II - L'ASSIETTE DES COTISATIONS

La Cour a procédé à une analyse détaillée de l'évolution de l'assiette des cotisations des exploitants agricoles. Depuis la loi de janvier 1990, celle-ci est constituée par les revenus professionnels des agriculteurs et non plus par les revenus cadastraux.

Les bases taxables subissent l'impact de la diminution du nombre d'exploitations agricoles : entre 2001 et 2005, elle a été de 9,1 %. Toutefois, du fait de la reprise des terres laissées par les départs, la baisse de l'assiette brute a été seulement de 5,6 %. Selon les prévisions de la CCMSA, la tendance à la baisse de l'assiette brute des exploitants agricoles devrait se poursuivre dans les années à venir, avec une baisse de 2,8 % en 2006, 3,6 % en 2007 et 3,4 % en 2008. Sur la même période, les cotisations émises ont cependant augmenté en valeur nominale (+ 1,4 %) du fait des assiettes minimales qui limitent l'effet de la décroissance de la base. En termes réels, les cotisations émises ont cependant reculé sur la période de 6,4%.

L'assiette sociale étant désormais assise sur le revenu professionnel déclaré, les comparaisons et croisements avec l'assiette fiscale devraient être facilités, notamment à des fins de contrôle de la réalité de l'assiette sociale déclarée. La Cour a constaté que dans les faits le dispositif permettant aux caisses de MSA de demander des informations à l'administration fiscale est peu utilisé, voire méconnu. La suppression en 2001 de l'obligation de joindre l'avis d'imposition fiscal à la déclaration annuelle de ressources, qui pouvait constituer une alternative, n'en est que plus regrettable.

Le ministère de l'agriculture et de la pêche et la CCMSA ont rappelé dans leur réponse que les caisses de MSA peuvent obtenir communication des informations nécessaires à la détermination de l'assiette et du montant des cotisations et contributions ainsi qu'à leur recouvrement et que les agents des administrations fiscales signalent aux services régionaux du ministère de l'agriculture les faits susceptibles de constituer des infractions au régime agricole. Toutefois, si les caisses ont connaissance de cette procédure elles n'ont pas l'obligation de l'utiliser. La situation serait différente si l'administration fiscale était légalement tenue de transmettre les faits dont elle a connaissance directement aux caisses de MSA.

Cependant, le fait que ces deux assiettes ne coïncident pas rend malaisée la comparaison des déclarations fiscales de revenu avec les déclarations sociales de revenu. En effet, les déductions et abattements au titre de l'impôt sur le revenu ne sont pas tous pris en compte dans l'assiette sociale et inversement. Or, depuis une dizaine d'années, les dispositifs spécifiques de minoration des assiettes fiscales et sociales se sont multipliés dans le secteur agricole. Un inventaire non exhaustif auquel a procédé la Cour illustre le phénomène de mitage de l'assiette sociale.

1. Mesures ayant pour effet de réduire l'assiette sociale

Certaines déductions sont communes aux assiettes fiscale et sociale, d'autres sont propres à la seule assiette sociale

a) Déductions communes aux deux assiettes

Une déduction au titre des bénéfices réinvestis (déduction pour investissement -DPI) a été instituée en 1986 pour les assiettes fiscales et sociales afin de favoriser l'investissement dans le secteur agricole (article 72 D du CGI). En vingt ans, ce dispositif a connu une forte montée en puissance, en passant de 10% du bénéfice avec une déduction maximale de 3050 euros (20 000 francs) à 40% du bénéfice avec une déduction maximale de 21 200 euros (loi de finances pour 2004 du 30 décembre 2003). La direction de la législation fiscale (DLF) a évalué les dépenses fiscales au titre de l'agriculture dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2007 : 50 000 agriculteurs bénéficieraient de ce dispositif, pour une dépense fiscale de 135 millions d'euros en 2004 et de 150 millions en 2005 et 2006.

Une déduction pour aléas a également été créée par la loi de finances pour 2002 pour les assiettes fiscale (au titre du bénéfice agricole) et sociale, afin de permettre aux chefs d'exploitation de déduire les frais d'assurance acquittés pour couvrir les dommages aux cultures ou la mortalité du bétail. Les modalités de calcul de cette déduction sont identiques à la DPI. Cependant, son impact est pour l'heure jugé marginal, la DLF évaluant à 200 le nombre d'agriculteurs en bénéficiant.

Les aides communautaires compensatoires au revenu versées dans le cadre de la politique agricole commune sont prises en compte dans le bénéfice réel agricole imposable et dans l'assiette sociale. L'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), dont le but est de compenser les coûts supplémentaires de production engendrés par les handicaps naturels permanents subis par les exploitations des zones défavorisées, est prise en compte dans le calcul du bénéfice imposable pour les agriculteurs imposés au réel. En contrepartie, les coûts supplémentaires de production sont pris en compte dans les charges d'exploitation.

A l'inverse, pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole soumis au régime forfaitaire d'imposition, l'ICHN n'est pas prise en compte par l'administration fiscale dans le calcul du bénéfice imposable, et n'est pas rajoutée non plus dans l'assiette sociale (les charges liées aux contraintes géographiques particulières ne sont pas prises en considération dans ce cas).

La Cour avait recommandé dans le cadre du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2005 que l'ensemble des primes européennes soit pris en compte dans les revenus des agriculteurs au forfait.

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