Compte rendu du déplacement en Guadeloupe et Martinique (6 au 11 juin 2006)

Composition de la délégation : MM. Alex Türk, président, Philippe Dallier et Roland Muzeau, vice-présidents, Thierry Repentin et Mme Dominique Voynet

Guadeloupe (6 au 8 juin 2006)

Mardi 6 juin 2006

La délégation de la mission a été reçue à l'aéroport de Pointe-à-Pitre par M. Marcel Renouf, sous-préfet.

Réunion à la mairie de Pointe-à-Pitre

M. Henri Bangou, maire de Pointe-à-Pitre, a accueilli la délégation, à laquelle a été ensuite présenté le programme de résorption urbaine de la ville, par l'architecte en charge du projet.

Principale place économique et commerciale de l'archipel guadeloupéen, Pointe-à-Pitre compte aujourd'hui près de 21.000 habitants, soit 5.000 de moins qu'en 1990, dont près de 10.000 dans le centre ville.

Pour enrayer ce déclin démographique et économique, la ville s'est engagée dans un projet de rénovation urbaine, qui a pour objectif de redonner au centre ville l'attractivité qu'il a perdue au fil des années au profit des communes limitrophes. Ainsi, le projet, appréhendé à l'échelle de l'agglomération, en cohérence avec les communes voisines, est centré sur le coeur de ville.

Une première convention, concernant les quartiers Chanzy - Bergevin et Henri IV (zone de rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre, dite RUPAP), ainsi que le centre ville, a été signée avec l'ANRU le 17 février 2006. L'opération, qui a débuté en 2006 et qui devrait se poursuivre jusqu'en 2020, représente un coût global d'environ 300 millions d'euros.

Un avenant à cette convention devrait être signé afin d'élargir les opérations de rénovation au quartier de Lauricisque.

? Les quartiers Chanzy, Bergevin et Henri IV

Entre les années 50 et 70, l'opération RUPAP a permis la construction de 6.000 logements neufs, dont 85 % en location. S'ils ont permis à l'époque des avancées sociales et l'amélioration du confort de vie, les premiers immeubles construits dans le cadre de la RUPAP sont aujourd'hui vétustes et ne répondent plus aux normes techniques en vigueur, notamment en matière de risques sismiques.

C'est pourquoi, le projet prévoit une vaste opération de rénovation qui comprend la démolition de 1.600 logements et de deux écoles , la reconstruction de 2.720 logements , dont 1.635 logements aidés et 1.125 logements libres, ainsi que la construction d' équipements de proximité .

Les habitants ont été consultés sur les différentes phases de l'opération et du relogement des populations :

- dans un premier temps, de nouveaux logements seront construits sur l'emprise foncière de l'ancien stade, du centre ancien et du foncier disponible de la zone de RUPAP ;

- seront ensuite démolis les immeubles de Chanzy et Henri IV, tandis que la cité Bergevin devrait être d'abord réhabilitée pour assurer la transition, avant d'être démolie.

? Le centre ville

Progressivement délaissé, le centre historique, originellement caractérisé par une trame régulière et de longues artères commerciales dans un espace concentré, laisse place aujourd'hui à un habitat fortement dégradé, des « dents creuses » en nombre important et des difficultés de circulation et de stationnement.

Dans ce contexte, le projet s'inscrit dans une politique de recomposition et de rénovation des constructions existantes, en privilégiant les actions ciblées sur les logements dégradés ou en état manifeste d'abandon. C'est un travail de longue haleine, où les contraintes urbaines doivent se concilier à la volonté de sauvegarde du patrimoine existant.

Le projet s'appuie notamment sur une Opération programmée d'amélioration de l'habitat - renouvellement urbain (OPAH-RU), qui prévoit un recensement et un traitement des « dents creuses », une requalification des voies et la création d'espaces piétonniers, ainsi que la restauration de certains lieux historiques (église, marché central, docks,...).

? Le quartier de Lauricisque

D'une superficie de près de 50 hectares, le quartier de Lauricisque est composé d'immeubles sociaux construits dans les années 70, de quelques propriétés privées, de locaux d'activité et d'équipements publics.

Un quart de la population de Pointe-à-Pitre vit dans ce quartier, qui se caractérise par un taux de chômage élevé (35 % au total et 70 % pour les jeunes), une part importante de familles monoparentales et nombreuses. D'après les études réalisées par la ville, les tours Gabarre et la Cité Orban (lotissement à caractère très social) sont techniquement obsolètes et vulnérables aux risques sismiques et cycloniques et se caractérisent par un taux de vacance élevé (plus de 25 % des logements).

Le projet prévoit :

- la démolition des tours Gabarre ;

- la reconstruction d'un nombre équivalent de logements sociaux occupés et la création d'une nouvelle offre de logements, afin de favoriser la mixité sociale et les parcours résidentiels dans le quartier.

Le projet de rénovation urbaine financé par l'ANRU s'inscrit en cohérence et en complémentarité avec l'ensemble des dispositifs existants, tels que le contrat de ville, et le grand projet de ville (GPV).

Le contrat de ville , signé pour la période 2000-2006, lie, dans le cadre de l'agglomération, la ville de Pointe-à-Pitre, les Abymes, Baie-Mahault, et Gosier.

Il vise à :

- requalifier les secteurs en RHI, les grands ensembles de logements sociaux et les centres villes ;

- réduire le taux de chômage et la précarité particulièrement élevés dans certains quartiers ;

- prévenir la délinquance, la toxicomanie et l'isolement social par des actions ciblées sur les zones prioritaires de la politique de la ville.

Le grand projet de ville (GPV) résulte de la signature en janvier 2002 d'une convention territoriale entre l'Etat, la ville de Pointe-à-Pitre et Les Abymes, qui définit les territoires d'intervention prioritaires (quartiers du Carénage et de la Cour Zamia, le centre-ville et les « quartiers RUPAP ») et fixe les objectifs en matière de développement économique, de cohésion sociale et de renouvellement urbain.

Le GPV prévoit une accélération des réhabilitations, un renforcement de l'accompagnement social, une restructuration des quartiers de grands ensembles précarisés, ainsi qu'une recomposition et une redynamisation des espaces urbains, notamment par la réoccupation des « dents creuses ».

A ces deux dispositifs, s'ajoutent également le plan local de l'habitat (PLH), le plan de déplacement urbain (PDU), le comité d'agglomération de prévention de la délinquance (CAPD) et le comité intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), ainsi que les syndicats intercommunaux spécialisés (eaux, ordures ménagères).

M. Alex Türk, président , a souhaité connaître le calendrier de cette opération de rénovation urbaine qui s'inscrit sur une longue période.

L'architecte en charge du projet a souligné l'importance de la programmation des opérations , la durée de la réalisation s'étalant sur quinze à vingt ans. Cela nécessite également une certaine souplesse et une capacité d'adaptation aux évolutions de la société. C'est la raison pour laquelle l'équipe est composée d'historiens, de journalistes, de sociologues et d'associations de terrain.

M. Thierry Repentin a observé que le projet s'appliquait à un territoire relativement étendu regroupant plusieurs communes et concernant des populations modestes. Il a notamment souhaité savoir si le fonctionnement de l'intercommunalité était satisfaisant et si un accompagnement social des familles était prévu lors de leur relogement et quel était son coût. Il s'est également demandé comment il était possible de susciter l'adhésion des populations pour la réalisation d'une opération à une échéance aussi lointaine.

Le directeur du projet a indiqué que la programmation était prévue à ce jour entre 2005 et 2017, la date d'achèvement pouvant être repoussée si nécessaire. Il est convenu que la question du relogement se heurtait à deux difficultés : l'espace d'intervention et le foncier disponible sont très circonscrits ; la délocalisation des populations pendant la durée de l'opération de démolition-reconstruction entraîne une déstructuration dommageable des liens sociaux.

Il a précisé que le volet social de l'opération était financé par la ville de Pointe-à-Pitre et non par l'ANRU. Un accompagnement social a été prévu sur douze ans, afin de financer le différentiel de loyers qu'aurait à supporter les familles les plus modestes. Par ailleurs, certains logements devraient être libérés du fait de l'âge des résidents.

Si les communes concernées ne se sont pas regroupées dans une structure politico-administrative pérenne, le montage du projet s'est fait au niveau intercommunal , « dans l'intelligence du territoire », ce qui a permis de concevoir un projet homogène et cohérent.

Mme Dominique Voynet s'est inquiétée de la diminution de la population de Pointe-à-Pitre. Elle a souhaité savoir si, parallèlement à l'accompagnement social, des efforts particuliers étaient entrepris pour créer et développer les activités économiques et les services à la population. Elle a également demandé quelles étaient les perspectives d'évolution du quartier du Carénage et si des suggestions pouvaient être faites aux membres de la mission.

Le directeur du projet a rappelé que le Carénage est un ancien territoire industriel qui a été libéré pour construire près de 1.000 logements. D'autres terrains disponibles, bien situés, ont été rachetés par la ville pour permettre la construction d'autres logements sur une surface de plus de 8 hectares.

M. Philippe Dallier a souhaité avoir des précisions sur les modalités de financement du projet ANRU et l'importance de la DSU et des ressources propres de la ville. Il a demandé s'il existait une explication à l'absence de violences urbaines en Guadeloupe au mois de novembre 2005.

Le directeur du projet a indiqué que la faible disponibilité du foncier constituait une contrainte. C'est pourquoi, la ville de Pointe-à-Pitre a demandé à l'ANRU de favoriser les réhabilitations plutôt que les opérations de démolition-construction, afin de réduire la durée d'exécution du projet. Par ailleurs, il a déploré que certains espaces soient occupés par des entreprises qui n'ont pas un souci de l'intérêt général. Il a estimé nécessaire dans certains cas de transformer ces espaces pour les adapter à la vie urbaine et pour développer des activités économiques créatrices d'emplois.

Il a rappelé que, bien que regroupant de vieilles familles dans une situation de précarité extrême, le quartier Henri IV ne présentait pas de problèmes d'insécurité et se caractérisait par une cohésion sociale réelle (femmes âgées qui font la cuisine pour les plus jeunes). Il a souhaité que la construction de logements modernes ne se traduise pas par une destruction de ces liens, qui structurent le quartier.

M. Henri Bangou , maire de Pointe-à-Pitre, a rappelé que 40 % de la population était au chômage, malgré l'existence d'une ZFU en centre-ville. Il a appelé de ses voeux la création d'une zone franche couvrant l'intégralité du département. Il a également précisé que la signature de la convention avec l'ANRU avait été obtenue grâce à l'implication financière et la collaboration de l'ensemble des acteurs : la ville de Pointe-à-Pitre (26,6 millions d'euros, dont 16,5 millions d'euros de foncier mis à disposition) et l'ensemble des communes concernées, ainsi que le conseil général (5,2 millions d'euros) et la région (20,6 millions d'euros).

PLAN DE FINANCEMENT DU PROJET ANRU DE POINTE-À-PITRE

Origine du financement

Montant en euros

ANRU

89.962.858

Etat

54.689.115

Conseil régional

20.655.190

Conseil général

5.236.146

Ville de Pointe-à-Pitre

26.655.081

Caisse des dépôts et consignations

3.270.507

Europe

10.998.225

Bailleurs sociaux (y compris les prêts)

83.139.930

Prêts PRU

68.977.490

Autres prêts

93.839.930

Autres recettes

19.187.602

TOTAL (prêts inclus)

476 .612.074

TOTAL (hors prêts)

313.794.654

Il a rappelé que Pointe-à-Pitre a déjà bénéficié d'une aide de l'Etat (500.000 anciens francs), lors de la visite du Général de Gaulle, en 1959, qui a permis la construction de la cité Malraux en centre-ville (projet de 20 milliards d'anciens francs). L'Etat entendait ainsi susciter la participation des autres acteurs.

Mercredi 7 juin 2006

I. Visite de la zone Sud/Est de Pointe-à-Pitre

La délégation a visité les quartiers du Carénage, de Lauricisque, de Bergevin, de Darboussier et le centre-ville.

La délégation s'est tout d'abord rendue dans le quartier, où se situent les tours Gabarre . En bon état apparent et de facture moderne, les deux tours, de près de 20 étages, doivent être démolies dans le cadre du projet de rénovation urbaine piloté par l'ANRU, au motif qu'elles ne sont pas conformes aux normes anti-sismiques et anti-cycloniques. Toutefois, le maire a indiqué qu'elles n'avaient subi aucun dommage lors des derniers ouragans et secousses. Il a ajouté qu'elles étaient encore occupées (taux de vacance d'environ 25 %), majoritairement par des ménages modestes. Ce projet de démolition a suscité la perplexité de la délégation...

Elle a été frappée, en revanche, par l'état de précarité du quartier du Carénage , qui présente toutes les caractéristiques d'un bidonville : adjonction anarchique de petites maisons insalubres et délabrées, construites ou aménagées par les habitants eux-mêmes, avec des moyens de fortune. Les habitations sont aussi extrêmement vulnérables en cas de cyclones ou de tremblements de terre et sont souvent dépourvues d'un réseau d'eau.

Des difficultés juridiques se posent pour rénover les habitations qui sont souvent en multipropriété . C'est pourquoi, la mairie de Pointe-à-Pitre a mis en place une procédure d'appropriation publique, qui permet, après un certain délai, de constater un « abandon manifeste ». Les logements peuvent alors être réhabilités pour reloger des familles. Cette procédure est très longue, ce qui provoque l'incompréhension et l'impatience des habitants.

Lors de la rencontre avec les associations du quartier du Carénage, une résidente s'est plainte de « l'immobilisme de la mairie » en matière de réhabilitation des logements insalubres. Elle a fait état de la dégradation et de la précarité des logements du quartier et a expliqué qu'elle a dû se dispenser de l'autorisation et de l'aide publique, pour rénover elle-même son habitation.

Toutefois, dans d'autres quartiers, la délégation a pu vérifier que la concertation était bien réelle et qu'elle s'accompagnait d'une diffusion d'informations à destination des habitants et d'un dialogue avec les associations du quartier.

II. Déjeuner à l'invitation du sous-préfet de Pointe-à-Pitre

La délégation a ensuite participé à un déjeuner à l'invitation du sous-préfet de Pointe-à-Pitre, en présence de M. Henri Bangou et de M. Daniel Marsin, sénateur-maire des Abymes.

III. Présentation du projet de rénovation urbaine des Abymes et visite des quartiers : Boissard - Grand Camp - Raizet

La délégation a été accueillie à la mairie des Abymes par le sénateur-maire, M. Daniel Marsin , pour la présentation du projet de rénovation urbaine.

M. Daniel Marsin a rappelé que sa commune, comme son nom l'indique, était située à l'origine sur une zone humide de terres inondées et marécageuses à vocation agricole. Puis les Abymes se sont urbanisées pour accueillir les personnes travaillant à Pointe-à-Pitre et ne trouvant pas de logement adapté dans le centre-ville. De grands ensembles d'immeubles ont remplacé peu à peu les habitations de fortune et les cases traditionnelles, notamment dans le quartier de Boissard à la fin des années 80, grâce à une opération de résorption de l'habitat insalubre (RHI), notamment sous l'impulsion du Président François Mitterrand, qui s'était ému de l'indignité des logements lors d'une visite en Guadeloupe en 1985.

La commune a ainsi bénéficié de plusieurs dispositifs de la politique de la ville :

- la rénovation urbaine dans le cadre du GPV signé en 2002 avec la ville de Pointe-à-Pitre et du contrat de ville, signé en 1994 et renouvelé en 2000 pour six ans ;

- la police de proximité , dans le cadre du contrat de ville et du contrat local de sécurité publique et de lutte contre la délinquance (CLSPD) ;

- le développement économique et social grâce à l'existence de territoires prioritaires classés en zone de revitalisation rurale (ZRU) et en zone urbaine sensible (ZUS).

Le maire a ensuite indiqué que le projet ANRU , présenté en juin 2006, prenait en compte les caractéristiques du territoire des Abymes, qui réunit à la fois des terrains agricoles, des poches d'habitat insalubres dans la zone humide de la Mangrove et aux alentours de la mairie et de la route nationale n°5 qui relie Pointe-à-Pitre, ainsi que des grands ensembles d'immeubles des années 50-70, qui ne sont plus adaptés aux normes anti-cycloniques et parasismiques. Il a souligné le souci de cohérence de la démarche menée au niveau de l'agglomération et s'est félicité de l'entrée dans « l'ère Borloo », qui permet de mettre en synergie tous les acteurs et les moyens mis en oeuvre au service de la rénovation urbaine.

Il s'est toutefois inquiété de la réduction et des retards de versement de la ligne budgétaire unique (LBU, financements versés au ministère de l'outre-mer par les autres ministères), notamment la fraction en provenance du ministère des affaires sociales consacrée au logement social. Les crédits accordés n'ont couvert que 70 % des besoins et les crédits de l'année 2005 n'ont pas encore été versés, alors que l'on constate des efforts d'adaptation des entreprises aux besoins du secteur du BTP et une augmentation de la réserve foncière. L'insuffisance des moyens financiers décourage les opérateurs et bloque les projets.

M. Alex Türk, président , a noté la difficulté de concilier les délais courts qu'exigerait une réponse d'urgence avec la longueur des procédures et de réalisation des chantiers. Il a suggéré que soit définie une stratégie psychologique, afin de maintenir un dialogue constant avec les populations, qui peuvent avoir le sentiment d'être abandonnées et incomprises.

M. Marcel Renouf , sous-préfet de Pointe-à-Pitre, a souligné le caractère collectif et l'importance des projets en cours et a indiqué qu'en cas de catastrophe sismique, la responsabilité est assumée collectivement. Par ailleurs, il a rappelé que le taux de chômage s'établit, pour les jeunes, à 60 % de la population active des moins de vingt-cinq ans et pour l'ensemble, à 30 %. Pour cette raison, un accent tout particulier est mis sur la politique en faveur de l'insertion et de l'emploi dans le cadre des contrats de ville, et bientôt, dans le cadre des nouveaux contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) . Leur orientation générale est prioritairement ciblée sur l'ANRU et le développement de la concertation, les collectivités locales étant en attente par ailleurs, des instructions de la circulaire gouvernementale du 29 mai 2006. Sa rédaction devrait privilégier une approche à l'échelle de l'agglomération, au-delà des quatre communes principales de Pointe-à-Pitre, Gosier, Les Abymes et Baie-Mahault.

En réponse à une question de M. Thierry Repentin M. Daniel Marsin a indiqué que la réponse aux exigences de l'ANRU nécessitait parfois des adaptations du projet ne répondant pas aux souhaits des habitants. Il a en outre indiqué que les territoires prioritaires de la commune, Grand Camp et le Raizet, classées en ZUS, regroupent 3.100 et 3.700 logements, dont respectivement 85 % et 37 % de logements HLM. Ces grands ensembles comportent de nombreuses copropriétés dégradées et ne sont généralement pas conformes aux normes parasismiques et anticycloniques. Le projet de rénovation urbaine est fondé sur le principe du « un pour un » , chaque logement social étant systématiquement remplacé. La commune a choisi de se placer dans une logique de « construction-démolition » plutôt que de « démolition-reconstruction ».

En réponse à une interrogation de Mme Dominique Voynet relative aux projets de décongestion urbaine , le maire a précisé que la RN 5 qui constitue l'axe principal de la ville et permet d'écouler 27.000 véhicules par jour, doit faire l'objet d'aménagements importants pour permettre un accès aux différents quartiers et réaliser un parcours urbain en site propre. D'autres équipements seront à prévoir pour l'animation de la ville , tels qu'une médiathèque, une cité des arts, une place de la liberté et un complexe sportif.

Sur les aspects sociaux, M. Daniel Marsin, a exposé les différents dispositifs actifs dans sa commune :

- le développement social des quartiers (DSQ) est concentré sur le financement de programmes d'insertion par l'économique dans les quatre communes principales de l'agglomération, sous impulsion préfectorale ; mais les structures d'insertion mises en place étant peu efficaces, leur existence devrait être remise en cause à court terme ;

- la création d'une maison de l'emploi et de conseils de préventions de la délinquance ;

- le développement et le soutien des actions de lutte contre l'illettrisme et contre l'échec scolaire et occupation du temps libre des enfants et adolescents, dont les résultats sont difficiles à évaluer ;

- l'octroi des subventions est conditionné désormais par la définition d' objectifs mesurables ;

- l' abandon progressif des emplois aidés qui ne se révèlent pas comme des canaux d'insertion durable , car ils tendent à devenir des emplois publics permanents, enlevant toute marge de manoeuvre aux collectivités locales, dont les budgets sont grevés par les dépenses de fonctionnement (plus de 80 %).

En matière d'insertion et d'emploi, le sous-préfet a estimé que l'ANPE ne jouait pas toujours son rôle et que les associations, à l'inverse, contribuaient de façon importante à la gestion urbaine de proximité.

Enfin, en réponse à une question de Mme Dominique Voynet relative au fonctionnement de l'intercommunalité , M. Daniel Marsin a indiqué qu'elle pouvait être efficace pour la gestion de problèmes ponctuels et matériels définis, tels que les ordures ménagères ou les réseaux hydrauliques, mais qu'elle résulte d'une approche politique « fantasmatique » du fonctionnement des collectivités locales, l'intercommunalité pouvant aussi être facteur de blocages.

IV. Réunion à la sous-préfecture du Conseil intercommunal de prévention et de sécurité de la délinquance de l'arrondissement de Pointe-à-Pitre (CISPD)

Le CISPD de l'arrondissement réunit une fois par semaine les instances judiciaires et policières et les associations à vocation sociale, éducative et préventive de l'arrondissement et des communes de Pointe-à-Pitre, de Gosier, des Abymes et de Baie-Mahault. La présidence du conseil est assurée à tour de rôle par les quatre maires des communes concernées.

Le CISPD a pour vocation d'organiser de façon transversale une politique cohérente et globale de sécurité publique et de prévention de la délinquance en réunissant tous les acteurs impliqués. Cela a permis notamment une meilleure coordination et un rapprochement des polices municipales , grâce à la mise en place d'un véritable partage d'informations et l'organisation d'un travail en réseau, dans le respect des compétences de chacun.

Les lignes d'action du CISPD sont précisées dans le programme de prévention de la délinquance , défini dans le cadre des nouveaux contrats de ville, les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Les priorités du conseil ont été définies dans un rapport établissant un état des lieux de la délinquance et de l'insécurité dans l'agglomération.

Les grandes lignes du rapport sont les suivantes :

- le diagnostic local de sécurité (D.L.S.) a permis d'évaluer le sentiment d'insécurité ressenti par la population : 31% des personnes consultées éprouvent un sentiment d'insécurité au cours de leurs activités dans l'agglomération. Elle est surtout perceptible sur Pointe-à-Pitre et particulièrement ressentie lors des déplacements dans l'agglomération. Elle semble être corrélée autant à la représentation de certains quartiers qu'à la désertification de certains espaces urbains à la tombée de la nuit. Divers facteurs contribuent à alimenter le sentiment d'insécurité : nombre important de bâtiments vétustes ou insalubres ; présence de S.D.F. souffrant parfois de troubles psychiatriques ; banalisation des conduites addictives dans l'espace public (consommation d'alcool, de cannabis, de crack) ; accroissement sensible du nombre de personnes en situation irrégulière ;

- dans les espaces privés, la déliquescence des valeurs familiales rurales et communautaires qui régulaient autrefois la vie collective s'est traduite par l'accroissement des conflits intrafamiliaux et la banalisation de la détention d'armes ;

- la délinquance locale est d'abord une délinquance d'appropriation, puisque les vols constituent environ 60 % des faits observés. En outre, la violence des passages à l'acte ajoute une dimension traumatisante au sentiment d'insécurité et la délinquance est très souvent associée dans la représentation collective à des adolescents ou jeunes adultes, ainsi qu'à des personnes d'origine étrangère (14 % des mis en cause) ;

- on observe également au sein des établissements scolaires l'émergence de violences ou de comportements déviants (addictions, conduites sexuelles marginales), l'augmentation de l'absentéisme, qui induit le désoeuvrement de nombre d'élèves déambulant dans l'espace public entre 12 et 14 heures et la situation d'échec de certains d'entre eux, qui les prédisposent à la commission d'incivilités ou d'actes de déviance.

Trois priorités ont été fixées par le groupe de travail après l'analyse des enjeux relevés par le Diagnostic Local de Sécurité (D.L.S.) :

- la réduction de l'inadaptation sociale et professionnelle des délinquants ;

- la lutte contre les violences intrafamiliales ;

- la médiation sociale.

Suite à ce constat, certaines avancées ont pu être réalisées, mais des difficultés demeurent :

Le trafic et la consommation de stupéfiants et la prise en charge des toxicomanes :

- l'identification des zones à risques a permis de sécuriser le port et la zone d'activité et de limiter les trafics de stupéfiants et les violences, grâce à la mise en place d'un plan d'action de la police des frontières ; les agressions contre les touristes ont notoirement diminué ;

- on constate une augmentation de la consommation de stupéfiants , notamment de la « cocaïne sniffée », souvent associée à l'alcool. On observe également une polytoxicomanie marquée, une consommation de psycho-actifs générateurs de violences, ainsi que du cannabis sous sa forme marocaine ; des échanges de cocaïne et de résine de cannabis ont été observés sur mer. La Guadeloupe et la Martinique sont des lieux d'entrée et de transit de ces drogues, qui arrosent ensuite l'Europe. Les prix pratiqués sont peu élevés ;

- la nécessaire amélioration de la prise en charge des toxicomanes dans des établissements de cures de désintoxication adaptés et dans des réseaux d'accueil plus efficaces, avec une meilleure réponse aux problèmes psychologiques et d'addiction des toxicomanes, a été particulièrement soulignée ; des professionnels sont mobilisés dans les associations, mais les travailleurs sociaux se découragent car ils ne se sentent pas toujours écoutés. Une coordination judiciaire, médicale et sociale serait souhaitable pour juguler ce phénomène dévastateur pour les jeunes ;

- difficulté à faire accepter par les communes l'installation d'un CHRS pour réintégrer les personnes toxicomanes.

Les troubles à l'ordre public et l'insécurité routière :

- renforcement de la lutte contre l' insécurité routière et contre les troubles à l'ordre public grâce à la mobilisation de deux escadrons (forces mobiles) et de la police nationale ;

- mise en place d'une permanence des élus qui sont officiers de police judiciaire ;

Les vols et violences :

- le nombre de cambriolages et de vols a considérablement augmenté (achat des stupéfiants) ainsi que le trafic de faux papiers, mais on constate parallèlement une amélioration du taux d'élucidation des vols et des violences ;

- l'amélioration de l'éclairage public a contribué à sécuriser certains quartiers à risques ;

- la prévention a été développée grâce à l'embauche de 120 jeunes par des entreprises d'insertion ;

- meilleure prise en charge des victimes (relogement des familles en cas d'incendie, assistance psychologique, amélioration de l'accueil des plaignants,...) ;

- les violences sont de plus en plus intra-familiales ou liées au proxénétisme et principalement au préjudice des femmes et des enfants ;

L'offre de sécurité :

- intensification de la lutte contre l'immigration clandestine ;

- stagnation des effectifs de la police nationale dans un contexte d'augmentation des faits délictueux ;

- la dispersion des policiers municipaux, en nombre souvent insuffisant, ne permet pas de répondre à la diversité et à l'ampleur des besoins ;

- l ' essoufflement du dispositif « emploi jeunes » a été préjudiciable à l'encadrement et à la médiation sociale dans les quartiers ;

- on constate, en revanche, une amélioration de la coordination opérationnelle entre la Police nationale, les polices municipales et la Gendarmerie, qui permet, grâce à une bonne répartition des compétences, d'améliorer la présence policière et l'efficacité des effectifs mobilisés sur le terrain ;

- enfin, une meilleure articulation entre les acteurs de la sécurité et ceux de l'accompagnement sanitaire et social permettrait de lutter plus efficacement contre la récidive et de renforcer les dispositifs de prévention.

Au-delà des priorités déjà fixées, trois défis restent à relever par le CISPD : la régulation des incivilités, l'accès au droit et l'aide aux victimes, la consolidation des réponses éducatives, sanitaires et sociales.

Jeudi 8 juin 2006

I. Accueil par M. Guy Georges, maire de Basse-Terre. Visite du quartier du Carmel

La délégation a été accueillie par le Maire de Basse-Terre pour une visite des quartiers concernés par les projets de rénovation urbaine.

La ville de Basse-Terre , d'une superficie réduite de 578 hectares, présente des reliefs assez accidentés et une vulnérabilité aux cyclones, aux inondations, aux tremblements de terre et aux risques volcaniques. Dotée d'un patrimoine artistique et culturel qui lui a valu d'être classée « Ville d'Art et d'Histoire », elle connaît des contraintes liées à la restauration et à la revalorisation du centre ville (alignement des façades, coûts de la préservation des monuments historiques et architecturaux, respect de l'identité des quartiers et sauvegarde des encadrements en pierre de taille...). Basse-Terre présente, de surcroît, un habitat fortement dégradé, souvent sans commodités, implanté dans des quartiers enclavés et des zones insalubres.

Sur le plan financier, la commune ne bénéficie pas d'une grande marge de manoeuvre, son budget étant grevé par une part importante de dépenses de fonctionnement (plus de 75 % en 2005, dont 68 % de dépenses de personnel).

Le concours de l'ANRU va ainsi permettre de rénover les quartiers du Carmel, de Bébian et de Bas-du-Bourg.

La délégation a plus particulièrement visité le quartier du Carmel , visite au cours de laquelle elle a pu rencontrer les habitants et les représentants des associations. Classé en Zus depuis 1996, le Carmel constitue la priorité du plan de rénovation urbaine de Basse-Terre, contrairement aux deux autres quartiers qui devront faire l'objet d'une dérogation pour bénéficier des financements de l'agence. Le quartier du Carmel est en effet confronté à de nombreuses difficultés : habitat insalubre et détérioré, voies de circulation étroites et dégradées, nécessaire requalification des espaces publics, carence d'équipements et de commerces.

Une opération de RHI a déjà été engagée mais ne couvre pas l'intégralité du quartier. Celle-ci devrait être poursuivie et englobée dans le cadre du plan de rénovation urbaine financé par l' ANRU , celui-ci devant s'étaler de 2006 à 2011 et représenter une participation de l'agence de 8 à 9 millions d'euros, dont la première enveloppe s'élève à 650.000 euros. Il prévoit la construction de logements sociaux, de locaux commerciaux, d'un village des associations et d'équipements publics et de proximité, l'amélioration de l'habitat existant, la réhabilitation des cales et des voies de circulation.

La délégation a pu constater que l'écoute des habitants et la concertation étaient réelles dans ce quartier riche de traditions et d'histoire. Ainsi, le projet de rénovation urbaine a été élaboré en réponse aux attentes des habitants, dans le respect de l'identité et de l'histoire du Carmel.

II. Échanges à la mairie avec des associations des quartiers de Basse-Terre

La délégation s'est ensuite rendue à la mairie pour rencontrer des associations agissant dans le cadre des compétences de la communauté de communes du Sud Basse-Terre (CCSBT). Celle-ci est compétente pour traiter au niveau intercommunal trois aspects du contrat de ville : l'aménagement urbain et l'habitat, la sécurité et la prévention de la délinquance et l'insertion par l'économique.

Concernant l'aménagement urbain , la communauté s'implique dans les projets relatifs à la mise en place d'un périmètre de transport urbain intercommunal, au Plan de déplacement urbain (PDU), au Programme local de l'habitat (PLH) intercommunal, à l'Opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) à caractère patrimonial et à une étude relative à la restauration scolaire.

Concernant la sécurité , le Conseil intercommunal de prévention et de sécurité de la délinquance (CISPD) a été créé en janvier 2006 et réunit autour du préfet et du Procureur, les forces de l'ordre et les services administratifs et associations concernés. Il s'agit de monter des actions coordonnées en matière de sécurité grâce à l'analyse de bilans réguliers sur l'état de la délinquance et de l'insécurité dans la zone intercommunale. La première mission du CISPD va être de réactualiser le contrat intercommunal de sécurité approuvé en 1998.

Parallèlement, d'autres actions ont été engagées telles qu'une expérience pilote de vidéosurveillance, l'installation d'un CHRS pilotée par une association locale, la mise en place d'un dispositif d'accompagnement des publics difficiles en faveur de la prévention de la délinquance et l'insertion par l'économie et la création d'une maison du droit et du citoyen.

III. Déjeuner à l'invitation du maire de Basse-Terre à « l'Orangerie »

La délégation a participé à un déjeuner à l'invitation de M. Guy Georges , en présence d'élus municipaux, de M. Fischer, maître d'oeuvre des opérations de rénovation urbaine de la Guadeloupe et de la déléguée à la politique de la ville.

IV. Réunion avec des associations guadeloupéennes

Avant son départ pour la Martinique, la délégation a reçu dans une salle de réunion à l'aéroport du Lamentin diverses associations qui lui ont apporté les informations suivantes :

D'une manière générale, les intervenants ont souligné l'inadaptation des formations offertes aux jeunes : les associations concernées travaillent à cet égard avec l'AFPA de Basse-Terre et Médecins du Monde. Elles souhaitent le développement et la pérennisation du dispositif des adultes-relais et ont fait part de la précarité de leurs associations et de la nécessité de disposer de moyens pérennisés.

S'agissant de l'aide aux victimes , la seule association présente en Guadeloupe, qui est également associée depuis 1991 au contrôle judiciaire, observe une baisse des subventions de la Chancellerie. Son activité, insuffisamment structurée en réseaux, consiste à orienter les victimes vers les associations compétentes. Elle peut être réquisitionnée en urgence par le Procureur de la République et se plaint d'un soutien insuffisant, tant sur le plan financier que de la part des élus, son budget enregistrant selon la conjoncture des variations peu propices à une action de long terme.

A une interrogation de Mme Dominique Voynet sur le manque de coordination des associations, il lui fut répondu que leur rôle était conditionné par la disponibilité des bénévoles , par le refus de leur attribuer des postes administratifs et par la difficulté d'établir leur budget. Ainsi, certaines associations ont renoncé à être présentes pendant le week-end, du fait de la faible disponibilité des bénévoles et d'un « turn-over » élevé. Dans ce cas, la « veille sociale » est assurée par le préfet et le centre 115, le transfert des compétences vers le département ne s'étant pas accompagné d'un transfert de moyens.

A M. Philippe Dallier qui s'interrogeait sur l'accompagnement social des Rmistes, sur l'évolution du budget global, des subventions et des personnels des associations ainsi que sur la déconcentration des crédits pour les communes dépourvues de contrat de ville, les intervenants ont apporté les précisions suivantes :

- le conseil général, qui investit dans le logement social , a mis en place un plan départemental d'insertion ; le problème du versement de la caution des bénéficiaires reste cependant posé ;

- les associations sont confrontées à des problèmes budgétaires et surtout de trésorerie, les financements relevant de la politique de la ville constituant un « gros mystère » pour celles-ci ;

- une partie des subventions est versée au mois de mars, ce qui pose des problèmes aux associations pour acquitter leurs charges du premier trimestre ;

- les associations ne sont pas destinataires des délibérations des conseils municipaux, les autorités chargées de la politique de la ville n'accordant les subventions correspondantes qu'après avoir reçu cette délibération ;

- une association assurant le développement d'activités nautiques pour les jeunes des quartiers a déclaré recevoir 1,5 million d'euros pour son fonctionnement, mais est confrontée à l'augmentation du coût du carburant pour sa flotte de six véhicules ; comme le Conseil général n'honore pas certaines dépenses, l'association doit recourir à des financements extérieurs auprès des entreprises ;

- le travail en réseaux dans les quartiers sud, en cours de rénovation, est insuffisant ; les intervenants sociaux ne se connaissent et ne se rencontrent pas suffisamment ; le nombre des assistantes sociales est trop faible compte tenu du nombre des familles requérant une lourde prise en charge.

S'agissant de la gestion intercommunale de la délinquance , celle-ci a beaucoup progressé en dix ans et a fait l'objet d'un diagnostic local en 2004 et de la création d'un conseil de sécurité en janvier 2005 : l'insécurité est de plus en plus ressentie par les habitants, tandis que l'on constate une réduction des moyens et un manque de visibilité des actions des différents acteurs ;

- sur les quatre communes concernées, l'une d'entre elles conserve une gestion territoriale, alors que l'on s'efforce de fédérer les associations et les énergies des services de l'Etat qui tendent à se désengager : les priorités portent sur la médiation sociale, les violences intrafamiliales et la création d'un centre pour les femmes battues, en dépit de la réduction des subventions des communes, qui n'est pas compensée par les efforts des services de l'Etat : pour 24.000 habitants, ces crédits ne sont que de 22.000 euros à la suite de réductions successives ;

- l'association Emmaüs est aujourd'hui en liquidation et ses locaux sont squattés ;

- les élus demandent aux associations de faire plus, alors que leurs moyens sont rognés, et certains les utilisent comme un « fonds de commerce ».

Le Président, M. Alex Türk a indiqué que le rapport devrait souligner les particularités ultramarines, en fonction des observations que la mission a pu recueillir et s'est enquis du contenu du discours politico-médiatique sur les questions abordées.

Les associations ont insisté sur l'urgence des mesures qui devraient être prises avant le mois de septembre prochain et ont exprimé leur perplexité sur le discours des élus à l'égard des jeunes. Elles ont estimé que RFO était une télévision officielle exprimant la voix de l'Etat et du préfet et que les autres médias tendaient à exacerber une xénophobie rampante. Selon elles, la télévision peut avoir un rôle pernicieux en raison d'un manque de déontologie : à cet égard, les étrangers en situation irrégulière sont stigmatisés, alors qu'ils cumulent les désavantages, qu'il s'agisse du phénomène de la violence conjugale ou de la non prise en charge des enfants par les communes, tout ceci contribuant à développer une situation qui risque de devenir explosive.

A une question de M. Philippe Dallier concernant l'état d'esprit des jeunes en situation difficile, il fut répondu que ceux-ci (de seize à trente ans) réagissaient selon un « phénomène de tribu » et tenaient fréquemment un discours violent contre l'Etat, les institutions et les élus. Certains seraient inspirés par des « gourous » et des intellectuels s'exprimant de manière parfois ésotérique, en mobilisant des arguments religieux.

D'une manière générale, on observe un recul des valeurs familiales traditionnelles , les jeunes générations étant, pour le tiers d'entre elles, issues de familles monoparentales. Les jeunes filles ont souvent des enfants très jeunes pour bénéficier des aides sociales et d'un logement, ce qui leur permet de sortir du cadre familial et d'une cohabitation souvent difficile.

Martinique (jeudi 8 au samedi 10 juin 2006)

Jeudi 8 juin 2006

La délégation a été accueillie, à son arrivée à l'aéroport, par M. Serge Larcher, sénateur de la Martinique et un représentant de la préfecture, avant de se rendre à un dîner à l'invitation du préfet. Participaient à ce dîner :

M. Yves Dassonville, préfet de la Martinique, M. Serge Larcher, sénateur de la Martinique, M. Patrice Latron, secrétaire général de la préfecture, M. Bachir Bakhti, directeur de cabinet, M. Maurice Tubul, secrétaire général pour les Affaires régionales, M. Jean-Yves Dodu, délégué régional interministériel à la Ville.

Vendredi 9 juin 2006

I. Réunion au conseil général

M. Claude Cayol , premier vice-président du conseil général, conseiller régional, a d'abord excusé M. Claude Lise, président du conseil général et sénateur de la Martinique. Il a ensuite rappelé que les missions du conseil général pour les quartiers en difficultés se structuraient autour de trois axes : les actions en faveur du développement économique, de la formation et de l'habitat . Il a fait observer que ces politiques nécessairement à long terme pouvaient susciter la déception et l'impatience de la population.

Il a indiqué que les quartiers en difficultés du département sont essentiellement situés dans l'agglomération de Fort-de-France, notamment au Lamentin, conurbation construite dans les années 60, après les cyclones de 1963. Dans une démarche globale d'insertion, le conseil général a participé à la mise en oeuvre d'une politique de construction et de rénovation de l'habitat, ainsi que d'une politique éducative de proximité grâce à l'implantation d'établissements scolaires au coeur des quartiers d'habitation.

Parallèlement, l'accompagnement social a permis d'améliorer l'accessibilité au logement pour les ménages les plus démunis (RMI, aides au logement), le fonds de solidarité pour le logement (FSL) jouant souvent un rôle essentiel (pour le paiement des cautions notamment). Le FSL verse également des aides aux propriétaires n'ayant pas les moyens de restaurer leur logement. Auparavant, les Martiniquais rénovaient leurs maisons par eux-mêmes avec des moyens de fortune (amiante - ciment...), ce qui a nécessité des actions de résorption de l'habitat insalubre aboutissant à la création de quartiers structurés, tel que celui de la Volga, dotés de services de proximité (crèches, animation culturelle,...).

En outre, le département a favorisé l'accession sociale à la propriété grâce au versement d'aides à l'acquisition foncière via le fonds d'aménagement foncier et urbain (FAFUR), qui ont permis le succès des logements évolutifs sociaux (LES).

En revanche, nombre de logements détenus en indivision restent souvent vacants, faute de rénovation. Toutefois, les dispositions relatives à l' indivision et à la copropriété , votées dans le cadre de la loi portant engagement national pour le logement et permettant de prendre les décisions à la majorité simple devraient apporter une solution alternative à la procédure trop longue « d'abandon manifeste », couramment utilisée dans l'agglomération de Fort-de-France. La mairie joue un rôle essentiel pour les actions d'assainissement et la mise « hors d'eau » des quartiers, ainsi que pour l'accès au réseau EDF et à l'eau potable.

Cependant, M. Claude Cayol a déploré que les retards et les défauts de versement de la ligne budgétaire unique (LBU) , en provenance du ministère en charge du logement, ne permettent pas d'assurer le financement des opérations d'amélioration de l'habitat (OPAH).

Il a évoqué par ailleurs les problèmes de violence que connaissent les sept collèges du département. Pour juguler ce phénomène, le conseil général a mis en place dans chaque établissement des dispositifs « école, famille, quartier » et des opérations « sports-vacances » durant les congés scolaires.

Le dispositif « école, famille, quartier » consiste à mettre en place un suivi des élèves, associant le collège, la famille et les services sociaux. Le chef d'établissement doit signaler aux parents et aux services sociaux et médico-sociaux l'absentéisme ou le comportement anormal d'un enfant. Cela permet, le cas échéant, d'identifier des bandes et de réduire les actes de délinquance dans le quartier. Un référent administratif est alors chargé de suivre l'élève et de prendre contact avec la famille afin d'évaluer sa situation sociale (équilibre familial, logement, problèmes financiers, alcoolisme,...). Cette appréhension très large de la situation sociale des élèves scolarisés en difficultés a permis d'ores et déjà d'obtenir des résultats significatifs et encourageants.

Enfin, le département a mis en place des actions en faveur de l' insertion , pilotées par l'agence départementale d'insertion (ADI) et mises en oeuvre par les antennes locales. Ainsi, 5.000 contrats d'avenir et 400 contrats d'insertion revenu minimum d'activité (CI-RMA) ont été signés grâce à un contrôle plus strict des bénéficiaires du RMI et de leur volonté d'insertion, l'absence de réponse aux appels des structures d'insertion entraînant automatiquement leur radiation.

Pour les élèves ayant quitté l'école précocement, l'ADI propose des formations adaptées, en partenariat avec les organismes de formation professionnelle et prépare la mise en place des « écoles de la deuxième chance ». La construction de nouvelles écoles est également prévue dans le cadre du plan de rénovation urbaine financé par l'ANRU.

En réponse à une question du Président, M. Claude Cayol a indiqué que, malgré son caractère très composite (Haïti, Chine, Moyen Orient, Liban,...), la population martiniquaise vivait en bonne harmonie, sans problème spécifique lié à la religion ou à l'origine ethnique.

II. Entretien avec M. Serge Letchimy, maire de Fort-de-France à l'Hôtel de ville.

La délégation a été reçue par M. Serge Letchimy qui a exposé les grandes lignes et les perspectives de la rénovation urbaine engagée dans sa commune.

Il a d'abord rappelé que la ville de Fort-de-France, qui compte 100.000 habitants, ne peut être comparée à une ville nouvelle. C'est une ville d'histoire, dont les quartiers populaires sont différents des quartiers urbains franciliens et dont la rénovation doit être appréhendée de façon innovante, en « humanisant l'urbain et en respectant l'histoire et les sites populaires » . Le réaménagement et la revalorisation des forts et des monuments participent de cette démarche respectueuse de l'histoire et du patrimoine de la ville. Fort-de-France pourrait ainsi constituer un « bon laboratoire d'une nouvelle ingénierie urbaine » et un modèle à exporter.

Deux quartiers, Godissard et Dillon, sont classés en ZUP et l'ensemble constitue un « espace socialement lisible », où l'on distingue Plateau Didier, Texaco et Trenel.

M. Letchimy a indiqué que son prédécesseur, M. Aimé Césaire, n'avait pas engagé de politique globale du logement en construisant de grands ensembles, comme cela a souvent été le cas dans les grandes villes métropolitaines ou à Pointe-à-Pitre. La majorité des quartiers sont ainsi des regroupements d'habitats spontanés, devenus, souvent précaires et insalubres. Les rénovations sont difficiles, car les habitants sont propriétaires de leurs logements sans posséder le terrain. Pour clarifier cette situation juridique, les terrains ont été peu à peu cédés aux propriétaires occupants.

M. Serge Letchimy a déploré par ailleurs un manque de diversité des logements sociaux , les logements locatifs étant majoritairement destinés aux ménages disposant de revenus moyens et les logements très sociaux ou en accession à la propriété étant en nombre très insuffisant. Il a souligné le phénomène de désertion du centre-ville, dont le nombre d'habitants est passé de 12.000 à 4.500 entre 1967 et 1989. Une vaste opération de réhabilitation et de réappropriation des logements vacants a été lancée par la ville de Fort-de-France, en partenariat avec l'ANAH, pour résorber les « dents creuses ».

Le maire s'est également inquiété de l'augmentation des violences en centre-ville et de la recrudescence de la prostitution et de la toxicomanie , déplorant que les lois sur le racolage passif et sur le proxénétisme résidentiel ne soient pas rigoureusement appliquées. Il a expliqué cette détérioration par un contrôle défaillant des entrées sur le territoire et par la dégradation de la situation psychosociale de la population. Certaines violences sont aussi le fait de minorités ethniques, dans une logique identitaire.

Cette situation nécessiterait la création de nouvelles structures d'accueil spécialisées, pour les personnes toxico-dépendantes, parmi lesquelles on compte un nombre croissant de jeunes en recherche d'emploi (54 % des jeunes sont au chômage, 3.500 Rmistes, soit trois fois plus que la moyenne nationale). On assiste en effet à une augmentation de la précarité, qui constitue une « bombe à retardement ». Il a également indiqué que la part des personnes âgées dans la population avait fortement augmenté (de 11 à 18 %) et nécessiterait une adaptation des logements et des services. Il s'agirait d'« imaginer une véritable psychologie du développement urbain » et de créer une « envie de ville » - ce qu'il a appelé l'« enville » - en renforçant le lien entre démocratie participative, politique culturelle et politique de la ville, ciment de la citoyenneté.

A cet égard, il a regretté que le PDRU soit trop centralisé et, par conséquent, standardisé selon un modèle parisien non adapté à la Martinique. Il a souhaité, à l'instar du contrat de ville, que le projet ANRU soit « centré sur l'individu et non sur le produit ». Les conseils de quartiers constituent une ressource à mobiliser davantage, afin de rendre la politique de développement urbain plus lisible et plus conforme aux attentes de la population. Il s'agirait d'accroître la concertation et de responsabiliser les habitants des quartiers dans le projet de rénovation urbaine.

Par ailleurs, il s'est étonné que la culture du multirisque (incendies, séismes, cyclones) ne soit pas plus présente lors de l'élaboration des projets, notamment pour les voies d'accès ou pour les services publics, tels que les préfectures ou les hôpitaux, dont les constructions ne sont pas aux normes. Il a exprimé sa crainte qu'un processus de construction de masse pour répondre à l'urgence ne crée des dommages irréparables pour les quartiers et la vie des populations, faute de concertation et de réflexion suffisante. Il a déploré par exemple la destruction des champs de cannes à sucre, pour libérer de l'espace foncier pour de nouvelles constructions, alors qu'il existe des logements vacants en centre-ville et des terrains fonciers inexploités. Il a salué à cet égard les réalisations de l'ANAH qui a réhabilité cinquante logements dans le tissu urbain ancien et reconnu que la reconquête du centre-ville ancien constitue un travail fastidieux et de longue haleine. Il a évoqué le rapport Mayou-Nora, qui préconise le retour au coeur de la ville et dresse un bilan critique sur les politiques du logement standardisées. Il a souhaité que les politiques de la ville soient « domiciliées » , c'est-à-dire conçues à partir de la réalité du site, de l'histoire de la ville et de ses habitants. Si la centralisation des financements par l'ANRU présente des avantages indéniables, il s'est inquiété des conséquences de la standardisation des montages financiers sur le contenu culturel des projets, réclamant plus d'autonomie.

Il a en outre souligné de l'amélioration des dessertes et du stationnement, plus fluide, grâce à la création de 1.200 places à l'extérieur de la ville, afin de limiter le phénomène des « voitures ventouses » devant les commerces.

Enfin, une politique municipale ambitieuse a été mise en place sur le plan de la sécurité grâce à la création de 20 postes d'agents de médiation urbaine et l'augmentation des effectifs de police, passés de 13 à 74. En outre, 50 agents de sécurité de la voie publique assurent une présence de proximité dans les quartiers et dans le centre-ville, jusqu'à minuit, grâce à une organisation du travail en trois-huit. La police nationale a également développé des actions de formation (vidéosurveillance, médiation sociale, familiale et juridique) à destination de la police municipale, ce qui a permis une meilleure coordination de leurs actions.

La délégation s'est ensuite rendue sur le terrain pour visiter les quartiers de Pointe-à-Pitre, et rencontrer les associations du quartier de Volga en présence de Mme Conconne, conseillère générale, adjointe au maire chargée de la sécurité.

La délégation s'est arrêtée dans la maison des associations du quartier de la Volga, qui constitue un lieu d'accueil et d'écoute de la population. Une permanence permet aux habitants d'obtenir de l'aide pour constituer un dossier de rénovation de leur habitation et résoudre les problèmes juridiques liés le plus souvent aux propriétés en indivision.

III. Rencontre avec les chefs d'entreprises de la ZFU Dillon à l'Espace Zaré

Participants : chefs d'entreprises, représentants du MEDEF, CGPME, ANPE, AMPI, DDTEFP et du SGAR, comité interassociatif de Dillon (CIAD), ASEFF (Châteauboeuf), association « Pwan Balan » de Godissard, CIATS (Terres Sainville), COGESSEC (Volga).

La ZFU comprend 1.800 entreprises, dont 700 nouvelles, et a permis la création de près de 800 emplois.

Plusieurs sujets ont été évoqués :

L'activité et l'environnement des entreprises de la zone franche urbaine :

- la sécurité de la zone et la nécessité de transformer les entreprises en de véritables bastions pour garantir la sécurité des biens et des personnes en activité. L'insécurité constitue un frein à l'implantation des entreprises;

- la difficulté à respecter la clause locale d'embauche et à trouver du personnel compétent et qualifié dans la ZFU ;

- une meilleure lisibilité et visibilité sur les projets en cours dans la zone franche ;

- création d'une nouvelle ZFU dans le nord de la Martinique pour assurer un certain équilibre économique et redéfinition du périmètre de la ZFU pour limiter les effets d'aubaine et les dommages collatéraux pour les zones frontalières ;

- clarification et simplification des dispositifs actuels d'exonérations fiscales et sociales et identification d'un interlocuteur unique spécialisé dans le conseil aux entreprises, soit à la chambre de commerce, soit à la mairie, pour faciliter les démarches des chefs d'entreprises ;

- amélioration des délais de traitement des dossiers (actuellement de 9 mois), notamment pour les créations d'entreprise ;

- meilleure adéquation entre l'entreprise et l'école ;

- articulation plus satisfaisante entre les différents dispositifs d'exonération, dont la superposition est source de complexité et d'impasses juridiques ;

- maintien souhaitable et efficacité reconnue des ZFU et pertinence du ciblage des dispositifs d'exonérations sur les très petites entreprises ;

- continuité et stabilité souhaitables des politiques de la ville et des dispositifs existants ;

L'activité des associations

- rôle essentiel des associations, vecteurs de proximité, dans la mise en oeuvre des politiques de la ville ;

- sécurisation des aides financières accordées aux associations d'année en année, grâce à la mise en place d'une convention pluriannuelle sur au moins trois ans ;

- consultation nécessaire des associations dans le cadre des projets ANRU ;

- réflexion sur le statut du bénévole pour favoriser sa disponibilité ;

- impact négatif de la suppression des emplois jeunes pour les associations ;

- simplification des contraintes administratives des associations afin de libérer du temps pour les actions opérationnelles.

Les précisions suivantes ont été apportées au cours du débat :

- la loi sur l'égalité des chances permet désormais d'étendre le périmètre d'une ZFU, après négociation entre l'Etat et la collectivité locale concernée ;

- cette loi a également assoupli les conditions d'application de la clause locale d'embauche en étendant la zone de référence ;

- la délégation a souligné la pertinence du seuil d'application des exonérations fiscales et sociales aux seules entreprises de moins de 50 salariés ;

- les représentants de la mairie ont indiqué qu'il existe un service économique à la mairie de Fort-de-France, spécialisé dans la ZFU, qui peut informer les chefs d'entreprises ;

- ils ont rappelé qu'en partenariat avec la sécurité sociale, la mairie a organisé des réunions d'information sur les exonérations de charges sociales et les services sociaux et que deux réunions annuelles sont organisées dans la ZFU avec les universités, pour permettre une meilleure adéquation des formations universitaires aux attentes des entreprises.

IV. Déjeuner au Collège Jacqueline Julius, à Godissard.

La délégation a été accueillie par le principal du collège Jacqueline Julius à Godissard.

Participaient à ce déjeuner, outre le principal et les professeurs :

MM. Philippe Edmond Mariette et Yves André Joseph, conseillers généraux, M. René Acheen, directeur de Cabinet de Mme le Recteur, M. Jean-François Lafontaine, chargé de mission pour la politique de la ville - rectorat, M. Pascal Laconte, directeur adjoint de la DDJS, Mme Montout, présidente de l'association l'AMASES (association martiniquaise d'aides et de soutien aux enfants scolarisés) - Quartier Baie des Tourelles - Cité Archipel - Commune de Fort-de-France, représentant du SGAR, M. Philippe Damie, directeur de la santé et du développement social, Mme Joëlle Ravaud, service de presse de la préfecture.

V. Visite du Centre d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) de l'association départementale de santé mentale (ADSM)

En présence de M. Alfred Donat, président, de Mme Annick Marous, directrice, et de M. Pierre Suedile, conseiller général.

Créée en 1957, l'ADSM est une association d'utilité publique conventionnée par l'Etat, qui contribue au développement des actions en faveur de la santé mentale. Elle participe à la lutte contre la toxicomanie en prenant en charge les publics en grande détresse dans le département. Elle agit en collaboration avec les services publics et les autres associations intervenant dans ce domaine.

L'ADSM est composée de trois structures :

- l'Unité d'écoute pour jeunes en détresse et leurs familles (UEJD), qui a une triple mission de soin, de prévention et d'insertion, qu'elle assume grâce à plusieurs dispositifs (centre spécialisé de soins aux toxicomanes (CSST), antenne de prévention des récidives, permanences médico-sociale itinérante, appui social individualisé (ASI), Permanence d'Accueil et d'Écoute Jeunes (PAEJ), opérations « ville, vie, vacances », consultations familiales, services de prévention urbaine et scolaire...) ;

- le Centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), « lieu d'accueil et de cheminement vers l'autonomie sociale et économique » , qui reçoit vingt résidents (onze personnes en hébergement collectif et neuf personnes en logement individuel) et leur offre un suivi médico-psychologique et un accompagnement vers l'insertion professionnelle ;

- la Plate-forme d'aide à la remobilisation et à l'insertion (PARI), qui propose aux publics de l'UEJD et du CHRS un programme d'insertion progressif dans la vie active. Ce programme se compose d'activités de socialisation, de redynamisation, de réentraînement au travail, de chantiers d'insertion en collaboration avec des entreprises d'insertion.

Le public accueilli se compose essentiellement de jeunes toxicomanes, de SDF, de bénéficiaires de minima sociaux, de sortants de prison, de parents de toxicomanes, de personnes en rupture familiale ou cumulant les difficultés économiques et sociales.

L'équipe du centre, d'une vingtaine de personnes, est constituée d'intervenants compétents et spécialisés - médecins psychiatres, psychologues, assistants, animateurs ou travailleurs sociaux, moniteurs ou éducateurs qualifiés - qui bénéficient en moyenne de dix à vingt ans d'expérience dans le domaine de l'accompagnement social. Les administrateurs de l'association sont bénévoles, les autres intervenants sont professionnels.

Les moyens financiers, stables grâce à la signature d'une convention d'objectifs pluriannuelle , permettent d'avoir une visibilité d'action. Le CHRS et le CSST, étant agréés, leur budget est assuré et ils bénéficient ainsi d'une relative sécurité financière. En revanche, la poursuite des actions de la plateforme (PARI) et du centre d'action dans la vie active (CAVA) n'est pas garantie, car elle dépend pour moitié de l'intervention du fonds social européen (FSE). De plus, il n'est pas toujours possible de répondre rapidement aux attentes nouvelles de la population et à l'identification de nouveaux besoins, les marges de manoeuvre budgétaires des communes et du département étant restreintes. Pour cette raison, la directrice de l'ADSM, Mme Annick Marous a regretté que le conseil général soit réticent pour financer les dépenses de fonctionnement. M. Pierre Suedile , conseiller général, a confirmé que le conseil général donnait la priorité aux actions menées et contrôlait leur efficacité d'année en année. Mme Annick Marous a objecté que les actions nécessitent des moyens pérennisés, afin d'avoir une vision prospective, ce que ne permettent pas les contrats d'objectifs, souvent conclus à moyen ou court terme.

Mme Marous , directrice de l'ADSM, a également déploré le manque de coordination des acteurs en matière d'action sociale, souhaitant que le conseil général soit chef de file pour faciliter l'articulation des interventions des associations, des acteurs économiques et des collectivités territoriales concernées. Elle a toutefois indiqué que plusieurs associations en charge de la lutte contre l'addiction se sont fédérées depuis cinq ans en réseau, afin d'améliorer la cohérence des actions menées à plus long terme. M. Pierre Suedile , conseiller général, a souhaité une harmonisation des actions dans le domaine de la prévention grâce à la création d'une fédération des associations, afin que la diversité et la créativité des structures ne soient pas contreproductives. Il a en outre indiqué qu'une ligne budgétaire importante était sanctuarisée dans le budget du conseil général.

Mme Marous a par ailleurs regretté que les projets ponctuels ne suscitent pas l'intérêt des élus, alors que la lutte contre la toxicomanie nécessite des actions adaptées au cas par cas.

Elle a enfin indiqué que l'association développait des actions de prévention dans les collèges et les lycées, vingt-quatre établissements ayant déjà répondu favorablement à cette proposition.

VI. Entretien au conseil régional avec Mme Danielle Deau-Suriam, conseillère régionale, présidente de la commission Aménagement du territoire, environnement et recherche

En l'absence du Président, M. Alfred Marie-Jeanne, la délégation a été reçue par Mme Danielle Deau-Suriam (Convergence martiniquaise, Union de la gauche) .

Celle-ci a d'abord souligné le caractère par nature « mélangé » de la population martiniquaise, qui ne saurait être classée selon des catégories ethniques.

Répondant à une remarque du président, M. Alex Türk concernant les populations originaires d'Haïti ou de Sainte-Lucie, elle a rappelé que le statut ultramarin de la Martinique apportait à ses habitants infiniment plus d'aisance qu'aux populations des îles voisines de la Caraïbe et que les Martiniquais n'avaient pas le sentiment d'être envahis, les Haïtiens en particulier étant employés dans la culture de la canne à sucre et de la banane. Il reste que l'immigration contribue au développement du trafic des drogues et de la toxicomanie.

En dépit de l'augmentation du chômage, elle a estimé que la situation sociale restait calme en raison d'une solidarité qui subsiste encore et du sens de la « débrouille » des habitants. Elle a cependant indiqué que les maires se trouvaient dépourvus pour reprendre en main les jeunes qui « dérapent », et que de nombreuses familles étaient contraintes de partir en métropole.

Alors que le vagabondage était inconnu il y a dix ans, du fait de l'existence d'une solidarité familiale, les rues des villes sont aujourd'hui envahies dès la tombée de la nuit par de nombreux « errants », cette situation s'expliquant par le développement de la société de consommation, l'évolution du mode de vie, le développement du « chacun pour soi » du fait des difficultés rencontrées par les familles, qui se traduisent par une moindre solidarité.

Elle a souligné l'extrême gravité du phénomène de la toxicomanie, qui se traduit notamment par des violences exercées par les jeunes, y compris sur leurs propres parents, et par le fait que certaines familles tendent aujourd'hui à rejeter cette jeunesse.

Répondant à une question du président, M. Alex Türk sur le rôle de la région, notamment pour remédier à l'inadaptation de la formation des jeunes , Mme Deau-Suriam a indiqué que celle-ci apportait une aide financière aux familles, via un fonds de solidarité et qu'une commission présidée par le Président du Conseil régional leur attribuait une aide ponctuelle, après examen de leur situation. La région consacre environ la moitié de ses crédits aux formations, mais il est difficile de les adapter pour mieux intégrer les jeunes au monde du travail.

Évoquant le secteur des énergies renouvelables , dont le développement permettrait de réduire les importations de pétrole, elle a noté la création de filières de formation spécifiques en ce domaine, en lycée professionnel et dans une exploitation agricole, alors que la formation professionnelle privilégie encore les métiers du bâtiment. Des projets sont en cours dans le nord de l'île en matière de géothermie, afin d'utiliser l'énergie solaire, ce qui nécessite la mise en place de filières de formation pour les techniciens du froid, afin de répondre aux besoins de climatisation encore non satisfaits dans les maisons individuelles et les écoles. Elle a indiqué que l'Union européenne et l'Ademe apportaient une aide à ces projets.

Répondant à une question de M. Thierry Repentin sur le rôle de la région dans la politique de la ville , elle a précisé que le Conseil régional était associé aux projets dans le cadre d'une convention passée avec l'agglomération et avait mis en place un dispositif régional d'aide aux communes, qui prévoit l'utilisation des crédits accordés aux communes de Fort de France, du Lamentin et de Schoelcher.

Samedi 10 juin 2006

La délégation s'est d'abord rendue sur le marché de Fort-de-France, avec M. Johnny Hajjar, conseiller général.

I. Accueil par M. Pierre Samot (DVG), maire de la commune du Lamentin et visite de terrain (Quartier Four à Chaux - Bas Mission) - Rencontre avec une association d'insertion et de formation aux métiers traditionnels

La délégation s'est ensuite rendue à la mairie moderne et imposante du Lamentin où elle a été accueillie par le maire, M. Pierre Samot . Située au centre d'un ensemble d'habitats délabrés, la mairie a fait l'objet d'une rénovation récente achevée en 1997.

Le maire a indiqué que la commune du Lamentin, d'une superficie de 6.245 hectares, était divisée en soixante quartiers et comptait aujourd'hui 40.000 habitants, contre 26.000 en 1989. Cette explosion démographique a posé des problèmes de logement importants, d'autant que nombre de quartiers proches du centre-ville sont insalubres et extrêmement dégradés. Ils sont en effet situés pour la plupart à proximité de la Maugrone en zone inondable. Les violences sont fréquentes et font de certains quartiers des zones de non-droit, où il est difficile de pénétrer. La délégation a visité le quartier de Bas-Mission en le traversant rapidement en voiture.

Elle s'est ensuite rendue dans le quartier neuf de Four-à-Chaux, éloigné du centre-ville, qui a été construit au début des années 90 dans la banlieue rurale du Lamentin pour répondre à la demande de logements locatifs très sociaux. Elle a rencontré une association d'insertion et de formation aux métiers traditionnels. Une équipe d'une dizaine de jeunes non qualifiés et anciens délinquants ou toxicomanes participent en effet à la reconstruction d'un lieu de vie et à l'aménagement et l'entretien des espaces verts du quartier, dans le cadre de la mission locale .

Ils ont témoigné de leur satisfaction à acquérir une qualification, qui leur redonne confiance en l'avenir, et de leur fierté à contribuer de façon positive à l'amélioration du cadre de vie des habitants du quartier. Ils ont dit vouloir servir d'exemples, tels des « grands frères » pour les plus jeunes en situation d'échec ou de « décrochage scolaire » .

II. Visite du commissariat du Lamentin

Le commissaire en charge de la sécurité a exposé les enjeux de la prévention et de la sécurité sur la commune du Lamentin. Il s'est félicité d'une amélioration des statistiques de la délinquance dans la zone du commissariat, grâce à une augmentation significative du nombre d'agents (quarante personnes supplémentaires) dans la perspective de l'implantation d'un deuxième commissariat pour couvrir le secteur nord-ouest de la ville, dans lequel ont lieu de nombreux faits de délinquance (souvent le fait de jeunes mineurs), faute de présence policière .

Les problèmes de sécurité routière ont été évoqués, ceux-ci étant à l'origine de nombreux accidents causant des décès ou des blessures graves, du fait d'excès de vitesse ou du non respect du Code de la route. Les contrôles d'identité ont été renforcés grâce à l'aide de la commune de Fort-de-France et de la police des douanes.

Le contrat local de sécurité a permis d'améliorer la coordination entre la gendarmerie, la police municipale et la police nationale , avec la constitution de patrouilles communes pour certaines opérations. Le commissaire a fait observer que la situation de la ville du Lamentin était particulière, en ce sens que les quartiers sensibles ne sont pas séparés du centre-ville par une voie de contournement. Ainsi, les populations résidant dans ces quartiers ne se sentent ni reléguées ni exclues.

Par ailleurs, la rencontre avec les agents du commissariat a mis en évidence un problème de communication entre les citoyens , qui débouchent de plus en plus fréquemment sur des conflits, que ce soit au sein de familles, dans les relations de voisinage ou dans les établissements scolaires. Ce constat nécessite, au-delà de la répression policière, un travail en profondeur de médiation intrafamiliale , de dialogue au sein des collèges et des lycées et de proximité et d'écoute dans les quartiers. Ce rôle a été assigné à l'équipe d' agents de médiation , composée de dix jeunes issus des quartiers, que la délégation a rencontrés. Ils sont chargés d'actions de prévention en coordination avec l'éducation nationale et le conseil municipal, prioritairement au niveau des établissements scolaires en détectant le « climat d'insécurité » qui peut régner aux abords des collèges et des lycées ou dans les quartiers d'habitat social.

Bénéficiaires d'une formation aux métiers de médiation sociale d'une durée de six à vingt-quatre mois, les agents de médiation sont recrutés en partenariat par les bailleurs sociaux et la commune. Ils sont souvent titulaires d'un diplôme en psychologie ou en médiation sociale et ont choisi ce métier par vocation, soit dans le cadre d'une réorientation à la suite d'une perte d'emploi, soit dans le cadre d'une première expérience professionnelle.

Ils sont organisés en trois équipes de secteurs et peuvent mener des actions dissuasives contre les actes illicites et le trafic de stupéfiants, grâce à l'instauration d'un dialogue permanent avec les jeunes en difficulté. Ils sont également chargés d' orienter les élèves en situation d'échec scolaire vers les centres d'insertion, et de détecter les problèmes d'origine familiale le cas échéant. Ils essayent autant que possible de prévenir les conflits et les violences entre jeunes grâce à leur bonne connaissance des phénomènes de bandes et de regroupements nocturnes.

En réponse à une interrogation du président Türk , sur la méfiance que peuvent susciter les relations qu'entretiennent les agents de médiation avec les forces de police, ils ont dit ressentir une réelle proximité et une volonté forte d'aider les jeunes en difficultés, ce qui leur permet de bénéficier de leur confiance et de leurs confidences, car leur rôle n'est pas de sanctionner, mais d'accompagner les jeunes et d'éviter qu'ils ne sombrent dans la délinquance.

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