3. Le dialogue sur la sécurité extérieure n'a pas donné les résultats espérés

Le renforcement de la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité entre l'Union européenne et la Russie figure au rang des priorités des deux partenaires.

Même si la Russie a perdu sa qualité de « super grande puissance » avec la disparition de l'URSS, elle reste un acteur de premier plan sur la scène internationale. Sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies lui permet de traiter tous les grands dossiers de politique internationale.

C'est le cas par exemple pour le conflit israélo-palestinien, dans lequel elle est impliquée comme membre du « quartet » (5 ( * )) , ou les Balkans occidentaux, puisqu'elle est membre du « groupe de contact » (6 ( * )) , mais également pour un grand nombre de dossiers dans lesquels sa diplomatie est engagée, comme par exemple sur le dossier du Kosovo ou du nucléaire iranien. Enfin, la Russie continue d'exercer une forte influence sur les pays du voisinage commun.

La stratégie commune de l'Union européenne à l'égard de la Russie de 1999 avait notamment pour objectif de « renforcer la stabilité et la sécurité en Europe et dans le monde » . Elle prévoyait, en particulier, de renforcer le dialogue politique, de donner sa place à la Russie dans l'architecture européenne de sécurité et de pratiquer une « diplomatie préventive » afin, d'une part, d'encourager la maîtrise des armements et le désarmement et, d'autre part, d'intensifier la coopération entre l'Union européenne et la Russie en vue de contribuer à la prévention des conflits, à la gestion des crises et au règlement des conflits.

Ces objectifs ont été repris par la « feuille de route » relative à l'espace de sécurité extérieure qui retient cinq domaines prioritaires :

- le renforcement du dialogue et de la coopération sur les questions internationales ;

- la lutte contre le terrorisme ;

- la non prolifération des armes de destruction massive ;

- la gestion des crises ;

- la protection civile.

La Russie a obtenu, depuis 2002, un statut privilégié au sein des structures de sécurité de l'Union européenne . La Russie est le seul pays non membre de l'Union européenne à avoir des consultations régulières avec le Comité politique et de sécurité (COPS). De plus, un officier de liaison russe est détaché auprès de l'État-major militaire de l'Union européenne (EMUE).

En juin 2002, le Conseil européen de Séville a arrêté les modalités concernant la participation éventuelle de la Russie aux opérations de gestion des crises de l'Union européenne. Dans ce cadre, la Russie a participé à une mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, qui s'est déroulée de janvier 2003 au printemps 2006.

Les progrès limités de la coopération entre l'Union européenne et la Russie en matière de gestion des crises s'expliquent cependant par une divergence de vue fondamentale entre les deux partenaires . La Russie souhaite, en effet, être associée à la prise de décision en matière de gestion des crises, mais cette revendication se heurte au refus de l'Union européenne de voir remettre en cause le principe de son autonomie de décision.

Comme l'ont expliqué les responsables russes, notamment Vladimir Pozdniakov, Directeur du bureau de la sécurité internationale du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, les modalités de participation de la Russie aux opérations de l'Union européenne suscitent une insatisfaction à Moscou, car la Russie est confinée dans un rôle de simple exécutant, sans avoir la possibilité d'être associée à la prise de décision.

Le Conseil OTAN-Russie, créé en mai 2002, est à cet égard cité comme modèle pour un renforcement des relations entre l'Union européenne et la Russie en matière de sécurité extérieure.

Les relations entre la Russie et l'OTAN

Les relations entre l'OTAN et la Russie ont été formalisées dans un Acte fondateur OTAN-Russie de 1997 (concomitant au premier élargissement de l'OTAN). Elles ont franchi une nouvelle étape avec la création, en mai 2002, du Conseil OTAN-Russie, au sein duquel la Russie siège sur un pied d'égalité avec chacun des 27 pays de l'Alliance. Le Conseil OTAN-Russie avait été créé pour accompagner le deuxième élargissement de l'OTAN et restaurer la confiance après la crise du Kosovo de 1999 qui avait conduit à la rupture des relations entre la Russie et l'OTAN.

Cette enceinte permet de conduire un dialogue politique sur les principaux dossiers de sécurité, mais aussi d'aborder sous un angle concret les préoccupations russes. Dans le cadre du Conseil OTAN-Russie, des réunions régulières sont prévues au niveau des ministres, des représentants permanents ou des experts. Depuis 2002, une dizaine de groupes de travail ont été créés. Les principaux thèmes de discussion portent sur la lutte contre le terrorisme, la prolifération ou encore la mise en place d'éventuelles opérations conjointes de maintien de la paix.

En dépit de l'existence de ces nombreux groupes de travail, le bilan des coopérations concrètes en matière militaire est assez faible : la Russie a participé avec un seul bâtiment à l'opération navale de l'OTAN en Méditerranée « Active endeavour » en 2006 destinée à surveiller le trafic maritime dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Les coopérations concrètes en matière d'armement n'en sont qu'à une phase d'étude.

Les relations entre la Russie et l'OTAN traversent actuellement une phase de tensions liées à plusieurs sujets : le projet de bouclier anti-missiles américain, l'élargissement éventuel de l'OTAN à la Géorgie et à l'Ukraine, l'implantation de bases de l'OTAN en Roumanie et en Bulgarie et la transformation du rôle de cette organisation.

L'Union européenne a fondé beaucoup d'espoirs sur le dialogue de sécurité pour la résolution des « conflits gelés » où la Russie est fortement impliquée.

Toutefois, ces espoirs ont été jusqu'à présent largement déçus, la Russie n'acceptant pas une intervention de l'Union européenne dans ce qu'elle considère comme son « pré carré ».


Les « conflits gelés »

Cette expression renvoie aux conflits séparatistes apparus lors de l'effondrement de l'URSS dans les régions de Transnistrie en Moldavie et du Caucase du Sud. Bien que des « cessez-le-feu » soient intervenus, ces régions demeurent une source d'instabilité et de tensions.

La Transnistrie

En 1992, la région orientale de Moldavie, la Transnistrie, surtout peuplée de Russes et d'Ukrainiens, a voulu faire sécession du nouvel État moldave, majoritairement peuplé d'une population roumanophone. Des affrontements armés ont opposé les troupes moldaves aux forces locales. Un cessez-le-feu est intervenu entre les deux camps, et la Russie a déployé une force d'interposition qui est toujours présente sur place.

Lors d'un référendum d'autodétermination, organisé en septembre 2006, 97 % des habitants se sont prononcés en faveur de l'indépendance et d'une association avec la Russie. La République autoproclamée de Transnistrie n'est pas reconnue par la communauté internationale. Des négociations dans le format 5 + 2 (Moldavie, Transnistrie, Russie, Ukraine, OSCE, plus l'Union européenne et les États-Unis depuis leur admission comme observateurs en mai 2005) n'ont pas permis d'arriver à ce jour à un accord sur le statut de cette province.

Le Nagorny Karabakh

À la fin des années 1980, des conflits ont éclaté entre Arméniens et Azéris, en particulier dans la région du Nagorny Karabakh, une région rattachée à l'Azerbaïdjan, mais majoritairement peuplée d'arméniens. Après de violents combats, un cessez-le-feu est intervenu en 1994 établissant de facto le contrôle des Arméniens sur la région du Nagorny Karabakh qui a proclamé son indépendance. Le « groupe de Minsk » de l'OSCE, composé notamment de la Russie, des États-Unis et de la France, a présenté en juin 2006 un plan en huit points qui jusqu'à présent n'a pas permis de trouver un accord entre les deux parties.

L'Abkhazie

Lors de l'effondrement de l'URSS, l'Abkhazie, une région frontalière de la Russie a fait sécession de la Géorgie. Le gouvernement géorgien a envoyé des troupes mais, après de violents combats, celles-ci furent défaites par les forces abkhazes, soutenues par des unités russes. Un cessez-le-feu est intervenu en 1994 prévoyant le déploiement d'une force de maintien de la paix de la CEI composée de militaires russes.

L'Ossétie du Sud

À la différence de sa voisine l'Ossétie du Nord qui fait partie intégrante de la Fédération de Russie, l'Ossétie du Sud faisait partie de la République de Géorgie dans le cadre de l'Union soviétique.

Lors de la disparition de l'URSS, l'Ossétie du Sud a demandé son rattachement à la Fédération de Russie. Après de violents affrontements armés, une médiation de la Russie est parvenue à imposer un cessez-le-feu avec une force de maintien de paix composée notamment de militaires russes. Toutefois, des affrontements continuent d'intervenir entre forces russes, ossètes et policiers géorgiens.

L'implication de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans ce domaine est d'ailleurs fortement contestée par la Russie.

La Russie et l'OSCE

Alors que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe trouve son origine dans une initiative de l'URSS, cette organisation fait l'objet depuis quelques années de fortes critiques de la part de la Russie qui conteste son orientation actuelle, trop axée selon elle sur la question de la démocratie et des droits de l'homme ainsi que le traitement des conflits régionaux sur le territoire de l'ex-URSS, au détriment des questions sécuritaires, économiques et sociales. Dans son discours prononcé à Munich, le 10 février 2007, le Président Vladimir Poutine a qualifié l'OSCE de « vulgaire instrument visant à promouvoir les intérêts d'un groupe de pays » .

L'attitude de la Russie a ainsi provoqué l'échec des dernières réunions interministérielles, notamment sur la réforme institutionnelle et le financement de l'organisation, ainsi que sur le calendrier de retrait des troupes russes de Moldavie et de Géorgie.

* (5) Le quartet pour le Proche-Orient réunit l'ONU, l'Union européenne, la Russie et les États-Unis.

* (6) Le groupe de contact pour les Balkans, créé en 1993, est composé de quatre pays membres de l'Union (l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l'Italie), des États-Unis et de la Russie.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page