B. L'ACTION DU GOUVERNEMENT PRIVILÉGIE L'ACCOMPAGNEMENT PERSONNALISÉ

Pour remédier au « sur-chômage » dans les quartiers en difficulté, le Gouvernement a travaillé, à partir de 2002, dans deux directions complémentaires : le développement économique à travers la relance des zones franches urbaines et l'accompagnement social à travers le Plan de cohésion sociale.

1. Le rôle indispensable des ZFU pour développer les entreprises dans les quartiers

Le Gouvernement Juppé avait donné la priorité au développement économique des quartiers. Ainsi dès 1997, ce sont 44 quartiers qui ont bénéficié, pour une période de cinq ans, du dispositif ZFU qui a ensuite été prolongé jusqu'en 2007. Cette politique en faveur de l'économie et de l'emploi ayant eu des effets positifs, 41 nouvelles zones franches urbaines sont venues en 2004 s'ajouter aux précédentes, à l'initiative du Gouvernement Raffarin.

Dans un précédent rapport d'information 82 ( * ) , le Sénat avait observé que selon la DARES, les salariés déclarés par les entreprises établies dans ces zones étaient passés de 31.000 en 1997 à 57.000 en 1999. En août 2001, la même DARES estimait à 62.000 environ le nombre des salariés employés fin 2000 par les établissements situés en ZFU, dont 54.000 bénéficiaient d'une exonération. Sur le total de 57.000 salariés précité, 49.000 étaient titulaires de CDI ou de CDD d'au moins douze mois et 13.000 résidaient en ZFU si bien qu'avec un taux moyen de 26 %, le plancher légal de 20 % d'emplois pour les résidents était largement dépassé.

Les dispositifs des zones franches urbaines en 2004

Les zones franches urbaines ont été créées par la loi du 14 novembre 1996 relative au pacte de relance pour la ville. Celles-ci ont été étendues par la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1 er août 2003. Les Zones Franches Urbaines visent à favoriser le développement de l'économie et de l'emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les entreprises implantées en leur sein bénéficient des exonérations dérogatoires du droit commun. En 2004, on dénombre 85 zones franches urbaines, dont 79 en France métropolitaine. Dans les 44 ZFU créées au 1 er janvier 1997, les dispositions dérogatoires s'appliquent aux entreprises créées ou implantées avant le 31 décembre 2007 ; dans les 41 ZFU créées le 1 er janvier 2004, l'échéance est repoussée jusqu'au 31 décembre 2008.

Définition des ZFU

Les Zones Franches Urbaines sont des quartiers prioritaires de la politique de la ville, généralement définis sur les périmètres des Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU), elles-mêmes construites sur les périmètres des Zones Urbaines Sensibles (ZUS). Les ZFU sont définies par la prise en compte des critères suivants : taux de chômage élevé ; forte proportion de jeunes dans la population ; forte proportion de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ; faible potentiel fiscal par habitant.

Nature et conditions des exonérations

Un établissement implanté en ZFU peut être exonéré :

- des cotisations patronales de sécurité sociale, de la contribution au Fonds national d'aide au logement (FNAL), du versement de transport ;

- des cotisations sociales personnelles maladie-maternité ;

- de la taxe professionnelle ;

- de la taxe foncière sur les propriétés bâties ;

- de l'impôt sur les bénéfices.

Les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale sont accordées pendant une durée de cinq ans maximum à 100 %, puis à taux dégressif sur trois ans pour les entreprises de plus de cinq salariés (60 %, 40 %, 20 %), et sur neuf ans pour les entreprises de moins de cinq salariés (60 % les cinq années suivantes, 40 % les sixième et septième années, 20 % les huitième et neuvième années). Les exonérations ne sont cumulables avec aucune autre aide accordée par l'État pour un même salarié au cours du même mois.

L'employeur doit verser au salarié ouvrant droit à l'exonération un salaire au moins égal au SMIC ou au minimum conventionnel s'il est plus favorable. Le salarié doit être en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d'au moins douze mois.

Les entreprises doivent employer au plus cinquante salariés à leur date d'implantation pour bénéficier de cette exonération.

Une clause d'embauche locale est applicable à partir de la troisième embauche et pendant cinq ans à compter de la création ou de l'implantation de l'établissement en ZFU. Les résidents de la ZFU doivent représenter au moins 20 % des personnes embauchées si l'établissement s'est implanté avant le 1 er janvier 2002. Pour les établissements plus récents, ce seuil est relevé à 33 % et élargi aux résidents des zones urbaines sensibles (ZUS) de l'agglomération dans laquelle est située la ZFU. Cette condition d'embauche locale est à examiner lors de toute nouvelle embauche sous contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée d'au moins douze mois, avec un horaire de travail d'au moins seize heures par semaine.

Une nouvelle étude 83 ( * ) de la DARES confirme le dynamisme des ZFU au regard des données concernant l'année 2004. En effet, il apparaît que cette année-là, 13.500 établissements étaient implantés dans l'une des 79 zones franches urbaines (ZFU) de France métropolitaine et bénéficiaient d'une exonération de cotisations sociales patronales pour 68.500 salariés. Parmi ces établissements, 3.664 ont embauché près de 12.000 salariés ouvrant droit à l'exonération en 2004, ce qui représente une augmentation des embauches de plus de 40 %. La création de 41 nouvelles ZFU au 1 er janvier 2004 n'explique qu'en partie ce dynamisme : près de 80 % des embauches sont effectuées dans les anciennes ZFU, alors que celles-ci ne couvrent désormais que 48 % de la population totale de ces zones.

Dans les nouvelles ZFU, deux embauches sur trois s'effectuent dans des établissements qui viennent de s'implanter dans la zone et dans un cas sur deux, il s'agit d'un établissement nouvellement créé. Dans les ZFU plus anciennes, 27 % des embauches font suite à une nouvelle implantation d'établissement, contre 21 % en 2003. Les embauches en ZFU s'effectuent toujours majoritairement dans les services aux entreprises et la construction (respectivement 30 % et 25 %). Dans les nouvelles ZFU cependant, ces secteurs sont moins sollicités au bénéfice du commerce (24 %) et des services aux particuliers. Les postes d'employés y sont de ce fait plus fréquents : ils représentent 40 % des embauches dans les nouvelles ZFU, contre 27 % dans les anciennes. Au total, depuis 2002, les salariés embauchés sont de moins en moins jeunes et de plus en plus qualifiés. Ils sont également mieux rémunérés.

Effectifs en ZFU en France métropolitaine

Effectifs

Évolution 03/04

(en %)

2002

2003

2004

Total

Anciennes ZFU

Nouvelles ZFU

Nombre d'établissements bénéficiant de l'exonération de charges sociales patronales en ZFU .....................

9.248

10.147

13.500

10.500

3.000

+33,0

dont : nombre d'établissements ayant embauché au moins un salarié ouvrant droit à l'exonération ........

2.307

2.339

3.664

2.621

1.043

+56,6

Nombre de salariés total ouvrant droit à l'exonération de charges sociales patronales en ZFU...........

55.567

54.627

68.600

+26,6

dont : nombre de salariés embauchés

7.923

8.376

11.930

9.288 (77,9 %)

2.642 (22,1 %)

+42,4

Lecture : en 2004, 11.930 embauches (dont 9.288 dans les anciennes ZFU) ont été effectuées dans 3.664 établissements implantés dans une ZFU de France métropolitaine. C'est 42,4 % de plus qu'en 2003.

Anciennes ZFU : ZFU créées le 1er janvier 1997.

Nouvelles ZFU : ZFU créées le 1er janvier 2004.

Les données concernant les ZFU d'Outre-mer sont indisponibles.

Sources : Dares pour les flux, ACOSS pour les stocks.

Par ailleurs, en 2004, les résidents des ZFU représentaient 28 % des salariés recrutés dans les établissements implantés avant le 1 er janvier 2002 et 31 % de ceux embauchés dans les établissements plus récents.

Le succès de la politique des zones franches urbaines fait aujourd'hui l'objet d'un certain consensus comme l'illustre l'appréciation faite par le Maire de Lille, Mme Martine Aubry, lors d'un déplacement de la mission dans le département du Nord. Celle-ci a, en effet, estimé que les résultats étaient satisfaisants et s'est félicitée de l'extension de la ZFU aux quartiers de Lille Sud 84 ( * ) , alors qu'elle avait émis dans le passé de fortes réserves sur le dispositif.

Ventilation des salariés embauchés
selon la région d'implantation de l'établissement

Embauches en 2002

(en %)

Embauches
en 2003

(en %)

Embauches
en 2004

(en %)

Nombre de ZFU

Taille des ZFU
(en % de la population en ZFU)

Total

dont : nouvelles ZFU

Total

dont : nouvelles ZFU

Total

dont : nouvelles ZFU

Ile-de-France

23,4

21,2

21,1

5,9

23

14

33,0

17,4

dont : Seine-et-Marne

4,4

4,1

2,9

0,4

3

1

-

-

Yvelines

2,2

1,5

1,9

0,4

4

2

-

-

Essonne

4,2

4,4

3,5

1,1

3

2

-

-

Seine-Saint-Denis

5,8

6,2

7,9

3,1

8

6

-

-

Val-de-Marne

2,2

2,0

1,9

0,2

2

1

-

-

Val d'Oise

4,5

3,0

3,0

0,7

3

2

-

-

Nord-Pas-de-Calais

23,6

17,8

13,4

1,2

7

4

10,2

4,2

dont : Nord

21,0

15,7

11,7

1,0

5

3

-

-

Pas-de-Calais

2,7

2,1

1,7

0,2

2

1

-

-

Provence-Alpes-Côte d'Azur

12,0

18,3

21,3

4,3

4

1

6,2

3,3

dont : Alpes-Maritimes

5,6

8,1

7,6

0,0

1

0

-

-

Bouches-du-Rhône

4,8

6,8

11,8

4,3

2

1

-

-

Var

1,7

3,4

1,9

0,0

1

0

-

-

Lecture : en 2004, les 14 nouvelles ZFU d'Ile-de-France regroupent 17,4 % de la population totale des ZFU. 5,9 % des embauches en ZFU y sont réalisées.

Champ : salariés embauchés et ouvrant droit à l'exonération dans un établissement implanté dans une ZFU de France métropolitaine.

Les données concernant les ZFU d'Outre-mer sont indisponibles.

Anciennes ZFU : ZFU créées le 1er janvier 1997.

Nouvelles ZFU : ZFU créées le 1er janvier 2004.

Source : Dares.

A cet égard, il convient de mentionner que l'article 26 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances a prévu la création de nouvelles zones franches urbaines dans des quartiers de plus de 8.500 habitants particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine. Ces ZFU s'ajoutent à celles créées précédemment.

Caractéristiques de l'emploi proposé

2002

2003

2004

Total

Anciennes ZFU

Nouvelles ZFU

Type d'emploi proposé

Ouvrier ...........................................

46,9

48,2

43,0

44,6

37,5

Employé de commerce ou administratif ...

30,9

27,5

29,6

26,7

39,8

Technicien, agent de maîtrise ................

10,6

10,1

10,2

10,3

9,6

Ingénieur ou cadre .............................

4,8

5,9

7,3

7,4

6,9

Autre .............................................

6,9

8,4

9,9

11,0

6,2

Type de contrat

CDI ...............................................

88,1

89,2

88,5

88,5

88,6

CDD ..............................................

11,9

10,8

11,5

11,5

11,4

Durée hebdomadaire de travail

Temps partiel

23,0

20,1

19,1

17,6

24,5

Temps plein .....................................

77,0

79,9

80,9

82,4

75,5

Salaire médian mensuel brut en équivalent-temps plein (35 heures)
(en euros) ........................................

1.138

1.170

1.215

1.215

1.216

Lecture : en 2004, 43 % des salariés embauchés dans une des 79 ZFU de France métropolitaine le sont comme ouvriers. Dans les 38 anciennes ZFU, c'est le cas de 44,6 % d'entre eux.

Champ : salariés embauchés et ouvrant droit à l'exonération dans un établissement implanté dans une ZFU de France métropolitaine.

Anciennes ZFU : ZFU créées le 1er janvier 1997.

Nouvelles ZFU : ZFU créées le 1er janvier 2004.

Source : Dares.

Pour comprendre le succès des ZFU, il faut avoir à l'esprit que le dispositif a besoin, pour réussir, de s'inscrire dans une stratégie de développement global du quartier. Le succès des zones franches urbaines repose donc, aussi, sur les actions menées en parallèle par les collectivités locales : rénovation de l'habitat, création d'équipements et de services publics de qualité, amélioration des dessertes et des moyens de transport, etc. Il s'agit d'un puissant levier de développement économique dans le cadre d'une entreprise de grande envergure de « remise à niveau » d'un espace urbain et humain dégradé.

A l'occasion de son déplacement dans le département du Nord le 21 juin 2006, la mission a eu l'occasion de prendre connaissance du bilan 85 ( * ) de la zone franche urbaine de Roubaix. Parmi les faits notables, on peut retenir que 5.151 emplois nouveaux ont été créés dans la ZFU entre 1997 et 2001, que le taux de chômage a pu être stabilisé malgré la fermeture continue d'usines du secteur textile et que le niveau de l'emploi salarié a été préservé. Dans le même temps, le nombre d'entreprises est passé de 460 à 1.166. La reconduite du dispositif en 2003-2005 a permis de compenser les sorties du dispositif et de maintenir un nombre élevé de créations d'emplois.

Concernant la nature des emplois créés, une étude qualitative a permis d'établir que 65 % des emplois créés dans la ZFU de Roubaix étaient nouveaux et que seuls 35 % des emplois correspondaient à des transferts. Si l'efficacité du dispositif est donc confirmée, elle n'est pas sans limite toutefois puisque les entreprises qui se sont installées évoquent aussi d'autres critères comme la localisation géographique stratégique et la proximité de leurs clients pour expliquer leur choix. Pour fonctionner, une ZFU a besoin d'atouts économiques. Pour autant, les aides apparaissent indispensables, notamment pour compenser les facteurs négatifs que représentent l'insécurité, le faible pouvoir d'achat des habitants et la faiblesse des qualifications des salariés roubaisiens.

La ZFU doit donc être envisagée comme un projet global qui mobilise tous les acteurs pour dynamiser des quartiers et en changer l'image, et non comme un simple dispositif de subventions. C'est également le constat qu'a pu faire la mission lors de sa visite de la ZFU « Marseille Nord Littoral » 86 ( * ) qui constitue une réussite « globale et collective ». Grâce à l'engagement des acteurs locaux, le taux de chômage a baissé de plus de 18 % en cinq ans dans les secteurs concernés, l'immobilier d'entreprise s'est développé et certaines personnes ont souhaité se loger dans le quartier, ce qui a favorisé la mixité sociale avec l'introduction du locatif privé et de l'accession sociale.

* 82 « Les zones franches urbaines : un succès et une espérance », n°354 (2001-2002), M. Pierre André, Rapporteur

* 83 DARES, Premières synthèses, février 2006, n°06.2

* 84 Le compte rendu du déplacement de la mission dans le Nord le 21 juin 2006 figure en annexe du présent rapport.

* 85 Le compte rendu de ce déplacement et le détail du bilan sont reproduits en annexe.

* 86 Le compte rendu de ce déplacement à Marseille les 17 et 18 mai 2006 est reproduit en annexe du présent rapport.

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