3. L'importance des investissements étrangers en Chine

Une autre des particularités du décollage économique chinois, très largement encouragée par les autorités politiques, résulte du recours massif aux investissements directs étrangers (IDE) dès le début de la réforme industrielle .

Les entreprises à capitaux étrangers, même si elles ne contribuent qu'à 12 % de la Formation brute de capital fixe (FBCF), assurent 30 % de la production industrielle et 55 % des exportations.

Le montant accumulé des IDE est estimé à 500 milliards de dollars, le flux annuel ayant décollé à partir de 1993 pour progresser de 27,8 milliards de dollars cette année-là à 60,3 milliards de dollars en 2005, soit un niveau quasi identique à celui atteint en 2004. Au total en 2004, 233 milliards d'IDE avaient été réalisés dans les pays en développement dont 147,54 en Asie.

Comme pour beaucoup de pays émergents, ce recours massif aux IDE a favorisé le développement technologique de la production chinoise à partir de transferts de savoir-faire et de technologies . En outre, la meilleure productivité des entreprises étrangères a eu un effet d'entraînement certain sur les entreprises chinoises.

Il faut relever que le pouvoir politique chinois a soigneusement « canalisé » cet afflux d'IDE tant en ce qui concerne ses modalités que les secteurs ouverts à ce type d'investissements. Ainsi, une récente étude publiée par l'OCDE sur la politique chinoise d'ouverture aux investissements relève la persistance de barrières juridiques restreignant voire interdisant l'accès des investisseurs étrangers à de nombreux secteurs dits « stratégiques » ainsi que la faiblesse des opérations de fusions-acquisitions transnationales en Chine et ce, en dépit de la hausse continue des IDE.

Ainsi, si en 2003 ces opérations représentaient 53 % du montant total des IDE au niveau mondial, elles n'ont représenté que 7 % des IDE en Chine.

4. La montée en puissance de la croissance chinoise en matière de recherche et développement

La Chine, depuis quelques années, a mis en place les outils nécessaires pour lui permettre de développer une véritable infrastructure de recherche et développement. En 1997, une première tentative reconnaissant la notion de centre de R&D à investissement étranger avait échoué, compte tenu des conditions drastiques fixées pour leur ouverture et leur fonctionnement, notamment l'obligation de partenariat avec un institut chinois de recherche scientifique et du fait de la méfiance des entreprises étrangères sur la capacité chinoise à conduire des programmes de recherche avancée et surtout d'en protéger les résultats.

En 1999, une série de mesures ont été adoptées, faisant de la recherche scientifique une priorité nationale en assurant la promotion d'une recherche privée soumise aux lois du marché et en encourageant effectivement l'investissement étranger dans le secteur. Puis une circulaire du ministère du commerce extérieur et de la coopération économique publiée en avril 2000 définit la structure du centre de R&D à capitaux étrangers. Les incitations mises en place concernent les réductions de taxes, des facilités en matière de prêts à la construction, et l'accès à des équipements modernes et des infrastructures s'inspirant des clusters américains.

Actuellement, on recense 750 centres de recherche dépendant de sociétés étrangères en Chine et les secteurs concernés sont principalement l'automobile, la chimie, les technologies de l'information et l'électronique.

La multiplication de ces centres de recherche et la montée en puissance de la Chine en matière de R&D éclairent la question des transferts de technologie sous un angle nouveau. Votre délégation n'est pas loin de partager l'opinion émise par le responsable d'Alstom rencontré lors de son déplacement et qui, interrogé sur cette question, indiquait qu'aucun contrat ne pouvait être signé sans transfert de technologie, mais qu'il s'agissait de « bien séquencer » ce transfert afin de conserver une avance technologique.

Ceci se trouve confirmé par M. Patrick Kron, PDG d'Alstom qui déclarait récemment : « La clef de notre succès à long terme est d'utiliser l'argent gagné avec les transferts de technologie pour la recherche » 8 ( * ) .

Au cours des dix dernières années, les dépenses de la Chine de R&D ont progressé très rapidement pour atteindre 72 milliards de dollars en 2002, ce qui place la Chine au troisième rang mondial derrière les Etats-Unis (290,1 milliards de dollars) et le Japon (106,4 milliards de dollars), comme le montre le tableau ci-dessous.

La montée en puissance de la recherche chinoise (chiffres 2002)

Pays sélectionnés

PNB en mds $

% / monde

Population en millions

% / monde

Dépenses R&D en mds $

% / monde

R&D/PNB en %

Dépenses de recherche par habitant en $

Chine

5.791,7

12,2

1.280,4

20,7

72

8,7

1,2

56,2

France

1.608,8

3,4

59,5

1

35,2

4,2

2,2

591,5

Allemagne

2.226,1

4,7

82,5

1,3

56

6,7

2,5

678,3

Inde

2.777,8

5,8

1.048,6

17

20,8

2,5

0,7

19,8

Israël

124,8

0,3

6,6

0,1

6,1

0,7

4,9

922,4

Japon

3.481,3

7,3

127,2

2,1

106,4

12,8

3,1

836,6

Russie

1.164,7

2,4

144,1

2,3

14,7

1,8

1,3

102,3

Royaume-Uni

1.574,5

3,3

59,2

1

29

3,5

1,8

490,4

Etats-Unis

10.414,3

21,9

288,4

4,7

290,1

35

2,8

1.005,9

Source : Unesco Science Report 2005 - (Les Echos - mercredi 29 mars 2006).

Selon le rapport 2005 de l'Unesco sur la science, les pays émergents asiatiques, au premier rang desquels se trouve la Chine, font preuve d'un remarquable dynamisme en matière de R&D 9 ( * ) . En 1999, ces dépenses en Chine représentaient 0,83 % du PIB mais 1,23 % en 2002 et sans doute 1,5 % en 2006. Le budget public de la recherche a dépassé 29 milliards de dollars en 2005. Les autorités chinoises affichent clairement l'intention de devenir une puissance scientifique et technologique de premier plan et se sont fixées, en matière de dépenses, un objectif de 2 % du PIB en 2010, pour être au niveau de la France et de l'Allemagne et de 2,5 % à l'horizon 2020 pour rejoindre les Etats-Unis.

Comme l'expliquait lors de son entretien avec la délégation, M. Liao Xiaohan, directeur général adjoint du département de développement et d'industrialisation des hautes technologies au ministère de la science et de la technologie, la Chine veut devenir un « pays d'innovation et non de duplication ». L'ambition affichée est de dotée le pays de son propre système en matière de développement et de recherche, surtout dans des domaines sensibles.

Il a également ajouté que le segment de la recherche fondamentale ne devrait plus être négligé et réaffirmé le souci des autorités chinoises d'encourager la coopération internationale en matière de recherche, notamment avec la France, dans les technologies de l'information, la biologie ou encore les transports et au niveau européen à travers le projet Galiléo.

Le Gouvernement chinois a retenu six secteurs prioritaires : technologies de l'information, biotechnologies, nouveaux matériaux, aéronautique, spatial et technologies de fabrication avancées dans lesquels il compte faire progresser la recherche.

Le contenu de la R&D évolue également, même si le volet développement technologique reste prédominant. En 2002, 75 % du budget R&D chinois étaient consacrés au développement technologique, 19,2 % à la recherche appliquée et 5,8 % seulement à la recherche fondamentale. Les dépôts de brevet international pour des inventions majeures restent encore rares et les entreprises chinoises dépensent moins en R&D que les sociétés étrangères en Chine. Néanmoins, il convient de souligner que la production scientifique chinoise ne cesse d'augmenter. En 1991, celle-ci ne représentait que 1,4 % du total mondial des travaux scientifiques ayant fait l'objet d'un article dans des revues de référence mais elle atteignait 4,1 % du total en 2001, plaçant la Chine au 5 ème rang mondial, devant la France.

Enfin, on peut souligner la forte progression de la formation universitaire. Certes, seuls 5 % des 25-64 ans atteignent en Chine un niveau d'éducation supérieure. Il s'agit d'un taux encore très faible par rapport aux pays développés mais qui représente une population de 31 millions de personnes. De plus, cette population augmente très vite, car les flux entrants sont très importants. L'objectif de taux de scolarisation des 18-22 ans qui avait été fixé à 15 % en 2010 a été atteint dès 2002.

En 2001, la Chine comptait 1,2 million d'étudiants dans les cycles supérieurs, soit un peu moins que les Etats-Unis ou l'Union européenne (1,3 million chacun), mais on dénombre 500.000 nouvelles inscriptions chaque année, soit autant que les Etats-Unis et l'Union européenne réunis. 300.000 ingénieurs sont formés en Chine chaque année.

S'agissant des formations de troisième cycle, le nombre d'inscrits reste faible à l'heure actuelle avec 0,7 % du total des étudiants, soit 86.000 personnes en 2001. Mais il convient également de prendre en compte le nombre d'étudiants effectuant leurs études à l'étranger. Ainsi, ce sont près de 70.000 chercheurs chinois qui sont inscrits chaque année dans un post-doctorat délivré par les universités américaines.

Enfin, le nombre des chercheurs en activité a fortement progressé ces dernières années et il est estimé à 860.000 en 2005.

* 8 Interview de M. Patrick Kron, PDG d'Alstom à La Tribune (11 avril 2006).

* 9 Le montant brut des dépenses de R&D en Asie (Japon compris) a atteint 31,5 % du total mondial contre 27,9 % en 1997.

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