B. LA PERSISTANCE D'UN MANQUE DE LISIBILITÉ À PLUSIEURS NIVEAUX

1. Le recours contesté au fonds de concours comme instrument de financement du plan gouvernemental de lutte contre la pandémie

Dans son rapport spécial sur le budget de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2006, votre rapporteure spéciale s'était interrogée, sur le plan des principes, sur la légitimité pour l'assurance maladie de supporter seule le coût de la prévention et de la protection contre le risque de pandémie grippale , et avait estimé, qu'au titre de ses fonctions régaliennes en matière de santé publique, l'Etat devait également s'engager dans ce financement.

Votre rapporteure spéciale considère que la protection des personnes sur son territoire est une mission de l'Etat qui, à ce titre, doit être financée par l'Etat, non pas par la sécurité sociale qui peut toutefois contribuer au financement d'actions de prévention. Dans une situation de pandémie grippale, l'exercice de la solidarité nationale imposerait un engagement financier massif de l'Etat .

Si cette préconisation de principe avait été, en partie, suivie d'effet avec l'engagement par le gouvernement de faire participer l'Etat, à hauteur de 177 millions d'euros en 2006, votre rapporteure spéciale constate que la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 30 ( * ) a mis fin, pour l'avenir, à la possibilité d'une contribution de l'assurance maladie, par le biais d'un fonds de concours, au financement du plan gouvernemental de prévention et de lutte contre la pandémie grippale .

Se saisissant d'office des articles 5 et 64 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 31 ( * ) , le Conseil constitutionnel a relevé que les dispositions de ces articles n'étaient pas conformes à la règle, fixée par l'article 17 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 32 ( * ) selon laquelle les versements aux fonds de concours ont un caractère volontaire .

Le Conseil constitutionnel a, en effet, estimé que la participation de l'assurance maladie au fonds de concours précité n'entrait pas dans le cadre des dispositions de l'article 17 de la LOLF et qu'un tel prélèvement, en raison de son caractère obligatoire, ne figurait pas parmi les recettes qui peuvent abonder un fonds de concours.

Toutefois, considérant que l'intérêt général de valeur constitutionnelle qui s'attache à la protection sanitaire de la population justifie que la participation de l'assurance maladie au fonds de concours, nécessaire en 2005 et 2006 à la mise en oeuvre des actions de prévention en cause, se poursuive jusqu'à la fin de l'année 2006, le Conseil constitutionnel a jugé que la méconnaissance, par les articles 5 et 64 de la loi déférée, des dispositions de la LOLF ne conduisait pas, en l'état, à les déclarer contraires à la Constitution .

Il a cependant validé ces articles sous la réserve que le financement de ces actions soit mis en conformité, à compter de l'année 2007, avec les nouvelles prescriptions organiques qui régissent les procédures comptables particulières d'affectation de recettes . Dès lors, il semble qu'à défaut d'une mise en conformité des modalités de financement du plan gouvernemental avec les dispositions de la LOLF, « la censure serait inévitable lors de l'examen de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale » 33 ( * ) .

Interrogé sur ce point par votre rapporteure spéciale, le directeur de cabinet du ministre de la santé et des solidarités a confirmé l'abandon, à compter de 2007, du financement du plan gouvernemental de prévention et de lutte contre une éventuelle pandémie grippale par la contribution de l'assurance maladie au fonds de concours précité .

Dès lors, se pose la question de savoir quelle sera la solution juridique retenue par le gouvernement pour se mettre en conformité avec les dispositions organiques évoquées par le Conseil constitutionnel.

Interrogé sur ce point par votre rapporteure spéciale, le directeur de cabinet du ministre de la santé et des solidarités a indiqué qu'une réflexion était menée à cet effet entre le ministère de la santé et celui de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a évoqué la possibilité de création d'un établissement public dédié à ce financement, processus toutefois lourd et coûteux, ou encore celle d'un fonds spécifique consacré à ce financement .

En outre, dans avis précité du 5 mai 2006 sur le programme « Veille et sécurité sanitaire », le CIAP a préconisé la budgétisation du fonds de concours relatif à la participation de l'assurance maladie à l'achat, au stockage et à la livraison des traitements pour les pathologies résultant d'actes terroristes ou de menaces sanitaires graves. Il a, en effet, estimé que ce fonds constituait l'instrument financier majeur mobilisé par le responsable de programme pour la gestion des crises sanitaires en France alors même qu'au moment du vote des crédits du programme, le Parlement ne disposait que d'une valeur indicative du niveau de la dotation annuelle attendue. Dès lors, le CIAP a souligné que cette situation privait le programme budgétaire de son élément de signification essentiel .

Quelle que soit la solution juridique retenue par le gouvernement, votre rapporteure spéciale estime qu'il est urgent d'en connaître la teneur afin de mettre fin au caractère aujourd'hui aléatoire du financement du plan gouvernemental de prévention et de lutte contre la pandémie et d'en assurer la pérennité .

* 30 Décision n° 2005-528 DC du 15 décembre 2005.

* 31 Ces deux articles fixent, l'un pour 2005 et l'autre pour 2006, le montant de la contribution obligatoire des caisses d'assurance maladie au fonds de concours destiné à l'achat, au stockage et à la livraison de produits destinés à la prophylaxie ou aux traitements d'un grand nombre de personnes exposées à une menace sanitaire grave, quelle que soit son origine ou sa nature (terrorisme biologique ou chimique, pandémie grippale...).

* 32 En vertu du premier alinéa du II de cet article, les fonds de concours sont constitués « d'une part, par des fonds à caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d'intérêt public et, d'autre part, par le produit de legs et donations attribués à l'Etat » ; aux termes du dernier alinéa du paragraphe II : « l'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante. A cette fin, un décret en Conseil d'Etat définit les règles d'utilisation des crédits ouverts par voie de fonds de concours ».

* 33 Commentaire des Cahiers du Conseil constitutionnel n° 20.

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