IV. RESTAURER LA SÉCURITÉ DANS LES QUARTIERS DIFFICILES

Phénomène des tournantes, guerre des gangs, nouveaux « barbares », pompiers victimes de véritables guets-apens, écoles en feu... les quartiers en difficulté sont souvent d'abord appréhendés sous le prisme de l'insécurité.

Les violences urbaines de novembre 2005, comme beaucoup d'autres intervenues périodiquement avant elles, à l'été 1981 avec les « rodéos » des Minguettes dans la banlieue lyonnaise, à Vaulx-en-Velin en 1990, dans le quartier du Mirail dans la banlieue de Toulouse en 1998, ainsi qu'à Montfermeil, Grenoble, Sartrouville, Trappes, puis à Montbéliard en 2000 et à Nîmes en 2003, ont ainsi été le facteur déclenchant d'une véritable prise de conscience de l'ampleur des difficultés concentrées dans les zones urbaines sensibles.

La récente note adressée par le préfet de Seine-Saint-Denis au directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur offre un résumé saisissant des problèmes rencontrés en Seine-Saint-Denis, département emblématique, mais aussi plus largement dans les zones urbaines sensibles : incompréhension vis-à-vis de l'action du tribunal de grande instance de Bobigny, et plus particulièrement des juges des enfants, problèmes d'encadrement et de motivation chez les policiers, extrême jeunesse des commissaires, manque de stabilité des effectifs, modes d'intervention des compagnies républicaines de sécurité trop centrés sur les contrôles d'identité, diminution du nombre de fonctionnaires affectés en sécurité publique recrudescence de la délinquance, notamment s'agissant des violences contre les personnes. Ces informations corroborent d'ailleurs l'analyse présentée à la mission par le préfet lors du déplacement de la mission en Seine-Saint-Denis.

Ces problèmes ne sont pourtant que les conséquences de l'échec des autres politiques (précarisation en raison du chômage, crise d'autorité de parents peu intégrés socialement...).

La police ne peut donc seule régler le problème des quartiers difficiles et la première forme de prévention est de créer les conditions d'une insertion réussie dans la société.

Cependant, la diminution des moyens consacrés à la médiation sociale, la « reconquête » des quartiers par de nouvelles méthodes d'intervention ont éloigné la police de la population. Or, il ne peut y avoir de sécurité sans la population. Un rééquilibrage parait donc indispensable, de même qu'une relance des partenariats avec tous les acteurs de la prévention.

A. LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE NE PEUT SE FAIRE SANS LES HABITANTS

1. Le constat d'une sur-délinquance importante impliquant les mineurs

? Problématique de sécurité et politique de la ville sont liées. Le ministère de la ville a ainsi été créé en décembre 1990 peu après les émeutes de Vaux-en-Velin.

La situation n'a cessé de s'aggraver depuis. Alors qu'en 1991, 105 quartiers étaient touchés par une petite violence au quotidien, des phénomènes de bande 89 ( * ) ou d'attroupement, ils étaient 900 en 2000. Les trafics de toute nature sont aujourd'hui omniprésents dans les quartiers en difficulté, avec leur lot de nuisances : occupation de caves ou de cages d'escalier, dégradations, intimidation des habitants...

Le nombre d'agressions perpétrées sur les usagers des transports publics a augmenté de 8,9 % en 2005 dans les transports publics des villes de province, surtout les plus petites, selon un rapport de l'Union des transports publics.

Le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles d'octobre 2005 a souligné la surdélinquance affectant les 751 ZUS , qui ont connu en 2004 68 faits de délinquance pour 1.000 habitants, contre 47,3 pour la France métropolitaine.

L'écart de taux de délinquance dans les ZUS en 2004 constaté par rapport à leur environnement proche est de + 3,7 % pour l'ensemble des infractions, mais la surdélinquance y est encore plus prononcée pour les actes de vandalisme, pour certains actes de violences aux personnes et pour les violences à dépositaires de l'autorité : pour chacune de ces infractions, les taux sont supérieurs d'au moins 25 % aux taux observés dans les circonscriptions qui les englobent, ces taux étant en moyenne plus de deux fois plus élevés pour les incendies volontaires

Or, ce chiffre est sans doute encore largement sous-estimé . En effet, la police n'est souvent saisie qu'après une tentative de règlement communautaire, par le biais de dénonciations anonymes et de pétitions, par crainte de représailles, ce qui diminue le nombre de dépôt de plaintes et fausse l'appréciation de la délinquance dans ces quartiers.

? Cette délinquance concerne en outre des auteurs de plus en plus jeunes et violents (dès 8-12 ans dorénavant).

Si au niveau national, les mineurs représentent 18 % en 2004 des mis en cause, voire plus de 50 % pour les vols de deux roues et les dégradations de biens publics, ces chiffres sont encore supérieurs dans les ZUS (voir annexe n° 11).

Certes, près des trois quarts des mineurs ne réitèrent pas après une réponse pénale, mais 5 à 10 % constituent un « noyau dur », selon l'expression de M. Sebastian Roché, et cristallisent les tensions entre forces de l'ordre et juges des enfants, les premiers dénonçant une absence de réponse effective entraînant un sentiment d'impunité, les autres rappelant la spécificité du droit des mineurs et la nécessité d'un travail éducatif approfondi pour lutter contre les causes profondes de la délinquance.

* 89 Les renseignements généraux ont recensé 435 affrontements entre bandes en 2005.

Page mise à jour le

Partager cette page