C. HARMONISER CERTAINES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES
Les entretiens conduits par votre rapporteur confirment l'analyse établie par Mme Marie-Anne Frison-Roche quant à la perspective d'un cadre législatif général pour les AAI : certains présidents d'autorité jugent la démarche sans intérêt, d'autres l'estiment indispensable.
Les présidents des autorités atypiques, ou sui generis , comme le Médiateur de la République -autorité personnalisée de médiation- ou l'AMF -dotée de la personnalité morale- ne sont pas motivés par une telle perspective, qui les concernerait peu.
En revanche, les AAI correspondant à un modèle plus courant y verraient une simplification bienvenue. Ainsi, M. Bruno Lasserre, président du Conseil de la concurrence, estime nécessaire de définir dans un statut type les caractéristiques institutionnelles des AAI.
Quoi qu'il en soit, une telle démarche ne saurait ignorer les éléments originaux de chaque autorité, adaptés à ses missions particulières.
1. Les éléments unifiables du régime des AAI
Si les autorités administratives indépendantes se caractérisent aujourd'hui par l'hétérogénéité de leurs statuts, c'est parce que chacune d'entre elles a été conçue comme une réponse pragmatique de l'Etat à une question spécifique. La CNIL constitue ainsi la réponse de l'Etat à la problématique de la protection des droits des citoyens face au développement des traitements de données à caractère personnel ; la HALDE, sa réponse aux difficultés rencontrées par les victimes de discrimination notamment pour rassembler des éléments de preuve.
Le statut de chaque autorité bénéficie par conséquent d'une présomption d'adéquation à son secteur d'intervention et à la nature des actions à conduire.
Dès lors, la création d'un cadre législatif général ne saurait porter sur les dispositions qui donnent à ces autorités les pouvoirs adaptés à leur mission.
Toutefois, comme le souligne Mme Marie-Anne Frison-Roche dans l'étude remise à votre rapporteur, il appartient au « législateur de réduire les différences lorsqu'elles n'ont pas de raisons fortes ».
Le législateur est lui-même le premier confronté à l'hétérogénéité des statuts applicables aux AAI , qui le conduit, dès qu'il veut mettre en place une nouvelle entité, à s'interroger sur la durée du mandat des membres du collège ou sur la définition du régime d'incompatibilité.
L'établissement d'un cadre général apporterait donc une plus grande lisibilité au régime des AAI, satisfaisant ainsi l'objectif constitutionnel d' intelligibilité de la loi 104 ( * ) .
De nombreuses recommandations du présent rapport pourraient trouver leur place au sein d'une loi définissant des éléments communs aux autorités administratives indépendantes, allégeant ainsi considérablement les textes qui tendraient à l'avenir à créer de nouvelles AAI. Une telle loi remplirait donc à la fois des objectifs de simplification du droit, d'harmonisation et de lisibilité.
Toutefois, la proposition de Mme Marie-Anne Frison-Roche tendant à définir ces règles communes au sein d'une loi organique ne paraît pas devoir être retenue.
En effet, les lois organiques concernent avant tout l'organisation des pouvoirs publics. Il serait dès lors nécessaire d'inscrire dans la Constitution un principe selon lequel l'organisation des AAI fait l'objet d'une loi organique.
Il semble préférable de laisser cette compétence à la loi ordinaire, en cohérence avec la modification de la Constitution suggérée dans le présent rapport (recommandation n° 4). En outre, la fixation de certaines règles par une loi organique rendrait complexes, le cas échéant, les exceptions au cadre général, qui devraient dès lors également faire l'objet d'une loi organique.
Recommandation n° 9 :
L'Office recommande l'adoption d'un cadre législatif définissant certaines caractéristiques communes des entités ayant reçu de la loi la qualification d'autorités administratives indépendantes ou d'autorités publiques indépendantes.
Ce cadre général, qui ne saurait affecter les éléments relevant de l'adaptation de chaque autorité à son secteur et à sa mission, pourrait porter sur les points suivants, examinés dans les II et III du présent rapport :
- la durée du mandat des membres des collèges des AAI, aujourd'hui marquée par une hétérogénéité injustifiée ;
- les conditions de compétence des personnes nommées au sein du collège d'une autorité ;
- les conditions d'exercice du mandat de membre du collège d'une AAI, qu'il s'agisse de son renouvellement, des règles de déport en cas de conflit d'intérêt ou des incompatibilités ;
- les règles applicables aux procédures de sanction , afin de tirer, pour toutes les AAI, les enseignements de la jurisprudence construite par le Conseil d'Etat à partir des principes définis à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la définition de certains éléments de l' indépendance des cadres des services techniques des AAI, qui jouent souvent un rôle important dans la préparation des décisions ;
- les modalités de saisine des AAI ;
- les règles relatives à la publication d'un rapport annuel par les AAI et le contenu de ce rapport ;
- la possibilité pour les AAI de participer aux activités européennes et internationales concernant leur secteur.
Ainsi, ce cadre porterait essentiellement sur les garanties d'indépendance, au sens d'impartialité, des autorités administratives indépendantes et sur la publication des informations permettant au Parlement de contrôler leur activité et au public de mieux les connaître.
* 104 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.