II. UN « ELECTRON LIBRE » DANS L'ADMINISTRATION

A. LA TUTELLE DE L'AGENCE : UNE DILUTION DES RESPONSABILITÉS

Comme cela est indiqué ci-avant, la loi prévoit que l'AFII est placée sous la double tutelle du ministre chargé de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre chargé de l'aménagement du territoire.

Certes, l'AFII a conclu le 30 janvier 2006 une « convention d'objectifs et de moyens » avec ses deux ministères de tutelle.

On peut pourtant se demander si cette double tutelle ne constitue pas en réalité une absence de tutelle , conduisant à faire du directeur de l'AFII un « ministre du commerce extérieur bis » échappant au contrôle du Parlement.

1. Le statut contestable du président de l'AFII

Tout d'abord, le décret n° 2001-1091 précité prévoit que le président de l'AFII est « l'ambassadeur délégué aux investissements internationaux ». Comme cela a déjà été relevé, avant la création de l'AFII, le délégué aux investissements internationaux avait, lui aussi, le titre d'ambassadeur.

Le président de l'AFII fait donc partie des 13 « ambassadeurs thématiques » de la France 4 ( * ) . Il y aurait certainement lieu de s'interroger sur la vraie utilité de certaines de ces fonctions...

En conséquence, le président de l'AFII est nommé par décret du président de la République, c'est-à-dire par décret pris en Conseil des ministres, conformément à l'article 13 de la Constitution, qui dispose que « (...) les ambassadeurs (...) sont nommés en Conseil des Ministres ».

On peut cependant se demander dans quelle mesure le président de l'AFII - de même, probablement, que certains des autres « ambassadeurs thématiques » de la France -, dont la seule fonction est d'inciter les chefs d'entreprise étrangers à investir en France, peut, sans abus de langage, être considéré comme un ambassadeur. Bien que la Constitution ne définisse pas cette notion, on peut supposer qu'un ambassadeur est une personne chargée de représenter la France auprès d'Etats étrangers ou d'organisations internationales.

Le fait que le président de l'AFII ait le statut d'ambassadeur, et soit donc nommé par le président de la République, présente le grave inconvénient de l'émanciper, de fait, de sa « double tutelle » prévue par la loi. Dans la mesure où l'AFII est un établissement public, financé par des crédits publics, son président, les ministres de tutelle, et les responsables des programmes assurant son financement, sont tenus de rendre des comptes devant le Parlement. Ce n'est pas facile lorsque le président de l'organisme bénéficie d'un statut aussi particulier.

2. Une composition inadaptée du conseil d'administration

Ensuite, le conseil d'administration de l'AFII ne permet pas aux deux ministères en principe chargés de la tutelle de disposer d'un nombre suffisant de représentants, comme l'indique le graphique ci-après.

Les 18 membres du conseil d'administration de l'AFII

Source : décret n° 2001-1091 du 21 novembre 2001 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'Agence française pour les investissements internationaux

Ainsi, sur 18 membres, seulement 7 sont des représentants de l'Etat. Parmi ces derniers, le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé de l'aménagement du territoire, censés assurer la tutelle, disposent chacun de seulement 2 représentants. Et la place du ministre délégué au commerce extérieur, dont la présence est usuelle au sein des gouvernements et dont les compétences sont voisines de celles de l'Agence, n'est même pas prévue par ce décret.

Il faut relever, parmi les membres du conseil d'administration, la présence de quatre représentants des collectivités territoriales. En pratique, il s'agit exclusivement de représentants des régions 5 ( * ) .

3. Un financement par deux programmes de deux missions différentes

Par ailleurs, comme on l'a indiqué ci-avant, l'AFII est financée par deux programmes de deux missions différentes 6 ( * ) , ce qui est source de confusion.

Certes, l'AFII est rattachée, à titre d'opérateur principal, au programme 112 « Aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires » et à, titre d'opérateur secondaire, au programme 134 « Développement des entreprises » de la mission « Développement et régulation économiques ». Dès lors, les indicateurs de performance concernant l'AFII figurent exclusivement au programme 112. Il n'y a donc pas d'incohérence entre les deux programmes.

Cependant, la coexistence de deux responsables de programme - le vice-président du Conseil général des mines (CGM) et le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale - ne contribue pas à la clarification des compétences et à l'implication de la tutelle.

* 4 Il s'agit, outre de l'ambassadeur délégué aux investissements internationaux, des ambassadeurs suivants : ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'Océan indien ; ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane ; ambassadeur en mission chargé du codéveloppement ; ambassadeur itinérant délégué à l'environnement ; ambassadrice chargée de la lutte contre le VIH-SIDA et les maladies transmissibles ; ambassadeur délégué pour le sommet mondial de la société de l'information ; ambassadeur itinérant en charge de la dimension internationale de la Shoah, des spoliations et du devoir de mémoire ; ambassadeur chargé du processus euroméditerranéen initié à Barcelone ; ambassadeur chargé de questions économiques internationales ; ambassadeur pour les droits de l'Homme ; ambassadeur chargé de la lutte contre la criminalité organisée ; ambassadeur en mission, Haut Représentant pour la sécurité et la prévention des conflits.

* 5 Les représentants des collectivités territoriales sont actuellement MM. François Patriat, président du conseil régional de Bourgogne ; Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Ile-de-France ; Jean-Paul Denanot, président du conseil régional du Limousin ; Martin Malvy, président du conseil régional de Midi-Pyrénées.

* 6 Le programme 134 « Développement des entreprises » de la mission « Développement et régulation économiques », à hauteur de 18,9 millions d'euros en 2006 ; et le programme 112 « Aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires », à hauteur de 7,5 millions d'euros en 2006.

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