se place au 4ème rang des exportateurs mondiaux, derrière les Etats-Unis, l'Allemagne et le Japon . En 2004, les exportations se sont élevées à 594 milliards de dollars, en hausse de 35,4 % par rapport à 2003, et étaient constituées à plus de 93 % de produits manufacturés.

Initialement concentrées sur les industries traditionnelles, comme le textile-habillement et les jouets, les exportations se sont largement diversifiées depuis une dizaine d'années, les progressions les plus fortes étant enregistrées dans le secteur du matériel électrique et de l'électronique. Désormais, comme le montre le tableau ci-dessous, les machines et équipements constituent le premier poste d'exportation de la Chine avec 38,5 % dont 20 % pour les machines et 15,6 % pour les équipements électriques.

Évolution des exportations de la Chine
par grandes catégories de produits

Structure (en %)

1993

2002

Machines et équipement

18,2

38,5

Textile et habillement

37,9

24,0

Articles manufacturés divers

11,1

10,8

Produits chimiques, matériaux de construction

8,6

9,2

Métallurgie, produits métalliques

5,1

5,8

Produits agricoles & alimentaires

11,7

5,3

Matériel de transport

2,1

3,2

Matières premières et combustibles

5,3

3,0

Total

100,0

100,0

Source : Statistiques douanières de la République Populaire de Chine

Cependant, la Chine demeure le premier exportateur mondial d'habillement, sa part de marché dépassant 20 % et le deuxième exportateur de textiles, derrière l'Union européenne. La suppression des quotas, en janvier 2005, qui limitaient les importations de textiles des Etats-Unis et de l'Union européenne a favorisé le renforcement des parts de marché de la Chine, au détriment des autres fournisseurs traditionnels, notamment les pays du pourtour méditerranéen. Les mesures de limitation « acceptées » par la Chine en juillet 2005 sur certains produits n'empêcheront pas ce mouvement de fond.

S'agissant des importations, leur montant s'élevait à 561 milliards de dollars, en hausse de 36 % par rapport à 2003, ce qui place la Chine au 3 ème rang des importateurs. Leur montant élevé s'explique par les besoins croissants de la Chine en matières premières et l'importance des importations de pièces et composants destinés à être assemblés en Chine puis réexportés.

En 2004, les principaux partenaires commerciaux restent l'Asie (600 milliards de dollars), l'Union européenne (180 milliards de dollars) et l'Amérique du Nord (167 milliards de dollars).

Les principaux partenaires commerciaux de la Chine en 2004

Montant (Mds $ Eu)

Imp. & export.

Exportations

Importations

Union européenne

177,28

107,16

70,12

Etats-Unis

169,62

124,95

44,67

Japon

167,87

73,51

94,36

Hong-Kong

112,67

100,87

11,8

ASEAN

105,88

42,9

62,98

Corée du Sud

90,07

27,82

62,25

Taiwan

78,32

13,54

64,78

Source : douanes chinoises.

Il importe enfin de souligner l'évolution constatée en 2005 en matière de commerce extérieur chinois. Celui-ci renforce son rôle moteur dans la croissance chinoise et, selon les observateurs, on relève un net découplage entre les exportations et les importations ce qui se traduit par une très forte progression de l'excédent commercial.

Alors que celui-ci avait progressé de 24,11 milliards de dollars en 2000 à 31,95 milliards de dollars en 2004, il « explose » en 2005 pour atteindre 101,90 milliards de dollars. Les exportations chinoises continuent de progresser à un rythme soutenu (+ 30 % au 1 er semestre 2005) mais les importations n'ont progressé que de 14 % sur la même période.

Il est intéressant de noter que cette évolution résulte pour partie d'une baisse dans la demande d'équipements industriels en raison d'une relative modération des investissements notamment étrangers en raison des menaces de surcapacité, mais surtout d'une diminution de la demande de biens intermédiaires, pour lesquels la Chine a sensiblement augmenté ses propres capacités de production au détriment de ses fournisseurs traditionnels.

Il convient également, pour clore ces développements sur le niveau et le contenu de la croissance chinoise, d'évoquer le communiqué publié le 20 décembre 2005 par le Bureau national des statistiques chinois qui fournit une nouvelle estimation du PIB chinois, à partir du recensement économique national effectué en 2004, qui inclut pour la première fois le secteur des services et du bâtiment.

Les chiffres communiqués majorent de 17 % les estimations officielles chinoises du PIB en 2004, ce dernier passant ainsi de 1.689 à 1.973 milliards de dollars , devant la France 6 ( * ) .

Au-delà des chiffres, des interrogations sur la fiabilité de l'appareil statistique chinois et de la confirmation que les chiffres de la croissance en Chine sont très probablement sous-évalués depuis de longues années, il est intéressant d'analyser les causes de cette réestimation.

Celle-ci est due à l'inclusion de services peu capitalistiques et non exportateurs dans les secteurs du transport et du stockage, des télécommunications, du commerce de gros et de détail, de la restauration et de l'immobilier. Selon les explications officielles, jusqu'à présent l'appareil statistique chinois n'était pas équipé pour recenser les petites entreprises privées et individuelles qui sont présentes massivement dans ces secteurs et certains services avaient été classés à tort dans l'industrie manufacturière.

Selon une étude du CEPII, ces nouveaux chiffres corrigent légèrement les déséquilibres de la croissance chinoise, en recentrant quelque peu celle-ci sur la consommation intérieure. Ainsi, le taux d'investissement passe de 44 % à 39 % du PIB et le taux d'ouverture 7 ( * ) de l'économie chinoise de 68 % à 58 %.

Le poids du secteur des services dans le PIB est réévalué, tendant à rapprocher la Chine des autres pays en développement :

Poids des secteurs / PIB en 2004

Avant réestimation

Réestimé

Agriculture

15 %

13 %

Industrie

53 %

46 %

Services

32 %

41 %

Enfin, cette révision augmente l'importance du secteur privé, qui atteindrait 63 % du PIB en 2004, puisque la majeure partie de ces nouvelles activités recensées est le fait d'entreprises privées.

* 6 Source OCDE :PIB de la France en 2004 : 1.737 milliards de dollars en prix et PPA courants.

* 7 Calculé à partir du ratio exportations + importations/PIB.

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